L' Kyste de l'ovaire : quand demander d'autres explorations ?"

20 | La Lettre du Gynécologue 377 - décembre 2012
DOSSIER Les pathologies ovariennes bénignes
Kyste de l'ovaire :
quand demander d'autres
explorations ?"
Ovarian cysts: which other investigations are mandatory?
Laurent Catala*
L'
échographie pelvienne reste l'examen de
référence pour l'analyse d'un kyste ovarien.
Le plus souvent, la nature du kyste est quasi
déterminée après cette exploration et ne néces-
site aucun examen complémentaire. Ainsi, pour un
kyste fonctionnel caractéristique, un geste chirurgical
ou une surveillance sera proposé sans exploration
complémentaire. En présence d'un kyste évocateur
d'endométriose, la prescription d'examens pour
cartographier la maladie sera adaptée en fonction
de la symptomatologie (imagerie par résonance
magnétique [IRM], coloscopie, etc.).
Deux autres situations imposent néanmoins la
prescription d'examens complémentaires dont nous
discuterons ici la performance : le kyste à haute
probabilité de malignité et le kyste de nature indé-
terminée.
Échographie pelvienne
en faveur d'un kyste à haute
probabilité de malignité
Dans cette situation, il est impossible de surseoir à
une exploration chirurgicale, mais les explorations
complémentaires permettront de faire le bilan d'ex-
tension de la maladie en recherchant des sites extra-
pelviens qui devront faire l'objet de prélèvements
au cours de l'intervention. Ces examens peuvent
également aider à l'évaluation de la faisabilité d'une
cytoréduction optimale.
Évaluer l'extension de la maladie
Le scanner est un examen performant pour la détec-
tion des nodules de carcinose avec une sensibilité
de 92 % et une spécificité de 82 % (1) ; la sensibilité
chutant néanmoins entre 25 et 50 % pour les lésions
de moins de 1 cm (2). Certains sites sont également
mal explorés par le scanner, avec une difficulté pour
évaluer leur atteinte. C'est le cas du mésentère, de
l'intestin grêle, du péritoine diaphragmatique et de
l'atteinte de la paroi pelvienne (3).
L'IRM ne semble pas être plus performante que le
scanner dans cette indication. Ainsi, dans l'étude
de Tempany et al. (1), la sensibilité de l'IRM était de
40 % pour l'évaluation de l'atteinte rétrohépatique,
et de 38 % pour l'atteinte ganglionnaire. L'IRM a de
nombreuses contraintes, dominées par un délai et
une durée de réalisation beaucoup plus longs que
le scanner, et surtout par le fait que l'exploration
est limitée au pelvis.
La tomographie à émission de positon (TEP) au
fluorodéoxyglucose (FDG) [TEP-FDG] ne fait pas
partie du bilan d'extension de routine des cancers de
l'ovaire, mais des études récentes laissent à penser
que cet examen augmente le taux de détection des
lésions de carcinose et des lésions extrapelviennes
(4). Cela est confirmé par une méta-analyse de Yuan
et al. (5) avec sensibilité du scanner, de l'IRM et de
la TEP-FDG pour l'évaluation de l'atteinte ganglion-
naire, qui est respectivement de 42 %, 54 % et 73 % .
Évaluer la faisabilité de la cytoréduction
La chirurgie de cytoréduction complète n'omettant
aucun résidu macroscopiquement visible reste le
gold standard du traitement chirurgical dans le
cancer de l'ovaire. Ce concept de cytoréduction
nécessite parfois des exérèses multiviscérales en
s'aidant, si besoin, de compétences chirurgicales
variées (chirurgiens digestifs, vasculaires, etc.). C'est
dire combien l'évaluation préopératoire est capitale,
permettant d'anticiper les gestes chirurgicaux et,
* Service de chirurgie gynécolo-
gique, CHU d’Angers.
La Lettre du Gynécologue 377 - décembre 2012 | 21
Points forts
»Kyste de l’ovaire suspect de malignité :
– les explorations permettent d’évaluer l’extension de la maladie et la faisabilité de la cytoréduction
optimale ;
– le scanner et l’IRM ont une bonne sensibilité dans cette situation, mais ne peuvent se substituer à
l’exploration cœlioscopique.
»Kyste de l'ovaire de nature indéterminée :
– l’utilisation de scores échographiques associée au taux de CA 125 a une bonne valeur prédictive de la
nature d’un kyste ;
– l’IRM paraît intéressante dans certaines situations et doit être préférée au scanner. Là encore, la
chirurgie est indispensable pour ne pas méconnaître une tumeur maligne ou borderline.
s'il le faut, de référer la patiente dans des centres
spécialisés.
