REVUE DE PRESSE coordonnée par le Dr F. Beygui Thrombose de stent précoce : facteurs cliniques confirmés, facteurs génétiques tout aussi importants, score de prédiction du risque combiné, chez les patients compliants La thrombose de stent (TS) est rare (0,5 à 4 % des angioplasties), mais grave (mortalité de 40 %), lorsqu’elle est associée à des facteurs cliniques et angiographiques dont la principale cause est l'arrêt de la bithérapie antiagrégante. Des facteurs génétiques de mauvais métabolisme du clopidogrel ont été identifiés, sans qu'aucune étude intégrant ces paramètres n'ait été menée jusqu'alors. Cette étude cas-contrôle a utilisé une approche gène candidat et a testé l'ensemble des 23 variants de 15 gènes impliqués dans la thrombose artérielle et dans le métabolisme du clopidogrel ; les facteurs cliniques et angiographiques ont été étudiés, et des scores (clinique seul, génétique seul, et leur combinaison) de prédiction du risque ont été établis. Cent vingt-trois patients issus de 10 centres français et qui ont présenté une TS aiguë (> 24 h et < 30 j) définitive (critères Academic Research Consortium [ARC]) sous bithérapie antiagrégante (mauvaise compliance exclue), ont été appariés à 246 patients contrôles (sans TS). Les déterminants de TS étaient : ✓✓ le statut métabolique du CYP2C19 (OR = 1,99 ; IC95 : 1,47-2,69 ; les homozygotes *2 avaient un surrisque de 7 versus les sujets contrôles ; le *17 est protecteur en augmentant le métabolisme) ; ✓✓ le génotype ABCB1 3435 TT (OR = 2,16 ; IC95 : 1,21-3,88 ; qui diminue l'efflux par la P-glycoprotéine et la réponse au clopidogrel versus ABCB1 3435 CC ou CT) ; ✓✓ le portage d'ITGB3 PLA2 (OR = 0,52 ; IC95 : 0,28-0,95 ; isoforme allélique de l'intégrine B3, composant du GpIIbIIIA, jusqu'alors considéré comme à risque ischémique). Les facteurs cliniques (FEVG < 40 % : OR = 2,25 ; diabète : OR = 1,82, dont 2 liés au clopidogrel ; forte dose de charge : OR = 0,73 et IPP : OR = 2,19) et angiographiques (PCI urgente : OR = 3,05, lésions complexes [C] : OR = 2,33) étaient déjà connus. La malapposition de stent et l'effet antiagrégant n'ont pu être estimés. Les modèles de prédiction clinique et génétique de TS étaient aussi fiables isolément (ASC = 0,73 et 0,68 respectivement, p = 0,34) ; leur combinaison était plus discriminatoire que le modèle clinique seul (ASC = 0,78, sensibilité [Se] = 67 % versus 60 %, spécificité [Spe] = 79 % versus 70 %). Anne Bellemain-Appaix, institut de cardiologie, hôpital de la Pitié-Salpêtrière, AP-HP, Paris. Lien modéré entre insomnies et infarctus du myocarde Les insomnies ont été incriminées par de petites études dans le risque de survenue d'infarctus du myocarde (IDM). Entre 1995 et 1997, cette large étude norvégienne a inclus 52 610 femmes et hommes qu'elle a suivis en moyenne pendant 11,4 ans ; un questionnaire d'insomnie comportant 3 items (difficultés à s'endormir, à maintenir le sommeil, et sensation de sommeil non réparateur) a été rempli à l’inclusion ; d'autres paramètres (anxiété, dépression, alcool, tabac, sédatifs, paramètres anthropométriques et sociaux et facteurs de risque cardiovasculaire), ainsi que la gêne au travail (chez les moins de 70 ans), ont été évalués et utilisés comme facteurs d’ajustement. Pendant ces 11,4 ans, 2 368 IDM sont survenus. La présence de difficultés à s'endormir (3,3 % des patients), à maintenir le sommeil chaque nuit (2,5 %), et un sommeil non récu- 8 | La Lettre du Cardiologue • n° 451 - janvier 2012 Commentaire Cette étude affirme le rôle essentiel de la pharma­ cogénétique dans la survenue des événements cliniques. Certains gènes candidats confirment leur rôle fondamental dans le métabolisme acti­ vateur du clopidogrel (CYP2C19, ABCB1), d'autres non (PON1 récemment suspecté, puis invalidé). La place de la génétique est ici aussi importante que celle des facteurs cliniques (en particulier dose de charge de clopidogrel et emploi des IPP) et angio­ graphiques dans la survenue de TS. L'individuali­ sation des pratiques à la génétique de chacun, d'autant qu'il existe des alternatives thérapeu­ tiques fiables, n'est peut-être pas si loin. Référence bibliographique Cayla G, Hulot JS, O'Connor SA et al. Clinical, angiographic, and genetic factors associated with early coronary stent thrombosis. JAMA 2011;306:1765-74. coordonnée par le Dr F. Beygui pérateur au moins 1 fois par semaine (8 %) était associée en analyse multivariée et après ajustement à un surrisque d'IDM de 1,45 (IC95 : 1,18-1,8), 1,3 (IC95 : 1,01-1,68) et 1,27 (IC95 : 1,03-1,57) respectivement. Il