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N F O R M A T I O N S
Convergences et controverses
médico-chirurgicales
J. Silvain*
Amicale des cardiologues a tenu, dans les salons
de l’hôtel Intercontinental, une réunion médicochirurgicale sur le thème de la prise en charge des
coronariens. Les intervenants ont présenté tour à tour les sujets
suivants : “Le risque coronarien de la chirurgie : y a-t-il des médicaments à arrêter avant l’anesthésie ?”, par le Pr P. Coriat (hôpital de la Pitié-Salpêtrière, Paris), “La morbimortalité de la revascularisation des sténoses du tronc commun”, par le Pr J. Marco
(clinique Pasteur, Toulouse) pour le versant angioplastie et par
le Dr N. Bonnet (Institut de cardiologie, hôpital de la Pitié-Salpêtrière, Paris) pour l’approche chirurgicale.
Le tout placé sous la présidence du Dr D. Guedj-Meynier et
modéré par le Dr J.P. Belliard et le Pr I. Gandjbakhch.
L’
LE RISQUE CORONARIEN DE LA CHIRURGIE :
Y A-T-IL DES MÉDICAMENTS À ARRÊTER
AVANT L’ANESTHÉSIE ?
Pr P. Coriat (hôpital de la Pitié-Salpêtrière, Paris)
Selon l’enquête de mortalité “SFAR-INSERM” (Paris, septembre
2003), il apparaît que l’insuffisance coronaire est la pathologie
associée le plus fréquemment en cause (deux tiers des cas) dans
la mortalité postopératoire, surtout en cas d’anémie. L’insuffisance cardiaque est très bien tolérée en milieu chirurgical du fait
de l’absence d’effet dépresseur myocardique des agents anesthésiques actuellement utilisés.
morbimortalité postopératoire ainsi qu’à une diminution significative de l’espérance de vie de l’opéré.
Dans un travail réalisé à la Pitié-Salpêtrière sur près de
1 100 malades (en cours de publication) et étudiant la cinétique
de l’ascension de la troponinémie en postopératoire, il a pu être
mis en exergue l’existence de deux profils différents d’accidents
coronariens.
Dans 40 % des cas, l’infarctus est d’apparition brutale, avec
une élévation de la troponinémie entre 24 et 48 heures, sans
prodromes, correspondant à un accident thrombotique aigu par
probable rupture de plaque (figure 1).
Dans 60 % des cas, il existe un syndrome de menace négligé,
avec troponinémie postopératoire positive et infarctus autour de
la 72e heure.
Les contraintes postopératoires interviennent sur les différents
types de vulnérabilité : la vulnérabilité myocardique avec les
ischémies prolongées qui se transforment en nécrose myocardique, la vulnérabilité de la plaque d’athérome coronaire avec la
présence d’un syndrome inflammatoire majeur en postopératoire
(CRP+++), et la vulnérabilité sanguine (hypercoagulabilité postopératoire).
Troponine I (ng/ml)
Infarctus inaugural
4,5
3,5
Objectif : troponine zéro
Les objectifs de la prise en charge de l’opéré coronarien en 2003
suivent une “démarche qualité” avec un principe qui est d’éviter
tout dommage cellulaire myocardique équivalant à une troponine
postopératoire égale à zéro.
Toute valeur anormale de troponine pré- ou postopératoire doit
être considérée comme le témoin d’un syndrome de menace
d’infarctus et est statistiquement liée à une augmentation de la
2,5
Syndrome de menace
conduisant
à l'infarctus
postopératoire
1,5
0,8
0,6
0,4
0,2
6
* Institut de cardiologie, hôpital de la Pitié-Salpêtrière, Paris.
La Lettre du Cardiologue - n° 386 - juin 2005
24
48
Heures postopératoires
90
Figure 1. Cinétique de la troponinémie postopératoire.
11
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Stratégies de prévention de l’insuffisance coronaire
aiguë postopératoire
Prévention préopératoire
Revascularisation myocardique
La littérature récente montre que, chez les opérés coronariens
asymptomatiques, le risque à court terme (décès, infarctus
et durée de séjour hospitalier) et à moyen terme (espérance
de vie de 2,7 ans) n’est pas amélioré par la revascularisation
myocardique préopératoire (McFall EO. N Engl J Med 2004,
et Godet G. Anesthesiology 2005).
