adénocarcinome et les non-fumeurs (32). L’étude BR21, présen-
tée à l’ASCO 2004 et publiée cette année (30), confirme sans
ambiguïté ces résultats, obtenus sur des données résultant essen-
tiellement de phases II. Cette étude, réalisée en double aveugle
contre placebo, a randomisé 731 patients de stade IIIB ou IV
ayant reçu auparavant un ou plusieurs protocoles de chimiothé-
rapie. Le taux de réponse a été de 8,9 % avec l’erlotinib et de
moins de 1 % avec le placebo. La durée médiane de la réponse a
été respectivement de 7,9 mois et de 3,7 mois. La survie sans
progression a été respectivement de 2,2 mois et 1,8 mois. La sur-
vie globale a été prolongée de deux mois (6,7 mois versus
4,7 mois), soit une amélioration de 42,5 %. À un an, 31 % des
patients du groupe erlotinib étaient en vie, contre 22 % des
patients sous placebo. Le bénéfice de l’erlotinib en matière de
survie était retrouvé dans tous les sous-groupes de patients (défi-
nis selon le sexe, l’âge, état de performance (PS), le tabagisme,
les différents types histologiques, le nombre et le type de chi-
miothérapies antérieures, le type de réponse à la chimiothérapie).
Dans l’étude ISEL (33), qui évaluait le gefitinib et dont le
design est assez similaire à celui de l’étude BR21, la médiane
de survie et la probabilité de survie à un an associées au gefiti-
nib (5,6 mois et 27 %) et au placebo (5,1 mois et 22 %) ne dif-
féraient pas significativement.
Il n’y a aucune raison évidente expliquant la différence d’effi-
cacité sur la survie observée entre les études ISEL et BR21.
Deux pistes sont néanmoins possibles : moins bonne optimisa-
tion de la dose du gefitinib ; sélection accidentelle d’une popu-
lation plus sensible dans l’étude BR21. Ces résultats ont per-
mis à l’erlotinib d’obtenir l’accord de la FDA et, en Europe,
l’enregistrement auprès de l’EMEA, prélude à une autorisation
de mise sur le marché (AMM) “pour les malades atteints de
CBNPC localement avancés ou métastatiques continuant à pro-
gresser malgré d’autres traitements incluant au moins une pre-
mière ligne de chimiothérapie”.
Une étude en cours (INTEREST) compare le bénéfice du gefi-
tinib par rapport au docétaxel en seconde ou troisième ligne
thérapeutique ; ses résultats seront disponibles dans un délai de
18 mois. D’ores et déjà, une présentation de la WCLC fait état,
dans une étude de phase II comparant docétaxel et gefitinib,
d’un taux de réponse comparable : 13,7 % pour le docétaxel et
13,2 % pour le gefitinib (34).
En première ligne thérapeutique, aucune étude n’a montré l’inté-
rêt qu’il y a à associer le gefitinib ou l’erlotinib à une chimiothé-
rapie (35-38). En revanche, de nombreuses études sont en cours
ou en projet dans d’autres situations (première ligne et périopéra-
toire dans certaines populations, maintenance chez les répondeurs
à la chimiothérapie), laissant à penser que les TKI de l’EGFR
vont prendre une place de plus en plus importante dans le traite-
ment des CBNPC. Une étude française de l’Intergroupe franco-
phone de cancérologie thoracique (IFCT) (protocole IFCT 0401)
a évalué, en première ligne thérapeutique, le gefitinib dans les
adénocarcinomes à forme pneumonique. Les résultats prélimi-
naires de cette étude présentée à Barcelone (39) montrent un taux
de réponse de 12 % et un taux de contrôle de la maladie de 30 %.
D’autres molécules que le gefitinib et l’erlotinib sont en
cours de développement. Ainsi, le ZD 6474 est un inhibiteur
des tyrosines kinases à activité mixte, anti-EGFR et anti-
VEGFR. Sa prise est orale et sa tolérance est globalement
identique à celle du gefitinib, en dehors d’un allongement du
QT qui ne semble pas poser de problème particulier et d’une
hypertension artérielle. Il ne semble pas entraîner d’hémopty-
sie ni de nécrose tumorale. Dans deux études (40, 41), le
ZD 6474 (300 mg/j) est comparé au gefitinib en deuxième
ligne thérapeutique avec crossover lors de la progression.
Cent soixante-huit patients porteurs de CBNPC ont été inclus,
avec 7 % de réponse objective dans le bras ZD 6474 versus
0% dans le bras gefitinib et 43 % de stabilisation versus
34 %. La survie globale était identique dans les deux groupes
de patients. Le ZD 6474 augmente significativement la durée
de survie sans progression, avec un meilleur taux de réponse.
Lors du switch, le ZD 6474 semble “récupérer” plus de
patients que le gefitinib, mais cela ne se traduit pas sur la
courbe de survie. Une phase II randomisée à trois bras a com-
paré ZD 6474 (100 et 300 mg/j) et docétaxel (75 mg/m2) ver-
sus docétaxel (75 mg/m2). Cent vingt-sept patients porteurs
de CBNPC en deuxième ligne thérapeutique ont été inclus.
Les taux de réponse objective étaient respectivement de
26 %, 18 % et 12 %.
Là encore, la survie sans progression est augmentée, sans que
cela se traduise sur la survie globale.
Au-delà des critères cliniques et histopathologiques, il est fon-
damental de déterminer des critères prédictifs de réponse aux
TKI. L’EGFR et ses voies d’activation ont ainsi été très étu-
diés. Les mutations de l’EGFR ont été décrites par séquençage
direct des exons 18 à 21 à partir de l’ADN tumoral provenant
de 33 malades ayant présenté une réponse majeure à un TKI
(gefitinib ou erlotinib) [42-44]. Une étude rétrospective portant
sur 90 malades (45) a confirmé que la présence de telles muta-
tions était associée à une probabilité plus importante de
réponse aux TKI de l’EGFR. Néanmoins, les tumeurs de cer-
tains malades ayant répondu ne présentaient pas de mutation de
l’EGFR. Dans cette étude, la présence d’une mutation de
l’EGFR était le seul facteur prédictif indépendant de réponse
aux TKI dans un modèle incluant les autres facteurs prédictifs :
sexe féminin, absence de tabagisme et type histologique “adé-
nocarcinome”.
Une synthèse récente indique la description de 192 mutations
(46). Néanmoins, 165 d’entre elles (85,9 %) concernaient
deux hot spots. Parmi ces 192 mutations, 55,8 % consistent en
une délétion de plusieurs nucléotides éliminant 4 acides ami-
nés hautement conservés (LREA) présents sur l’exon 19, et
44,2 % consistent en une mutation ponctuelle dans l’exon 21,
résultant d’une substitution d’un acide aminé en position 858
(L858R). Les autres mutations peuvent toucher également les
exons 18 et 20. Cependant, un très petit nombre de ces muta-
tions est associé cliniquement à une réponse majeure ; il s’agit
de la substitution G719C sur l’exon 18, de certaines des délé-
tions LREA dans l’exon 19, et des substitutions L858R et
L861Q dans l’exon 21. Ces mutations ne sont pas mises en
évidence dans le tissu sain péritumoral, ne sont pas induites
par le traitement par TKI, ne sont pas retrouvées chez tous les
malades répondeurs et n’ont pas été retrouvées chez des
RÉTROSPECTIVE 2005
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La Lettre du Cancérologue - Volume XIV - n° 6 - novembre-décembre 2005