ÉDITORIAL
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La Lettre du Sénologue - n° 8 - mai 2000
l faut s’y faire. Le 17 ß estradiol (E2) biodisponible dif-
fuse librement dans la cellule cible, et ses effets biolo-
giques résultent d’une liaison directe de haute affinité aux
récepteurs estrogéniques et d’une régulation de l’expression du
gène. L’estrogène (E) est un puissant mitogène, inducteur à la
fois du cycle cellulaire (prolifération) et de la synthèse de fac-
teurs de croissance.
En postménopause, du fait du pic maximal d’incidence du can-
cer du sein (200 à 300 nouveaux cancers pour 100 000 femmes
et par an), on aurait pu s’attendre à ce que la part estrogénique
de THS (E seul) soit responsable d’une nette augmentation
d’incidence (surrisque induit). Or, il n’en est rien. Il faut
attendre au moins dix à quinze ans d’utilisation pour mesurer,
aux doses habituelles, l’effet carcinogène des estrogènes.
L’augmentation du risque de cancers liés aux estrogènes est
très modeste, de 5 % (1) ou 6 % (RR = 1,06) par tranche de
cinq années d’utilisation (2). Ce surrisque est à peine supérieur
à celui d’une ménopause tardive.
L’adjonction de progestatifs (P) (E + P), qui protègent l’endo-
mètre, devait en toute logique jouer pleinement son rôle de
protection de la glande mammaire (inhibiteur de la proliféra-
tion). Or, il n’en est rien. P n’est pas protecteur. Il semble, au
contraire, que certains progestatifs (dérivés norstéroïdes,
androgéniques) aggravent l’incidence du cancer (24 % par
tranche de cinq années d’utilisation) et que certains schémas
de prescription combinés-continus soient plus néfastes que les
discontinus. Ainsi, pour mémoire, l’effet de P exogène sur
l’épithélium mammaire est le suivant :
– physiologiquement, la prolifération de l’épithélium mam-
maire est maximale au milieu de la phase lutéale du cycle sous
l’influence des hormones conjointes du corps jaune ;
– les progestatifs androgéniques agissent comme les andro-
gènes. Les précurseurs androgéniques, dérivés 4 et 5,
considérés comme biologiquement inactifs, ou la puissante tes-
tostérone stimulent en effet la prolifération épithéliale mam-
maire selon différents mécanismes (aromatisation, action sur
RE αou action directe sur les gènes) ;
– l’apoptose paraît être contrôlée par l’arrêt de P. Les schémas
discontinus respectent l’apoptose. Les schémas combinés-
continus augmenteraient les risques. Cependant, les doses plus
élevées de P des schémas discontinus pourraient jouer en leur
défaveur.
Une certaine cohérence apparaît aussi avec l’étude des modifi-
cations de la densité mammaire à l’imagerie. Les densités éle-
vées en postménopause constituent un facteur de risque de
cancer. De fait, la densité des cellules épithéliales présentes
dans le tissu mammaire, mesurée avec les marqueurs de la pro-
lifération (PCNA, Ki 67), est significativement plus élevée
avec E + P qu’avec E seul (3). Cela témoigne d’une proliféra-
tion intense (augmentation du tissu fibroglandulaire) beaucoup
plus en rapport avec l’effet biologique des hormones qu’avec
l’effet masque (augmentation du taux de cancers manqués du
fait de difficultés de détection).
L’exposition de la glande mammaire aux niveaux hormonaux
circulants élevés détermine le risque hormonal. Avant la
ménopause, la sécrétion ovarienne d’E2 et de P du cycle élève
les niveaux circulants, dont l’action à distance s’effectue selon
le mécanisme endocrine. Après la ménopause, la principale
source d’estrogènes devient le tissu adipeux. La graisse suc-
cède à l’ovaire en tant que source d’aromatase. À l’effondre-
ment ovarien d’estradiol se substitue une importante produc-
tion sanguine d’estrone (E1) à partir de l’aromatisation
extraglandulaire des précurseurs androgéniques (adipocytes
centraux). La conversion (sulfotransférase) d’E1 et d’E2 en
estrone sulfate (E1s) et estradiol sulfate (E2s) constitue le plus
important pool d’estrogènes circulants inactifs. Cette sulfocon-
jugaison est constamment réversible (sulfatase), et met à tout
moment une quantité importante d’estrogènes à la disposition
de la cellule cible. L’accumulation en excès de graisse centrale
(obésité viscérale) augmente les niveaux hormonaux circu-
lants, facteur de risque endogène.
