Cancers du sein : recommandations pour sa prévention (1)

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21.2.2008
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avancée thérapeutique
Cancers du sein : recommandations
pour sa prévention (1)
E
1
n France, l’Académie nationale de
pathologiques des gènes BRCa1/2 qui
médecine vient de mener une réentraînent un très haut risque de cancers
flexion originale sur le thème de la
du sein et de l’ovaire (justifiant une évenpolitique à mener pour, sur la base des
tuelle prévention chirurgicale ovariectomie
connaissances actuellement disponibles,
avec annexectomie, mammectomie), ne
développer une réelle prévention des canreprésentant que 20% de ces cancers à
cers du sein. On sait que dans la plupart
gènes de susceptibilité, soulignent les audes pays à revenus élevés l’incidence de
teurs. Pour la grande majorité des cancers
cette pathologie est en augmentation rédu sein dits sporadiques, les causes sont
gulière depuis une trentaine d’années ; et
donc principalement exogènes, environce même si l’on observe, aux Etats-Unis et
nementales, probablement multiples mais
depuis peu en Franliées au mode de vie
ce une diminution
de type occidental
«… "La prévention pose de
qui apparaît quelque
nombreux problèmes, l’étio- (alimentation, modapeu paradoxale aux
lités de reproduction,
logie de ce cancer étant
yeux de certains spéetc.) comme l’indique
multifactorielle" …»
cialistes. On compte
l’augmentation d’inactuellement chaque
cidence des femmes
année en France environ 41 000 nouveaux
japonaises ou africaines émigrant aux
cas, la mortalité se situant de manière
Etats-Unis.»
stable, du fait des progrès diagnostiques
Ils ajoutent que le rôle des hormones
et thérapeutiques, autour de 10 000 décès.
ovariennes comme agents promoteurs
«La prévention pose de nombreux prode tumeur dus à leur activité mitogène
blèmes, l’étiologie de ce cancer étant mulest bien établi et de nombreux facteurs
tifactorielle, elle repose sur la définition
de risque (obésité postménopausique, aldes indicateurs individuels de risque, précool, temps d’exposition aux hormones
viennent les auteurs du rapport que l’Acaovariennes) concernent ces hormones.
démie vient de publier. Mis à part les
En toute logique, ceci ouvre des possibirares cas liés à une prédisposition génélités de prévention visant à inhiber ou
tique qui relèvent d’une attitude diagnospour le moins à ne pas amplifier leur effet
tique et de prévention spécifique et celles
promoteur. Ces actions reposent sur une
qui concernent les lésions "pré-invasives"
amélioration de la prédiction individuelle
biopsiées (cancers in situ et prolifération
des risques, sur les études contrôlées de
avec atypies), l’appréciation du risque est
chimioprévention hormonale, associées
insuffisante. Cependant, on peut dès mainà des analyses coûts/bénéfices. Pour
tenant proposer quelques attitudes de
l’Académie nationale de médecine, une
prévention.»
politique de prévention efficace pourrait
De très nombreux éléments laissent
être menée dans ce domaine. Elle forpenser qu’il s’agit ici d’un cancer multimule ici une série de recommandations.
génique, multifactoriel, hétérogène du fait
• Il importerait tout d’abord d’améliorer
de l’instabilité génique, mais peut-être
les comportements par une large inforaussi du fait des différences dans les
mation des femmes et des médecins :
cellules épithéliales, luminales ou basaconseiller à toutes les femmes de ne pas
les, impliquées dans les processus phys’exposer à des risques évitables comsiopathologiques. «Il n’y a que 5 à 8%
me la consommation exagérée de boisde cancers héréditaires et les mutations
sons alcoolisées, la sédentarité, le tabac
et l’obésité. Le consensus sur ce point est
d’autant plus grand que la plupart de ces
Les résultats d’une étude laissant penser que le THS «à la
recommandations protégent également
française» n’augmenterait pas les risques ont été récemdu risque cardiovasculaire, du diabète et
ment publiés. Financée par le laboratoire Théramex et
dénommée «Mission», cette étude a été menée sous l’égide
d’autres affections cancéreuses.
de la Fédération nationale française des collèges de gynéco• Au chapitre, hautement controversé, du
logie médicale auprès de plus de 6700 femmes ménopautraitement hormonal des symptômes (THS)
sées suivies en ville par un gynécologue. Les résultats, qui ne
portent que sur un peu moins de 5000 femmes, tendraient
de la ménopause, le rapport estime qu’il
à démontrer qu’au terme d’un an de suivi prospectif l’inciserait «souhaitable» de trouver un consendence des cancers du sein serait moindre chez les femmes
sus entre les gynécologues et les génésous un THS «à la française». Ce travail a toutefois été sévèralistes d’une part qui voient le bénéfice
rement critiqué pour ses biais méthologiques par plusieurs
statisticiens ainsi que par le Centre international de recherdirect de ce traitement sur la vie quotidienche sur le cancer pour qui les THS doivent être officiellene des femmes (bouffées de chaleur...)
ment rangés dans la catégorie des « cancérogènes » qui estiet, d’autre part, les épidémiologistes, les
ment que cette étude ne permet pas d’établir «quelque
conclusion que ce soit sur l’association entre utilisation du
cardiologues et cancérologues qui enreTHS et survenue d’un cancer du sein».
gistrent des effets délétères retardés. «Pour
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Revue Médicale Suisse – www.revmed.ch – 27 février 2008
chaque femme, les contre-indications reposent sur une évaluation individuelle risque/bénéfice difficile car les indices de
risque pour les cancers du sein sont imparfaits et il faut tenir compte des autres
indices de risque (vasculaires, osseux, etc.),
peut-on lire dans le rapport. Si l’on peut
actuellement définir une femme à haut
risque, on ne peut en revanche définir les
femmes qui seraient sans risque de cancer du sein et en particulier celles qui
seraient protégées d’une augmentation
de risque apportée par un THS. A noter
que les progestatifs associés aux estrogènes qui sont nécessaires pour protéger
du risque des cancers de l’endomètre et
de l’ovaire, augmentent cependant nettement le risque de cancer du sein par
un mécanisme non totalement élucidé.»
Il faut ici rappeler que la démonstration
statistiquement indiscutable reste à faire
quant aux bénéfices éventuels d’un THS
dit «à la française» associant progestérone
micronisée et estradiol transdermique.1
• L’une des questions concrètement les
plus délicates concerne les moyens à
mettre en œuvre pour faciliter l’effet protecteur des premières grossesses précoces. En France, l’âge moyen pour le
premier enfant est passé de 24 ans en
1970 à 28-29 ans depuis 2001 et tout
laisse penser qu’il n’a aucune tendance
à baisser. Dans l’attente d’une chimioprévention hormonale reproduisant l’effet
protecteur d’une différenciation précoce
des glandes mammaires, les femmes doivent être informées du bénéfice d’une première grossesse avant 25 ans, estiment
les auteurs du rapport. Celle-ci pourrait
également être encouragée par une meilleure politique familiale (allocations familiales dès le premier enfant, crèches…)
ce qui permettrait d’abaisser l’incidence
des cancers du sein. Il sera plus facile
d’encourager les femmes à allaiter leur
enfant au sein, si possible pendant au
moins six mois. Outre le bénéfice pour
l’enfant, la protection pour la femme est
désormais démontrée par l’épidémiologie
et comprise quant aux mécanismes.»
(A suivre)
Jean-Yves Nau
Revue Médicale Suisse – www.revmed.ch – 5 janvier 2008
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