En revanche, le risque est très significativement amélioré par
un traitement prophylactique par bêtabloquant (Mangano DT
et al. N Engl J Med 1996 et Poldermans D et al. N Engl J
Med 1999). Bien sûr, tout coronarien symptomatique doit
être confié aux cardiologues avant une éventuelle chirurgie.
Gestion de l’angioplastie préopératoire et des stents
En cas d’angioplastie coronaire préopératoire, l’arrêt des antiagrégants est à risque (surtout si on utilise des stents pharmacoactifs). Se pose alors le problème du risque hémorragique,
en balance avec le risque de thrombose de stent.
En cas de stents non pharmaco-actifs, il est prudent de ne
pas envisager de chirurgie avant 6 semaines et de poursuivre
l’aspirine et le clopidogrel (Plavix®). Vis-à-vis du risque de
resténose, on préconise une chirurgie avant le quatrième
mois.
Les stents au sirolimus ou au paclitaxel posent le problème
de cas de thromboses tardives après arrêt de l’antiagrégation
plaquettaire, et cela à distance de l’implantation (McFadden
EP, Lancet 2004). Il faut savoir discuter avec les chirurgiens
de la faisabilité de l’opération sous aspirine et diminuer le
risque inflammatoire prothrombotique postopératoire par
des anti-inflammatoires.
Il existe un risque médico-légal en cas de non-information
du patient stenté (par un stent pharmaco-actif ou non)
vis-à-vis du risque thrombotique à l’arrêt du traitement
antiagrégant avant une chirurgie programmée.
Traitements prophylactiques : les quatre médicaments
de l’insuffisance coronaire
IEC/ARA II : à arrêter la veille de l’opération et à reprendre
ensuite (aucun risque à l’arrêt, aucun bénéfice si poursuite ;
en revanche, risque d’insuffisance rénale).
Bêtabloquants : majoration du risque en cas d’arrêt du traitement et bénéfice important à la poursuite du traitement.
Nécessité d’une titration i.v. des bêtabloquants en cas de
chirurgie digestive.
Aspirine/clopidogrel : risque thrombotique à l’arrêt démontré et statistiquement important au dixième jour d’arrêt (Collet JP, Circulation 2004), risque hémorragique de la poursuite variable selon les chirurgiens et le type de chirurgie.
Statines : risque à l’arrêt (rebond inflammatoire et procoagulant) ; risque nul et bénéfice à la poursuite (stabilisation
de la plaque, diminution des cytokines en postopératoire) si
posologie inférieure ou égale à 40 mg ; mais si posologie
supérieure (60 à 80 mg), risque d’hypocoagulabilité (entravement de la fonction plaquettaire) et de rhabdomyolyse.
12
Prévention postopératoire par le monitorage biologique
du dommage myocardique
Elle est fondée sur le dosage répété de la troponine.
Le risque est nul si le taux est compris entre 0 et 0,20 ng/ml, et
l’espérance de vie est intacte.
Il y a un risque de nécrose étendue dès l’élévation du taux audessus de 0,20 ng/ml, avec un diagnostic de nécrose limitée. Cette
situation nécessite l’optimisation de l’oxygénation myocardique,
avec notamment un recours large aux transfusions.
Au-dessus de 3 ng/ml, la surveillance et l’optimisation des traitements coronariens sont à réaliser en soins intensifs, avec une
exploration coronarographique au décours ou en urgence si le
traitement antiagrégant peut être instauré sans risque hémorragique majeur.
MORBIMORTALITÉ
DE LA REVASCULARISATION DES STÉNOSES
DU TRONC COMMUN
Revascularisation par angioplastie
Pr J. Marco (clinique Pasteur, Toulouse)
Les sténoses du tronc commun gauche représentent 5 ± 2 % des
patients explorés par coronarographie et 15 ± 5 % des pontages
coronaires. La mortalité intrahospitalière par revascularisation
chirurgicale est de 2,3 ± 4,7 %.
Les facteurs prédictifs de mortalité retrouvés en analyse univariée sont : l’infarctus récent, l’insuffisance rénale, l’arythmie,
l’âge > 70 ans, la revascularisation incomplète et l’utilisation
d’inotropes en postopératoire. En analyse multivariée, seuls ressortent l’âge > 70 ans et une FEVG < 40 %, et le rythme sinusal
est de bon pronostic (Alattar N et al. ESC 2001).
