Revue Médicale Suisse
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5janvier 2008 00
Cancers du sein : recommandations
pour sa prévention (1)
pathologiques des gènes BRCa1/2 qui
entraînent un très haut risque de cancers
du sein et de l’ovaire (justifiant une éven-
tuelle prévention chirurgicale ovariectomie
avec annexectomie, mammectomie), ne
représentant que 20% de ces cancers à
gènes de susceptibilité, soulignent les au-
teurs. Pour la grande majorité des cancers
du sein dits sporadiques, les causes sont
donc principalement exogènes, environ-
nementales, probablement multiples mais
liées au mode de vie
de type occidental
(alimentation, moda-
lités de reproduction,
etc.) comme l’indique
l’augmentation d’in-
cidence des femmes
japonaises ou africaines émigrant aux
Etats-Unis.»
Ils ajoutent que le rôle des hormones
ovariennes comme agents promoteurs
de tumeur dus à leur activité mitogène
est bien établi et de nombreux facteurs
de risque (obésité postménopausique, al-
cool, temps d’exposition aux hormones
ovariennes) concernent ces hormones.
En toute logique, ceci ouvredes possibi-
lités de prévention visant à inhiber ou
pour le moins à ne pas amplifier leur effet
promoteur. Ces actions reposent sur une
amélioration de la prédiction individuelle
des risques, sur les études contrôlées de
chimioprévention hormonale, associées
àdes analyses coûts/bénéfices. Pour
l’Académie nationale de médecine, une
politique de prévention efficace pourrait
être menée dans ce domaine. Elle for-
mule ici une série de recommandations.
•Il importerait tout d’abordd’améliorer
les comportements par une large infor-
mation des femmes et des médecins :
conseiller à toutes les femmes de ne pas
s’exposer à des risques évitables com-
me la consommation exagérée de bois-
sons alcoolisées, la sédentarité, le tabac
et l’obésité. Le consensus sur ce point est
d’autant plus grand que la plupart de ces
recommandations protégent également
du risque cardiovasculaire, du diabète et
d’autres affections cancéreuses.
•Au chapitre, hautement controversé, du
traitement hormonal des symptômes (THS)
de la ménopause, le rapport estime qu’il
serait «souhaitable» de trouver un consen-
sus entre les gynécologues et les géné-
ralistes d’une part qui voient le bénéfice
direct de ce traitement sur la vie quotidien-
ne des femmes (bouffées de chaleur...)
et, d’autrepart, les épidémiologistes, les
cardiologues et cancérologues qui enre-
gistrent des effets délétères retardés. «Pour
chaque femme, les contre-indications re-
posent sur une évaluation individuelle ris-
que/bénéfice difficile car les indices de
risque pour les cancers du sein sont im-
parfaits et il faut tenir compte des autres
indices de risque (vasculaires, osseux, etc.),
peut-on lire dans le rapport. Si l’on peut
actuellement définir une femme à haut
risque, on ne peut en revanche définir les
femmes qui seraient sans risque de can-
cer du sein et en particulier celles qui
seraient protégées d’une augmentation
de risque apportée par un THS. A noter
que les progestatifs associés aux estrogè-
nes qui sont nécessaires pour protéger
du risque des cancers de l’endomètre et
de l’ovaire, augmentent cependant net-
tement le risque de cancer du sein par
un mécanisme non totalement élucidé.»
