CANCER DE L’OVAIRE
Une méta-analyse récente (Garg, 1998) fait état d’une augmen-
tation du risque de cancer de l’ovaire, peu important (RR =
1,15) mais significatif, au-delà de 10 ans de traitement et uni-
quement pour les tumeurs ovariennes épithéliales. Le pronostic
des cancers de l’ovaire survenant sous THS n’est pas amélioré.
Pour F. Golfier (Lyon), bien que les études épidémiologiques
comportent de nombreux biais (durée de prise des contracep-
tifs oraux non précisée), cette augmentation du risque est donc
probable et, en cas de facteurs de risque de cancer de l’ovaire,
doit faire reconsidérer la poursuite du THS au-delà de 10 ans.
Enfin, il n’existe aucun argument scientifique opposable au
THS chez une femme antérieurement traitée pour un cancer de
l’ovaire.
CANCERS COLORECTAUX
Les cancers colorectaux représentaient, en 1992, la sixième
cause des décès féminins (et la deuxième cause de décès par
cancer). Les femmes présentent un risque de cancer colorectal
identique à celui des hommes avant 50 ans et moindre après.
Sur le plan physiopathologique, les estrogènes exogènes par
voie orale diminuent la synthèse et l’excrétion d’acides
biliaires. Il existe des récepteurs aux estrogènes au niveau des
carcinomes colorectaux et, in vitro, les estrogènes inhibent la
croissance des cellules de cancers coliques humains.
L’appareil digestif constitue donc une nouvelle cible pour le
traitement hormonal substitutif.
L. Boubli (Marseille) a présenté les résultats des études por-
tant sur la relation THS-pathologie tumorale colorectale.
Vingt-quatre études et deux méta-analyses ont été publiées :
elles sont en faveur d’une diminution du risque relatif de
cancer colorectal sous THS, d’autant plus importante que ces
publications sont récentes, et pour des durées de traitement
supérieures à cinq ans (mais avec un faible nombre de
patientes).
Cependant, ces études concernent des populations très dispa-
rates (avec des modes d’alimentation très divers), des sites
tumoraux différents et des traitements hétérogènes.
D’autres auteurs se sont intéressés aux polypes adénomateux
colorectaux, lésions précancéreuses. Là aussi, un THS pro-
longé aurait un effet protecteur pour trois études rétrospec-
tives, alors qu’un autre auteur ne retrouve aucun effet du THS.
CANCER DU SEIN
H. Rozenbaum (Paris) a rappelé que les effets sur la glande
mammaire des estrogènes et des progestatifs sont encore mal
connus et controversés.
En effet, à l’inverse de ce qui est rapporté avec l’endomètre,
différents auteurs ont observé dans le tissu mammaire un index
mitotique plus élevé en phase lutéale.
La progestérone ne peut en principe agir que sur les tissus hor-
monodépendants préalablement soumis aux estrogènes,
puisque l’E2 stimule la synthèse de son propre récepteur et de
celui de la progestérone.
Les études in vitro avec la progestérone et les progestatifs de
synthèse donnent des résultats contradictoires (effet inhibiteur
ou stimulant de la prolifération épithéliale !), probablement dus
à la diversité des protocoles utilisés et des molécules testées.
Une autre voie de recherche actuelle est d’étudier l’impact des
progestatifs sur l’apoptose.
Caractéristiques des cancers du sein sous THS
J.P. Brette (Strasbourg) a recensé douze publications traitant
des caractéristiques cliniques et biologiques des cancers du
sein survenant sous THS.
Neuf études s’intéressent aux cancers diagnostiqués sous
THS, alors que trois études s’intéressent aux cancers dépistés.
Les cancers diagnostiqués (symptomatiques) sous THS sont
plus souvent de petite taille, bien différenciés (plutôt de
grade I), et accompagnés de moins d’atteintes ganglionnaires.
L’impact sur la mortalité de ces éléments n’est cependant pas
clair : cinq études retrouvent une diminution de la mortalité
alors qu’une étude retrouve une aggravation et que trois
auteurs ne retrouvent aucun effet du THS sur la mortalité par
cancer du sein.
Quant aux trois (courtes) séries concernant les cancers dépistés
(dans le cadre de programmes de dépistage systématique),
elles ne retrouvent aucune différence dans les caractéristiques
des tumeurs dépistées chez les femmes sous THS ou non, et
aucune différence en termes de survie.
Par ailleurs, le THS augmente la densité mammographique
chez 15 à 25 % des femmes, particulièrement en cas de traite-
ment estroprogestatif. En augmentant ainsi le nombre de faux
positifs et de faux négatifs, le THS diminue l’efficacité du test
et augmente le coût du dépistage. Biologiquement, les densités
mammographiques correspondent à une prolifération de l’épi-
thélium et du stroma. Cette densité est influencée par les hor-
mones endo- et exogènes.
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La Lettre du Gynécologue - n° 245 - octobre 1999
Toutes ces données sont encore imprécises et méritent des
études prospectives (on attend notamment les résultats de la
grande étude randomisée “Women’s Health Initiative”,
débutée en 1992, dont les résultats seront publiés en 2007).
Une mammographie avant l’instauration d’un THS devrait
donc permettre, entre autres, d’évaluer la densité mammo-
graphique et d’instaurer un dépistage individuel en fonction
de ce “risque”.
Finalement, l’ensemble des résultats des études expérimen-
tales (animales, in vitro) ne permet pas de répondre aux
questions suivantes :
– Chez la femme hystérectomisée, peut-on utiliser un estro-
gène seul, ou faut-il y adjoindre un progestatif ?
– En cas de traitement continu “sans règles”, peut-on admi-
nistrer le progestatif de façon ininterrompue ou vaut-il
mieux le prescrire par cures de 25 jours ?