Chimiothérapie-radio des cancers bronchiques non à petites cellules M

MISE AU POINT
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La Lettre du Cancérologue - Volume XII - no4 - juillet-août 2003
A
u début de ce siècle, les cancers broncho-pulmo-
naires représentaient la première cause de morta-
lité chez l’homme et la troisième chez la femme.
Bien que l’incidence du cancer broncho-pulmonaire soit plus éle-
vée chez l’homme, l’évolution de l’incidence entre 1975 et 1995
a été beaucoup plus rapide chez la femme (1), faisant craindre
d’ici 2020 une évolution quasi épidémique des cancers broncho-
pulmonaires féminins.
La prise en charge thérapeutique des cancers broncho-pulmo-
naires s’est considérablement modifiée au cours de ces dernières
années, faisant appel à une approche multidisciplinaire et inté-
grant de nombreuses innovations technologiques. Si la chirurgie
reste le traitement de référence des tumeurs localisées de stades I
et II, la chimiothérapie s’est progressivement imposée comme
celui des formes avancées métastatiques (2). Quant à la radio-
thérapie, elle est aujourd’hui considérée, en association avec la
chimiothérapie, comme le traitement standard des tumeurs inopé-
rables de stade III (2- 4).
Parler de l’association radio-chimiothérapie soulève plusieurs
questions : selon quel schéma les associer (séquentiel ou conco-
mitant) ? Quels cytotoxiques utiliser, quelles modalités d’irra-
diation privilégier ? Existe-t-il des facteurs limitants à un tel trai-
tement ? Enfin, peut-on envisager d’autres situations cliniques
susceptibles de bénéficier de cette association thérapeutique ?
RADIO-CHIMIOTHÉRAPIE :
UN STANDARD POUR LES TUMEURS
LOCALISÉES INOPÉRABLES
Historiquement, les résultats de la radiothérapie exclusive en
fractionnement-étalement classique étaient généralement
médiocres : les survies à 2 et 5 ans étaient respectivement de 20 et
5 % après 60 Gy en 6 semaines (5). Ces résultats sont expliqués
par un contrôle local modeste de la tumeur primitive et un taux
élevé de métastases à distance (6).
Dès lors, l’efficacité de la chimiothérapie précoce sur la dissé-
mination métastatique occulte devenait une voie de recherche
intéressante. Trois essais à grande échelle ont ainsi été entrepris
pour comparer les bénéfices d’une chimiothérapie d’induction
précédant la radiothérapie (ou radio-chimiothérapie séquentielle)
à ceux de la radiothérapie exclusive (tableau I) (7-9).
Chimiothérapie-radio
des cancers bronchiques non à petites cellules
Chemotherapy-radio in non-small-cell lung cancer
T. Bouillet, A. Khalil, J.F. Morère
CHU Avicenne, université Paris XIII.
nTraitement Médiane Survie Survie
survie (mois) à 2 ans (%) à 5 ans (%)
CALGB 8433 (7) 77 RT 9,7 13
78 CDDP-vinblastine -> RT 13,8 26*
RTOG 8808 (8) 149 RT 11,4 19 5
151 RT hyper-fractionnée 12,3 24 6
151 CDDP- vinblastine -> RT 13,8* 32 8
Le Chevalier (9) 177 RT 10 14 3
176 CDDP-vindésine 12 21* 6
cyclophosphamide -> RT
* p < 0,05
Tableau I. Radio-chimiothérapie séquentielle versus radiothérapie (RT).
La Lettre du Cancérologue - Volume XII - no4 - juillet-août 2003
ments. Elle est actuellement la plus étudiée et conceptuellement
la plus intéressante. Contrairement à la chimiothérapie d’induc-
tion, la chimiothérapie concomitante est susceptible, outre son
effet sur les métastases occultes, d’améliorer le contrôle local par
action cytotoxique directe et par radiosensibilisation, mais aussi
en agissant sur la repopulation tumorale au cours de la radio-
thérapie (5). Plusieurs essais de phase III ont donc comparé ces
deux modalités d’administration, séquentielle ou concomitante
(10-12), les médicaments utilisés dans ces essais étant des sub-
stances classiques, comme les sels de platine, la vindésine, la vin-
blastine, le 5-FU, l’étoposide ou la mitomycine (tableau II).
Ces trois essais ont donné des résultats similaires avec des
médianes de survie autour de 16 mois et des survies à 2 ans
autour de 37 %. La principale toxicité de ces protocoles était
l’œsophagite de grades 3-4 qui peut affecter jusqu’à 30 % des
patients mais elle est généralement de courte durée et pratique-
ment toujours réversible, sans séquelles (5).