À ce jour, l'exploration par laparoscopie reste la
méthode la plus performante pour évaluer la résé-
cabilité tumorale et pour sélectionner les patientes
relevant d'une chimiothérapie néo-adjuvante suivie
d'une chirurgie intervallaire (6). La laparoscopie
présente néanmoins des limites, notamment pour
l'exploration rétrohépatique, l'évaluation du hile
hépatique ou de l'arrière cavité des épiploons.
Bristow et al. (7) ont développé un modèle fondé sur
13 critères scannographiques permettant le calcul
d'index de prédiction de chirurgie suboptimale.
Cet index prend en compte l'atteinte du mésen-
tère, du péritoine, des coupoles diaphragmatiques,
la présence de nodules de carcinose sur la capsule
hépatique ou de métastases intrahépatiques et
l'atteinte massive de l'épiploon prédit, dans cette
étude, le succès de la chirurgie optimale dans 94 %
des cas. Ces résultats encourageants n'ont pas été
confirmés dans une autre série (8). L'association
de ces critères au Performance Status augmente la
concordance entre l'évaluation par scanner et les
constatations peropératoires (3). Il en est de même
lorsque le volume estimé de l'ascite est supérieur
à 5 litres (9).
L'imagerie préopératoire permet aussi d'anticiper
les gestes de résections digestives. Ainsi, dans une
série de 33 patientes ayant un cancer de l'ovaire
à un stade avancé, Kato et al. (10) ont évalué la
performance du coloscanner pour prédire l'atteinte
de la charnière rectosigmoïdienne. La sensibilité de
cet examen serait de 100 %, supplantant dans cette
indication la coloscopie.
Le dosage plasmatique du CA 125 (carbohydrate
antigen) est également pris en compte par certains
auteurs pour évaluer la faisabilité d'une chirurgie de
réduction optimale. Ainsi, pour Eltabbakh et al. (11),
un taux de CA 125 inférieur à 200 UI/ml est associé
à une probabilité de chirurgie optimale dans plus de
80 % des cas. Un taux supérieur à 500 UI/ml serait,
quant à lui, prédictif de chirurgie suboptimale et
d'extension sus-mésocolique plus fréquente (12).
À l'opposé, dans des séries plus récentes et de plus
grands effectifs, aucune valeur seuil de CA 125 n'a été
identifiée pour prédire la qualité de résécabilité (13).
La cinétique du CA 125 en cours de chimiothé-
rapie serait un facteur pronostique indépendant et
prédirait la résécabilité de la chirurgie intervallaire.
Dans une série rapportée par Rodriguez et al. (14),
38 des 47 patientes (80 %) ayant bénéficié d'une
chirurgie optimale avaient un taux de CA 125 infé-
rieur à 100 U/ml après la chimiothérapie adjuvante.
L'échographie ne permet pas
de déterminer la nature
du kyste
Il existe des situations où il est impossible de
déterminer avec précision la nature de la lésion
annexielle, soit par une impossibilité de localiser
la lésion (ovaire ? utérus ? trompes ?) soit par une
impossibilité de classer la lésion en bas ou haut
risque de malignité.
Le diagnostic préopératoire doit être le plus fiable
possible, conditionnant ainsi les modalités de prise
en charge mais aussi le pronostic de la patiente. De
nombreux scores et indices échographiques ont été
établis dans le but d'affiner le diagnostic des masses
ovariennes. L'étude multicentrique IOTA (Interna-
tional Ovarian Tumour Analysis), publiée en 2000, a
permis de définir un consensus sur la méthodologie
pour caractériser une masse annexielle. Dans ce
travail, les critères échographiques étaient appli-
cables à 76 % des cas et le modèle de régression
logistique utilisé avait une sensibilité de 93 % (15).
La performance diagnostique de l'échographie varie
également en fonction de la nature et du site de la
lésion. La sensibilité est plus faible pour les kystes
mucineux et les cystadénomes et plus élevée pour
les endométriomes et les hydrosalpinx (15).
Les résultats de la méta-analyse de Kinkel et al.
(16) démontrent l'apport de l'évaluation doppler
pour la précision diagnostique préopératoire avec,
en revanche, une absence de gain par l'étude des
résistances artérielles. Ces résultats ne sont pas
influencés par le statut ménopausique des patientes.
L'IRM peut être d'une grande aide lorsqu'une masse
annexielle reste de caractérisation indéterminée.
