Chirurgie du prolapsus : que faire de l’utérus et des annexes ? DOSSIER

20 | La Lettre du Gynécologue 391-392 - juillet-août-septembre-octobre 2014
DOSSIER
Déséquilibres
du plancher pelvien:
prévenir et guérir
Chirurgie du prolapsus :
que faire de l’utérus
et des annexes ?
How to deal with the uterus and the adnexa during
surgery for pelvic organ prolapse?
A. Naveau*, P. Panel*
D’après la communication de Fabrice Lecuru (hôpital européen Georges-Pompidou, AP-HP, Paris)
* Service de gynécologie obstétrique,
centre hospitalier de Versailles, Le
Chesnay.
Que faire de l’utérus ?
Selon la publication de B. Fatton et al. en 2007 (1),
lors d’une promontofi xation abdominale, l’hysté-
rectomie augmente la durée opératoire, les pertes
sanguines, les complications périopératoires et le
risque d’exposition prothétique, sans impact sur la
sexualité. Cela est vrai aussi en cas de chirurgie par
voie vaginale.
Il n’y a donc pas d’argument pour associer une hys-
térectomie systématique si la patiente est asymp-
tomatique.
En revanche, la question mérite d’être posée en
cas d’hyperplasie endométriale ou de facteurs de
risque d’hyperplasie endométriale par exemple en
cas d’indication du tamoxifène au long cours. Il n’y
pas de réponse dans la littérature, mais la question
doit faire partie de la réfl exion médicale.
Que faire des annexes ?
La question des annexes renvoie au problème du
cancer de l’ovaire. S’il n’y a pas eu de progrès sur
le dépistage et le diagnostic précoce, l’effet de la
contraception, de l’annexectomie ou de la stérili-
sation tubaire a été prouvé en prévention.
Leffet de la castration chirurgicale a été étudié chez
30 117 patientes (2) qui ont bénéfi cié d’une hys-
térectomie pour lésions bénignes, avec annexec-
tomie bilatérale associée (16 914 patientes) ou
sans (13 203 patientes), et ont été suivies pendant
28 ans. La balance bénéfi ce-risque est en faveur
de la conservation ovarienne en cas d’hystérec-
tomie avant la ménopause, en raison des risques
cardiovasculaire, de cancer du poumon et de cancer
colorectal, avec un effet majeur avant 55 ans. En
effet, il existait une surmortalité (16,8 % versus
13,3 %) chez les patientes avec annexectomie bila-
térale, toutes causes confondues de décès (HR : 1,12 ;
IC95 : 1,03-1,21). Il n’y a donc pas de bénéfi ce à faire
une annexectomie systématique lors d’une chirurgie
de prolapsus avant 55 ans.
La problématique qui reste est celle de l’annexec-
tomie systématique chez les patientes ménopausées.
Létude de Jacoby et al., publiée en 2011 (3) et
portant sur une cohorte de 25 448 patientes âgées
de 50 à 79 ans, suivies pendant plus de 7 ans, a
montré, certes, une réduction du risque de cancer
de l’ovaire chez les patientes ayant eu une annexec-
tomie bilatérale en même temps que l’hystérec-
tomie (323 patientes traitées pour 1 cancer évité),
mais également une absence d’impact sur les autres
cancers (sein, poumon, colorectal) et sur la morta-
lité globale. Par ailleurs, il n’a pas non plus montré
d’impact sur le risque de fracture de la hanche et le
risque cardiovasculaire.
Ainsi, le bénéfi ce à retirer un ovaire sain chez une
patiente sans facteur de risque, même après la
ménopause, n’est pas formel.
Que faire des trompes ?
La question de la salpingectomie se justifi e par la
prévalence des cancers de l’ovaire de type 2, séreux,
de haut grade, qui sont les plus fréquents et les plus
graves.
Or, dans la majorité des cas, ces cancers seraient
issus des trompes et non des ovaires. En effet, le
point de départ en serait une hyperplasie papillaire
tubaire dont la prolifération et la dégénérescence
secondaire en cellules cancéreuses pourraient se
faire directement dans la trompe avec extension
…/…
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Points forts
»L’hystérectomie augmente la durée opératoire, les pertes sanguines, les complications périopératoires
et le risque d’exposition prothétique, sans impact sur la sexualité.
»Il n’y a pas de bénéfice à faire une annexectomie systématique lors d’une chirurgie de prolapsus avant
55 ans.
»
La salpingectomie bilatérale pourrait prévenir le cancer de l’ovaire et doit être réalisée avec une
fimbriectomie radicale.