De nombreux essais de phase II, portant sur des populations plus
limitées, ont permis d’évaluer plusieurs protocoles de radio-
chimiothérapie concomitante variant quant au choix des molé-
cules utilisées et quant à leur schéma posologique (13-22)
(tableau III). Certaines études comportent en plus une chimio-
thérapie d’induction.
L’intérêt de l’administration concomitante de la radio-chimio-
thérapie étant établi, peut-on encore gagner en efficacité en opti-
misant le choix de la chimiothérapie et les modalités d’adminis-
tration de l’irradiation ?
CHOIX DE LA CHIMIOTHÉRAPIE
L’objectif est de choisir des médicaments qui vont pouvoir déve-
lopper un effet radio-sensibilisant à des doses suffisamment fortes
Ces résultats démontrent que la chimiothérapie d’induction
apporte un bénéfice certain au niveau de la médiane de survie,
celle-ci étant essentiellement due, selon Sause et al., à une réduc-
tion notable des métastases à distance autres que cérébrales
(p = 0,04) (8). Ce constat est confirmé par Arriagada et al., qui
observent une diminution très significative des métastases à dis-
tance (49 % vs 70 %, p < 0,0001). Cependant, l’amélioration de
la survie à long terme reste modeste en raison de l’absence
d’impact de la chimiothérapie sur le contrôle local.
Les résultats obtenus sur la survie médiane étaient néanmoins suf-
fisants pour faire de l’association radio-chimiothérapie un stan-
dard international dans la prise en charge des cancers CBNPC
localisés et inopérables de stade III (2-4). La Société américaine
de cancérologie établit que “dans les cancers de stade III inopé-
rables, la radio-chimiothérapie est capable de prolonger la sur-
vie et est le traitement le plus approprié pour les sujets en bon
état général (PS 0,1 voire 2)” (niveau de preuve I) (2). En Europe,
les recommandations de l’ESMO précisent qu’une chimiothéra-
pie à base de cisplatine associée à une radiothérapie thoracique
représente le traitement standard des CBNPC de stade III (niveau
de preuve IA) (3). Plus récemment, en France, les SOR propo-
sent comme traitement standard des stades IIIA et IIIB “une chi-
miothérapie de courte durée associant au moins deux médica-
ments, dont du cisplatine, et une radiothérapie externe à dose
optimale en étalement-fractionnement classique” (3).
RADIO-CHIMIOTHÉRAPIE SÉQUENTIELLE
OU CONCOMITANTE ?
Cependant, pour optimiser l’efficacité de la radio-chimiothéra-
pie sur le contrôle local de la tumeur, les essais d’association de
la radio-chimiothérapie se sont poursuivis selon d’autres moda-
lités d’administration. L’association concomitante de radio-chi-
miothérapie consiste à délivrer simultanément les deux traite-
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Furuse K (10) RTOG 9410 (11) GLOT-GFPC (12)
Patients inclus (n) 314 610 210
Traitements
RT/CT séquentielle CDDP/vindésine/ CDDP/vinblastine RT CDDP/NVB RT
mitomycine RT
RT/CT concomitante CDDP/vindésine/ CDDP/vinblastine + RT CDDP/VP16 + RT
mitomycine + RT CDDP/VP16 + BID RT
Survie médiane (mois)
RT/CT séquentielle 13,3 14,6 14,1
RT/CT concomitante 16,5 17 15,8
p = 0,039 p = 0,046
Survie à 2 ans (%) Survie à 4 ans
RT/CT séquentielle 27,8 12 27
RT/CT concomitante 34,6 21 38
Œsophagite grade 3-4 (%)
RT/CT séquentielle 3 4 6
RT/CT concomitante 4 25 31
Tableau II. Radio-chimiothérapie séquentielle versus radio-chimiothérapie concomitante.
