La Lettre du Neurologue - Supplément Céphalées au vol. IX - n° 4 - avril 2005
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UESTION À L’EXPERT
de triptans. Le risque d’AVC était augmenté chez les migraineux
(RR : 1,67 ; IC95 :1,31-2,13). Il ne l’était pas chez les utilisateurs
de triptans par rapport aux non-utilisateurs (RR : 0,84 ; IC95 :
0,46-1,55), alors qu’il l’était légèrement et de manière non signi-
ficative chez les utilisateurs de dérivés de l’ergot (RR : 1,49 ;
IC95 :0,93-2,41). Il n’y avait pas d’augmentation de la mortalité
toutes causes confondues chez les migraineux. Il en était de
même chez les migraineux utilisateurs de triptans.
Ces deux études suggèrent que les triptans n’augmentent pas le
risque cardiovasculaire, d’AVC ou de mortalité. L’augmentation du
risque d’AVC, notamment ischémique, dans la migraine (et plus
particulièrement dans la migraine avec aura), quel que soit le
traitement de crise, est une donnée connue dans la littérature.
Ainsi, sous couvert du respect de l’AMM, le prescripteur peut
être tout à fait rassuré… et rassurant lors de la prescription d’un
triptan concernant le risque vasculaire au sens large.
CONSEILLER LA REPRISE DU MÊME TRIPTAN
Si la sensation d’oppression thoracique a été légère et non inva-
lidante, avec un bénéfice thérapeutique évident au plan du sou-
lagement de la céphalée, il est légitime de conseiller la reprise
du même triptan, et ce d’autant que les patients ne signalent pas
toujours ce type d’effets indésirables. Cela est appuyé par l’étude
récemment présentée par Sheftell et al. (12). Les auteurs ont
évalué la fréquence des effets indésirables liés aux triptans selon
deux modalités de recueil différentes. Il s’agissait d’une étude
prospective (décembre 2001 à juillet 2002) chez des utilisateurs
de triptans ayant le même traitement de crise depuis au moins
3mois ; 301 patients ayant été inclus. Deux questionnaires
concernant les effets indésirables étaient distribués, le premier
avec recueil libre d’éventuels effets indésirables listés selon
le degré de sévérité, puis le second avec une liste fermée de
49 effets indésirables possibles:
– 37,5 % (113 patients) ne rapportaient spontanément et après
présentation de la liste aucun effet indésirable;
– 29,9 % (90 patients) ne rapportaient pas spontanément des
effets indésirables mais les notaient sur la liste. Vingt-huit de ces
patients (31,1 %) avaient coté, sur présentation de la liste, les
effets indésirables comme sévères alors qu’ils ne les avaient pas
signalés spontanément. Une sensation d’oppression thoracique
a été relevée chez 8 patients (8,8%) ;
– 32,5 % (98 patients) avaient relevé spontanément un effet indé-
sirable et l’avaient également noté sur la liste. Cependant, ils
relevaient spontanément 1,8 effet indésirable en moyenne (IC95 :
1,2-2,4), alors que la moyenne sur présentation de la liste passait
à 4 (IC95 :2,23-5,7) [p >0,001]. Les effets indésirables signalés
étaient les mêmes dans 53,1 % des cas seulement. Concernant
l’oppression thoracique, 9 patients (10,3 %) ne la rapportaient
pas automatiquement mais la notaient sur la liste. Ainsi, la
méthode de recueil d’éventuels effets indésirables influence
grandement les résultats : 44 % des patients qui ne signalent pas
naturellement un effet indésirable, dont l’oppression thoracique,
en relèvent ensuite au moins un sur proposition d’une liste.
PRESCRIRE UN AUTRE TRIPTAN
Si la sensation d’oppression thoracique a été modérée et/ou invali-
dante, il faut (ré)expliquer au patient que les symptômes, quoique
spectaculaires, sont bénins et pas coronariens. Dans ces cas, il faut
bien sûr proposer un autre triptan ayant statistiquement moins
d’effets indésirables de ce type (almotriptan ou naratriptan).
CONTRE-INDIQUER TOUTE PRISE ULTÉRIEURE
DE TRIPTAN
Eu égard au rationnel développé ci-dessus, la contre-indication de
toute prise ultérieure de triptan n’est envisageable que si les pré-
cautions d’emploi des triptans, notamment les contre-indications
formelles au plan vasculaire, n’étaient pas respectées lors de la
première prescription. L’incertitude qui demeure scientifique-
ment est la persistance ou non, en l’absence de contre-indication
vasculaire aux triptans, de la sensation d’oppression thoracique
quel que soit le triptan utilisé. En pratique, si un patient a tou-
jours ce type d’effet indésirable avec les deux triptans les mieux
tolérés (voir ci-dessus), il est licite d’utiliser l’un des quatre anti-
inflammatoires non stéroïdiens (AINS) à haut niveau de preuve
selon l’ANAES (13, 14).
C. Lucas, clinique neurologique,
hôpital Roger-Salengro, CHRU de Lille.
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