La situation est d’autant plus compliquée qu’il existe certainement
des interactions avec d’autres voies de signalisation. Ainsi, les
mutations de kRas seraient un facteur de non-réponse aux TKI,
à l’inverse de l’hyperexpression d’HER2, mais toutes ces études
ont été faites sur des pièces opératoires et sur un faible nombre
de patients. Les essais portant sur un plus grand nombre de
patients apportent des résultats très contradictoires. La recherche
de l’amplification de l’EGFr (méthode FISH) ou de l’hyperex-
pression protéique (par immunohistochimie) pourrait avoir un
intérêt pour “prédire” la réponse aux TKI, contrairement à ce qui
était rapporté auparavant (tableau IV) (9), et les mutations des
gènes codant pour l’EGFr ne sont pas toujours corrélées à la sur-
vie. Des études sur des populations homogènes de patients avec des
techniques identiques devraient pouvoir apporter rapidement les
réponses à ces questions.
Inhibiteurs des TKI et carcinomes bronchiolo-alvéolaires
La définition histologique des carcinomes bronchiolo-alvéolaires
est actuellement très précise et restrictive : elle ne correspond qu’à
des cancers atteignant les alvéoles sans envahir les tissus adjacents,
ou alors de façon minime, et, en tout cas, n’entraînant pas d’exten-
sion à distance (adénomégalie, pleurésie, métastase). Cette défi-
nition “officielle” très restrictive en fait un cancer raris-
sime. Néanmoins, de nombreuses équipes, notamment
américaines, ont une définition plus large des carcinomes bron-
chiolo-alvéolaires, incluant tous les adénocarcinomes ayant un
aspect histologique, même partiel, de bronchiolo-alvéolaire. Si
on le définit ainsi, sa fréquence est beaucoup plus grande. Au nom
du SWOG, Howard West et al. (10) ont rapporté une étude de
phase II portant sur 137 patients ayant un carcinome bronchiolo-
alvéolaire ou “apparenté” et traités par gefitinib 500 mg/j. Trente-
cinq patients avaient été prétraités par CT, mais 102 ne l’étaient
pas. Sur les 91 patients dont la tumeur était mesurable, 19 % de
réponses partielles étaient notées, dont 6 % de réponses com-
plètes dans le groupe non prétraité et 9 % dans le groupe prétraité,
le tiers des patients présentant par ailleurs une maladie stable.
La survie médiane était de 13 mois dans le groupe prétraité et
de 12 dans le groupe non prétraité. Les femmes avaient une
meilleure survie : 19 mois versus 8 mois (p = 0,007), ainsi que les
non-fumeurs (médiane non encore atteinte versus 10 mois ;
p=0,04) et les PS 0 et 1 versus 2 (15 mois versus 5 mois ;
p=0,006). De même, l’existence d’un rash cutané, quel que soit
son grade, était un facteur de meilleur pronostic (13 mois ver-
sus 5 mois, p = 0,01). Un essai de phase II a été présenté par
Mark Kris et al. (11) portant sur 78 carcinomes bronchiolo-
alvéolaires (dont 20 prétraités par CT) traités par erlotinib
(150 mg/j). Vingt-quatre pour cent de réponses objectives ont été
relevées, avec 57 % de survie à un an. Il faut noter que, dans cette
série, 66 % des patients inclus étaient des femmes. Les inhibi-
teurs de TKI apparaissent donc comme une option thérapeutique
dans ces carcinomes bronchiolo-alvéolaires. Néanmoins, la varia-
bilité de leur définition suivant les équipes, les résultats des CT
de première ligne et l’absence de différence en termes de survie
entre patients non prétraités et patients prétraités fait qu’il reste
logique de commencer la thérapeutique des carcinomes bronchiolo-
alvéolaires non résécables par une CT, suivie en deuxième ligne
par ces inhibiteurs. L’absence d’amélioration et de rash après 4 à
6semaines doit sûrement être un facteur d’arrêt de ces traitements
quelle que soit la ligne thérapeutique utilisée.
L’avenir des TKI ?
Ces molécules méritent de voir leur développement se poursuivre
afin que nous puissions mieux connaître leur place dans notre
arsenal thérapeutique : maintenance, première ligne dans des
populations ciblées, etc.
CÉTUXIMAB ET CBNPC
Le cétuximab est un anticorps monoclonal dont le site d’action
est au niveau du site extracellulaire du récepteur de l’EGFr. Si les
toxicités sont proches de celles des inhibiteurs des TKI (rash), les
modes d’action sont différents. Rafael Rosell et al. (12) ont pré-
senté les résultats de l’essai randomisé de phase II “Lucas” chez
86 patients, avec une randomisation cisplatine-vinorelbine ± cétuxi-
mab, 400 mg/m2lors de la première injection puis 250 mg/m2en
administration hebdomadaire. Cent un patients sur les 112 “screenés”
présentaient une hyperexpression de l’EGFr (méthode immuno-
histochimique) ; 86 d’entre eux ont été inclus dans cet essai. Les
critères d’inclusion étaient habituels, et les deux groupes sem-
blables pour leurs caractéristiques. Les résultats ne montrent pas
de différence significative entre les deux bras, mais une tendance
en faveur de l’association : répondeurs et maladies stables : 35 cas
sur 49 versus 28 cas sur 40, survie à un an : 32 % versus 26 %,
survie à 2 ans : 14 % versus 0 %. Une phase III est programmée.
LES ANTIANGIOGÈNES
Le bevacizumab (Avastin®) est un anticorps monoclonal à plus de 90 %
d’origine humaine, empêchant la fixation du VEGF sur le récepteur.
Le VEGFr est hyperexprimé dans les CBNPC, et cette hyperexpres-
sion est un facteur de mauvais pronostic. L’étude de phase III rap-
portée à l’ASCO en 2005 (13) portait sur 878 patients présentant un
CBNPC “non épidermoïde” sans hémoptysie ni traitement anticoa-
gulant (en effet, un essai de phase II démontrait un risque important
d’hémoptysie en cas de cancer épidermoïde). L’essai randomisait
carboplatine AUC 6 et paclitaxel (225 mg/m2) tous les 21 jours avec
ou sans bevacizumab (15 mg). La réponse objective était de 27,2 %
(bras bevacizumab) versus 10 % (taux de réponse particulièrement
faible dans le bras chimiothérapie seule) (
p<0,001). La médiane
Patients Réponse Survie sans Survie
(n) objective (%) progression (mois) médiane (mois)
FISH + 33 (33 %) 36 9 18,7
FISH - 69 (67 %) 3 2,5 7
IHC + 58 (59 %) 21 5,2 11,5
IHC - 40 (41 %) 5 2,3 5
Mut + 15 (17 %) 53 9 20,8
Mut - 74 (83 %) 5 2,6 8,4
Tableau IV. Corrélations entre mutations EGFr, amplification EGFr par
méthode FISH et IHC. Cohorte de 204 patients (Italie + États-Unis)
(9).
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La Lettre du Cancérologue - Volume XIV - n° 5 - septembre-octobre 2005