Mots-clés
Prolapsus genital
Hystérectomie
Salpingectomie
Prévention du cancer
Highlights
»
Hysterectomy increases the
operating time, blood loss,
perioperative complications
and the risk of mesh exposition,
with no impact on sexuality.
»
As a result, there is no advan-
tage to completing a system-
atic annexectomy during a
prolapse surgery before the
age of 55.
»
Bilateral salpingectomy could
prevent the risk of ovarian
cancer, and shall be completed
with a radical fi mbriectomy.
Keywords
Pelvic organ prolapse
Hysterectomy
Salpingectomy
Cancer prevention
secondaire à l’ovaire, ou après migration sur l’ovaire,
en réalisant des kystes d’inclusion avec dégéné-
rescence secondaire des cellules d’origine tubaire
(Serous Tubal Intraepithelial Carcinoma [STIC]) [4].
Ces lésions ont pu être observées lors de l’examen
anatomopathologique des annexectomies réalisées
chez des patientes présentant une prédisposition
génétique au cancer de l’ovaire (mutation BRCA).
La très grande majorité de ces cancers (80 à 90 %)
sont sporadiques et ne peuvent donc être dépistés.
Cela amène la question de la salpingectomie sys-
tématique après 45 ans chez les patientes bénéfi -
ciant d’une intervention chirurgicale pour pathologie
bénigne, gynécologique ou autre. Les STIC sont
observés dans 40 à 60 % des cas sporadiques.
L’âge moyen au moment du diagnostic de cancer
de l’ovaire étant de 61 ans, on peut penser qu’une
telle politique pourrait éviter un certain nombre de
carcinoses péritonéales d’origine annexielle.
Parmi les patientes opérées pour un cancer de
l’ovaire, 55 % ont déjà subi une intervention abdo-
minale pour une indication bénigne, et 7 à 17 %
d’entre elles ont déjà subi une hystérectomie totale.
Les arguments en faveur de la salpingectomie
étaient : une fonction ovarienne inchangée avec un
bilan hormonal stable, et le fait d’éviter une réin-
tervention (8 %) pour cause d’hydrosalpinx (28 %
des cas). Les arguments contre celle-ci étaient : une
augmentation du taux de FSH, et des anomalies
doppler, avec une augmentation possible du taux
de complications et de laparoconversions (5-10).
Les arguments contre ont été évoqués. Une étude
récente de M. Morelli et al. (2013) [11] a montré
l’absence de variations hormonales et de la taille
de l’ovaire après 3 mois, pour une durée opératoire
et des pertes sanguines similaires.
La salpingectomie, en prévention du cancer de l’ovaire,
doit être réalisée avec une mbriectomie radicale pour
ne pas laisser un reliquat de pavillon sur l’ovaire.
La société d’oncologie canadienne encourage les
praticiens à discuter les bénéfi ces et risques de la
salpingectomie bilatérale lors d’une hystérectomie,
d’une chirurgie pour pathologie bénigne ou d’une
stérilisation tubaire, en prévention du risque de
cancer de l’ovaire.
Conclusion
Il n’y a pas d’argument pour indiquer ou contre-
indiquer une hystérectomie lors d’une chirurgie de
prolapsus. L’annexectomie systématique ne doit plus
être réalisée chez les femmes non ménopausées, et
la salpingectomie bilatérale doit être discutée avec
les patientes après 45 ans lors de toute intervention
abdominale.
1. Fatton B, Amblard J, Jacquetin B. Faut-il réaliser une
hystérectomie lors de la cure de prolapsus ? Ann Urol (Paris)
2007;41(3):91-109.
2. Parker WH, Feskanich D, Broder MS et al. Long-term
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3. Jacoby VL, Grady D, Wactawski-Wende J et al. Oophorec-
tomy vs ovarian conservation with hysterectomy: cardio-
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2011;171(8):760-8.
4. Kurman RJ, Shih IeM. Molecular pathogenesis and
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5. Blank SV. Prophylactic and risk-reducing bilateral
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6. Dietl J, Wischhusen J, Häusler SF. The post-repro-
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7. Murray DL, Sagoskin AW, Widra EA, Levy MJ. The adverse
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10. Yi QH, Ling SR, Chen KM, He WR, Li L, Yi CJ. [Evaluation
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Fu Chan Ke Za Zhi 2012;47(2):110-4. [Article in Chinese].
11. Morelli M, Venturella R, Zullo F. Risk-reducing salpingec-
tomy as a new and safe strategy to prevent ovarian cancer.
Am J Obstet Gynecol 2013;209(4):395-6.
Références bibliographiques
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Les auteurs déclarent
ne pas avoir de liens d’intérêts.
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