150 J. Autier et al.
Tableau 1 Grades de toxicité cutanée selon le National Cancer Institute Common Toxicity Criteria (NCI-CTC) version 3.0
d’après [9].
Alopécie ou diminution de la pilosité Grade 1 Légère ou en plaques
Grade 2 Complète
Syndrome main-pied
Grade 1 Modifications cutanées mineures ou
dermatite (ex. : érythème) sans
douleur
Grade 2 Modifications cutanées (ex. :
desquamation, bulles, lésions
hémorragiques, œdème) ou douleurs
sans gêne fonctionnelle associée
Grade 3 Lésions ulcérées ou modifications
cutanées associées à des douleurs et
une gêne fonctionnelle
Autres effets secondaires dermatologiques
Grade 1 Atteinte mineure
Grade 2 Atteinte modérée
Grade 3 Atteinte sévère
Grade 4 Atteinte mettant en jeu le pronostic
vital
éviter l’arrêt d’une thérapie potentiellement efficace sur le
plan antitumoral. Aucun traitement symptomatique n’ayant
jusqu’à présent été évalué de fac¸on contrôlée, nous fai-
sons part ici de notre expérience à l’institut Gustave-Roussy.
Nous conseillons aux patients de ne pas porter de chaus-
sures trop serrées ou de talons trop hauts. En cas de lésions
kératosiques sur les zones de pression, nous conseillons des
semelles absorbantes pour répartir les appuis de fac¸on plus
homogène et nous prescrivons des topiques kératolytiques à
base d’urée ou d’acide salicylique. Lorsque les lésions sont
inflammatoires, les corticoïdes locaux semblent efficaces.
En cas de SMP de grade 3, il nous semble raisonnable de
réduire la dose de sorafenib ou de sunitinib de 50 %, voire
d’arrêter temporairement le traitement jusqu’à une amé-
lioration au grade 1.
Hémorragies sous-unguéales en flammèches
Des hémorragies sous-unguéales (HSU) surviennent chez
40 à 70 % des patients traités par sorafenib ou sunitinib.
D’apparition spontanée et indolores, elles se présentent
sous la forme de lignes noires ou rouge foncé sous la par-
tie distale des ongles, atteignant un ou plusieurs doigts
et, plus rarement, les orteils (Fig. 4). Elles apparaissent
le plus souvent durant le premier mois de traitement et
disparaissent spontanément chez la plupart des patients,
l’hématome étant évacué avec la pousse de l’ongle et ne se
reformant pas dans la majorité des cas, malgré la poursuite
du traitement.
Les hémorragies sous-unguéales en flammèches sont bien
connues des dermatologues, car elles peuvent témoigner de
maladies systémiques parfois sévères, comme le syndrome
des antiphospholipides, certains lupus, des polyarthrites
rhumatoïdes sévères, des rétrécissements mitraux et des
endocardites. Elles peuvent aussi s’observer chez des sujets
sains, se localisant alors le plus souvent à un seul doigt et
étant considérées comme post-traumatiques [10].
En revanche, l’origine médicamenteuse des hémorragies
sous-unguéales est tout à fait inhabituelle et le fait qu’elles
soient associées à des traitements antiangiogéniques permet
de formuler diverses hypothèses physiopathologiques. Nous
avons suggéré que ces hémorragies sous-unguéales pour-
raient témoigner d’un abaissement du seuil d’apparition des
HSU traumatiques dans le contexte du blocage des récep-
teurs de VEGF. Effectivement, les capillaires spiralés du lit
de l’ongle sont fragiles et sont soumis, lors de diverses
activités manuelles, à des traumatismes répétés. On peut
supposer que l’intégrité de ces capillaires dépend en partie
de récepteurs VEGF fonctionnels pour réparer en perma-
nence les dégâts liés à ces fréquents microtraumatismes
[11]. Il serait intéressant d’évaluer de fac¸on prospective
si ces hémorragies sous-unguéales sont corrélées avec la
réponse au traitement ou avec d’autres effets secondaires
vasculaires, comme l’hypertension artérielle, qui est aussi
un effet secondaire classique des médicaments antiangiogé-
niques.
Figure 4. Hémorragies sous-unguéales en flammèches du pouce
associées à un érythème desquamatif des doigts.