CAS CLINIQUE
606 | La Lettre du Cancérologue Vol. XIX - n° 10 - décembre 2010
Mots-clés
Adénocarcinome bronchique – Bévacizumab – Réponse complète histologique
Keywords
Lung adenocarcinoma
Bevacizumab
Complete histologic response
Réponse complète histologique
d’un adénocarcinome bronchique
avancé après traitement
par carboplatine-paclitaxel
plus bévacizumab
Complete histologic response for advanced lung adenocarcinoma after
carboplatin-paclitaxel plus bevacizumab treatment
K. Chouahnia*, G. Des-Guetz*
* Service d’oncologie médicale, hôpital Avicenne, Bobigny.
L
e bévacizumab en association avec la chimiothérapie en
situation avancée dans le cancer bronchique non à petites
cellules non épidermoïde a montré un bénéfice en survie.
Cependant, en situation péri-opératoire, les données sur la place
du bévacizumab restent extrêmement rares.
Nous rapportons ici le cas d’un patient opéré d’un adénocarci-
nome bronchique après un traitement comportant l’association
carboplatine + paclitaxel + bévacizumab ayant conduit à une
réponse complète radiologique et histologique.
Il s’agit d’un patient, né en 1963 et ayant comme antécédent
une hypertension artérielle bien contrôlée par une associa-
tion d’antagonistes de l’angiotensine II et de diurétiques, opéré
d’une hémicolectomie droite en 1997 pour un adénocarcinome
lieberkühnien.
Examen et observation
En 2009, un examen pour une toux persistante révèle une volumi-
neuse masse latéro-basale droite mesurant 70 mm et un nodule
controlatéral lobaire inférieur de 37 × 15 mm.
La fibroscopie bronchique retrouve un bourgeon nécrotique latéro-
basal droit, et la biopsie révèle un carcinome à grandes cellules,
de morphologie et d’immunophénotype non lieberkühniens,
avec TTF-1, CK7 et CK20, CD56, chromogranine A et PSA négatifs.
La ponction sous scanner de la lésion lobaire inférieure droite
confirme le diagnostic de carcinome à grandes cellules. La
tomographie par émission de positons (PET scan) montre une
fixation de la lésion droite et gauche (figures◆1◆et◆2).
La tumeur est classée T3N0M1 (nodule controlatéral), une chimio-
thérapie comportant carboplatine + paclitaxel associés au bévaci-
zumab est alors administrée.
Après 4 cures, le PET scan montre une régression métabolique
complète des 2 foyers droit et gauche, sans aucun autre foyer
fixant à distance (figures◆1◆et◆2).
La fibroscopie bronchique de contrôle après la 5
e
cure ne retrouve
aucun reliquat tumoral au niveau latéro-basal droit. Les explora-
tions respiratoires fonctionnelles montrent un volume expiratoire
maximal par seconde s’élevant à 89 % de la théorique (3,92 l).
Il est décidé, dans un premier temps, de réaliser une lobectomie
inférieure droite puis, dans un deuxième temps, une lobectomie
inférieure gauche.
Six semaines après la 6
e
cure, une lobectomie inférieure droite
avec curage ganglionnaire (11, 10, 7, 4/2) par thoracotomie vidéo
assistée est réalisée. Lanalyse anatomo-pathologique de la pièce
opératoire retrouve une nécrose tumorale complète (pT0N0).
Les suites opératoires sont simples.
CAS CLINIQUE
Figure 1. Fixation de la lésion lobaire supérieure droite avant et après 4 cycles de chimiothérapie par carboplatine + paclitaxel + bévacizumab.
Figure 2. Fixation de la lésion lobaire inférieure gauche avant et après 4 cycles de chimiothérapie par carboplatine + paclitaxel + bévacizumab.
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Le patient ne souhaite pas d’intervention sur la lésion lobaire
inférieure. Une surveillance trimestrielle lui est alors proposée.
Le patient est toujours en rémission complète (dernier PET scan
réalisé en septembre 2010 sans fixation pathologique).
Discussion
Les thérapeutiques ciblant la oangiogenèse ont rapidement intég
l’arsenal thérapeutique du cancer. Le bévacizumab, un anticorps
recombinant humanisé monoclonal, dirigé contre le VEGF (Vascular
Endothelial Growth Factor), a montré son efficacité dans 5 locali-
sations tumorales (côlon, sein, poumon, rein et, plus récemment,
dans le cancer de l’ovaire). Il peut être administré en association
avec une chimiothérapie ou avec une cytokine, et en monothérapie.
Dans le cancer du sein et le cancer colorectal en situation
avancée, le bévacizumab a démontré son efficacité en termes de
survie lorsqu’il est associé à une chimiothérapie. Dans le cancer
bronchique non à petites cellules non épidermoïde, le bévacizumab
en association avec une chimiothérapie comportant un sel de
platine a amélioré la survie des patients en traitement de première
ligne (1, 2), et en traitement de maintenance (3), avec un profil
de tolérance acceptable (4). Un gain en survie a également été
observé dans le cancer neuro-endocrine à petites cellules diffus,
lors de l’association platine + étoposide + bévacizumab (5).
En traitement adjuvant du cancer du côlon, l’adjonction du
bévacizumab à la chimiothérapie n’a pas montré de bénéfice en
survie par rapport au traitement standard (6). Dans le cancer
du sein localement avancé ou inflammatoire, 72 % à 87 % de
réponses histologiques, 22 % à 33 % de réponses complètes
CAS CLINIQUE
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histologiques (7, 8) et 67 % de réponses partielles (9) ont pu
être observées, avec toutefois des complications postopéra-
toires portant sur le retard de cicatrisation des reconstructions
mammaires. En effet, des complications ont été observées dans
16 % des cas quand la chirurgie avait été réalisée 6 semaines
après la dernière cure de bévacizumab (10), et dans 24 % des cas
à 4 semaines de l’administration de bévacizumab (9).
Dans le cancer bronchique non à petites cellules, le bévacizumab
en traitement adjuvant est en cours d’évaluation dans le cadre de
l’essai ECOG 1505 (11). Cet essai de phase III compare une chimio-
thérapie à base de sels de platine avec ou sans bévacizumab pour
les stades IB (T supérieur ou égal à 4 cm) ainsi que pour les stades II
et IIIA non N2. Les résultats de cet essai seront connus en 2012.
Actuellement, dans le cancer bronchique non à petites cellules, on
ne dispose que de données parcellaires sur l’association bévaci-
zumab + chimiothérapie en situation pré-opératoire (12). La ponse
complète histologique observée dans ce cas nous laisse supposer
que le bévacizumab associé à la chimiothérapie pourrait permettre
des réductions tumorales majeures, rendant ainsi opérables des
tumeurs qui ne l’étaient pas initialement, et sans complications
additionnelles. Cependant, seul un essai comparatif de grande
ampleur pourrait confi rmer ou infi rmer cette observation.
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Références bibliographiques
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Expert scientifique :
Pr Gilbert Ferretti (Grenoble)
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