La mortalité intrahospitalière pour les sténoses du tronc commun
isolées est faible et le pronostic à long terme est excellent, tout
comme la survie sans événements coronariens.
F. Revault d’Allonnes rapporte, dans le journal Heart (2002;
87:544-8), une série de 1 727 sténoses du tronc commun (TC)
opérées (22,9 % des patients opérés pour pontages), dont
106 patients présentant des sténoses du TC isolées (35 femmes,
71 hommes, 61 ± 10 ans, FE : 62 ± 13 %) (figures 2 et 3).
Concernant l’angioplastie plus stents conventionnels, les études
rapportent des groupes hétérogènes de patients (définitions
variables et subjectives), rendant l’analyse des résultats difficilement interprétable pour des recommandations.
Le résumé des résultats retrouve une mortalité intrahospitalière
allant de 0 à 4,3 % et une mortalité cardiaque à 7,3 ± 25,5 mois
entre 2 et 12 %. La resténose varie de 8 à 40 %, sachant que les
chiffres les plus bas sont assez optimistes.
Y a-t-il des conséquences de la resténose postangioplastie avec
pose de stent sur la clinique et la fonction ventriculaire gauche ?
Cas clinique (figures 4 et 5)
Dans le registre français (Lefèvre et al., ACC 2004), la mortalité
intrahospitalière est de 0 %, mais sur des hospitalisations de
moins de 48 heures. En revanche, à un mois, elle est de 1,1 % et,
à 12 mois, de 9,6 %. Dans l’article de Takagi et al. (Circulation
2002;106:698-702), la mortalité augmente particulièrement dans
La Lettre du Cardiologue - n° 386 - juin 2005
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Sténose du tronc commun isolée :
suivi à long terme de 106 patients après chirurgie
Taux de survie cumulée
Suivi moyen : 57,8 ± 42,4 mois
Courbe d'espérance de survie Mortalité :
1,0
• intrahospitalière :
4,7 %
0,9
• tardive : 8,5 %
– cardiaque : 3 patients
0,8
– non cardiaque :
6 patients
0,7
0,6
0,5
0,4
0
20 40
60
80 100 120 140 160 180
Temps (mois)
Revault d'Allonnes F. Heart 2002;87:544-8.
Figure 2. Courbe d’espérance de survie des patients avec sténose du TC
isolée, revascularisés par chirurgie.
Figure 5. Patient de la figure 4 contrôlé 3,5 mois plus tard.
1,0
Sténose du tronc commun isolée :
suivi à long terme de 106 patients après chirurgie
0,8
Courbe d'espérance de survie sans événement coronarien
Coronarographie :
16 patients (17 %)
Re-CABG : 2 patients
PCI : 5 patients
0,8
0,6
Survie
Taux de survie cumulée
1
Taux de survie sans
événement cardiovasculaire majeur
0,4
0,6
0,2
0,4
0,2
0
0
0
0
25
50
75 100 125 150 175 200
Temps (mois)
Revault d'Allonnes F. Heart 2002;87:544-8.
Figure 3. Courbe d’espérance de survie sans événement coronarien des
patients avec sténose du TC isolée.
Figure 4. Homme de 71 ans avec diabète, insuffisance rénale, angor
classe III. FEVG 70 %, coronaire droite normale.
La Lettre du Cardiologue - n° 386 - juin 2005
12
24
36
Mois
Figure 6. Survie des patients avec sténoses du tronc gauche : angioplastie
+ stent “conventionnels” (Takagi T et al. Circulation 2002;106:698-702).
les 6 premiers mois suivant le geste de revascularisation, avant
de se stabiliser (figure 6).
Quand on regarde la FEVG des patients avant dilatation et que l’on
étudie leur courbe de mortalité, les patients à FEVG basse (< 40 %)
ont une mortalité importante dans les premiers mois, avec un probable retentissement de la resténose du TC sur la fraction d’éjection.
Tout comme la chirurgie, l’évaluation par le score de Parsonnet
ou l’Euroscore permet de prédire le risque de mortalité à court
terme (figure 7).
Une suppression du risque de resténose est donc nécessaire avant
de pouvoir recommander l’angioplastie avec stent comme alternative à la chirurgie.
Stents actifs
Pour les stents actifs, il existe plusieurs registres, assez hétérogènes, avec des suivis de 6 mois en moyenne, insuffisants pour
évaluer la mortalité.
.../...
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.../...
