Traitements antiangiogéniques au cours des cancers bronchiques D

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La Lettre du Cancérologue - Vol. XVI - n° 3 - mars 2007
Traitements antiangiogéniques
au cours des cancers bronchiques
Antiangiogenic treatments in lung cancer
P. Saintigny, R. Etessami, J.F. Morère*
* Service d’oncologie médicale, hôpital Avicenne, université Paris-XIII, Bobigny.
ABRÉVIATIONS
CBNPC : cancer bronchique non à petites cellules.
VEGF : Vascular Endothelial Growth Factor.
VEGFR : Vascular Endothelial Growth Factor Receptor.
FGF : Fibroblast Growth Factor.
FGFR : Fibroblast Growth Factor Receptor.
PDGFR : Platelet Derived Growth Factor Receptor.
EGFR : Epithelial Growth Factor Receptor.
DMV : densité microvasculaire.
HR : hazard-ratio.
en association à la chimiothérapie ou à d’autres thérapie ciblées,
soit en monothérapie. Lanticorps anti-VEGF-A (bévacizumab,
utilisé en routine dans les cancers colorectaux métastatiques
et qui devrait l’être rapidement dans les cancers bronchiques
non à petites cellules (CBNPC), en est probablement la forme
la plus aboutie (3).
GÉNÉRALITÉS SUR LANGIOGENÈSE TUMORALE (1)
En labsence de nouveaux vaisseaux, une tumeur ne dépasse pas
1 à 1,5 mm de diamètre. En réponse à l’hypoxie, une activation
des cellules endotliales (switch angiogénique) se produit et est
à lorigine de l’apparition d’une néovascularisation tumorale. On
différencie habituellement langiogenèse tumorale (ou néoangio-
genèse), qui correspond à la mise en place de nouveaux vaisseaux
tumoraux à partir des vaisseaux préexistants (par ramification,
formation de ponts ou intussusception), de la vasculogenèse
tumorale, qui est la fabrication de nouveaux vaisseaux tumoraux
à partir de précurseurs endothéliaux mobilisés dans la moelle
osseuse. De nombreux facteurs proangiogéniques et antian-
giogéniques ont été identifiés. Le switch angiogénique apparaît
lorsque la balance est en faveur des facteurs proangiogéniques.
Ces derniers sont soit des facteurs diffusibles, soit des récepteurs
membranaires, et sont exprimés par les cellules tumorales, les
cellules inflammatoires ou les cellules endothéliales
Que ce soit dans le cadre de la néoangiogenèse ou de la vasculo-
genèse tumorale, une déstabilisation des vaisseaux préexistants
est nécessaire. La sécrétion par les cellules tumorales et les
cellules endothéliales de protéases entraîne la destruction de
la membrane basale et de la matrice extracellulaire. Laltération
des jonctions entre les cellules endothéliales et le relargage de
facteurs proangiogéniques à partir de la matrice extracellulaire
permettent la migration et la prolifération des cellules endothé-
liales, formant des ramifications puis des canaux dirigés vers la
source des stimuli. La lumière vasculaire apparaît ensuite grâce
à des interactions entre des protéines de surface cellulaire et la
matrice extracellulaire. Cest donc un dialogue étroit entre les
cellules tumorales et les cellules du stroma (cellules endothé-
liales, cellules inflammatoires) qui permet le développement
des vaisseaux tumoraux.
La vascularisation tumorale est hétérogène au sein des tumeurs,
avec des zones plus richement vascularisées (hotspot) situées
en périphérie. Les capillaires néoformés ont une architec-
Au cours de l’évolution des tumeurs solides, la dissémi-
nation tumorale se fait par voie vasculaire sanguine,
vasculaire lymphatique, et parfois au travers d’une cavi
ou le long d’une surface (par exemple, dans la cavité pleurale
ou péritonéale). Les mécanismes de dissémination vasculaire
sanguine sont bien connus depuis la description de l’angioge-
nèse tumorale, du concept de switch angiogénique et la mise
en évidence des premiers facteurs diffusibles synthétisés par les
cellules tumorales ou les cellules du stroma tumoral et ayant
une activité proangiogénique (1).