Dans une méta-analyse incluant 1 267 masses
ovariennes, il apparaît que l'IRM a une sensibilité de
92 % et une spécificité de 85 % pour le diagnostic des
tumeurs borderline ou invasives (17). L'IRM de diffu-
Mots-clés
Kyste de l’ovaire
Cancer de l’ovaire
Scanner
IRM
Cytoréduction
CA 125
Highlights
»
Ovarian cysts with
suspicion of malignancy:
– Explorations enable to
assess the staging of the
disease and the outcomes
of cytoreductive surgery.
The CT scan and MRI have a
high sensitivity in this circum-
stance but cannot replace lapa-
roscopic exploration.
»
Ovarian cysts of
undetermined nature:
– Ultrasound scores combined
with CA 125 serum level have
a good predictive value of the
nature of the cyst. MRI scan
appears to be useful in some
circumstances and should
be preferred to CT scan.
– Once again, surgery is essen-
tial not to misjudge a malig-
nant or borderline tumor.
Keywords
Ovarian cyst
Ovarian carcinoma
CT Scan
RMI
Cytoreduction
CA 125
22 | La Lettre du Gynécologue 377 - décembre 2012
DOSSIER Les pathologies ovariennes bénignes
Références bibliographiques (suite)
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sion optimise la caractérisation des masses annexielles
complexes où l'absence d'hypersignal de la portion
solide a une excellente valeur prédictive positive (VPP)
en faveur de la bénignité (18). Les lésions les plus
difficiles à différencier sont les tumeurs borderline
et celles à forte composante solide.
La TEP ne doit pas être utilisée en routine pour caracté-
riser une masse annexielle. Castellucci et al. (19), dans
une série de 50 masses ovariennes, rapportent une
VPP de 100 %, une valeur prédictive négative (VPN)
de 81 % et un taux de concordance avec les résultats
postopératoires de 92 % .
Le dosage du CA 125 associé à l'échographie est d'uti-
lisation courante pour tenter de prédire la nature
des lésions ovariennes. Cependant, plus de 20 % des
tumeurs infiltrantes n'expriment pas le CA 125 (50 %
des tumeurs de stade 1) et ce marqueur biologique
peut être élevé dans de très nombreuses pathologies
non tumorales (endométriose, cirrhose, inflammation
péritonéale, menstruations, etc.). Dans une méta-
analyse de Medeiros et al. (20), la sensibilité du dosage
du CA 125 pour le diagnostic de cancer est de 80 %
et la spécificité, de 75 % avec un taux de faux positifs
d'autant plus élevé en préménopause. Avec un seuil
à 35 U/ml, la sensibilité est de 78,3 %, la spécificité,
de 82 % ; avec un seuil à 65 U/ml, la sensibilité est de
71,7 %, la spécificité, de 92,5 % (21). Moore et al. (22)
ont étudié un panel de marqueurs et ont démontré
que l'association du CA 125 avec le dosage de l'HE4
(Human Epididymis protein) détient la meilleure sensi-
bilité. Avec ce dosage combiné, 94 % des patientes
ayant une tumeur maligne étaient classées à haut
risque avant la chirurgie et 75 % des patientes avec
une tumeur bénigne étaient classées à bas risque. Les
auteurs concluent que cette méthode diagnostique
permettrait de sélectionner les patientes qui doivent
être orientées vers un centre expert.
Jacobs et al. (23) ont proposé l'utilisation d'un algo-
rithme associant le CA 125, les critères échogra-
phiques et le statut ménopausique. Avec un score
supérieur à 50, la spécificité était de 76,5 % et la sensi-
bilité de 95,1 %. La performance de cette méthode
ne semble pas supérieure à l'utilisation combinée du
CA 125 et de l'HE4.
Conclusion
L'échographie reste l'examen de choix dans l'analyse
d'une masse annexielle. Elle permet de prédire avec
une bonne sensibilité la nature de la lésion, mais
peut nécessiter des examens complémentaires dans
certaines situations. En cas de kystes très suspects,
le scanner associé au dosage du CA 125 est perfor-
mant pour préciser l'extension et la résécabilité de la
maladie. En présence d'un kyste de nature indéter-
miné, l'IRM doit être préférée au scanner. L'utilisation
d'algorithme prenant en compte le dosage du CA 125,
les critères échographiques et le statut ménopausique,
semble intéressante pour sélectionner les patientes,
mais ne doit en aucun cas se substituer à l'exploration
chirurgicale.
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1 / 3 100%

L' Kyste de l'ovaire : quand demander d'autres explorations ?"

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