existait une relation dose-dépendante entre l’intensité de ces manifestations et le risque d'IDM (p = 0,003). Les résultats étaient confirmés après des analyses de sensibilité excluant les 5 premières années de suivi, les patients avec pathologie somatique ou l'emploi de sédatifs. Un effet saisonnier a été observé (lien plus fort entre des difficultés d'endormissement et un IDM en période de faible luminosité). Aucune différence entre les sexes n'a été mise en évidence, et l'exclusion des patients sous sédatifs renforçait le lien insomnies-IDM, suggérant un possible effet bénéfique des sédatifs par réduction des difficultés d’endormissement. ABA REVUE DE PRESSE Commentaire Cette étude, observationnelle, comporte donc les limites inhérentes à cette approche. Les méca­ nismes pouvant expliquer le surrisque d'IDM chez les insomniaques sont hypothétiques (hypertonie sympathique, hypertension artérielle, modifica­ tions endocrines et métaboliques, effet proinflammatoire) ; néanmoins le lien paraît bel et bien exister, en insistant sur l'aspect quali­ tatif du sommeil (on peut dormir peu et bien). Les apnéiques n'ont pas été recherchés dans la cohorte, mais les quelques questions à poser à nos patients pour apprécier leur sommeil pour­ raient facilement, en cas d'insomnies, permettre une protection supplémentaire contre le risque d'IDM par l'adoption de mesures hygiénodiété­ tiques simples. Référence bibliographique Laugsand LE, Vatten LJ, Platou C, Janszky I. Insomnia and the risk of acute myocardial infarction: a population study. Circulation 2011;124:2073-81. Registre international des dissections aortiques aiguës de type A : analyse des causes de retard de diagnostic et de prise en charge chirurgicale, à propos de 894 patients Les dissections aortiques aiguës de type A (DAoA) représentent une urgence chirurgicale, avec un taux horaire de décès de 1 à 2 % à partir du début des douleurs ; bien que de nouvelles recommandations (américaines) viennent d'être éditées, les lacunes de la prise en charge doivent être connues pour être corrigées. Le registre IRAD (International Registry of Acute Aortic Dissection) a inclus 894 patients présentant une DAoA (< 14 jours) non traumatique de 1996 à 2007 sur 24 centres de 11 pays. Les facteurs de retard au diagnostic et à la prise en charge chirurgicale ont été analysés. Le temps moyen entre l'arrivée aux urgences et le diagnostic était de 4,3 heures (1,5 à 24 h), en amélioration dans le temps (4,5 h entre 1996 et 1999, et 4,2 h au-delà) ; le fait d’être une femme, l’absence de symptômes typiques (douleur thoracique ou dorsale brutale violente, hypotension, asymétrie des pouls) ou la présence de fièvre ou d'insuffisance cardiaque, ainsi que la présentation initiale dans un centre non tertiaire entraînaient un retard au diagnostic. Le temps moyen entre le diagnostic et la chirurgie était de 4,3 heures (2,4-24 h, en amélioration : 4,8 h puis 4 h), avec un retard en cas d'antécédents de chirurgie cardiaque, en particulier de pontages, de présentation non brutale ou non algique, ou dans un centre non tertiaire, et chez les sujets de couleur non blanche (en Europe uniquement : barrière linguistique ?). La nature du premier test diagnostique modifiait les délais : un ECG anormal avec une ischémie myocardique (20 % des DAoA), une radiographie de thorax faussement rassurante (20 % des cas), ou un hématome aortique faisant à tort repousser la chirurgie provoquaient un retard de diagnostic et de prise en charge, alors que le scanner raccourcissait les délais. Les patients les plus gravement atteints (hypotension, ischémie de jambe, tamponnade, choc, coma) étaient les plus rapidement diagnostiqués et traités. ABA Commentaire La DAoA est rare, mais grave, de présentation atypique dans 25 % des cas ; le fait d'être une femme, un sujet non blanc en Europe, d'avoir de la fièvre et une insuffisance cardiaque doit, en cas de douleur thoracique non typique, y compris chez les patients pontés ou opérés (valves), conduire à évoquer une DAoA. Les centres non tertiaires doivent impérativement être sensibilisés à ces formes et aux formes typiques, et s'organiser en réseau avec les centres chirurgicaux au moyen de protocoles de diagnostic (scanner ou IRM) et de transfert urgent. Référence bibliographique Harris KM, Strauss CE, Eagle KA et al. The International Registry of Acute Aortic Dissection (IRAD). Correlates of delayed recognition and treatment of acute type A aortic dissection. Circulation 2011;124:1911-8. La Lettre du Cardiologue • n° 451 - janvier 2012 | 9