MISE AU POINT
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La Lettre du Cancérologue - Volume XII - no4 - juillet-août 2003
INDICATIONS ET LIMITES DE LA RADIO-CHIMIOTHÉRAPIE
CONCOMITANTE
La radio-chimiothérapie est aujourd’hui un standard dans le trai-
tement des tumeurs de stade III avancées inopérables (2-4).
Cependant, peut-on envisager l’utilisation d’une radio-chimio-
thérapie, en particulier concomitante, dans d’autres situations
cliniques, comme en néoadjuvant ? Plusieurs essais théra-
peutiques sont en cours pour tenter de répondre à cette question.
Lors de la dernière réunion de l’American Society of Clinical
Oncology (2003), Albain et al. ont présenté les résultats de l’étude
RTOG 93-09 dans les cancers bronchiques de stade IIIA (40).
Quatre cent vingt-neuf patients atteints de tumeurs T1-3, pN2,
M0 ont reçu une chimio-radiothérapie d’induction (45 Gy avec
cisplatine : 50 mg/m2J1 et J8 + étoposide 50 mg/m2de J1 à J5)
suivie ou non d’une chirurgie après randomisation. La survie
sans récidive est plus longue dans le groupe de patients opérés
(médiane de survie sans récidive 14 mois contre 11,7 mois,
p=0,02). Cette étude témoigne de la faisabilité de cette procé-
dure (40).
Une étude de phase II randomisée coordonnée par l’intergroupe
francophone de cancérologie thoracique, testant différentes asso-
ciations possibles, vient de débuter.
Une autre question soulevée par la radio-chimiothérapie conco-
mitante concerne le profil des patients susceptibles de bénéficier
d’un tel traitement. Est-elle réalisable chez tous les patients ? Les
freins possibles concernent l’âge, l’état général, la fonction res-
piratoire préthérapeutique et, enfin, les antécédents cardio-
vasculaires et les comorbidités associées.
Au CHU Avicenne, nous avons réalisé un essai pilote de radio-
chimiothérapie concomitante chez 22 patients qui avaient un âge
médian de 78 ans. Le traitement consistait en une chimiothéra-
pie d’induction (CDDP, 5-FU, VP16) suivie d’une radiothérapie
standard associée à un traitement de cisplatine (20 mg/m2) et
5-FU (500 mg/m2) deux fois par semaine (41). Le traitement a
dû être arrêté chez six patients (dont 1 cas de pneumopathie fatale
et deux cas de leucopénie de grade 3-4). Une œsophagite de
grade 2 a été observée chez 8 patients et une autre, de grade 3,
chez six patients. Dix-huit patients ont terminé leur traitement.
La survie à un an était de 32 %. Cet essai, même limité, suggère
que l’âge n’est pas une contre-indication formelle à la pratique
d’une radio-chimiothérapie (41).
Les comorbidités (bronchite chronique, insuffisance respiratoire,
antécédents cardiovasculaires) obèrent plus sérieusement la pos-
sibilité de réaliser une radio-chimiothérapie dans de bonnes
conditions.
Enfin, la radio-chimiothérapie n’a pas du tout été explorée chez
les patients ayant un PS 2. Il convient donc de réserver cette
stratégie thérapeutique aux patients en bon état général.
Quelle est finalement la toxicité de ces associations ? Deux
organes sont particulièrement concernés : le poumon lui-même
et l’œsophage.
Même en utilisant une radiothérapie conformationnelle, il reste
un certain volume de poumon irradié et donc un risque potentiel
de fibrose. Par ailleurs, les stades IIIB étant souvent des tumeurs
volumineuses, il est difficile de concentrer l’irradiation sur des
aires limitées.
Cependant, le véritable organe limitant dans l’immédiat est véri-
tablement l’œsophage car l’effet secondaire le plus fréquent de la
radio-chimiothérapie concomitante est l’œsophagite de grade 3,
c’est-à-dire suffisamment sévère pour nécessiter une prise en
charge, voire pour conduire à l’arrêt du traitement. Cette œsopha-
gite est aiguë et généralement transitoire. Cependant, même lorsque
la fibroscopie est redevenue normale et sans signe de sténose, cer-
tains patients continuent à ressentir une gêne à la déglutition.
Là encore, il est difficile d’éviter une irradiation de l’œsophage
quand la tumeur est volumineuse et touche le médiastin. Par
ailleurs, l’association d’une chimiothérapie concomitante majore
le risque d’œsophagite.
À ce jour, la meilleure stratégie préventive de l’œsophagite sévère
reste la surveillance régulière du patient dès le huitième ou
dixième jour de traitement pour instaurer une prise en charge dès
les premiers symptômes.
CONCLUSION
Dans les cancers bronchiques non à petites cellules, les approches
de radio-chimiothérapie concomitante semblent à ce jour les plus
prometteuses en termes de survie. Néanmoins, leur toxicité n’est
Schéma n Survie médiane Survie à 2 ans
(37) RTHA (60 Gy) 66 26 %
RTHA + CBDCA 65 43 %
p = 0,021
(38) RT (60 Gy) 53 26 %
RT (60 Gy) + CBDCA 70 mg/m2/j J1-5 x 5 sem. 54 33 %
RTHA 46 29 %
RTHA + CBDCA 70 mg/m2/j J1-5 x 5 sem. 51 41 %
(39) RT (60 Gy) + CDDP – VP16 2 cycles 234 9,4 mois
RTHA + CDDP – VP16 2 cycles 9,6 mois
RTHA : radiothérapie hyperfractionnée accélérée .
Tableau VI. Radiothérapie hyperfractionnée avec chimiothérapie concomitante.