Act. Méd. Int. - Métabolismes - Hormones - Nutrition, Volume IV, n°4, août 2000
lium est intact, la noradrénaline induit une
contraction, tandis que l’adjonction d’acé-
tylcholine induit une relaxation des cellules
musculaires lisses vasculaires. En
revanche, après destruction sélective de
l’endothélium, la noradrénaline exerce de
façon identique son effet constricteur tan-
dis que l’acétylcholine n’induit plus de
relaxation, mais au contraire un surcroît de
vasoconstriction (du fait de la présence de
récepteurs muscariniques sur les cellules
musculaires lisses). Cette expérience
démontre le rôle clé de l’endothélium dans
la vasomotricité du fait de la génération de
monoxyde d’azote (NO) ; R. Furchgott a
reçu le prix Nobel pour cette découverte il
y a deux ans. Il est maintenant largement
accepté que la génération de NO contribue
au rôle protecteur de l’endothélium, étant
donné que ce messager radicalaire inhibe
l’agrégation plaquettaire et relaxe les cel-
lules musculaires lisses sous-jacentes (7).
À la fin des années 1980, Gisclard et al. ont
démontré que l’estradiol induit la potentia-
lisation du NO d’origine endothéliale dans
l’artère fémorale de lapin (8). Nous avons
observé un effet similaire de l’endothélium
au niveau de l’aorte du rat.
Quel est le mécanisme de cette relaxation
accrue ?
Il y a quelques années, nous avons exploré
ces mécanismes dans des cellules endothé-
liales en culture. De façon surprenante, nous
avons trouvé que la production totale de NO
n’était pas augmentée en réponse à l’estra-
diol (9). En revanche, la demi-vie de NO
était augmentée après traitement au long
cours par un estrogène, des cellules endothé-
liales. Nous avons montré que cette augmen-
tation de la biodisponibilité du NO est due à
une diminution de la production endothélia-
le d’anion superoxyde, étant donné que cette
espèce radicalaire de l’oxygène est le princi-
pal inactivateur de NO. Ainsi, l’estradiol
induit, à travers l’activation d’un récepteur
des estrogènes, une baisse de la production
d’anion superoxyde et diminue la dégrada-
tion de NO (9). Ainsi, les effets bénéfiques
du NO (vasodilatation et inhibition de l’agré-
gation plaquettaire) sont potentialisés sous
l’effet des estrogènes.
L’importance de l’intégrité de l’endothé-
lium a été initialement démontrée par le
fait que, chez des animaux hypercholesté-
rolémiques, un traumatisme intimal (à l’ai-
de d’un ballonnet endovasculaire) pro-
voque une accélération des lésions d’athé-
rosclérose. Bien que des études ultérieures
aient démontré la présence de l’endothé-
lium au niveau des lésions d’athéroscléro-
se, il est probable que les contraintes méca-
niques (flux sanguin turbulent) et/ou
immuno-inflammatoires contribuent aux
altérations morphologiques et fonction-
nelles de l’endothélium ainsi qu’à sa sénes-
cence (5). La longueur des télomères est
d’ailleurs diminuée au niveau des cellules
de l’arbre artériel, sujettes à ces stress
hémodynamiques et à l’athérosclérose,
démontrant un turn-over accéléré des cel-
lules au niveau de ces sites (10). Une dimi-
nution des contraintes de cisaillement qui,
par certains aspects, mime le flux sanguin
turbulent, favorise d’ailleurs l’apoptose
(mort cellulaire programmée) des cellules
endothéliales en culture (11, 12). En répon-
se au facteur de nécrose tumorale (TNF),
une cytokine relarguée par les macro-
phages, les cellules endothéliales tombent
aussi en apoptose. Cet effet peut être par-
tiellement prévenu par l’estradiol.
En outre, l’estradiol accélère la régénéra-
tion endothéliale après une agression. Nous
avons récemment développé un nouveau
modèle d’agression de la carotide chez la
souris, permettant de détruire l’endothé-
lium et d’étudier ensuite précisément la
vitesse de réendothélialisation. Ce modèle
nous a permis de montrer que l’estradiol
accélère la réendothélialisation chez la sou-
ris, et que le récepteur des estrogènes alpha
(et non bêta) était responsable de cet effet
vasculoprotecteur (13).
Ces observations suggèrent que la capacité
de l’endothélium à maintenir une mono-
couche cellulaire fonctionnelle pourrait
avoir une importance cruciale dans la pré-
vention de l’athérosclérose et de ses com-
plications. Au niveau de l’endothélium,
l’estradiol favorise plusieurs effets béné-
fiques qui, probablement, contribuent à pro-
téger la paroi artérielle. Cependant, ces
études concernent seulement l’endothélium
et, pour explorer l’effet athéroprotecteur de
l’estradiol, des modèles intégrés sont néces-
saires (cf. infra). Finalement, une dysfonc-
tion endothéliale (anomalie de la vasodila-
tation endothélium-dépendante) survient
dans les artères athéromateuses et favorise
probablement la survenue d’accidents car-
diovasculaires. Les estrogènes préviennent
et peuvent même enrayer cette dysfonction
endothéliale. Enfin, dans un modèle de
singe rendu hypercholestérolémique, l’effet
bénéfique des estrogènes n’est pas altéré
par la coadministration de progestérone
naturelle, mais est aboli par la coadminis-
tration de médroxyprogestérone (14),pro-
gestatif utilisé dans l’étude HERS. Cette
étude démontre clairement que le choix du
progestatif éventuellement associé au traite-
ment estrogénique n’est pas anodin.
Effet des estrogènes
sur l’athérosclérose
Les chercheurs ont longtemps modélisé
l’athérosclérose en soumettant des singes,
des cochons ou des lapins à un régime
hyperlipidique. Les estrogènes préviennent
le développement du dépôt lipidique arté-
riel dans tous les modèles animaux étudiés
à ce jour. Cependant, ces espèces animales
ne permettent pas d’étudier les mécanismes
moléculaires responsables de cet effet athé-
roprotecteur. Récemment, des souris trans-
géniques chez lesquelles un gène particu-
lier a été invalidé ont été développées. Ces
souris représentent de nouveaux modèles
animaux permettant d’évaluer le rôle de
l’expression de différents gènes en physio-
logie et dans différents processus physio-
pathologiques (15). Ils donnent l’occasion
unique d’explorer in vivo, et à l’échelle
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Mise au point