Facteurs prédictifs d'événements cliniques
et résultats à long terme après angioplastie élective
non protégée du tronc commun coronaire gauche
0,2
0
0
12
24
Mort cardiaque et Euroscore
10
9
8
7
6
5
4
3
IC95 Euroscore
Survie
Mort cardiaque et score de Parsonnet
1,0
Risque
faible
0,8
Risque
élevé
0,6
p = 0,021
0,4
36
Mois
Takagi T et al. Circulation 2002;106:698-702.
6
66
Nombre de patients
Boccalate et al. ESC 2002.
Figure 7. Évaluation de la mortalité par le score de Parsonnet et
l’Euroscore.
Si l’on regarde le registre RESEARCH, présenté par C.A. Arampatzis (Am J Cardiol 2003) et concernant 27 patients hautement
sélectionnés (TC large, FEVG normale, sténose simple nécessitant un seul stent), la mortalité est de 0 % à 6 mois.
Dans les registres (Chieffo A et al. ACC 2004) comprenant des
patients plus complexes (n = 57 ; Cypher®), la mortalité à 6 mois
est de 5 % et la resténose nécessitant une revascularisation de
23 %. Le registre de la clinique Pasteur (Zanuttini D et al. TCT
2004) montre une mortalité à 6 mois de 0 %, et le taux de resténose nécessitant une revascularisation est de 6 % (n = 34,
Cypher® ou Taxus®) (figure 8).
Les facteurs prédictifs de resténose sont les lésions complexes
(bifurcations), les techniques complexes et le diabète (71,4 % de
resténose chez les diabétiques).
Le stent actif n’a pas réglé le problème de la resténose dans
les lésions complexes du TC de la coronaire gauche.
Il faut absolument identifier les patients aptes à poursuivre
une antiagrégation plaquettaire double prolongée, en faisant
particulièrement attention aux interventions chirurgicales
pouvant survenir lors de la première année.
Conclusion
Chez des patients sélectionnés, l’angioplastie avec implantation
d’un stent actif comme traitement des sténoses du tronc non protégées est réalisable, avec un risque immédiat faible et des résultats à moyen terme prometteurs.
Cependant, les stents actifs ne résolvent pas les difficultés techniques associées aux lésions de bifurcations IVA/Cx du tronc
commun distal et le problème de la resténose intrastent, en particulier chez les patients diabétiques.
Il faut être attentif aux conséquences cliniques potentielles
de la resténose intrastent et de la thrombose tardive du stent.
Une analyse du risque (immédiat, à moyen et à long terme)
doit être réalisée par les différents membres d’une équipe
médico-chirurgicale.
La Lettre du Cardiologue - n° 386 - juin 2005
Figure 8. Homme de 63 ans avec angine classe III, FE = 62 %, sténose
ostiale critique du TC.
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Recommandations ESC PCI 2005
L’angioplastie peut être recommandée pour les lésions du TCG
lorsque le pontage chirurgical présente un risque péri-opératoire
élevé (Euroscore) : classe IIb-C (correspond à une classe III
ACC/AHA).
Revascularisation par chirurgie
Dr N. Bonnet (Institut de cardiologie, hôpital de la PitiéSalpêtrière, Paris)
Histoire naturelle des coronaropathies
La survie globale des coronariens est de 61 % à 5 ans et de 48 %
à 10 ans (Gazes PC et al. Circulation 1973;48:331) et elle varie
suivant le nombre de vaisseaux atteints (Proudfit WJ et al. Circulation 1983;68:986) ; les lésions du tronc commun de la coronaire gauche sont grevées d’une courbe de mortalité superposable à celle des patients tritronculaires.
Il est démontré que la chirurgie augmente la survie en cas de lésions
du tronc commun, de lésions tritronculaires à FE basse, de lésions
bitronculaires incluant l’IVA et des lésions de l’IVA proximale. La
chirurgie diminue également l’angor chez le coronarien stable.
Dans les études comparant l’angioplastie à la chirurgie dans la
revascularisation (BARI Investigators. J Am Coll Cardiol 2000 ;
East. J Am Coll Cardiol 2000 et Mass. Circulation 1995) nous avons
schématiquement un match nul concernant la mortalité, la survenue d’infarctus du myocarde (IDM) et le coût. La chirurgie semble
supérieure pour l’angor et la nécessité de revascularisation.
