Chirurgie du prolapsus : que faire de l’utérus et des annexes ? DOSSIER

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DOSSIER
Déséquilibres
du plancher pelvien :
prévenir et guérir
Chirurgie du prolapsus :
que faire de l’utérus
et des annexes ?
How to deal with the uterus and the adnexa during
surgery for pelvic organ prolapse?
A. Naveau*, P. Panel*
D’après la communication de Fabrice Lecuru (hôpital européen Georges-Pompidou, AP-HP, Paris)
Que faire de l’utérus ?
Selon la publication de B. Fatton et al. en 2007 (1),
lors d’une promontofixation abdominale, l’hystérectomie augmente la durée opératoire, les pertes
sanguines, les complications périopératoires et le
risque d’exposition prothétique, sans impact sur la
sexualité. Cela est vrai aussi en cas de chirurgie par
voie vaginale.
Il n’y a donc pas d’argument pour associer une hystérectomie systématique si la patiente est asymptomatique.
En revanche, la question mérite d’être posée en
cas d’hyperplasie endométriale ou de facteurs de
risque d’hyperplasie endométriale par exemple en
cas d’indication du tamoxifène au long cours. Il n’y
pas de réponse dans la littérature, mais la question
doit faire partie de la réflexion médicale.
Que faire des annexes ?
* Service de gynécologie obstétrique,
centre hospitalier de Versailles, Le
Chesnay.
La question des annexes renvoie au problème du
cancer de l’ovaire. S’il n’y a pas eu de progrès sur
le dépistage et le diagnostic précoce, l’effet de la
contraception, de l’annexectomie ou de la stérilisation tubaire a été prouvé en prévention.
L’effet de la castration chirurgicale a été étudié chez
30 117 patientes (2) qui ont bénéficié d’une hystérectomie pour lésions bénignes, avec annexectomie bilatérale associée (16 914 patientes) ou
sans (13 203 patientes), et ont été suivies pendant
28 ans. La balance bénéfice-risque est en faveur
de la conservation ovarienne en cas d’hystérectomie avant la ménopause, en raison des risques
cardiovasculaire, de cancer du poumon et de cancer
colorectal, avec un effet majeur avant 55 ans. En
20 | La Lettre du Gynécologue • n° 391-392 - juillet-août-septembre-octobre 2014
effet, il existait une surmortalité (16,8 % versus
13,3 %) chez les patientes avec annexectomie bilatérale, toutes causes confondues de décès (HR : 1,12 ;
IC95 : 1,03-1,21). Il n’y a donc pas de bénéfice à faire
une annexectomie systématique lors d’une chirurgie
de prolapsus avant 55 ans.
La problématique qui reste est celle de l’annexectomie systématique chez les patientes ménopausées.
L’étude de Jacoby et al., publiée en 2011 (3) et
portant sur une cohorte de 25 448 patientes âgées
de 50 à 79 ans, suivies pendant plus de 7 ans, a
montré, certes, une réduction du risque de cancer
de l’ovaire chez les patientes ayant eu une annexectomie bilatérale en même temps que l’hystérectomie (323 patientes traitées pour 1 cancer évité),
mais également une absence d’impact sur les autres
cancers (sein, poumon, colorectal) et sur la mortalité globale. Par ailleurs, il n’a pas non plus montré
d’impact sur le risque de fracture de la hanche et le
risque cardiovasculaire.
Ainsi, le bénéfice à retirer un ovaire sain chez une
patiente sans facteur de risque, même après la
ménopause, n’est pas formel.
Que faire des trompes ?
La question de la salpingectomie se justifie par la
prévalence des cancers de l’ovaire de type 2, séreux,
de haut grade, qui sont les plus fréquents et les plus
graves.
Or, dans la majorité des cas, ces cancers seraient
issus des trompes et non des ovaires. En effet, le
point de départ en serait une hyperplasie papillaire
tubaire dont la prolifération et la dégénérescence
secondaire en cellules cancéreuses pourraient se
faire directement dans la trompe avec extension
…/…
Points forts
Mots-clés
Prolapsus genital
Hystérectomie
Salpingectomie
Prévention du cancer
» L’hystérectomie augmente la durée opératoire, les pertes sanguines, les complications périopératoires
et le risque d’exposition prothétique, sans impact sur la sexualité.
» Il n’y a pas de bénéfice à faire une annexectomie systématique lors d’une chirurgie de prolapsus avant
55 ans.
» La salpingectomie bilatérale pourrait prévenir le cancer de l’ovaire et doit être réalisée avec une
fimbriectomie radicale.
…/…
Highlights
» Hysterectomy increases the
operating time, blood loss,
perioperative complications
and the risk of mesh exposition,
with no impact on sexuality.
