ÉDITORIAL Prise en charge de l’après-cancer du sein : nous posons-nous les bonnes questions ? “ N ous sommes encore au début du troisième Plan cancer, dont l’aprèscancer est l’un des axes importants. Cette question était déjà posée en filigrane lors du deuxième Plan cancer, mais peu de mesures concrètes avaient été réellement appliquées. À titre d’exemple, la remise du programme personnalisé de l’après-cancer demeure encore confidentielle. Pr Laurent Zelek Rédacteur en chef de La Lettre du Sénologue. Service d’oncologie médicale, hôpital Avicenne, Bobigny. Quel meilleur exemple que le cancer du sein pour avancer sur cette thématique ? Il s’agit en effet de l’une des tumeurs les plus fréquentes, avec un taux de guérison attendu de l’ordre de 80 %. Pour une patiente de 60 ans opérée d’une tumeur centimétrique de grade II RH+ sans atteinte ganglionnaire, la probabilité de mourir d’autres causes que le cancer du sein est presque 2 fois supérieure à la mortalité spécifique, ainsi que l’a montré une simulation avec AdjuvantOnline. Il y a, de ce fait, des besoins importants et encore largement insatisfaits en matière d’éducation à la santé, de lutte contre les pathologies associées − notamment liées à la sédentarité − et d’amélioration de la tolérance des traitements, dont celle de l’hormonothérapie, pour laquelle la marge de progression est considérable. Dans la réalité quotidienne, nous continuons à multiplier des examens d’imagerie de surveillance dont l’utilité est douteuse et qui conduisent souvent à un surdiagnostic, voire à l’iatrogénie. Nous continuons à imposer aux femmes ayant subi un curage axillaire (heureusement moins nombreuses depuis la généralisation du ganglion sentinelle) des précautions destinées à éviter le lymphœdème qui ne reposent que sur la tradition orale. Dans le même temps, les mesures qui ont une efficacité démontrée sur leur état de santé global, sur leur qualité de vie, voire sur leur risque de rechute restent insuffisamment mises en œuvre. La pratique de l’activité physique adaptée connaît, il est vrai, une popularité croissante mais reste encore peu pratiquée, pour des raisons multiples, parfois aussi triviales que des questions d’accessibilité ou de garde d’enfants. Une lutte contre le surpoids, qui touche 1 femme sur 2 après le traitement et qui pourrait être chez certaines un facteur de risque de récidive, a été amorcée. L’éducation nutritionnelle mérite mieux que l’alimentation “anticancer” des magazines. Il est vrai que celle-ci est en ce moment supplantée par le jeûne dit “thérapeutique”, mais je ne crois pas qu’il faille s’en réjouir… Enfin, la question de l’éducation aux droits est encore très largement méconnue. Le problème de la reprise de l’activité professionnelle commence à peine à être abordé. Trop souvent, les oncologues refusent de communiquer au médecin du travail des informations qui pourraient lui être utiles pour proposer un aménagement de poste. Que dire, enfin, des dossiers de reconnaissance de la qualité de travailleur handicapé (RQTH) : il n’est pas rare en effet que les médecins refusent de les remplir après un cancer du sein… L. Zelek déclare ne pas avoir de liens d’intérêts. ” La prise en charge de l’après-cancer est l’une des mesures phares du Plan cancer 3, souhaitons qu’elle devienne réalité ! La Lettre du Sénologue • No 69 - juillet-août-septembre 2015 | 0005_LSE 5 5 02/10/2015 12:31:34