Mais les troncs communs sont exclus de ces études !
avec une FEVG entre 40 et 55 %. La sévérité de la sténose du
TC est représentée sur la figure 9.
Technique chirurgicale
Les interventions se font sous antiagrégants plaquettaires (aspirine et clopidogrel).
Elles sont réalisées dans 95,2 % des cas sous circulation extracorporelle (CEC), et à cœur battant dans 4,8 % des cas. En moyenne,
2,7 pontages sont effectués par patient, avec 4 ponts dans 11 %, 3
ponts dans 47,4 %, 2 ponts dans 39,3 % et un pont IVA dans 3,75 %
des cas. Les artères revascularisées sont l’IVA dans 100 % des cas,
l’artère diagonale dans 26 % des cas, la circonflexe dans 91 % des
cas et le réseau droit dans 54 % des cas : 100 % d’artères mammaires
internes gauches (MIG) ont été utilisés avec 57 % d’artères mammaires internes droites (MID) (avec une utilisation croissante de la
MID : 73 % de 2000 à 2004). L’artère radiale et l’artère gastroépiploïque sont utilisées dans respectivement 5,2 % et 3,2 % des cas.
Morbimorbidité, les chiffres
Les suites sont compliquées dans 23,7 % des cas (toutes complications confondues, y compris les arythmies par fibrillation
auriculaire transitoire, expliquant ce chiffre élevé) avec 8 % de
complications sévères, et 3,03 % de décès hospitaliers
(> 30 jours). Les deux facteurs de risque de mortalité les plus
puissants sont la fraction d’éjection et l’âge (figures 10 et 11).
Mortalité intrahospitalière
6
Expérience de la Pitié-Salpêtrière
Elle rapporte, de 1994 à 2004, 2 552 patients avec lésion du TC, dont
1 678 patients opérés pour une lésion significative isolée du tronc
commun de l’artère coronaire gauche, soit environ 10 % des patients
et 18 % des pontages du groupe hospitalier (170 TC/an). Le groupe
des patients avec une lésion du TC non isolée se compose de 144
patients avec TC significatif ayant bénéficié d’une chirurgie combinée (5 anévrismes du ventricule gauche, 114 aorte, 23 mitrales,
2 myxomes) ; 123 patients redux de pontages coronaires et 606
patients avec des lésions non significatives. Les patients, dont 84 %
d’hommes, sont âgés de 28 à 94 ans, avec en moyenne 67 ± 10,3 ans.
La fraction d’éjection préopératoire moyenne est de 54 ± 11,6 %,
avec 10 % de patients ayant une FEVG inférieure à 40 %, et 30 %
5
4
3
2
1
0
40-55
< 40
> 55
FEVG (%)
Figure 10. Mortalité suivant la FEVG. Expérience de la Pitié-Salpêtrière
(2 552 TC de 1994 à 2004).
Mortalité intrahospitalière
6
1%
5
2%
4
25 %
100 %
95-100
70-95
50-70
72 %
Figure 9. Sévérité des sténoses du tronc commun. Expérience de la PitiéSalpêtrière (2 552 TC de 1994 à 2004).
16
3
2
1
0
< 40
40-50
50-60
60-70
70-80
80-90
> 90
Âge
Figure 11. Mortalité suivant l’âge. Expérience de la Pitié-Salpêtrière
(2 552 TC de 1994 à 2004).
La Lettre du Cardiologue - n° 386 - juin 2005
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Dans la littérature, la mortalité est de 4,7 % et la survie à 5 ans
de 86,8 %. La mortalité des TC est la même que pour les pontages classiques (J Cardiovasc Surg 2000).
Conclusion
La chirurgie de revascularisation coronaire du tronc commun
gauche doit être pratiquée rapidement. Elle assure une revascularisation complète et durable préservant la fonction ventriculaire gauche.
La mortalité péri-opératoire est de 3 à 4 % ; elle est surtout liée
à l’âge et à la fraction d’éjection ventriculaire gauche.
REVASCULARISATION CHIRURGICALE
DES CORONARIENS DIABÉTIQUES
Dr P. Leprince (Institut de cardiologie, hôpital de la PitiéSalpêtrière, Paris)
La tendance des 15 dernières années est celle d’un nombre croissant de patients diabétiques chez les coronariens opérés avec
26,7 % des cas entre 1996 et 1998 contre 18,6 % entre 1990 et
1992 (Abramov D et al. ATS 2000), et approchant 33 % en 2004
à la Pitié-Salpêtrière.