Schéma n Survie médiane Survie Œsophagite
à 2 ans grade 3-4
(13) RT (60 Gy) + CBDCA 100 mg/m2/sem. 35 13 mois 0 %
(14) RT (70 Gy) + CDDP 20 mg/m2/j x 5 85 11,4 mois 27,5 % 8,4 %
(2 cycles)
(15) CTI (VIP 2 cycles) 44 11,8 mois 19 % 0 %
RT (60 Gy split course)
+ CDDP 6 mg/m2/j
(16) CTI (CDDP-vinblastine 2 cycles) 32 12,5 mois 26 % 6 %
RT (60 Gy) + CDDP (5 mg/m2/j)
(17) RT (60 Gy) + CDDP 25 mg/m2J1-3 35 64 % 0 %
+ VP16 100 mg/m2(2 cycles)
+ 2 cycles adjuvants
(18) CTI (CBDCA-VP16 : 2 cycles) 40 10 mois 15 % 0 %
+ RT (66 Gy) + CBDCA 15 mg/m2/j
(19) RT (60 Gy) + CDDP 50 mg/m2J1-8/ 50 13 mois 33 % 0 %
VP16 J1-5 (2 cycles)
+ 2 cycles adjuvants
(20) RT (50 Gy) + CDDP – VP16 J1-5 42 IIIA : 25 mois 20 %
(2 cycles) ± chirurgie IIIB : 11 mois
(21) RT (61 Gy) +CBDCA – VP16 (2 cycles) 63 21 % 15 %
(22) RT (30 Gy) Split course 46 19 % < 10 %
+ CDDP-5-FU 3 cycles
Tableau III. Essais de radio-chimiothérapie concomitante de phase II réalisés avec des molécules classiques et une RT standard.
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La Lettre du Cancérologue - Volume XII - no4 - juillet-août 2003
pour entraîner parallèlement un effet cytotoxique systémique.
Outre les molécules classiques comme le 5-FU, le cisplatine, le
carboplatine ou l’étoposide, des produits plus récents semblent
pouvoir répondre à ce double objectif, comme la vinorelbine, les
taxanes, (paclitaxel, docétaxel) et la gemcitabine (tableau IV).
La vinorelbine est capable de potentialiser les effets des radia-
tions ionisantes par blocage des cellules en phase G2M (23).
Le docétaxel et le paclitaxel, qui agissent par stabilisation des
microtubules, ont des propriétés radio-sensibilisantes démon-
trées in vitro, puis dans des essais de phases I et II. Ils potentia-
liseraient l’effet de l’irradiation, d’une part en bloquant les cel-
lules en phase S (docétaxel) et surtout en G2M (paclitaxel),
d’autre part en entraînant une réoxygénation des cellules
hypoxiques tumorales (24). Pour obtenir une concentration conti-
nue de taxanes et donc l’atteinte d’un plus grand nombre de cel-
lules en phase sensible, certains auteurs ont suggéré d’utiliser le
paclitaxel et le docétaxel en administration hebdomadaire dans
le cadre d’une radio-chimiothérapie concomitante.
La gemcitabine possède des propriétés radio-sensibilisantes très
puissantes par inhibition des réparations de l’ADN. Les pre-
miers essais cliniques ont mis en évidence un risque élevé de
pneumopathie post-radique. Les essais postérieurs ont donc été
conduits avec une posologie réduite (< 1 000 mg/m2/semaine)
(25).
Vinorelbine Paclitaxel Docétaxel Gemcitabine
Mécanisme d’action Poison fuseau Inhibe dépolymérisation Tubuline Analogue de déoxycytidine
Action/cycle G2M G2M S S
Effet en hypoxie Possible réoxygénation Possible réoxygénation
Schéma optimal Administration concomitante Administration concomitante Toxicité poumon ?
Effet combiné Supra-additivité possible Supra-additivité possible Supra-additivité ?
Tableau IV. Caractéristiques in vitro des nouveaux produits utilisés en radio-chimiothérapie .
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La Lettre du Cancérologue - Volume XII - no4 - juillet-août 2003
Plusieurs essais de radio-chimiothérapie concomitante de phase II
ont été réalisés en associant ces nouveaux traitements à une radio-
thérapie standard (26-31) (tableau V).
Il est difficile, en l’absence d’essai comparatif, d’affirmer que
l’efficacité de ces associations est supérieure à celle de l’asso-
ciation classique platine-VP16. Des essais randomisés de phase
II sont donc en cours pour confirmer la tendance observée.
Ainsi, l’essai conduit par le GNOM (Groupe Nord d’oncologie
multidisciplinaire) compare, après randomisation, une radio-chi-
miothérapie concomitante à base de cisplatine-étoposide (RT :
60 Gy en 35 fractions + CDDP 20 mg/m2/j de J1 à J5 toutes les
3 semaines + VP16 20 mg/m2/j de J1 à J5 toutes les 3 semaines)
à une radio-chimiothérapie concomitante à base de platine-taxane
(RT : 60Gy en 35 fractions + paclitaxel 40 mg/m2/sem + CBDCA
AUC2/sem) (32).
Un essai du GERCOR (B001) évalue, pour sa part, l’intérêt de
poursuivre ou non la chimiothérapie après la fin de la radio-
chimiothérapie concomitante (33).