J. Folkmann fut le premier, dès 1971, à envisager l’utilisation
d’agents antiangiogéniques dans le traitement des cancers
(2). La meilleure compréhension des mécanismes impliqués
dans la diffusion vasculaire sanguine a permis de développer
plusieurs stratégies, dont les cibles sont soit des facteurs diffu-
sibles sécrétés par les cellules tumorales stimulant la prolifé-
ration des cellules endothéliales (développement d’anticorps
comme le bévacizumab, anticorps anti-vascular endothelial
growth factor A ou VEGF-A), soit des récepteurs membranaires
portant le plus souvent une activité tyrosine kinase et situés à
la surface des membranes cellulaires (développement d’inhibi-
teurs de tyrosine kinase). Ces molécules sont développées soit
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ture anormale et chaotique : larges pores et fenestrations
liés à une mauvaise cohésion entre les cellules endothéliales,
absence de membrane basale et modification des péricytes.
Les vaisseaux psentent des modifications anarchiques de
leur diamètre, avec un aspect tortueux et ectasique, et parfois
une structure en mosaïque, qui correspond à l’intégration de
cellules tumorales au sein de la paroi vasculaire au même titre
que les cellules endothéliales. Ils fonctionnent également de
façon anormale, avec une augmentation de la perabili
capillaire, la présence de flux intermittents, voire inversés, la
présence de zones d’hémorragies focales et de communica-
tions artérioveineuses. Ces capillaires se développent au sein
d’un interstitium, lui-même anormal, œdémateux, et dont la
pression est anormalement élevée. Ces caractéristiques très
générales ne doivent pas cacher une grande hétérogénéité
de la vascularisation suivant le type tumoral.
OBJECTIFS ET CIBLES CELLULAIRES
DES TRAITEMENTS ANTIANGIONÉNIQUES
Les thérapeutiques antiangiogéniques ont pour but de réduire
la croissance tumorale et la diffusion métastatique en diminuant
la perfusion tumorale (3-6). Les cibles cellulaires permettant
d’inhiber la vascularisation tumorale sont multiples. Ce sont
principalement les cellules endothéliales, avec pour objectifs :
de prévenir la formation de néovaisseaux sanguins ou lym-
phatiques (véritables traitements antiangiogéniques, par exemple
le bévacizumab) ;
de déstabiliser les néovaisseaux formés (ANET pour Anti-
NEovascular erapy) par l’utilisation de vasculotoxiques (VDA
pour Vascular-Disrupting Agents) ou de la chimiothérapie
métronomique ;
ou, au contraire, de permettre leur normalisationafin d’amé-
liorer la pénétration intratumorale des cytotoxiques selon le
concept de R.K. Jain (7).
Les autres cibles cellulaires sont les cellules musculaires lisses
et les péricytes, avec pour objectif de déstabiliser les vaisseaux,
ainsi que les cellules stromales afin de diminuer la pression
interstitielle intratumorale, aliorant ainsi la pénétration intra-
tumorale d’autres thérapeutiques. L’inhibition du recrutement
des cellules endothéliales progénitrices d’origine médullaire
(autre effet de la chimiothérapie métronomique) ou des cellules
inflammatoires proangiogéniques, représente une autre voie
possible, de même que la stimulation de la sécrétion de facteurs
antiangiogéniques par les cellules dendritiques.
RATIONNEL DU DÉVELOPPEMENT DES TRAITEMENTS
ANTIANGIOGÉNIQUES DANS LE CANCER
BRONCHIQUE NON À PETITES CELLULES CBNPC
Le cancer du poumon est l’une des principales causes de décès
par cancer dans les pays développés. En France, le cancer du
poumon a été la cause de 25 799 décès sur 27 500 nouveaux cas
diagnostiqués en 2002 (8). Malgré quelques progrès récents, le
pronostic reste sombre ; les CBNPC, qui représentent 75 à 80 %
de l’ensemble des cancers du poumon, ont une survie globale à
5 ans de lordre de 12 à 15 % (9). Depuis 25 ans, les progrès dans
la prise en charge des CBNPC inopérables nont pas permis d’en
améliorer le pronostic. Dans ce contexte, les thérapies ciblées,
en particulier antiangiogéniques, représentent un espoir pour
les patients.
