La Lettre du Neurologue - n° 6 - vol. II - décembre 1998 285
Les effets indésirables
Le sumatriptan est considéré comme dangereux par de nom-
breux médecins, qui hésitent à l’utiliser, craignant notamment
un risque coronarien. Pourtant, le risque, s’il existe, reste faible
dans les conditions d’utilisation correcte du médicament. Des
milliers de patients ont été étudiés, des millions de crises ont
été traitées dans de nombreux pays où ce médicament est com-
mercialisé. Les très rares complications cardiaques sont dues
au non-respect des contre-indications (antécédents cardiaques,
passé d’hypertension artérielle, sujet de plus de 65 ans, facteurs
de risque vasculaire). Les nouveaux triptans partagent avec le
sumatriptan “l’effet triptan” : sensation de striction dans la
gorge et la poitrine, impression de chaleur et parfois exacerba-
tion momentanée de la céphalée. Ces effets indésirables sont
généralement modérés et moins marqués pour les formes orales
que parentérales. Toutefois, si l’on prévient et rassure les
patients, ces effets s’en trouvent minimisés. Un fait important à
considérer dans les études est la proportion élevée d’effets
indésirables dans le groupe placebo. Fait remarquable, médica-
ment actif et placebo provoquent le même type d’effets indési-
rables ; parfois même, l’intensité en est plus sévère dans le
groupe placebo. Cela peut être dû en partie à la difficulté de
reconnaître les effets propres d’un médicament et ceux de la
crise de migraine. Ainsi, les évènements indésirables fréquem-
ment rapportés sont nausées, sensation vertigineuse, paresthé-
sies, oppression thoracique.
Pour aucun triptan, il n’a été noté de modification significative
de la pression artérielle, de l’ECG, des paramètres hématolo-
giques et biochimiques.
PLACE DES TRIPTANS DANS LA STRATÉGIE
THÉRAPEUTIQUE
La stratégie préconisée se fait étape par étape en commençant
par les antimigraineux non spécifiques (antalgiques et AINS) et
en réservant les antimigraineux “spécifiques” (dérivés de l’ergot
de seigle et triptans) aux formes résistant aux précédents. Deux
situations peuvent alors se présenter : quand la forme orale est
applicable, que choisir entre ergotamine et triptans ? Si la forme
orale est impossible en raison des vomissements, comment
choisir entre les formes parentérales de la DHE et des triptans ?
Lorsque la forme orale est applicable, il est d’usage de com-
mencer par le tartrate d’ergotamine, cela pour des raisons éco-
nomiques. En cas d’échec, il est légitime d’essayer un triptan.
Quel triptan choisir alors ? Il faut tenir compte des éventuels
essais antérieurs du patient. En l’absence de différence nette en
termes de rapport bénéfice/risque des différents triptans, un des
élements du choix pourrait être la prise en compte des médica-
ments prophylactiques (méthysergide, propranolol) et des autres
médicaments associés (antidépresseurs). Le naratriptan apparaît
comme ayant une meilleure tolérance, peut-être un moindre
taux de récurrence, mais au prix d’une efficacité beaucoup plus
lente, sans doute trop lente pour les patients.
Quand les vomissements empêchent la prise orale, on discute
alors la voix nasale ou injectable de DHE, ou encore le suma-
triptan sous-cutané. Le sumatriptan intranasal (10-20 mg) et en
suppositoire (12,5 et 25 mg) a montré son efficacité, mais n’est
pas encore commercialisé.
Comme pour le sumatriptan, l’utilisation des nouveaux triptans
est strictement réservée à la migraine, à l’exclusion des autres
céphalées et en particulier des céphalées de tension. Il faut en
limiter l’usage pour éviter la survenue de céphalées induites par
l’abus médicamenteux. Il faut bien souligner que les triptans
sont réservés au traitement de la céphalée migraineuse et qu’ils
ne doivent pas être pris au moment de l’aura.
CONCLUSION
Le traitement de la crise de migraine se trouve réellement amé-
lioré par l’apport des triptans. Les nouveaux triptans ont vu
leurs propriétés pharmacocinétiques modifiées par rapport à
celles du sumatriptan dans l’objectif d’une meilleure efficacité.
Toutefois, le rapport bénéfice-risque et le taux de récurrence de
ces nouveaux triptans restent comparables à ceux du sumatrip-
tan. La forme orale a sans doute des limites, que dépasseront
peut-être les autres formes galéniques. Le fait important pour le
patient est le remboursement à 65 % du zolmitriptan et du nara-
triptan, remboursement qui sera suivi sans doute par d’autres.
Nous avons insisté sur la rigueur des essais cliniques. Nous
avons vu combien les voies de recherche qui permettraient
d’avancer dans la compréhension de la migraine étaient nom-
breuses. Des éléments économiques sont à prendre en considé-
ration : il s’agit d’un énorme marché (12 % de la population,
dont près de 50 % ne consultent pas), expliquant l’intérêt de
nombreuses firmes pharmaceutiques. Il faut espérer encore des
progrès, améliorer le pourcentage des “pain-free” à 2 heures et
pourquoi pas espérer, sur la migraine, le résultat brillant du
sumatriptan sous-cutané, soulageant en quelques minutes la
douleur insupportable de l’algie vasculaire de la face. ■
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