MODALITÉS D’ADMINISTRATION DE LA RADIOTHÉRAPIE
Au cours de ces dix dernières années, de nouveaux axes de
recherche, avec des modalités nouvelles de radiothérapie, se sont
développés afin d’améliorer l’effet cytotoxique de l’irradiation
tout en diminuant le risque de complications tardives sur les tis-
sus sains (34).
Le temps d’irradiation a été le premier paramètre modifié : radio-
thérapie hyperfractionnée, radiothérapie hyperfractionnée et accé-
lérée, radiothérapie en split course. La radiothérapie hyper-
fractionnée consiste à augmenter le nombre de fractions tout en
conservant le même étalement. La dose totale peut alors être aug-
mentée de 10 à 15 % sans élever le risque de toxicité. Le schéma
le plus utilisé consiste en l’administration de deux fractions quo-
tidiennes de 1,20 Gy, soit 10 séances par semaine (34). L’objectif
est de combattre la repopulation tumorale au cours du traitement
(6).
Quant à la radiothérapie conformationnelle tridimensionnelle,
elle permet d’augmenter la dose délivrée dans le volume cible
tumoral tout en préservant les tissus sains (34).
La méta-analyse de Stuschke et al. et l’essai multicentrique euro-
péen de Saunders et al. ont permis de conclure à un bénéfice signi-
ficatif sur la survie de la radiothérapie hyperfractionnée (35, 36).
De ce fait, les essais ultérieurs ont évalué les effets d’une radio-
thérapie hyperfractionnée associée à une chimiothérapie conco-
mitante.
RADIOTHÉRAPIE HYPERFRACTIONNÉE
AVEC CHIMIOTHÉRAPIE CONCOMITANTE
Trois essais randomisés ont évalué l’impact d’une radiothérapie
hyperfractionnée associée à une chimiothérapie à base de sels de
platine et/ou d’étoposide (37-39). Seule l’étude de Jeremic et al.
montre une amélioration significative de la survie (37). Ball et al.
suggèrent pour leur part que l’absence de significativité pourrait
s’expliquer par la morbi-mortalité élevée et le nombre insuffisant
de patients inclus (38). La réalisation d’essais avec une radio-
thérapie hyperfractionnée associée à une chimiothérapie utilisant
des nouvelles molécules devrait être la prochaine étape
(tableau VI).
Schéma n Survie Survie Œsophagite
médiane à 2 ans grade 3-4
(26) RT (60 Gy) 35 11 mois 48 % (1 an) 13 %
+ docétaxel 30 mg/m2/sem.
(27) RT (60 Gy) 17 16 mois 64 % (1 an) 0 %
+ paclitaxel 120 mg/m2/14 j
(28) RT (66 Gy) 39 20,5 mois 38 % 46 %
+ paclitaxel 50 mg/m2/sem.
+ CBDCA AUC 2/sem.
+ 2 cycles PTX-CBDCA
(29) RT (50 Gy) 27 16 mois 51 % (1 an) 0 %
+ docétaxel 30 mg/m2/sem.
(30) CTI CBDCA 27 12 mois 36 % 13 %
+ paclitaxel 3 cycles
+ RT (56 Gy)
+ CDDP 30 mg/m2 x 3 j,
+ paclitaxel 30 mg/m2x 3 j
(31) RT (60 Gy) 38 61 % (1 an)
+ paclitaxel 45 mg/m2/sem. 39 % (2 ans)
+ CBDCA AUC2/sem. 39 % (3 ans)
Tableau V. Essais de radio-chimiothérapie concomitante de phase II réalisés avec les nouveaux agents et une RT standard.
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La Lettre du Cancérologue - Volume XII - no4 - juillet-août 2003
INDICATIONS ET LIMITES DE LA RADIO-CHIMIOTHÉRAPIE
CONCOMITANTE
La radio-chimiothérapie est aujourd’hui un standard dans le trai-
tement des tumeurs de stade III avancées inopérables (2-4).
Cependant, peut-on envisager l’utilisation d’une radio-chimio-
thérapie, en particulier concomitante, dans d’autres situations
cliniques, comme en néoadjuvant ? Plusieurs essais théra-
peutiques sont en cours pour tenter de répondre à cette question.
Lors de la dernière réunion de l’American Society of Clinical
Oncology (2003), Albain et al. ont présenté les résultats de l’étude
RTOG 93-09 dans les cancers bronchiques de stade IIIA (40).
