L’ENSEIGNEMENT DE LA CULTURE MILITAIRE EN CLASSE DE FLE Prof. Christophe GAUFILLET Faculté Bourgogne, Dijon, France Abstract Partager une même culture, c’est partager une identité commune, une même histoire, des valeurs, une manière de vivre, un système de symboles dans la vie quotidienne. Il faut bien être conscient qu’un contenu culturel est véhiculé par chaque langue qui n’est en fait qu’une traduction linguistique et culturelle d’une réalité. La culture doit faire partie intégrante du processus d’enseignement / apprentissage et la classe de FLE doit être un lieu d’échange où l’apprenant prend une certaine distance par rapport à ce qu’il est, ce qu’il pense ou ce qu’il voit, dans le but de relativiser et de dégager l’implicite culturel. A l’heure de la mondialisation, les hommes sont de plus en plus amenés à voyager dans un pays qui n’est pas le leur. Enseigner la culture en classe de FLE est primordial, puisque ceci tend à réduire le choc culturel, que pourrait rencontrer l’apprenant lors de ses déplacements. Malheureusement, la priorité de l’enseignement est tournée vers la linguistique au détriment de l’enseignement du culturel qui passe au second plan. Pendant des années, on a pensé, à tord, que l’excellente compréhension d’une langue écartait l’apprenant de tous problèmes. Ainsi, avec l’utilisation des méthodologies audiovisuelles (exercices structuraux visant à un automatisme) ou les mises en situation d’expression orale ou écrite, ont s’est focalisé sur l’aspect linguistique, faisant abstraction des composantes du «phénomène langue», à savoir la composante linguistique, mais aussi culturelle et sociale. Il faut bien être conscient qu’un contenu culturel est véhiculé par chaque langue. Chaque élément lexical ou syntaxique d’une langue n’est en fait qu’une traduction linguistique et culturelle d’une réalité. Chez les esquimaux, par exemple, peuple de la banquise, il existe une multitude de mots pour désigner la neige. Il faut comme l’écrit Martine AbdallahPretceille «Une harmonisation entre les acquisitions linguistiques et culturelles», car «apprendre le français c’est aussi apprendre la culture française» [1]. Il est important de connaître les images que les apprenants ont du français, des Français, de la France, de l’école, de l’armée, et plus généralement de tous ce que les apprenants seront susceptibles de rencontrer lors de leur séjour. Les représentations psychosociales, à la fois du professeur et des apprenants, sont à prendre en compte dans le processus d’enseignement/apprentissage. Le passage d’une culture à l’autre se trouve en général posé comme une confrontation avec une situation nouvelle à laquelle l’étranger doit s’adapter. L’élève, selon Geneviève Zarate, croit que «l’autre est toujours moins complexe que lui même» Il s’agit en fait d’une méconnaissance, et dans la classe de FLE, il importe de faire comprendre que «la réalité étrangère est un ensemble sophistiqué et subtil de valeurs, de comportements et de normes». Tout le monde possède un certain nombre de stéréotypes. Le stéréotype est nécessaire puisqu’il permet de se construire une identité, en généralisant une caractéristique physique ou morale d’un autre groupe, en le dévalorisant. La classe de FLE est le lieu où «Il faut relativiser les faits et faire évoluer les stéréotypes voire les inverser» [2]. Chaque société ou chaque communauté, à l’intérieur d’une même société, est régulée par une série de codes, de normes. Le phénomène qui doit être pris en compte est le principe de «naturalisation de la culture». Ce phénomène conduit les individus à croire que ce qu’ils font ou pensent est naturel. Ainsi, il est naturel de ne pas commettre l’inceste ou naturel d’emmener des fleurs lorsque vous êtes invités. Naturel, par rapport à quoi? Lors d’une conversation orale, il convient de dire ou ne pas dire certaines choses, et le style adopté et la manière de dire les choses, par les interlocuteurs, ne seront pas les mêmes, en fonction des personnes à qui l’on s’adresse. La proxémie est elle aussi importante. La distance à respecter entre deux interlocuteurs varie selon le pays. Le français n’aime pas se sentir envahi. En Allemagne, lors d’une réunion, il est de coutume de rappeler tous