Correspondances en Risque CardioVasculaire - Vol. V - n° 2 - avril-mai-juin 2007
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écho des congrès
lisés et devenir totalement asymptomatiques
grâce au traitement médical. Les observations que
l’on peut faire quant aux résultats de COURAGE
sont les suivantes :
– Même dans la population très sélectionnée de
l’essai COURAGE, le risque d’événements coro-
naires majeurs n’est pas faible. Il est proche de
20 % à cinq ans, même sous traitement médical
intensif, et les taux de mortalité sont d’environ
8 %.
– La population de l’essai est très sélectionnée,
comme cela est habituel dans les essais à long
terme, où une adhésion minimale aux mesures de
l’essai et au suivi est indispensable, et où il est
nécessaire d’exclure, préalablement à la rando-
misation, tous les patients qui ne pourraient pas
être considérés comme traités équitablement
dans les deux bras de l’essai (par exemple, les
patients ayant des lésions du tronc commun de
la coronaire gauche, ceux ayant une dysfonction
ventriculaire gauche sévère et les patients insta-
bles étaient légitimement et logiquement exclus
de la randomisation. Bien entendu, les résultats
de COURAGE ne leur sont pas applicables).
– Les bons résultats du traitement médical intensif
ne sont applicables qu’aux patients capables et
désireux de le prendre de façon prolongée.
– Surtout, comment peut-on expliquer l’ineffi-
cacité de la revascularisation coronaire quant à
la protection vis-à-vis d’événements coronaires
aigus, même chez les patients porteurs de lésions
serrées non revascularisées ? Cela est très vrai-
semblablement à mettre en rapport avec les
données, maintenant largement classiques et
convergentes, de la littérature sur les mécanismes
des événements coronaires liés à des ruptures
de plaques multiples, qui surviennent propor-
tionnellement plus fréquemment sur des lésions
modérées, jeunes, riches en lipides, que sur les
plaques fibreuses, calcifiées, serrées, qui sont
typiquement seules responsables de symptômes
angineux (2). Les lésions les plus serrées, qui
sont responsables des symptômes, sont plutôt
un marqueur de l’existence de lésions non
obstructives beaucoup plus nombreuses, riches
en lipides, à risque d’inflammation et de rupture,
que directement responsables des événements.
Elles identifient donc un groupe qui, de façon
cumulée, aura une plus grande fréquence d’évé-
nements coronaires, mais leur traitement local
et focal est inapproprié pour réduire ce risque.
Cela nous ramène à l’observation très générale
concernant la maladie artérielle athéro-thrombo-
tique. C’est une maladie diffuse, à la fois au niveau
des artères coronaires (non pas cantonnée à une
lésion mais touchant généralement l’ensemble
du réseau coronaire) et au sein du réseau arté-
riel dans l’ensemble de l’organisme, puisque
c’est fondamentalement la même maladie qui
touche les artères cérébrales, celles des membres
inférieurs et les artères coronaires. Il est donc
souhaitable et nécessaire de passer d’une vision
du patient centrée sur la lésion coronaire (et, par
voie de conséquence, d’une vision du traitement
centrée sur la “plomberie”) à une vision et une
prise en charge du patient plus globales, centrées
sur la lutte contre le processus athéro-thrombo-
tique et les traitements systémiques.
– Enfin, la dernière remarque qui doit être faite est
que le traitement par revascularisation a néan-
moins eu le mérite de permettre une réduction
plus franche et plus rapide des symptômes angi-
neux, et qu’il a été indispensable chez un tiers
des patients du groupe traité médicalement. Il est
donc tout à fait essentiel de garder en mémoire
qu’un traitement médical initial est une option
parfaitement légitime, mais qu’un tiers environ
des patients ne seront pas contrôlés par ce seul
traitement sur le plan symptomatique et auront
besoin, dans les cinq ans suivant la prise en
charge, d’une revascularisation.
Il y a donc probablement, dans les résultats de
COURAGE, à la fois des confirmations importantes,
mais aussi matière à réfléchir sur la prise en charge
et l’organisation des soins pour les patients coro-
nariens, ainsi que les éléments d’une réflexion
salutaire pour les cardiologues interventionnels
eux-mêmes sur les indications, les bénéfices et
la pratique de leur spécialité. ■
RéféRences bibliogRaphiques
1. Boden WE et al. Optimal medical therapy with or without PCI
for stable coronary disease. N Engl J Med 2007;356:1503-6.
2. Hochman JS, Steg PG. Does preventive PCI work? N Engl J
Med 2007;356:1572-4.