De nombreuses études ont évalué l’impact de la densité micro-
vasculaire (DMV) dans les CBNPC. Les marqueurs utilis,
dont la spécificité pour les cellules endothéliales sanguines a
été discutée, ont été, suivant les études, le facteur VIII, le CD31
ou le CD34. Une méta-analyse des données de la littérature
(32 études ayant inclus 4 399 patients) a montré l’impact péjo-
ratif d’une DMV élevée, qu’elle ait été évaluée par l’expression
du facteur VIII (HR : 1,81 ; IC95 : 1,16-2,84), du CD34 (HR :
1,99 ; IC95 : 1,53-2,58) ou du CD31 (HR : 1,80 ; IC95 : 1,10-2,96)
[10]. Ces résultats ont été critiqués en raison de l’absence de
standardisation des techniques de comptage de vaisseaux, en
particulier dans la sélection des hotspots qui permettent de
déterminer la DMV (11).
Les principaux acteurs de l’angiogenèse tumorale évalués dans
les CBNPC sont le VEGF-A et ses récepteurs, VEGF Receptor-1
(VEGFR-1 ou Flt-1) et VEGFR-2 (Flk-1 ou KDR), et le basic
FGF (bFGF) et son récepteur FGFR-1 (11). Le VEGF-A appar-
tient à la famille du VEGF ; son isoforme la plus puissamment
angiogénique est le VEGF
165
. Il agit en se liant à la portion
extracellulaire de l’un de ses récepteurs tyrosine kinase exprimé
à la surface des cellules endothéliales, entraînant leur dimérisa-
tion et l’activation de leur activité tyrosine kinase. Le VEGF-A
est sécrété par les cellules du stroma, les macrophages et les
cellules tumorales. La production de VEGF-A est principale-
ment stimulée en réponse à l’hypoxie intratumorale. Dans la
majorité des études, l’expression en immunohistochimie du
VEGF-A est associée à un mauvais pronostic et à une DMV
élevée. Dans une méta-analyse publiée en 2002 (15 études
ayant inclus 1 549 patients traités pour un CBNPC), l’expres-
sion du VEGF-A était un facteur pronostique péjoratif, avec
un HR à 1,48 (IC95 : 1,27-1,72) [12]. Des polymorphismes du
ne codant pour le VEGF-A ont é assocs à un niveau
d’expression variable de VEGF-A par les cellules tumorales
de CBNPC (13). Leur rôle dans la progression tumorale n’est
pas bien connu. Enfin, et comme cela a été décrit dans d’autre
tumeurs, les CBNPC expriment fréquemment le VEGFR-1 et
le VEGFR-2, favorisant ainsi la prolifération tumorale par des
boucles de régulation autocrine/paracrine (11).
Le bFGF appartient à la famille du FGF ; il s’agit également
d’un facteur proangiogénique puissant. Son expression a été
étudiée dans les CBNPC ; elle est retrouvée dans 50 à 75 % des
cas, et a été associée à un mauvais pronostic dans certaines
études (14, 15).
Un impact pronostique péjoratif du taux sérique ou plasmatique
des VEGF-A et bFGF a été retrouvé dans certaines séries de
CBNPC (16, 17). Cependant, les résultats sont contradictoires
dans leur ensemble (18, 19), en raison de l’absence de standardi-
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sation des tests disponibles, des controverses sur la réalisation du
dosage dans le plasma, le sérum ou le sang total, de la difficulté
de définir un seuil qui est très variable d’une étude à l’autre, et du
relargage de VEGF par les plaquettes et les leucocytes pendant
le prélèvement et lors de la manipulation des échantillons (11).
Ce sont probablement certaines de ces raisons qui expliquent
pourquoi les marqueurs biologiques riques ne permettent pas
actuellement, dans la majorité des cas, de prédire la réponse
aux thérapeutiques antiangiogéniques.
INHIBITEURS DE LANGIOGENÈSE DANS LES CBNPC
Seules les molécules les plus avancées dans leur développement
clinique seront abordées.
Bévacizumab
Anticorps recombinant humanisé anti-VEGF-A, il représente
actuellement le traitement antiangiogénique le plus abouti dans
la prise en charge des CBNPC. Dans les essais de phase I, aucune
toxicité dose-limitante na été obsere en monothérapie. En
association à la chimiothérapie, il ne semblait pas exister à ce
stade de majoration des toxicités, en particulier de la toxicité
hématologique, liées à la chimiothérapie (20).
