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La Lettre du Cancérologue - volume IX - n° 3 - juin 2000
SARCOMES DES TISSUS MOUS
Le résultat d’une analyse de la base de données de l’EORTC
STBSG (Soft Tissue and Bone Sarcoma Group) a été rapporté
lors des présentations orales à l’ASCO 2000. Cette analyse
concernait 464 patients, la plupart âgés de plus de 50 ans et
présentant en majorité un bon état général, avec un indice de
performance OMS à 87 %.
L’objectif de cette étude était d’évaluer l’impact du temps de
réponse à une première ligne de chimiothérapie contenant des
anthracyclines sur la survie des patients répondeurs.
Dans cette étude, 30 % des patients présentaient des léiomyo-
sarcomes, 14 % des histiocytofibromes malins, 10 % des lipo-
sarcomes et 9 % des synoviosarcomes.
Dans 60 % des cas, la tumeur était de grade 3. Les sites méta-
statiques étaient représentés par des métastases pulmonaires
dans 60 % des cas et par des métastases hépatiques dans 9 %
des cas. L’évaluation de la réponse au traitement à base
d’anthracycline était effectuée toutes les deux cures.
Dans cette étude, présentée par Van Glabbeke (abstr. 2176), la
date de la réponse était dépendante du grade histopronostique,
et il a été mis en évidence que les répondeurs précoces avaient
une survie plus faible que les répondeurs tardifs. Cela amène à
plusieurs réflexions, notamment concernant la corrélation entre
la date de réponse et le grade, qui suggère que les tumeurs à
fort potentiel de prolifération, et donc à très haut risque d’évo-
lution polymétastatique, sont également des tumeurs plus sen-
sibles aux agents de chimiothérapie, car contenant plus de cel-
lules en cycle cellulaire. Par ailleurs, un des biais les plus
importants de cette étude est que le volume tumoral initial n’a
pas été pris en compte dans l’analyse. Cela laisse entendre que
des tumeurs à croissance plus lente, et dont le volume tumoral
initial pouvait être également beaucoup plus élevé à l’entrée
dans l’étude, auront un délai d’obtention d’une réponse plus
important, et donc potentiellement une survie plus longue.
Cela nécessitera d’être pris en compte pour une analyse com-
plète et définitive de cet essai rétrospectif.
Il existe peu de nouvelles molécules de chimiothérapie ayant
définitivement montré leur intérêt et leur impact sur l’évolu-
tion des sarcomes des tissus de l’adulte. L’apparition de nou-
veaux médicaments est donc fortement souhaitable.
À propos des nouveaux agents pouvant avoir un effet sur les
sarcomes des tissus mous, on notera les présentations de Dela-
loge, Le Cesne et Demetri (abstr. 2181, 2182, 2177) concer-
nant l’ET 743.
L’ET 743 est un agent alkylant d’origine marine ayant une
activité in vitro et in vivo sur des modèles animaux de sarcome
à des concentrations picomolaires. Cet agent fixe le petit sillon
de l’ADN et présente des propriétés d’interaction avec la tubu-
line. La dose habituellement utilisée est de 1 500 µg/m2en per-
fusion continue de 24 heures toutes les trois semaines. Une
activité clinique a été observée chez des patients présentant des
sarcomes osseux et des tissus mous lors des études de phase I,
et confirmée ultérieurement par l’analyse des patients traités
en France à titre compassionnel, qui permet de retrouver une
activité antitumorale chez plusieurs d’entre eux.
Ce médicament présente une toxicité principalement hémato-
logique, caractérisée par des leucopénies et des thrombopénies.
De façon exceptionnelle, mais difficilement prévisible, une
toxicité plus sévère s’accompagnant d’anomalies hépatiques et
d’insuffisance rénale a été rapportée.
Il est possible, d’après des travaux cumulant les données des
patients traités par ET 743, que le taux initial de phosphatases
alcalines soit un élément prédictif de la toxicité du médica-
ment.
Ce médicament présente par ailleurs la particularité d’entraîner
des élévations transitoires des transaminases, qui nécessitent
rarement l’arrêt du traitement et diminuent progressivement au
cours des cures successives. Cela peut suggérer un métabo-
lisme particulier de cette molécule.
En termes d’efficacité, l’analyse combinée des différents
patients traités pour des sarcomes des tissus mous permet de
retrouver un taux de réponse objective variant de 4 à 17,6 %
selon que les patients ont ou non été traités antérieurement par
chimiothérapie. Un nombre important de réponses mineures ou
de stabilisations est souvent retrouvé (en moyenne 44 %).
L’analyse de l’ensemble des résultats tend à montrer que, si le
patient a reçu plus d’une ligne de chimiothérapie, le taux de
réponse objective est de seulement 4,5 %, pour atteindre 8 %
lorsque le patient n’a reçu qu’une première ligne de chimiothé-
rapie et 17,6 % lorsque le patient est chimio-naïf.
Ces données, obtenues sur un faible effectif, mériteront d’être
recontrôlées ultérieurement sur un plus grand nombre de
patients.
Ces résultats intéressants pour un nouveau médicament présen-
tant un mode d’action original laissent espérer une augmenta-
tion de l’efficacité de nouvelles combinaisons de chimiothéra-
Sarcomes
● E. Raymond*
* IGR, 39, rue Camille-Desmoulins, 94805 Villejuif Cedex.