Quatre cent vingt-neuf patients atteints de tumeurs T1-3, pN2,
M0 ont reçu une chimio-radiothérapie d’induction (45 Gy avec
cisplatine : 50 mg/m2J1 et J8 + étoposide 50 mg/m2de J1 à J5)
suivie ou non d’une chirurgie après randomisation. La survie
sans récidive est plus longue dans le groupe de patients opérés
(médiane de survie sans récidive 14 mois contre 11,7 mois,
p=0,02). Cette étude témoigne de la faisabilité de cette procé-
dure (40).
Une étude de phase II randomisée coordonnée par l’intergroupe
francophone de cancérologie thoracique, testant différentes asso-
ciations possibles, vient de débuter.
Une autre question soulevée par la radio-chimiothérapie conco-
mitante concerne le profil des patients susceptibles de bénéficier
d’un tel traitement. Est-elle réalisable chez tous les patients ? Les
freins possibles concernent l’âge, l’état général, la fonction res-
piratoire préthérapeutique et, enfin, les antécédents cardio-
vasculaires et les comorbidités associées.
Au CHU Avicenne, nous avons réalisé un essai pilote de radio-
chimiothérapie concomitante chez 22 patients qui avaient un âge
médian de 78 ans. Le traitement consistait en une chimiothéra-
pie d’induction (CDDP, 5-FU, VP16) suivie d’une radiothérapie
standard associée à un traitement de cisplatine (20 mg/m2) et
5-FU (500 mg/m2) deux fois par semaine (41). Le traitement a
dû être arrêté chez six patients (dont 1 cas de pneumopathie fatale
et deux cas de leucopénie de grade 3-4). Une œsophagite de
grade 2 a été observée chez 8 patients et une autre, de grade 3,
chez six patients. Dix-huit patients ont terminé leur traitement.
La survie à un an était de 32 %. Cet essai, même limité, suggère
que l’âge n’est pas une contre-indication formelle à la pratique
d’une radio-chimiothérapie (41).
Les comorbidités (bronchite chronique, insuffisance respiratoire,
antécédents cardiovasculaires) obèrent plus sérieusement la pos-
sibilité de réaliser une radio-chimiothérapie dans de bonnes
conditions.
Enfin, la radio-chimiothérapie n’a pas du tout été explorée chez
les patients ayant un PS 2. Il convient donc de réserver cette
stratégie thérapeutique aux patients en bon état général.
Quelle est finalement la toxicité de ces associations ? Deux
organes sont particulièrement concernés : le poumon lui-même
et l’œsophage.
Même en utilisant une radiothérapie conformationnelle, il reste
un certain volume de poumon irradié et donc un risque potentiel
de fibrose. Par ailleurs, les stades IIIB étant souvent des tumeurs
volumineuses, il est difficile de concentrer l’irradiation sur des
aires limitées.
Cependant, le véritable organe limitant dans l’immédiat est véri-
tablement l’œsophage car l’effet secondaire le plus fréquent de la
radio-chimiothérapie concomitante est l’œsophagite de grade 3,
c’est-à-dire suffisamment sévère pour nécessiter une prise en
charge, voire pour conduire à l’arrêt du traitement. Cette œsopha-
gite est aiguë et généralement transitoire. Cependant, même lorsque
la fibroscopie est redevenue normale et sans signe de sténose, cer-
tains patients continuent à ressentir une gêne à la déglutition.
Là encore, il est difficile d’éviter une irradiation de l’œsophage
quand la tumeur est volumineuse et touche le médiastin. Par
ailleurs, l’association d’une chimiothérapie concomitante majore
le risque d’œsophagite.
À ce jour, la meilleure stratégie préventive de l’œsophagite sévère
reste la surveillance régulière du patient dès le huitième ou
dixième jour de traitement pour instaurer une prise en charge dès
les premiers symptômes.
CONCLUSION
Dans les cancers bronchiques non à petites cellules, les approches
de radio-chimiothérapie concomitante semblent à ce jour les plus
prometteuses en termes de survie. Néanmoins, leur toxicité n’est
Schéma n Survie médiane Survie à 2 ans
(37) RTHA (60 Gy) 66 26 %
RTHA + CBDCA 65 43 %
p = 0,021
(38) RT (60 Gy) 53 26 %
RT (60 Gy) + CBDCA 70 mg/m2/j J1-5 x 5 sem. 54 33 %
RTHA 46 29 %
RTHA + CBDCA 70 mg/m2/j J1-5 x 5 sem. 51 41 %
(39) RT (60 Gy) + CDDP – VP16 2 cycles 234 9,4 mois
RTHA + CDDP – VP16 2 cycles 9,6 mois
RTHA : radiothérapie hyperfractionnée accélérée .
Tableau VI. Radiothérapie hyperfractionnée avec chimiothérapie concomitante.
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