les éléments d’un dossier, même si ces détails sont déjà connus de tous. En France, on se contente de renvoyer à telle ou telle partie du dossier. Un apprenant chinois ne manifestera aucun signe de doute ou d’incompréhension, et à la question avez-vous compris, la réponse est toujours oui. Il en va du respect envers le professeur. La gestion du temps est-elle aussi différente d’un pays à l’autre, d’une région à une autre. Certains pays pratiquent diverses activités simultanément quand d’autres s’assurent d’avoir terminé une tâche avant d’en entreprendre une autre. Les repères temporels peuvent aussi varier d’un pays à un autre. Après les saintes glaces, le lundi de pentecôte … plus généralement les fêtes du calendrier ou autres moments chers aux français. Autant d’éléments qui pourraient dérouter un étranger qui ne s’y serait pas préparé! Benadava Salvador rappelle que «les frontières linguistiques et les frontières culturelles ne sont pas superposables» et qu’ «une chose est de savoir produire des énoncés hors situation, une autre est de savoir adapter les énoncés à législation spécifique à telle ou telle société» [3] selon l’interlocuteur, le lieu de parole, le moment de la parole, le pôle référentiel et le type de communication. La difficulté pour l’étranger est de dépister les règles, les catégorisations mentales, les comprendre et se les approprier, en d’autres termes, il convient de mettre au jour les implicites culturels qui structurent telle ou telle société, pour s’intégrer dans cette nouvelle société. Les documents authentiques sont incontournables puisqu’ils témoignent, d’une certaine manière de vivre ou de penser. Un témoignage, par exemple, reflète la vie d’un personnage dans un milieu social donné. Multiplier les documents permet de ne pas faire de généralités. Tous les agriculteurs n’ont pas forcément de vaches et tous les militaires n’aiment pas la guerre. Dans le milieu militaire, il faudrait consacrer plus de temps à la civilisation et ne pas en faire un prétexte linguistique. Diffuser des interviews de généraux, de colonels, d’officiers dans différents corps d’armes, des interventions filmées, pour ensuite discuter avec le professeur de leurs réactions, des similitudes, des différences qu’ils ont pu observer. Il faut établir un dialogue constructif qui permette de casser le préjugé ou de relativiser les faits. Un échange avec un natif qui appartiendrait au même contexte socioprofessionnel pourrait faciliter une confrontation d’idées ou de points de vue. L’acquisition d’une culture passe par une médiation. La comparaison ou l’observation de différents manuels traitant du même sujet renforcerait l’esprit critique des apprenants et développerait leur côté objectif. Un exemple pourrait être les conquêtes napoléoniennes. Pour certains, Napoléon était un héros qui a contribué à la grandeur de la France, pour d’autres, un homme cruel, assoiffé de conquêtes, et causant de très nombreuses victimes. Un échange de différents points de vue, d’interactions pacifiques entre les apprenants conduirait à une démystification du mythe de Napoléon, et serait beaucoup plus positif que de vouloir se remémorer par cœur toutes les dates de l’histoire. En conclusion, la classe de FLE doit être un lieu d’échange où l’apprenant prend une certaine distance par rapport à ce qu’il est, ce qu’il pense ou ce qu’il voit, dans le but de relativiser et de dégager l’implicite culturel. La culture doit faire partie intégrante du processus d’enseignement/apprentissage, mais il est à regretter que la culture proposée dans les manuels, soit bien trop souvent abordée sous forme de choses à faire ou à ne pas faire «C’est une vision normée de la culture qui est proposée, un règlement qui décrit une conduite exemplaire» [4]. Bibliographie [1] Abdallah-Pretceille, Martine, Des enfants non francophones à l’école: quel apprentissage, quel français? In Cahier de pédagogie moderne, Paris, Armand Colin/Bourrelier, 1982, p 11. [2] Zarate, Geneviève, Enseigner une culture étrangère, Paris, Hachette, Aubin, 1986. [3] Benadava, Salvador, La composante culturelle dans la compétence de communication, Topiques 6, Alliance Française, 1983, pp. 55-56. [4] Zarate, Geneviève, œuvre cité, p. 96.