Chirurgie optimale des formes avancées : techniques chirurgicales

Chirurgie optimale des formes avancées :
techniques chirurgicales
P. Meeus et F. Mithieux
Introduction
La chirurgie des formes avancées des cancers de l’ovaire doit permettre d’ob-
tenir un résidu tumoral minimal sans aggraver le pronostic. Cette prise en
charge chirurgicale répond donc à des exigences précises en terme d’indication
préopératoire et de réalisation per-opératoire.
Seront abordés successivement l’installation, la voie d’abord, l’intérêt des
résections digestives associées, la place et le temps du curage ganglionnaire et
l’importance d’un compte rendu opératoire type.
Généralités
Parmi les critères pronostiques de survie tels que le grade histologique, le stade
FIGO, l’envahissement ganglionnaire, un critère constant de survie est la
qualité de la chirurgie. L’objectif carcinologique doit donc être une chirurgie
d’exérèse permettant d'obtenir un résidu nul ou inférieur à 1 cm le mieux étant
0,5 cm. Cette chirurgie est (donc) consommatrice de temps et de moyens opéra-
toires. En fonction de sa chronologie au sein de l’arsenal thérapeutique, cette
chirurgie peut être initiale, intervallaire ou de deuxième look. En fonction de
sa qualité, elle est classée en sub-optimale ou en optimale. En fonction de son
extension, elle peut être diagnostique, radicale ou supra-radicale.
Le pronostic des carcinomes ovariens dépend du stade, du grade, du type
histologique et du résidu tumoral en fin d’intervention (1). Si ces notions sont
bien connues depuis les travaux de Giffiths (2, 3) et Hacker (4), elles sont
confirmées depuis par l’ensemble des données de la littérature et la méta-
analyse de Bristow et al. (5).
L’enjeu est donc le résidu tumoral en fin d’intervention. Ceci permet
de définir en postopératoire le résidu tumoral et, par là même, la qualité de
l’exérèse.
Si la définition de la taille du résidu varie dans la littérature entre 0,5 et
2 cm, il faut retenir le chiffre de 1 cm comme limite supérieure pour parler de
chirurgie complète. La survie des patientes est directement corrélée au volume
tumoral résiduel (6, 7) même si d’autres facteurs influencent le pronostic
comme l’âge, le grade histologique et le nombre de nodules tumoraux.
Installation et préparation
L’installation doit être standardisée. En « double abord », elle permet un accès
au périnée pour une éventuelle suture colorectale. Une préparation digestive est
indispensable devant la probabilité de résection et d’anastomose digestive
colique ou rectale. Les patientes doivent être prévenues de la possibilité d’une
stomie de décharge qui sera le plus souvent une iléostomie en fosse iliaque
droite. Cette stomie sera donc marquée la vieille de l’intervention. Il n’y a pas
d’indication de stomie digestive définitive. Une préparation digestive est
donnée la veille de la chirurgie.
206 Les cancers ovariens
Chirurgie Optimale Sub-optimale
Résidu tumoral < à 1 cm voir 0,5 cm > 1 cm voir 0,5 cm
Fig. 1 – Installation en double voie.
Voie d’abord
Elle s’adapte à la chirurgie. Hors les chirurgies diagnostiques initiales qui se
feront, soit pas cœlioscopie, soit par médiane sous-ombilicale, la voie d’abord
classique doit permettre un accès au pelvis en bas et aux coupoles diaphragma-
tiques en haut. Ce sera donc le plus souvent une laparotomie médiane
xyphopubienne.
L’utilisation d’un écarteur autostatique (type Book Walter) permet un
meilleur confort pour cette chirurgie très souvent longue et laborieuse.
Bilan lésionnel
Le bilan lésionnel doit être complet et méthodique. Avant de pratiquer des
résections qui pourraient être délétères en terme de qualité de vie sans impact
sur la survie, il est impératif de connaître le degré d’extension de l’envahisse-
ment péritonéal.
Ce bilan doit être exhaustif et (doit) comporter l’exploration de tous les
quadrants de l’abdomen.
Il comprend une cytologie péritonéale (en l’absence d’ascite, un lavage péri-
tonéal), l’examen des organes pelviens (utérus, ovaires, trompes, rectum,
vessie), l’examen des structures digestives (côlon, sigmoïde, rectum, grêle,
mésentère, épiploon), l’examen des gouttières et des deux coupoles, l’examen
du foie, du pédicule hépatique et de la rate.
Chirurgie optimale des formes avancées : techniques chirurgicales 207
Fig. 2 – Exposition du champ opératoire.
Les trois facteurs influant de façon constante la résécabilité sont l’envahis-
sement du mésentère et du grêle, l’envahissement du pédicule hépatique et
l’envahissement du confluent cavo-sus-hépatique.
La patiente sera donc classée en fin d’exploration en stade avancé, c’est-à-
dire, selon la classification FIGO, stade IIc, III ou IV.