Un essai de phase II randomisé incluant 99 patients de
stade IIIB (avec pleurésie tastatique)/IV a évalué l’asso-
ciation de bévacizumab (7,5 mg/kg ou 15 mg/kg) à une chimio-
thérapie de type carboplatine (ASC6) + paclitaxel (200 mg/m²)
administrée toutes les 3 semaines (21). Le bras contrôle était
la chimiothérapie seule. Six cycles étaient administrés, et le
vacizumab était poursuivi jusqu’à progression dans les deux
bras expérimentaux. Les sultats figurent dans le tableau I
et montrent la supérioridu bras bévacizumab à la dose de
15 mg/kg. Curieusement, les résultats du bras bévacizumab à
la dose de 7,5 mg/kg semblent sensiblement inférieurs à ceux
du bras contrôle, sans quaucune explication claire ait pu être
retrouvée. Des hémorragies graves (hémoptysie ou hématé-
se) ont étécrites chez six patients (9 %) et ont entraîné
le décès chez quatre d’entre eux. Ces accidents ont éobservés
pour des lésions centrales de plus de 3 cm, dans le groupe béva-
cizumab faible dose dans cinq cas, tardivement dans trois cas
(au-delà de 200 jours de traitement), et plus fréquemment en
cas de carcinome épidermoïde (4/13 carcinomes épidermoïdes
versus 2/53 carcinomes non épidermoïdes).
Sur la base de cet essai, lEastern Cooperative Oncology Group
(ECOG) a démarré un essai de phase III comparant l’associa-
tion de vacizumab à la dose de 15 mg/kg à la chimiothé-
rapie (carboplatine ASC6 + paclitaxel 200 mg/m²) administrée
toutes les 3 semaines versus la chimiothérapie seule, chez des
patients ECOG PS 0-1 atteints d’un CBNPC non épidermoïde de
stade IIIB (avec pleurésie métastatique)/IV, excluant les patients
avec des localisations secondaires cérébrales (22). Dans le bras
expérimental, le bévacizumab était poursuivi au-delà de 6 cycles
en monothérapie jusqu’à progression. Lobjectif principal était
la survie globale.
Les deux groupes étaient équilibrés, en dehors du sexe, avec
davantage d’hommes dans le groupe chimiothérapie seule (58 %
versus 50 % dans le groupe expérimental, p = 0,03). Le nombre
médian de cycles administrés était de 5 dans le groupe contrôle et
de 7 dans le groupe expérimental. Les sultats ont été rapportés
avec un recul médian de 19 mois. La survie médiane était de
12,3 mois dans le groupe chimiothérapie + bévacizumab versus
10,3 mois dans le groupe chimiothérapie seule (HR : 0,79 ; IC
95
:
0,67-0,92 ; p = 0,003). Lévaluation du critère principal montre
donc une supériorité du bras chimiothérapie en association au
bévacizumab. Lensemble des résultats figurent dans le tableau II
et la figure.
Cependant, l’administration du bévacizumab était associée à
une majoration de la toxicité : hypertension artérielle, protéi-
nurie, accident hémorragique grave (4,4 % versus 0,7 %, dont
Tableau I.
Résultats de l’étude de phase II randomisée évaluant l’as-
sociation de vacizumab (B) [7,5 mg/kg ou 15 mg/kg] à une chimio-
thérapie par carboplatine (ASC6) + paclitaxel (200 mg/m) [CP] chez
des patients atteints d’un cancer bronchique non à petites cellules
de stade IIIB/IV en première ligne.
CP
n = 32
CP + B 7,5 mg/kg
n = 32
CP + B 15 mg/kg
n = 34
Réponse objective 31,3 % 21,9 % 40 %
Temps
jusqu’à progression 5,9 mois 4,1 mois 7 mois
Survie médiane 14,9 mois 11,6 mois 17,7 mois
Taux de survie à 1 an 59 % 41 % 65 %
Tableau II.
