A B S T R A C T S Résumés de la littérature Valeur pronostique de l’évolution de l’insuffisance mitrale à l’effort en cas de dysfonction ventriculaire gauche ischémique chronique Point du sujet. Chez les patients ayant une dysfonction ventriculaire gauche ischémique chronique et une insuffisance mitrale, la même équipe a déjà montré qu’une augmentation importante (≥ 13 mm2) de la surface d’orifice régurgitant (SOR) de l’insuffisance mitrale lors d’une échocardiographie d’effort était un facteur prédictif de la mortalité à court terme (Circulation 2003;108:1713-7). But. Le but de la présente étude a été de déterminer si la composante dynamique de l’insuffisance mitrale était associée à un risque accru de mortalité et de morbidité à long terme. Patients et méthodes. L’étude a porté sur 161 patients ayant un antécédent d’infarctus myocardique et une dysfonction ventriculaire gauche ischémique chronique (FE ″ 45 %) avec une insuffisance mitrale au moins modérée. La SOR de l’insuffisance mitrale a été calculée par échographie au repos et à l’effort en utilisant la méthode de la PISA ainsi que le Doppler quantitatif. Le suivi a été de 35 ± 11 mois. Résultats. La SOR augmentait à l’effort et passait de 17 ± 9 mm2 au repos à 25 ± 13 mm2 au maximum de l’effort. Une augmentation de la SOR ≥ 13 mm2 à l’effort était retrouvée chez 48 patients, dont la plupart n’avaient qu’une insuffisance mitrale modérée au repos. Les facteurs prédictifs de décès en analyse multidimensionnelle étaient l’augmentation de la SOR à l’effort (≥ 13 mm2), la valeur de la SOR au repos (≥ 20 mm2), et une augmentation importante du gradient de pression transtricuspidien à l’effort. Les facteurs prédictifs d’hospitalisation pour insuffisance cardiaque en analyse multidimensionnelle étaient l’augmentation de la SOR à l’effort (≥ 13 mm2), une augmentation importante du gradient transtricuspidien à l’effort, et le volume télésystolique du ventricule gauche au repos. Les facteurs prédictifs d’événements cardiaques majeurs (décès, insuffisance cardiaque, infarctus non fatal, angor instable) en analyse multidimensionnelle étaient l’augmentation de la SOR à l’effort (≥ 13 mm2), l’absence d’augmentation nette ou la diminution de la fraction d’éjection à l’effort, et le volume télédiastolique du ventricule gauche au repos. Conclusion. En cas de dysfonction ventriculaire gauche ischémique chronique, la valeur pronostique de l’insuffisance mitrale doit tenir compte non seulement de la SOR au repos, mais également de son évolution à l’effort. Une SOR ≥ 20 mm2 au repos est un facteur prédictif de décès. Une augmentation de la SOR ≥ 13 mm2 à l’effort est un facteur prédictif de décès et d’insuffisance cardiaque. Il en est de même d’une augmentation importante de la pression artérielle pulmonaire systolique à l’effort. L’augmentation des volumes ventriculaires gauches au repos et l’absence de réserve contractile à l’effort sont également de mauvais pronostic. B. Gallet, service de cardiologie, CH Argenteuil Long-term outcome of patients with heart failure and dynamic functional mitral regurgitation. Lancellotti P, Gérard PL, Piérard LA ● Eur Heart J 2005;26: 1528-32. Infarctus du myocarde compliqué de dysfonction ventriculaire gauche et d’insuffisance cardiaque : intérêt de l’éplérénone à 30 jours Quel est l’impact d’un traitement par éplérénone sur la mortalité précoce après un infarctus du myocarde (IDM) aigu compliqué de dysfonction ventriculaire gauche et de signes cliniques d’insuffisance cardiaque ? Les auteurs ont repris les résultats de l’étude EPHESUS* (Eplerenone Post-acute myocardial infarction Heart failure Efficacy and SUrvival Study) au trentième jour de la randomisation. EPHESUS avait inclus 6 632 patients présentant un IDM aigu compliqué de dysfonction ventriculaire gauche (fraction d’éjection ventriculaire gauche [FEVG] ≤ 40 %, en moyenne 33 %) avec signes cliniques d’insuffisance cardiaque – non exigés en La Lettre du Cardiologue - n° 393 - mars 2006 cas de diabète. Ils ont été randomisés 3 à 14 jours après la constitution de leur IDM (en moyenne 7,3 jours) entre éplérénone 25 mg/j (3 319 patients) et placebo (3 313 patients). Ils recevaient par ailleurs un traitement standard (à noter cependant que 53 % des patients ne prenaient pas de statines lors de la randomisation) ; 45 % des patients de chaque groupe avaient eu une procédure de revascularisation coronaire ou une thrombolyse. Avaient été exclus les patients dont la kaliémie était supérieure à 5 mmol/l ou la créatininémie supérieure à 2,5 mg/dl. À 30 jours de la randomisation, l’éplérénone réduit le risque de mortalité de 31 % (3,2 % contre 4,6 % pour le groupe 7 A B S T R A C T S placebo ; p = 0,004) et celui de critère composite (mortalité cardiovasculaire et hospitalisations pour complications cardiovasculaires) de 13 % (respectivement 8,6 % et 9,9 % ; p = 0,074). Le risque de mortalité cardiovasculaire est diminué de 32 % (p = 0,003) et celui de mort subite cardiaque de 37 % (p = 0,051). La tolérance de l’éplérénone a été satisfaisante. Une