É D I T O R I A L Les nouveaux triptans : l’embarras du choix ? ● H. Massiou* D ans ce numéro, J.M. Senard et N. Fabre font une remarquable synthèse des données actuelles sur les triptans. Cette nouvelle classe médicamenteuse a vu le jour il y a une dizaine d’années, avec les premiers résultats cliniques du sumatriptan. Depuis lors, elle occupe le devant de la scène de tous les congrès consacrés à la migraine. Le sumatriptan et ses successeurs ont joué un rôle essentiel dans la compréhension de la crise migraineuse. Ils ont montré que la découverte de nouveaux médicaments antimigraineux n’était plus le fruit du hasard, mais d’une réflexion portant sur les mécanismes physiopathologiques de cette maladie complexe. Dans la majorité des pays où le sumatriptan a été commercialisé avec la possibilité d’un remboursement, son utilisation s’est très largement répandue. La France a malheureusement occupé une place très en retrait dans ce marché du sumatriptan, en raison du coût élevé et du non-remboursement du produit dans notre pays : bien des migraineux n’ont pas voulu ou n’ont pas pu l’utiliser. Un autre obstacle à sa prescription a été la crainte qu’il s’agisse d’un médicament dangereux, au vu des quelques cas publiés d’infarctus du myocarde après prise de sumatriptan. En fait, ces complications sont survenues essentiellement chez des patients souffrant de coronaropathie, chez qui ce traitement est contre-indiqué. Le recul des millions de crises traitées avec le sumatriptan permet de constater qu’il s’agit d’un médicament bien toléré lorsque les contre-indications sont respectées. Il ne faut pas oublier que les dérivés ergotés, et en particulier le tartrate d’ergotamine plus que la DHE, sont des vasoconstricteurs, non seulement coronariens mais égale- * Service de neurologie, hôpital Lariboisière, Paris. La Lettre du Neurologue - n° 6 - vol. II - décembre 1998 ment des artères périphériques, et que leurs contre-indications vasculaires sont les mêmes que celles du sumatriptan. On peut donc prévoir que la commercialisation de triptans remboursés, à un prix raisonnable, accompagnée d’une information de bonne qualité des médecins conduira comme dans les autres pays à une large prescription de ces médicaments. Comme le soulignent les auteurs de l’article, il sera sans doute difficile de répondre à la question : “Quel triptan choisir ?”. La différence entre les taux d’efficacité des triptans n’est pas majeure. Il en est de même pour leurs effets secondaires et les taux de récurrence. La possibilité d’interactions médicamenteuses avec des traitements associés comme les antidépresseurs ou certains traitements de fond pourra jouer un rôle dans ce choix. En fait, comme toujours chez les migraineux, la décision se fera au cas par cas, et il est probable que chaque patient essayera plusieurs triptans pour trouver celui qui lui convient le mieux en termes de rapport efficacité/tolérance. Il faut se souvenir que, même s’il n’apparaît pas de différence statistiquement significative sur de grandes populations dans des essais, il n’en est pas de même au plan individuel : un patient peut répondre de façon différente à deux traitements dont les taux d’efficacité sont comparables dans les essais thérapeutiques. Nous devrions disposer dans les années à venir d’au moins six ou sept triptans différents. On ne peut que s’en féliciter, car cet essor contribuera à mieux faire connaître la maladie migraineuse et le handicap qu’elle représente pour ceux qui en souffrent. Il incitera, du moins peut-on l’espérer, l’ensemble des médecins à s’intéresser davantage à cette maladie, qui a été trop longtemps négligée. ■ 279