Essai de phase III comparant, chez plus de 800 patients
atteints d’un cancer bronchique non à petites cellules de stade IIIB/IV,
en première ligne, lassociation de bévacizumab (15 mg/kg) à
une chimiothérapie de type carboplatine (ASC6) + paclitaxel
(200 mg/m) et la chimiothérapie seule (ECOG).
Carboplatine
+ paclitaxel
n = 433
Carboplatine + paclitaxel
+ bévacizumab (15 mg/kg)
n = 417
Survie globale (médiane) 10,3 mois* 12,3 mois*
Taux de survie à 1 an 44 % 51 %
Taux de survie à 2 ans 15 % 23 %
Survie sans progression
(médiane) 4,5** 6,2**
Réponse objective 15 %*** 35 %***
* HR : 0,79 ; IC95 : 0,67-0,92 ; p = 0,003.
** HR : 0,66 ; IC95 : 0,57-0,77 ; p < 0,001.
*** p < 0,001.
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74
100
80
60
40
0 6 12 18 24
Mois
Hazard-ratio : 0,66
p < 0,001
Survie globale (%)
30 36 42
20
0
100
80
60
40
0 6 12 18 24
Mois
Hazard-ratio : 0,66
p < 0,001
Survie sans progression (%)
30
20
0
Groupe BPC
Groupe PC
A
Groupe BPC
Groupe PC
B
Figure.
Courbes de survie globale et de survie sans progression de
l’essai de phase III comparant, chez plus de 800 patients atteints
d’un cancer bronchique non à petites cellules de stade IIIB/IV,
en première ligne, l’association de bévacizumab à une chimio-
thérapie de type carboplatine (ASC6) + paclitaxel (200 mg/m²)
[BPC] et la chimiothérapie seule (ECOG) [PC].
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1,9 % versus 0,2 % d’hémoptysies), neutropénie (25,5 % versus
16,8 %), neutropénie fébrile (5,2 % versus 2 %), hyponatrémie,
rashs cutanés et céphalées étaient plus fréquents dans ce bras
(p < 0,05). Il faut noter que l’exclusion des carcinomes épider-
moïdes a permis une nette diminution des hémoptysies graves
par rapport aux données de la phase II randomisée (1,9 % versus
9 %). Le tableau III montre malgré tout un excès de cès toxi-
ques dans le bras avec bévacizumab, pour des comorbidités
comparables dans les deux groupes (p = 0,001) ; si la majorité
des effets indésirables sont apparus après 3 cycles, la plupart des
décès toxiques (5 hémoptysies, 5 neutropénies fébriles, 2 acci-
dents vasculaires, 2 hémorragies digestives et 1 embolie pulmo-
naire) sont, eux, survenus au cours des 2 premiers cycles.
Une analyse exploratoire a montré un bénéfice de ladjonction
du bévacizumab à la chimiothérapie dans tous les sous-groupes
considérés en dehors du sexe. Ainsi, seuls les hommes semblent
bénéficier de façon statistiquement significative, pour la survie
globale, de l’adjonction du bévacizumab. Il est possible que
cette observation soit liée à la prescription plus fréquente d’une
chimiothérapie de deuxième ligne chez les femmes. Aucune
différence n’a en tout cas été notée pour ce qui est de l’utilisa-
tion d’inhibiteurs tyrosine kinase du récepteur à l’EGF suivant
le sexe.
Enfin, le taux de VEGF circulant à linitiation du traitement
était comparable dans les 2 groupes, et ce quel que soit le sexe.
Il nétait pas corrélé à la survie globale.
Sunitinib
Le sunitinib est un inhibiteur de l’activité tyrosine kinase de
plusieurs récepteurs transmembranaires : VEGFR-1, VEGFR-2,
mais également Platelet Derived Growth Factor Receptor
(PDGFR)-α, PDGFR-β, Flt-3 et c-KIT. L’intérêt de développer
des inhibiteurs pantyrosine kinase est de pouvoir cibler plusieurs
types cellulaires, en particulier les cellules endothéliales (pour
les VEGFR) mais également les ricytes qui expriment les
PDGFR et rendent les cellules endothéliales plus résistantes aux
cytotoxiques et aux thérapeutiques antiangiogéniques.