Au terme de ce bilan, si la résection paraît impossible, il faut, avant d'en-
treprendre une chimiothérapie, confirmer le diagnostic par des biopsies de la
masse tumorale et établir un compte rendu opératoire complet, en insistant
notamment sur l’envahissement du pelvis et du mésentère. Le geste à pratiquer
se limitera à des biopsies péritonéales et à un prélèvement d’ascite.
L’annexectomie est inutile et ne facilitera pas le geste ultérieur (8). La dissec-
tion des éléments du pelvis doit être proscrite en l’absence de traitement
complet car elle aggrave la prise en charge ultérieure. La patiente sera opérée
secondairement lors d’une chirurgie intervallaire ou au terme de sa chimiothé-
rapie en fonction des constatations initiales et de l’évolution sous traitement
systémique. Cette chirurgie exploratrice doit permettre le diagnostic sans
retarder le traitement systémique.
Ce bilan peut être réalisé pour des équipes entraînées par laparoscopie ; il
faut alors disposer les trocarts sur la ligne médiane pour éviter les passages trans-
musculaires source de greffes tumorales (9). Il faut également prévoir la conversion,
soit immédiate, soit différée dans la semaine si la patiente est résécable.
Quelle chirurgie?
Dans une majorité de cas, l'exérèse des lésions tumorales est envisageable, elle
doit être adaptée à l’atteinte lésionnelle et aux objectifs carcinologiques. La
chirurgie d’exérèse est classée en chirurgie standard, chirurgie radicale et chirurgie
supra-radicale (tableau I) (8). Une bonne étude des examens préopératoires est
indispensable. La lecture attentive du scanner peut d’emblée montrer des critères
de non-résécabilité et orienter vers une simple chirurgie d’exploration (20).
L’apport de l’IRM peut être utile dans les volumineuses masses pelviennes.
208 Les cancers ovariens
Chirurgie standard Chirurgie radicale Chirurgie supra-radicale
Hystérectomie totale Hystérectomie totale Hystérectomie totale
non conservatrice non conservatrice non conservatrice
Omentectomie Omentectomie Omentectomie
Appendicectomie Appendicectomie Appendicectomie
Curages pelviens et Curages pelviens et Curages pelviens et
lombo-aortiques lombo-aortiques lombo-aortiques
0 Pelvectomie postérieure « Hudson » + résections
type « Hudson » viscérales associées
Tableau I – Chirurgie d’exérèse.
Chirurgie des stades avancés
Elle comprend la chirurgie des stades IIb, IIc, III et IV (tableau II).
L’envahissement pelvien est souvent majeur, soit par extension tumorale à
partir des ovaires, soit le plus souvent par une carcinose étendue au Douglas et
à la charnière rectosigmoïdienne en arrière ou au péritoine prévésical en avant.
L’exérèse monobloc permet de répondre aux critères carcinologiques de
qualité. L’abord extra-péritonéal permet l’ablation de tout le péritoine pelvien
tout en facilitant le geste opératoire. En présence d’un envahissement du
Douglas plus ou moins étendu à la face antérieure du rectum, une pelvectomie
postérieure extra-péritonéale répond aux exigences oncologiques en retirant en
monobloc le péritoïne, le rectosigmoïde, le douglas, l’utérus et les ovaires (10-
12). Si la masse pelvienne semble résécable sans sacrifice digestif on optera alors
pour une résection passant dans le plan sous-séreux permettant une « douglas-
sectomie ».
L’atteinte de l’étage sus-méso-colique justifie une chirurgie qui doit être
réalisée dans le même état d’esprit de radicalité que la chirurgie pelvienne, elle
peut comprendre une cholécystectomie, une résection du petit épiploon, une
splénectomie élargie parfois à la queue du pancréas et des résections diaphrag-
matiques.
Chirurgie pelvienne
La décision d’une résection monobloc se fait devant un comblement du
Douglas ne permettant pas une résection macroscopiquement valable. On
débute la dissection par l’amorce du décollement du cæcum et du côlon droit,
Chirurgie optimale des formes avancées : techniques chirurgicales 209
Tableau II – Classification FIGO.
STADE FIGO TNM EXTENSION TUMORALE
I T1 Tumeur limitée aux ovaires
IA T1A Un seul ovaire avec capsule intacte
IB T1B Deux ovaires, capsules intactes
IC T1C Rupture capsulaire ou tumeur à la surface ovarienne ou cellules
malignes dans le liquide d’ascite ou de lavage péritonéal
II T2 Tumeur ovarienne étendue au pelvis
IIA T2A Extension à l’utérus et/ou aux trompes
IIB T2B Extension aux autres organes pelviens
IIC T2C Extension pelvienne avec cellules malignes dans le liquide d’as-
cite ou le lavage péritonéal
III T3 et/ou N1 Métastases péritonéales au-delà du pelvis et/ou adénopathies
métastatiques régionales
IIIA T3A Métastases péritonéales microscopiques
IIIB T3B Métastases macroscopiques < 2 cm
IIIC T3C et/ou N1 Métastases macroscopiques > 2 cm et/ou adénopathies métasta-
tiques régionales
IV M1 Métastases à distance (autres que les métastases péritonéales)
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