RESUME
Notre thèse est une thèse de linguistique française. Elle a pour but d’analyser et
d’interpréter les erreurs à l’écrit en français langue étrangère par des apprenants
chinois aux niveaux débutant et intermédiaire, de proposer un processus de
remédiation aux erreurs récurrentes ayant un certain degré de prototypie et de
procurer une méthodologie appropriée en didactique du FLE en Chine. Nous faisons
porter notre travail sur l’écrit afin d’éviter l’écran des erreurs phonétiques qui
masquent le point essentiel pour nous : les défaillances de construction dans la
production et la reconnaissance.
L’erreur appartient à l’interlangue de l’apprenant et reflète son état imparfait par
rapport au système de la langue cible. Elle n’est pas un item à corriger qui implique le
remplacement par une forme correcte, mais le révélateur significatif d’un substrat
grammatical différent du dispositif grammatical cible et qu’il faut comprendre en tant
que tel pour arriver à une production correcte et stabilisée. Elle nous permet de ce fait
d’entrevoir le processus d’apprentissage chez l’apprenant et d’améliorer la
méthodologie de l’enseignement.
L’analyse des erreurs doit par conséquent travailler sur le processus
d’apprentissage et non sur l’erreur elle-même. Notre analyse adopte donc une
dimension cognitive. Au lieu de se contenter d’une catégorisation et d’une analyse
structurale des erreurs, elle situe l’erreur au sein de l’interlangue de l’apprenant,
identifie le processus cognitif qui conduit à l’erreur, définit le système qui est
sous-jacent à ce processus et cherche enfin à procurer une remédiation afin d’aider
l’apprenant à reconstruire son système linguistique.
Notre thèse se munit donc d’un double objectif. Du point de vue théorique, elle
porte sur l’analyse linguistique des erreurs ; du point de vue pratique, elle porte sur les
processus de remédiation envisageables.
Notre thèse se divise en trois parties. Dans la première partie, nous définissons
l’erreur par rapport à la norme, nous soulignons la signification de l’erreur dans les
recherches linguistiques et pédagogiques et nous présentons la théorie de l’interlangue
qui constitue la base théorique de nos recherches, ainsi que les autres théories
concernant l’apprentissage de la langue.
La théorie de l’interlangue modifie le statut de l’erreur en didactique des langues,
elle dénote l’état d’avancement de l’apprenant dans son apprentissage. Les fonctions
des mémoires révèle l’importance du stockage des connaissances en mémoire à long
terme et dévoile le passage pénible mais réalisable de la mémoire à court terme à la
mémoire à long terme dans l’apprentissage. La distinction entre le savoir déclaratif et
le savoir procédural souligne l’apprentissage de ces deux savoirs en didactique des
langues. Toutes ces connaissances nous servent à mieux comprendre le processus
d’apparition de l’erreur.
En ce qui concerne les différentes théories de l’apprentissage de la langue, elles
nous dévoilent le processus d’apprentissage linguistique et favorisent nos réflexions
sur les nouvelles méthodologies de l’enseignement. Le behaviorisme qui perd son
influence en didactique d’aujourd’hui nous fait comprendre la valeur de
l’automatisme dans l’apprentissage. Le constructivisme souligne la progressivité de
l’apprentissage et l’importance de l’interaction pragmatique dans l’apprentissage. La
théorie de la « zone de proche développement » démasque le rôle de l’enseignant dans
l’apprentissage : au lieu d’être le sujet de l’apprentissage, l’enseignant doit servir de
guide pour orienter l’apprentissage. Et les théories du scaffolding process et de la
collaboration mettent l’accent sur la fonction de toutes sortes de collaborations dans
l’apprentissage, tandis que la théorie de l’intégration cognitive dans l’acquisition de la
langue seconde nous fait comprendre que la construction du système linguistique
dépend des activités mentales et intellectuelles propres de l’apprenant.
La deuxième partie est consacrée à l’analyse et l’interprétation cognitives des
erreurs. Pour que notre analyse soit convaincante, nous avons établi un corpus de
1020 erreurs et nous avons catégorisé ces erreurs selon leur fonctionnalité dans
l’interlangue de l’apprenant. A l’appui de ce corpus, nous obtenons les erreurs les plus
fréquentes chez les apprenants chinois du FLE et nous proposons une analyse
cognitive des erreurs prototypiques en suivant l’ordre de notre catégorisation des
erreurs.