» As a result, there is no advantage to completing a systematic annexectomy during a
prolapse surgery before the
age of 55.
» Bilateral salpingectomy could
prevent the risk of ovarian
cancer, and shall be completed
with a radical fimbriectomy.
Keywords
Pelvic organ prolapse
Hysterectomy
Salpingectomy
Cancer prevention
Les auteurs déclarent
ne pas avoir de liens d’intérêts.
secondaire à l’ovaire, ou après migration sur l’ovaire,
en réalisant des kystes d’inclusion avec dégénérescence secondaire des cellules d’origine tubaire
(Serous Tubal Intraepithelial Carcinoma [STIC]) [4].
Ces lésions ont pu être observées lors de l’examen
anatomopathologique des annexectomies réalisées
chez des patientes présentant une prédisposition
génétique au cancer de l’ovaire (mutation BRCA).
La très grande majorité de ces cancers (80 à 90 %)
sont sporadiques et ne peuvent donc être dépistés.
Cela amène la question de la salpingectomie systématique après 45 ans chez les patientes bénéficiant d’une intervention chirurgicale pour pathologie
bénigne, gynécologique ou autre. Les STIC sont
observés dans 40 à 60 % des cas sporadiques.
L’âge moyen au moment du diagnostic de cancer
de l’ovaire étant de 61 ans, on peut penser qu’une
telle politique pourrait éviter un certain nombre de
carcinoses péritonéales d’origine annexielle.
Parmi les patientes opérées pour un cancer de
l’ovaire, 55 % ont déjà subi une intervention abdominale pour une indication bénigne, et 7 à 17 %
d’entre elles ont déjà subi une hystérectomie totale.
Les arguments en faveur de la salpingectomie
étaient : une fonction ovarienne inchangée avec un
bilan hormonal stable, et le fait d’éviter une réintervention (8 %) pour cause d’hydrosalpinx (28 %
des cas). Les arguments contre celle-ci étaient : une
augmentation du taux de FSH, et des anomalies
doppler, avec une augmentation possible du taux
de complications et de laparoconversions (5-10).
Les arguments contre ont été évoqués. Une étude
récente de M. Morelli et al. (2013) [11] a montré
l’absence de variations hormonales et de la taille
de l’ovaire après 3 mois, pour une durée opératoire
et des pertes sanguines similaires.
La salpingectomie, en prévention du cancer de l’ovaire,
doit être réalisée avec une fimbriectomie radicale pour
ne pas laisser un reliquat de pavillon sur l’ovaire.
La société d’oncologie canadienne encourage les
praticiens à discuter les bénéfices et risques de la
salpingectomie bilatérale lors d’une hystérectomie,
d’une chirurgie pour pathologie bénigne ou d’une
stérilisation tubaire, en prévention du risque de
cancer de l’ovaire.
Conclusion
Il n’y a pas d’argument pour indiquer ou contreindiquer une hystérectomie lors d’une chirurgie de
prolapsus. L’annexectomie systématique ne doit plus
être réalisée chez les femmes non ménopausées, et
la salpingectomie bilatérale doit être discutée avec
les patientes après 45 ans lors de toute intervention
abdominale.
■
Références bibliographiques
1. Fatton B, Amblard J, Jacquetin B. Faut-il réaliser une
hystérectomie lors de la cure de prolapsus ? Ann Urol (Paris)
2007;41(3):91-109.
2. Parker WH, Feskanich D, Broder MS et al. Long-term
mortality associated with oophorectomy compared with
ovarian conservation in the Nurses’ Health Study. Obstet
Gynecol 2013;121(4):709-16.
3. Jacoby VL, Grady D, Wactawski-Wende J et al. Oophorectomy vs ovarian conservation with hysterectomy: cardiovascular disease, hip fracture, and cancer in the Women’s
Health Initiative Observational Study. Arch Intern Med
2011;171(8):760-8.
4. Kurman RJ, Shih IeM. Molecular pathogenesis and
extraovarian origin of epithelial ovarian cancer – shifting
the paradigm. Hum Pathol 2011;42(7):918-31.
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of ovarian cancer. Obstet Gynecol 2011;117(2 Pt 1):404.
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2011;26(11):2918-24.
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fertilization patients with hydrosalpinx. Hum Reprod
1996;11(3):523-5.
10. Yi QH, Ling SR, Chen KM, He WR, Li L, Yi CJ. [Evaluation
of the clinical value of simultaneous hysterectomy and bilateral salpingectomy in perimenopausal women]. Zhonghua
Fu Chan Ke Za Zhi 2012;47(2):110-4. [Article in Chinese].
11. Morelli M, Venturella R, Zullo F. Risk-reducing salpingectomy as a new and safe strategy to prevent ovarian cancer.
Am J Obstet Gynecol 2013;209(4):395-6.
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