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La Lettre du Neurologue - Supplément Céphalées au n° 9 - vol. VII - novembre 2003 21
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L’
arrêté du 18 avril 2003 paru au Journal officiel (JO du
19/04/2003, pages 7020-36) publie la liste de 617 spécialités
dont le taux de remboursement passe de 65 à 35 %, suite à la
réévaluation de leur service médical rendu (SMR) par la Commission de
la transparence. Les résultats de cette analyse peuvent être consultés sur
le site Web de l’AFSSAPS (http://agmed.sante.gouv.fr/). Cette décision
s’inscrit dans le cadre général des mesures mises en place par le gou-
vernement pour tenter de limiter la part toujours croissante du médica-
ment dans les dépenses de santé. La lecture attentive de la liste des médi-
caments concernés fait cependant s’interroger sur le bien-fondé de cette
stratégie ainsi que sur les motivations profondes justifiant ces choix.
Ainsi, en ce qui concerne les médicaments antimigraineux, on constate
que l’augmentation du taux de participation des assurés sociaux concerne
les médicaments au SMR jugé modéré ou faible utilisés dans le traite-
ment de la crise (dérivés ergotés, aspirine associée au métoclopramide,
antiémétiques) ou dans le traitement de fond (dihydroergotamine, pizo-
tifène, oxétorone, méthysergide). Finalement, seuls échappent à cette
mesure les bêtabloquants pour les médicaments prophylactiques et
l’ensemble des triptans pour le traitement de la crise.
Bien que la migraine soit une affection fréquente (environ 12 % de la
population française) et coûteuse pour le système de Santé, les écono-
mies que l’on peut attendre de cette mesure ne seront probablement que
très marginales. En effet, les données disponibles sur les coûts directs
liés à la migraine indiquent que les dépenses de pharmacie ne représen-
tent que 8 % des dépenses prises en charge par l’Assurance maladie. De
plus, au vu de l’expérience des pays ayant déjà utilisé ce type de procédé
comme l’Espagne, on peut facilement imaginer que des reports de pres-
cription vers des médicaments au taux de remboursement inchangé et
plus chers tels que les triptans compenseront les économies faites. Il est
également vraisemblable que la prescription hors AMM (par exemple
celle des anticonvulsivants) gagne du terrain ainsi que l’automédication,
dont on sait qu’elle conduit les patients à l’abus médicamenteux et
génère des hospitalisations nombreuses et onéreuses.
À côté des aspects économiques, le pharmacologue et le “migrainologue”
sont en droit de se demander où est la logique de cette mesure qui se
révèle souvent en contradiction avec les preuves scientifiques de l’effi-
cacité des médicaments. Ainsi, les recommandations élaborées par
l’ANAES et publiées fin 2002 (www.anaes.fr) classent les médicaments
de la migraine utilisables en France selon le niveau de preuve de leur
efficacité. Parmi les médicaments jugés efficaces au vu d’essais compa-
ratifs de qualité par l’ANAES, nombreux sont ceux dont le SMR a été
considéré comme modéré ou faible par la Commission de la transpa-
rence, aboutissant à la baisse de leur taux de remboursement (aspirine
associée au métoclopramide, dihydroergotamine [DHE] per nasale ou
injectable, flunarizine, méthysergide, oxétorone, pizotifène).
Comment comprendre ces discordances ? Les critères d’évaluation utilisés
par les uns et les autres pour mesurer le rapport bénéfice/risque sont-ils
différents ? Les triptans et les bêtabloquants non concernés par cette
mesure ont-ils un rapport bénéfice/risque réellement supérieur à celui
des autres médicaments utilisés respectivement dans le traitement de la
crise ou le traitement de fond ? En l’absence de données comparatives et
des particularités françaises, on ne peut vraiment répondre à cette ques-
tion pour tous les médicaments. Cependant, il existe des données amé-
ricaines publiées concernant les preuves factuelles du rapport béné-
fice/risque des antimigraineux (1). Si on ne retient que les médicaments
commercialisés dans les deux pays, on constate que, par exemple, le rap-
port bénéfice/risque des triptans en général, de la DHE per nasale mais
aussi de l’aspirine ou des AINS est équivalent. Pourquoi alors conserver
le remboursement à 65 % des triptans ? Pour les bêtabloquants ayant une
AMM dans le traitement de fond de la migraine, les preuves en faveur
du propranolol sont plus fortes que celles concernant le métoprolol. Pour
ce dernier médicament, la logique pharmacologique aurait donc dû
conduire à son inclusion dans la liste des médicaments concernés par
l’arrêté du 18 avril 2003. Enfin, que dire du méthysergide ? Ce médica-
ment, aux effets indésirables fréquents et à la manipulation délicate, a
une place particulière puisqu’il s’adresse aux migraineux sévères,
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Ce bulletin est à adresser au secrétariat du Dr Christian Lucas, hôpital Salengro, service de neurologie, 59037 Lille.
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