Il faut ici rappeler que la démonstration
statistiquement indiscutable reste à faire
quant aux bénéfices éventuels d’un THS
dit «à la française» associant progestérone
micronisée et estradiol transdermique.1
• L’une des questions concrètement les
plus délicates concerne les moyens à
mettreen œuvrepour faciliter l’effet pro-
tecteur des premières grossesses pré-
coces. En France, l’âge moyen pour le
premier enfant est passé de 24 ans en
1970 à 28-29 ans depuis 2001 et tout
laisse penser qu’il n’a aucune tendance
àbaisser.Dans l’attente d’une chimio-
prévention hormonale reproduisant l’effet
protecteur d’une différenciation précoce
des glandes mammaires, les femmes doi-
vent être informées du bénéfice d’une pre-
mière grossesse avant 25 ans, estiment
les auteurs du rapport. Celle-ci pourrait
également êtreencouragée par une meil-
leurepolitique familiale (allocations fami-
liales dès le premier enfant, crèches…)
ce qui permettrait d’abaisser l’incidence
des cancers du sein. Il sera plus facile
d’encourager les femmes à allaiter leur
enfant au sein, si possible pendant au
moins six mois. Outre le bénéfice pour
l’enfant, la protection pour la femme est
désormais démontrée par l’épidémiologie
et comprise quant aux mécanismes.»
(A suivre)
Jean-Yves Nau
EnFrance, l’Académie nationale de
médecine vient de mener une ré-
flexion originale sur le thème de la
politique à mener pour, sur la base des
connaissances actuellement disponibles,
développer une réelle prévention des can-
cers du sein. On sait que dans la plupart
des pays à revenus élevés l’incidence de
cette pathologie est en augmentation ré-
gulière depuis une trentaine d’années ; et
cemême si l’on observe, aux Etats-Unis et
depuis peu en Fran-
ce une diminution
qui apparaît quelque
peu paradoxale aux
yeux de certains spé-
cialistes. On compte
actuellement chaque
année en France environ 41000 nouveaux
cas, la mortalité se situant de manière
stable, du fait des progrès diagnostiques
et thérapeutiques, autour de 10000 décès.
«La prévention pose de nombreux pro-
blèmes, l’étiologie de ce cancer étant mul-
tifactorielle, elle repose sur la définition
des indicateurs individuels de risque, pré-
viennent les auteurs du rapport que l’Aca-
démie vient de publier.Mis à part les
rares cas liés à une prédisposition géné-
tique qui relèvent d’une attitude diagnos-
tique et de prévention spécifique et celles
qui concernent les lésions "pré-invasives"
biopsiées (cancers in situ et prolifération
avec atypies), l’appréciation du risque est
insuffisante. Cependant, on peut dès main-
tenant proposer quelques attitudes de
prévention.»
De très nombreux éléments laissent
penser qu’il s’agit ici d’un cancer multi-
génique, multifactoriel, hétérogène du fait
de l’instabilité génique, mais peut-être
aussi du fait des différences dans les
cellules épithéliales, luminales ou basa-
les, impliquées dans les processus phy-
siopathologiques. «Il n’y a que 5 à 8%
de cancers héréditaires et les mutations
«… "La prévention pose de
nombreux problèmes, l’étio-
logie de ce cancer étant
multifactorielle" …»
avancée thérapeutique
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27 février 2008
1 Les résultats d’une étude laissant penser que le THS «à la
française» n’augmenterait pas les risques ont été récem-
ment publiés. Financée par le laboratoire Théramex et
dénommée «Mission»,cette étude a été menée sous l’égide
de la Fédération nationale française des collèges de gynéco-
logie médicale auprès de plus de 6700 femmes ménopau-
sées suivies en ville par un gynécologue.Les résultats,qui ne
portent que sur un peu moins de 5000 femmes, tendraient
àdémontrer qu’au terme d’un an de suivi prospectif l’inci-
dence des cancers du sein serait moindre chez les femmes
sous un THS «à la française». Ce travail a toutefois été sévè-
rement critiqué pour ses biais méthologiques par plusieurs
statisticiens ainsi que par le Centre international de recher-
che sur le cancer pour qui les THS doivent êtreofficielle-
ment rangés dans la catégorie des « cancérogènes » qui esti-
ment que cette étude ne permet pas d’établir «quelque
conclusion que ce soit sur l’association entreutilisation du
THS et survenue d’un cancer du sein».