Il existe trois grandes catégories d’erreurs dans notre analyse : les erreurs
lexicales, grammaticales et sociopragmatiques. Les erreurs lexicales de forme qui
comprennent les erreurs d’orthographe et les erreurs de genre constituent les erreurs
les plus importantes dans notre corpus. Selon notre analyse, les erreurs d’orthographe
proviennent surtout de l’ignorance de la motivation phonographique dans
l’interlangue de l’apprenant et de la complexité orthographique du français. Pour les
erreurs de genre, la plupart sont dues à l’absence de régularité entre le genre du nom
et les représentations perceptives (forme écrite et forme orale) ou sémantique du nom.
En ce qui concerne les erreurs lexicales de concept, la polysémie des mots français et
la façon d’acquérir les sens des mots français par l’intermédiaire de la langue
maternelle sont les causes principales des erreurs.
Les erreurs grammaticales comprennent les erreurs morphologiques, syntaxiques
et sémantiques. Les erreurs morphologiques se divisent encore en erreurs
dérivationnelles et flexionnelles. Les premières nous dévoilent les stratégies de
tâtonnement dans l’apprentissage linguistique et ont un lien étroit avec la
surgénéralisation des règles morphologiques chez l’apprenant. La flexion est une
spécificité importante de la langue française. L’absence de cette flexion dans les
langues acquises et l’amuïssement de certains morphèmes flexionnels constituent les
sources principales des erreurs flexionnelles.
Au niveau syntaxique, beaucoup d’erreurs proviennent du transfert négatif du
chinois et de l’anglais et de l’état imparfait de l’interlangue. Etant donnée la grande
différence syntaxique entre le français et le chinois, le recours « inintelligent » au
chinois nous révèle une moindre compétence d’apprentissage et une conscience
linguistique inférieure chez certains apprenants.
Sur le plan sémantique, les erreurs de temps – aspect – modalité représentent un
grand nombre d’erreurs. Elles sont dues surtout à la non référence dans les langues
acquises et à la complexité du temps aspect modalité du français. Le recours au
chinois se voit aussi souvent dans l’apparition des erreurs sémantiques des
prépositions. Nous avons également remarqué une habitude de fléchir en langue
maternelle et de traduire littéralement des phrases en français dans l’apprentissage du
FLE. Cette habitude provoque aussi des erreurs sémantiques.
Les erreurs sociopragmatiques sont dues à une violation des règles
sociolinguistiques et pragmatiques. Chaque langue et chaque société possèdent leurs
propres règles sociopragmatiques. Néanmoins, ces règles sont souvent négligées en
didactique des langues. L’ignorance de ces règles pousse l’apprenant à avoir recours
aux règles sociopragmatiques de sa langue maternelle ou de sa propre société, ce qui
cause par conséquent des erreurs.
La troisième partie vise à la fois à une recherche de remédiation aux erreurs
principales de nos apprenants chinois, nommée micro-remédiation dans notre thèse et
à perfectionner la didactique du FLE en Chine. Ce deuxième processus de
remédiation est appelé macro-remédiation dans notre thèse.
La micro-remédiation recherche la motivation linguistique des points langue et
propose des processus ou stratégies permettant de faciliter l’apprentissage linguistique.
L’apprentissage de la motivation phonographique sert à remédier aux erreurs
orthographiques ; celui de la motivation morphologique favorise la mémorisation des
mots et des morphèmes flexionnels et la découverte des marques temporelles sert à
maîtriser la formation des temps-tenses du français. L’utilisation des schémas et des
réseaux sémantiques s’avère aussi importante pour comprendre et mémoriser des faits
linguistiques. Elle doit être recommandée en didactique cognitive des langues.
La recherche d’une macro-remédiation travaille sur le plan métacognitif et
cognitif. Les études sur la métacognition nous révèlent l’importance de la compétence
métacognitive chez l’apprenant dans son apprentissage et nous encouragent à
promouvoir une pédagogie métacognitive afin de doter nos apprenants de cette
compétence. Et l’approche cognitive qui tient compte du processus d’apprentissage et
qui centre sur la résolution de problèmes transforme l’apprenant à la fois en sujet de la
communication et en sujet de l’apprentissage. Lapprenant devient ainsi actif et pensif.
Il est prêt à découvrir les règles linguistiques par ses propres opérations mentales. Au
sens large, l’approche cognitive comprend l’approche métacognitive. Elles rendent
l’apprentissage efficace et remédient ainsi aux erreurs sur le plan de la didactique des
langues.
Mots clés : erreur dans l’apprentissage des langues, analyse cognitive des erreurs,
remédiation, interlangue, motivation linguistique, FLE (français langue étrangère)
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