Un essai de phase II multicentrique sur 10 sites (États-Unis
et Europe) a inclus 63 patients traités pour un CBNPC de
stade IIIB/IV en échappement après 1 à 2 lignes de chimio-
thérapie avec ou sans administration d’un inhibiteur de tyrosine
kinase de l’Epithelial Growth Factor Receptor (EGFR), PS 0-1
(23). La dose administrée était de 50 mg/j pendant 4 semaines
consécutives, suivies de 2 semaines de repos. Le traitement était
poursuivi tant quil existait un bénéfice clinique. La majorité des
patients ont eu une diminution de la taille des lésions cibles. Le
taux de réponse objective était de 9,5 %, le temps dian de
réponse de 12,2 semaines (4,3 à 30,3 semaines) et, chez 42,9 %
des patients, on observait une maladie stable plus de 8 semaines.
Les toxicités étaient les suivantes : asthénie (68 % de grade 1-2,
21 % de grade 3-4), anorexie (40 % de grade 1-2), dyspnée (37 % de
grade 1-2), toux (35 % de grade 1-2), nausées (33 % de grade 1-2,
7 % de grade 3-4), mucite (32 %), dysgueusie (25 % de grade 1-2),
Tableau III.
Causes des décès dans lessai de phase III comparant,
chez plus de 800 patients atteints d’un cancer bronchique non à
petites cellules de stade IIIB/IV, en première ligne, l’association de
bévacizumab à une chimiothérapie de type carboplatine (ASC6) +
paclitaxel (200 mg/m) et à la chimiothérapie seule.
Variable
Carboplatine +
paclitaxel
n = 440
Carboplatine + paclitaxel +
bévacizumab (15 mg/kg) n
= 427
Décès 344 305
Causes
Cancer bronchique 309 260
Toxicités 2 15
Comorbidités 16 16
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diarrhée (21 % de grade 1-2), vomissements (19 % de grade 1-2,
7 % de grade 3-4), constipation (19 %), hypertension (5 % de
grade 3-4). Il faut noter 3 toxicités de grade 5 : 2 hémoptysies
et une hémorragie cérébrale.
Au total, le sunitinib en monotrapie a une activité prometteuse
chez les patients ayant un CBNPC prétraités, puisque environ
50 % des patients ont eu un bénéfice clinique. Il a été généra-
lement bien toléré, et les principaux effets indésirables ont été
de grade 1-2 chez des patients en bon état général.
Sorafenib
Le sorafenib (24) est également un inhibiteur de l’activité tyrosine
kinase de plusieurs récepteurs, la plupart transmembranaires :
VEGFR-2 et VEGFR-3, PDGFR-β, Flt-3, RAF et c-KIT. Dans
une étude de phase II également présentée à l’ASCO 2006, les
auteurs rapportent les résultats chez 52 patients traités par
une ou 2 lignes (incluant ou non du gefitinib) pour un CBNPC
métastatique, ne présentant aucun signe de saignement, sans
exclure des patients avec métastases cérébrales asymptoma-
tiques. La dose était de 400 mg x 2/j en continu. Une maladie
stable était observée chez 59 % des patients. Si aucune réponse
objective na été notée, une diminution de la taille des lésions
cibles était psente chez 29 % des patients. La survie sans
progression médiane était de 11,9 semaines dans l’ensemble
de la population, et de 23,7 semaines chez les patients stabilisés
par le traitement.
Les toxicis les plus fréquentes étaient modérées : diarrhée (40 %
de grade 1-2), syndrome mains-pieds (37 % de grade 1-2, 10 %
de grade ≥ 3), asthénie (27 %), nausées (25 %) et hypertension
artérielle (4 % de grade ≥ 3). Un accident hémorragique mortel
a été observé chez un patient traité pour un carcinome épider-
moïde proximal après radiothérapie et 30 jours après larrêt du
traitement. La qualité de vie des patients na pas été altérée tout
au long du traitement.
Enfin, les auteurs montrent quune concentration de VEGF plas-
matique élevée lors de la mise en route du traitement est associée
à un pronostic péjoratif, au même titre quune absence de dimi-
nution franche de sa concentration au cours du traitement.
Vandetinib
Le vandetinib est un inhibiteur de l’activité tyrosine kinase des
récepteurs transmembranaires VEGFR-2, VEGFR-3, RET et
EGFR. Les études de phase I ont montré quil s’agissait dun trai-
tement bien toléré à des doses inférieures ou égales à 300 mg/j.