En réalité, les mécanismes d’intracrinologie prévalent en post-
ménopause : les estrogènes agissent localement dans les cel-
lules mammaires, à l’endroit même de leur synthèse à partir
des précurseurs androgéniques circulants. La diffusion de ces
estrogènes actifs dans la circulation générale est minime. La
cellule mammaire normale (stroma adipocytaire, épithélium)
est en effet capable de synthétiser et de concentrer elle-même
l’estradiol qui agit directement sur ses récepteurs. La cellule
cancéreuse (hormonodépendante) se caractérise par la capacité
d’amplifier ce phénomène. L’intracrinie repose sur l’existence
d’un système enzymatique spécifique à chaque tissu. La cel-
lule mammaire contient trois enzymes (aromatase, sulfatase,
17ß-HSD types 1 et 2) permettant la biosynthèse de l’estradiol
à partir de l’important pool plasmatique d’estrogènes sulfate.
L’estradiol agit directement ou selon les mécanismes auto-
crines et paracrines. Les concentrations locales d’estradiol
dans le tissu mammaire tumoral et cancéreux deviennent ainsi
nettement supérieures à celles du plasma, témoignant des
mécanismes de synthèse et d’accumulation des estrogènes
dans la cellule même.
THS et discours schizophrénique
J.P. Brettes*
* Service de gynécologie et obstétrique, hôpital civil, hôpitaux universitaires
de Strasbourg, 1, place de l’Hôpital, BP 426, 67091 Strasbourg.
I
Si toutes les préparations estrogéniques possèdent un effet hor-
monal identique, la puissance de celui-ci varie selon différents
agents et voies d’administration. L’administration orale
d’estrogènes (conjugués équins, valérate d’E2, E2 micronisé)
après le premier passage hépatique induit un pic d’E2 élevé et
un taux supraphysiologique d’E1, de trois à cinq fois supérieur
à celui d’E2 (rapport E1/E2 à cinq), facilitant la conversion et
le stockage sous forme d’estrone sulfate. Les voies cutanées
rétablissent des concentrations plasmatiques physiologiques
entre E1 et E2, dont le rapport reste proche de 1. La faible
fraction biodisponible d’E2 (3 %) agit directement sur la cel-
lule cible.
Il reste que, par rapport au mécanisme d’intracrinie, une réduc-
tion progressive des doses d’estrogènes doit contrebalancer
l’effet-durée pour ne jamais voir apparaître de signes évidents
d’alarme (intracrinie) à la disposition du clinicien (mastody-
nies, tension mammaire spontanée ou provoquée) ; que le
choix des progestatifs est d’abord d’exclure les 19 norstéroïdes
et l’acétate de médroxyprogestérone (risque intermédiaire), et
de cibler préférentiellement les dérivés prégnanes ou norpré-
gnanes ayant une activité antisulfatasique et facilitant la sulfo-
transférase ; enfin, que les schémas discontinus doivent être
privilégiés.
In medio stat virtus
Toute position extrême concernant le THS est injustifiée. Cer-
tains gynécologues, dénués d’inquiétude ou éloignés de toute
préoccupation anamnestique préchirurgicale, refusent l’évi-
dence biologique et contestent systématiquement le résultat
des études épidémiologiques, même rigoureusement menées.
Quelques oncologues alarmistes attribuent au THS la respon-
sabilité de l’incidence élevée des cancers du sein. Si 5 % des
cancers sont génétiques, 95 % des “cancers sporadiques” sont
en réalité hormonodépendants. L’accumulation centrale de
graisses périménopausique (fréquemment observée dans la
population occidentale) est finalement bien plus dangereuse
(risque endogène élevé) que le THS, qui, prescrit dans ces cas,
n’entraîne pas un surcroît de risque.
La lutte contre le surpoids devrait finalement être au centre de
nos débats. Quoi qu’il en soit, réduire individuellement et pro-
gressivement les doses d’estrogènes et choisir ses progestatifs
et ses voies d’administration restent une réflexion thérapeu-
tique constamment prioritaire.
RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES
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acetate is associated with increased epithelial proliferation in the normal post-
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