Les coronariens diabétiques ont un risque accru, compte tenu :
– de lésions diffuses, concentriques, proximales et/ou distales,
calcifiées et souvent silencieuses ;
– d’une fonction VG altérée : chez 400 patients diabétiques, la
FE moyenne retrouvée est de 54 ± 13 %, et 11 % d’entre eux
avaient une FE < 35 % ;
– d’une revascularisation moins efficace avec une mortalité passant de 2,7 à 3,74 % ;
– d’un risque infectieux majoré de 1,5 à 4,3 % (Szabo, ATS 2002).
Améliorations de la prise en charge
Elles passent avant tout par le dépistage, le traitement précoce
du diabète et de la maladie coronaire des patients diabétiques, et
notamment par le progrès de la technique chirurgicale et l’amélioration de la prise en charge péri-opératoire.
Progrès de la technique chirurgicale
Il existe un avantage indéniable de l’artère mammaire interne
gauche et de l’utilisation des doubles mammaires. Cet avantage
est d’autant plus marqué qu’il y a une mauvaise qualité de greffons veineux, avec une dysfonction plus sévère si le diabète est
mal équilibré (Lorusso R et al. Diabetes 2003). Quant au risque
infectieux de médiastinite lors de l’utilisation des artères mammaires, il est nettement diminué par la squelettisation bilatérale
de ces artères (Peterson et al. J Thorac Cardiovasc Surg 2003).
La Lettre du Cardiologue - n° 386 - juin 2005
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L’utilisation de la technique de reconstruction coronaire est un
atout supplémentaire.
Amélioration de la prise en charge péri-opératoire
Dans le service de chirurgie cardiaque de la Pitié-Salpêtrière, une
étude mené par A. Ouattara et C. d’Allessandro a permis d’évaluer l’importance du contrôle strict de la glycémie. Elle a comparé
200 patients diabétiques avec un contrôle strict de la glycémie
(groupe A) versus 200 autres patients diabétiques avec un contrôle
standard de la glycémie (groupe B). Les données pré-opératoires
(âge moyen : 65 ans ; FE : 54 % ; diabète insulinodépendant
[DID] : 25 %) et le nombre de pontages (2,6 pontages/patient,
MIG : 98 %) sont comparables. Il y a eu une utilisation des deux
artères mammaires internes dans 38 % des interventions du groupe
A et dans 16 % de celles du groupe B (p < 0,05). Le pourcentage
d’infection de paroi et de médiastinite a été de 4 % dans les deux
groupes, et la mortalité hospitalière passe dans le groupe A à 1,5 %
contre 3,5 % dans le groupe B (p = 0,06). Un mauvais contrôle
glycémique peropératoire est retrouvé comme un puissant facteur
de risque d’événements indésirables majeurs, avec un odds- ratio
à 7 (p < 0,001) (étude en cours de publication).
Les objectifs du contrôle glycémique reposent sur :
en préopératoire, l’utilisation d’injections d’insuline souscutanées ;
en peropératoire, le maniement d’une perfusion continue d’insuline dont le débit est adapté en fonction de la surveillance de
la glycémie toutes les 30 minutes afin d’obtenir une glycémie
inférieure à 10 mmol/l ;
en postopératoire immédiat, un traitement adapté afin d’obtenir une glycémie inférieure à 7 mmol/l, selon le type de diabète :
– diabète non insulinodépendant (DNID) de type II et ne présentant pas de complication : insuline sous-cutanée adaptée à la
surveillance de la glycémie toutes les 4 heures,
– diabète insulinodépendant (DID), instabilité hémodynamique
ou nécessité d’un débit d’insuline peropératoire supérieur à 2 U/h :
insuline i.v. avec une surveillance horaire de la glycémie.
Conclusion
Le diabète est un facteur de risque indépendant de morbimortalité après revascularisation chirurgicale.
L’amélioration des techniques chirurgicales et le contrôle strict
et adapté des glycémies périopératoires permettent d’obtenir des
résultats à court, moyen et long terme proches de ceux obtenus
O
chez les patients non diabétiques.
Remerciements. Nous tenons à remercier les Prs P. Coriat et
J. Marco ainsi que les Drs N. Bonnet et P. Leprince, qui nous ont
fourni les diapositives relatives à leurs communications.
17
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