Les effets indésirables les plus courants sont un rash, une diar-
rhée et un allongement du QTc asymptomatique. Les données
de deux phases II sont disponibles (25, 26).
La première a compa, chez 168 patients ayant ru 1 ou
2 lignes de chimiothérapie, le gefitinib 250 mg/j au vandetinib
300 mg/j (partie A). En cas de progression ou de toxicité limi-
tante, un cross-over était pvu (partie B). Les patients avec
tastases cérébrales n’étaient pas exclus, de même que les
carcinomes épidermoïdes, les patients présentant une hémop-
tysie ou une thrombose profonde. Lobjectif principal était la
survie sans progression. La proportion de femmes, de non-
fumeurs et dadénocarcinomes était comparable dans les deux
groupes. Lobjectif principal était atteint, puisque la survie
sans progression était de 11 semaines pour le vandetinib et
de 8,1 semaines pour le gefitinib (HR : 0,69 ; IC95 : 0,5-0,96 ;
p = 0,025). Une réponse objective et un contrôle de la maladie
supérieur à 8 semaines étaient observés respectivement chez
8 % et 45 % des patients sous vandetinib versus 1% et 34% des
patients sous gefitinib.
Les données disponibles pour la partie B de cet essai montrent
un contrôle de la maladie supérieur à 8 semaines chez 24 % des
patients (7/29) passant du vandetinib au gefitinib, et chez 43 %
des patients (16/37) passant du gefitinib au vandetinib ; aucune
différence en survie globale n’a cependant éobsere. Ces
données sont difficiles à interpréter en raison des nombreux
biais possibles.
Les toxicités étaient principalement de grade 1-2, les diarrhées,
les céphalées, l’hypertension, l’allongement du QTc et les vertiges
étant un peu plus fréquents avec le vandetinib, et inversement
pour l’éruption cutanée et les nausées/vomissements.
Une deuxième étude de phase II randomisée a été présentée
récemment. Elle comparait, chez 127 patients en échec après
une première ligne à base de sel de platine pour un CBNPC de
stade IIIB/IV, trois bras de traitement : le bras contrôle associait
le docétaxel 75 mg/m² toutes les 3 semaines à un placebo, et les
2 bras expérimentaux associaient au docétaxel du vandetinib
à 100 ou 300 mg/j. Les 3 groupes étaient bien équilibrés, en parti-
culier pour le sexe féminin, le type histologique et le tabagisme.
Les taux de réponse et de contrôle de la maladie supérieurs à
8 semaines étaient de 12 % et 56 % dans le bras contrôle, de
26 % et 64 % dans le bras docétaxel + vandetinib 100 mg/j et
de 18 % et 83 % dans le bras docétaxel + vandetinib 300 mg/j.
La médiane de survie sans progression était de 12 semaines
dans le bras contrôle, de 18,7 semaines dans le bras docétaxel +
vandetinib 100 mg/j et de 17 semaines dans le bras docétaxel +
vandetinib 300 mg/j. Avec le plan statistique fini dans l’étude,
seul le bras docétaxel + vandetinib 100 mg/j avait une survie
sans progression significativement supérieure à celle du bras
contrôle (HR : 0,64 ; IC
95
: 0,38-1,05 ; p = 0,074). Il n’existait pas
de différence en survie globale.
Les résultats d’une étude de phase II randomisée comparant en
première ligne le vandetinib en monothérapie versus vande-
tinib + carboplatine + paclitaxel versus carboplatine + paclitaxel
devraient être présentés dans les mois qui viennent.
La mise en perspective de l’ensemble de ces essais de phase II
évaluant des agents antiangiogéniques montre des résultats
comparables à ceux des drogues actuellement disponibles en
deuxième ligne des CBNPC tastatiques, que ce soit en termes
de taux de réponse objective ou en survie sans progression
(tableau IV) [27]. Ces comparaisons nont, bien sûr, qu’une
valeur indicative.
Association de biothérapies
Lexistence de cross-talks entre l’EGFR et les VEGFR est à la base
de plusieurs essais testant l’association d’inhibiteurs d’EGFR
et d’inhibiteurs de l’angiogenèse. Une phase I/II préliminaire
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