La Lettre du Cardiologue - n° 386 - juin 2005
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INFORMATIONS
Stratégies de prévention de l’insuffisance coronaire
aiguë postopératoire
Prévention préopératoire
Revascularisation myocardique
La littérature récente montre que, chez les opérés coronariens
asymptomatiques, le risque à court terme (décès, infarctus
et durée de séjour hospitalier) et à moyen terme (espérance
de vie de 2,7 ans) n’est pas amélioré par la revascularisation
myocardique préopératoire (McFall EO. N Engl J Med 2004,
et Godet G. Anesthesiology 2005).
En revanche, le risque est très significativement amélioré par
un traitement prophylactique par bêtabloquant (Mangano DT
et al. N Engl J Med 1996 et Poldermans D et al. N Engl J
Med 1999). Bien sûr, tout coronarien symptomatique doit
être confié aux cardiologues avant une éventuelle chirurgie.
Gestion de l’angioplastie préopératoire et des stents
En cas d’angioplastie coronaire préopératoire, l’arrêt des anti
-
agrégants est à risque (surtout si on utilise des stents pharmaco-
actifs). Se pose alors le problème du risque hémorragique,
en balance avec le risque de thrombose de stent.
En cas de stents non pharmaco-actifs, il est prudent de ne
pas envisager de chirurgie avant 6 semaines et de poursuivre
l’aspirine et le clopidogrel (Plavix
®
). Vis-à-vis du risque de
resténose, on préconise une chirurgie avant le quatrième
mois.
Les stents au sirolimus ou au paclitaxel posent le problème
de cas de thromboses tardives après arrêt de l’antiagrégation
plaquettaire, et cela à distance de l’implantation (McFadden
EP, Lancet 2004). Il faut savoir discuter avec les chirurgiens
de la faisabilité de l’opération sous aspirine et diminuer le
risque inflammatoire prothrombotique postopératoire par
des anti-inflammatoires.
Il existe un risque médico-légal en cas de non-information
du patient stenté (par un stent pharmaco-actif ou non)
vis-à-vis du risque thrombotique à l’arrêt du traitement
antiagrégant avant une chirurgie programmée.
Traitements prophylactiques : les quatre médicaments
de l’insuffisance coronaire
IEC/ARA II :à arrêter la veille de l’opération et à reprendre
ensuite (aucun risque à l’arrêt, aucun bénéfice si poursuite ;
en revanche, risque d’insuffisance rénale).
Bêtabloquants :majoration du risque en cas d’arrêt du trai-
tement et bénéfice important à la poursuite du traitement.
Nécessité d’une titration i.v. des bêtabloquants en cas de
chirurgie digestive.
Aspirine/clopidogrel :risque thrombotique à l’arrêt démon-
tré et statistiquement important au dixième jour d’arrêt (Col-
let JP, Circulation 2004),risque hémorragique de la pour-
suite variable selon les chirurgiens et le type de chirurgie.
Statines :risque à l’arrêt (rebond inflammatoire et procoa-
gulant) ; risque nul et bénéfice à la poursuite (stabilisation
de la plaque, diminution des cytokines en postopératoire) si
posologie inférieure ou égale à 40 mg ; mais si posologie
supérieure (60 à 80 mg), risque d’hypocoagulabilité (entra-
vement de la fonction plaquettaire) et de rhabdomyolyse.
Prévention postopératoire par le monitorage biologique
du dommage myocardique
Elle est fondée sur le dosage répété de la troponine.
Le risque est nul si le taux est compris entre 0 et 0,20 ng/ml, et
l’espérance de vie est intacte.
Il y a un risque de nécrose étendue dès l’élévation du taux au-
dessus de 0,20 ng/ml, avec un diagnostic de nécrose limitée. Cette
situation nécessite l’optimisation de l’oxygénation myocardique,
avec notamment un recours large aux transfusions.
Au-dessus de 3 ng/ml, la surveillance et l’optimisation des trai-
tements coronariens sont à réaliser en soins intensifs, avec une
exploration coronarographique au décours ou en urgence si le
traitement antiagrégant peut être instauré sans risque hémorra-
gique majeur.
MORBIMORTALITÉ
DE LA REVASCULARISATION DES STÉNOSES
DU TRONC COMMUN
Revascularisation par angioplastie
Pr J. Marco (clinique Pasteur, Toulouse)
Les sténoses du tronc commun gauche représentent 5 ± 2 % des
patients explorés par coronarographie et 15 ± 5 % des pontages
coronaires. La mortalité intrahospitalière par revascularisation
chirurgicale est de 2,3 ± 4,7 %.
Les facteurs prédictifs de mortalité retrouvés en analyse univa-
riée sont : l’infarctus récent, l’insuffisance rénale, l’arythmie,
l’âge > 70 ans, la revascularisation incomplète et l’utilisation
d’inotropes en postopératoire. En analyse multivariée, seuls res-
sortent l’âge > 70 ans et une FEVG < 40 %, et le rythme sinusal
est de bon pronostic (Alattar N et al. ESC 2001).
La mortalité intrahospitalière pour les sténoses du tronc commun
isolées est faible et le pronostic à long terme est excellent, tout
comme la survie sans événements coronariens.
F. Revault d’Allonnes rapporte, dans le journal Heart (2002;
87:544-8), une série de 1 727 sténoses du tronc commun (TC)
opérées (22,9 % des patients opérés pour pontages), dont
106 patients présentant des sténoses du TC isolées (35 femmes,
71 hommes, 61 ± 10 ans, FE : 62 ± 13 %) (figures 2 et 3).
Concernant l’angioplastie plus stents conventionnels, les études
rapportent des groupes hétérogènes de patients (définitions
variables et subjectives), rendant l’analyse des résultats diffici-
lement interprétable pour des recommandations.
Le résumé des résultats retrouve une mortalité intrahospitalière
allant de 0 à 4,3 % et une mortalité cardiaque à 7,3 ± 25,5 mois
entre 2 et 12 %. La resténose varie de 8 à 40 %, sachant que les
chiffres les plus bas sont assez optimistes.
Y a-t-il des conséquences de la resténose postangioplastie avec
pose de stent sur la clinique et la fonction ventriculaire gauche ?
Cas clinique (figures 4 et 5)
Dans le registre français (Lefèvre et al., ACC 2004), la mortalité
intrahospitalière est de 0 %, mais sur des hospitalisations de
moins de 48 heures. En revanche, à un mois, elle est de 1,1 % et,
à 12 mois, de 9,6 %. Dans l’article de Takagi et al. (Circulation
2002;106:698-702), la mortalité augmente particulièrement dans