hyperkaliémie est apparue pour 15 patients sous placebo et pour 23 patients sous éplérénone (p = 0,254) – mais il faut noter que 86 % à 87 % des patients inclus recevaient également, à la phase aiguë de leur IDM, un inhibiteur de l’enzyme de conversion ou un antagoniste de l’angiotensine II. de 32 %. Cela est d’autant plus important que 25 % des décès de l’étude EPHESUS à 16 mois concernant le groupe placebo sont survenus lors de ces 30 premiers jours postrandomisation. À côté des traitements actuellement préconisés lors de la prise en charge d’un IDM, ces résultats incitent à la prescription d’éplérénone (25 mg/j) dès la phase aiguë quand l’IDM est compliqué d’une dysfonction ventriculaire gauche (FEVG ≤ 40 %) associée à des signes cliniques d’insuffisance cardiaque (en tenant compte des critères biologiques d’exclusion) . Conclusion. L’étude EPHESUS* avait constaté une réduction de la mortalité de toutes causes de 15 % sous éplérénone sur un suivi de 16 mois après un IDM aigu compliqué de dysfonction ventriculaire gauche systolique symptomatique. Cette nouvelle analyse à 30 jours de la randomisation objective des résultats tout aussi favorables, avec une réduction de la mortalité globale de 31% et de la mortalité cardiovasculaire C. Adams, service de cardiologie, CH Argenteuil * Pitt B, Remme W, Zannad F et al. Eplerenone, a selective aldosterone blocker, in patients with left ventricular dysfunction after myocardial infarction. N Engl J Med 2003;348:1309-21. Eplerenone reduces mortality 30 days after randomization following acute myocardial infarction in patients with left ventricular systolic dysfunction and heart failure. Pitt B, White H, Nicolau J et al. for the EPHESUS Investigators ● J Am Coll Cardiol 2005;46:425-31. Infarctus du myocarde aigu : intérêt du clopidogrel en association à l’aspirine Le clopidogrel fait partie intégrante des traitements recommandés en présence d’un syndrome coronaire aigu sans sus-décalage du segment ST. Faut-il étendre sa prescription aux infarctus du myocarde (IDM) aigus ? COMMIT est une étude randomisée qui a inclus 45 852 patients admis dans 1 250 hôpitaux chinois lors les 24 premières heures d’un IDM suspecté. Ceux-ci ont été randomisés entre clopidogrel 75 mg/j sans dose de charge (22 961 patients) et placebo (22 891 patients), tous recevant de l’aspirine 162 mg/j et un traitement conventionnel pour l’IDM. Dans 93 % des cas, l’électrocardiogramme objectivait un sus-décalage de ST (87 %) ou un bloc de branche gauche (6 %) et, dans 7 % des cas, un sousdécalage de ST. Les patients avaient eu une fibrinolyse avant la randomisation dans 50 % des cas. Les critères de jugement comportaient, d’une part, les complications incluant décès, récidives d’IDM, accidents vasculaires cérébraux (AVC), et d’autre part la mortalité globale pendant la durée du traitement (séjour hospitalier jusqu’à une durée maximale de 28 jours, durée moyenne : 15 jours). Le groupe clopidogrel a bénéficié d’une réduction significative de 9 % des décès, récidives d’IDM et AVC (9,2 % versus 10,1 %, p = 0,002). Pour la mortalité globale, la réduction obtenue de 7 % est également significative (7,5 % pour le groupe clopidogrel et 8,1 % pour le groupe placebo ; p = 0,03). La prescription de clopidogrel a réduit le risque de récidive d’IDM fatal ou non de 14 %. Ces effets favorables sont indépendants des autres traitements. Par ailleurs, il n’a pas été objectivé de majoration du risque hémorragique majeur (nécessité de transfusion, hémorragie cérébrale ou fatale) sous l’association aspirine + clopidogrel 8 (p = 0,59), même pour les sous-groupes de patients à risque, âgés de 70 ans ou plus, ou fibrinolysés. En revanche, il existe une augmentation des hémorragies mineures sous clopidogrel en association avec l’aspirine (3,6 % versus 3,1 % ; p = 0,005). Conclusion. Cette large étude randomisée met en évidence l’intérêt de l’association aspirine + clopidogrel à la phase aiguë d’un IDM en objectivant une réduction de la mortalité globale et des complications associées : mortalité, récidives d’IDM, AVC, sans majoration du risque d’hémorragies sévères. Le clopidogrel a été bien toléré, même pour les sujets âgés ou les patients fibrinolysés (ces derniers représentant la moitié des sujets inclus). La réalisation d’une angioplastie primaire constituait un critère d’exclusion pour l’étude dans la mesure où elle justifie d’emblée la prescription de clopidogrel. À l’instar des recommandations concernant les syndromes coronaires aigus, les résultats de COMMIT soutiennent l’introduction de clopidogrel à la phase aiguë d’un IDM en association aux autres traitements actuellement préconisés. À discuter : l’intérêt d’une dose de charge, non effectuée ici. C. Adams, service de cardiologie, CH Argenteuil Addition of clopidogrel to aspirin in 45,852 patients with acute myocardial infarction: randomized placebo-controlled trial. COMMIT (ClOpidogrel and Metoprolol in Myocardial Infarction Trial) collaborative group. ● Lancet 2005;366:1607- 21. La Lettre du Cardiologue - n° 393 - mars 2006