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visoire. Ainsi, un patient devant assurer la surveillance
d’écran vidéo ou la conduite d’autobus et présentant des
troubles de l’attention soutenue et de la vigilance pourra
être dans l’incapacité provisoire de mobiliser les ressources
attentionnelles suffisantes pour la reprise de son activité. Il
en sera de même pour une opératrice téléphonique présen-
tant des troubles de la mémoire de travail ou de l’attention
divisée et devant gérer toute la journée des appels télé-
phoniques tout en effectuant parallèlement une recherche
informatique pour renseigner les clients.
Préjudices patrimoniaux permanents (après
consolidation)
À partir de la date de consolidation, sept préjudices patri-
moniaux permanents peuvent être distingués. Rappelons
que la consolidation est définie comme «le moment où les
lésions se fixent et prennent un caractère permanent, tel
qu’un traitement n’est plus nécessaire, si ce n’est pour évi-
ter une aggravation, et qu’il est possible d’apprécier un
certain degré d’incapacité permanente réalisant un préju-
dice définitif »[7].
«Dépenses de santé futures »(DSF). Elles couvrent les
différents frais hospitaliers, médicaux, paramédicaux ou
pharmaceutiques liés à l’état pathologique maintenant
permanent et chronique de la victime. Ce poste inclut
également les frais de prothèses, notamment dentaire ou
auditive, et la pose d’appareillages spécifiques nécessaire
pour suppléer le handicap. Sachant que l’état pathologique
est consolidé, des frais relatifs à des séances de rééducation
par exemple ne pourront entrer dans ce cadre que si elles
permettent un maintien de l’amélioration cognitive et/ou
une non aggravation telle qu’elle a été observée à la date
de consolidation (et non, par définition, une amélioration
plus importante). Ainsi, par exemple, un patient présen-
tant une atteinte de la mémoire épisodique mais pas/peu
de la mémoire procédurale pourra continuer des séances de
remédiation visant au maintien de cette dernière et à son
utilisation pour pallier à ses troubles dans la vie quotidienne.
«Frais de logement adapté »(FLA) et «frais de véhicule
adapté »(FVA). Ces deux postes concernent l’adéquation,
respectivement, du logement et du véhicule au handicap.
Ils concernent peu l’expert neuropsychologue et ne seront
donc pas détaillés ici.
«Assistance par tierce personne »(ATP). Elle intègre les
dépenses permettant de bénéficier de l’assistance per-
manente d’une tierce personne, nécessaire du fait du
handicap dans les actes de la vie courante. Il peut s’agir
d’assister la victime dans les actes de la vie courante,
de préserver sa sécurité, de contribuer à restaurer sa
dignité ou encore suppléer sa perte d’autonomie. Là encore,
l’expert neuropsychologue pourra être amené à préciser
quelle est l’importance des déficits cognitifs, dans quelle
mesure ils nécessitent ou non la présence d’une tierce
personne et quelle doit être la durée de cette présence
dans la journée en fonction des activités pour lesquelles le
patient doit être assisté. Ainsi, un patient présentant des
troubles de l’orientation ou encore des troubles mnésiques
importants pourra être assisté dans sa gestion quotidienne
(prise de médicaments, aide aux courses, accompagne-
ments à des rendez-vous, aide au remplissage de documents
administratifs...).
«Pertes de gains professionnels futurs »(PGPF). Elles sont
l’équivalent, postconsolidation, des PGPA. Elles prennent
donc en compte la perte ou la diminution directe des revenus
consécutive à l’incapacité permanente à laquelle la victime
est désormais confrontée dans sa profession. Cette perte ou
diminution des gains professionnels peut provenir de la perte
de son emploi ou de l’obligation d’exercer un emploi à temps
partiel du fait du dommage. L’apport de l’expertise neu-
ropsychologique peut être ici important. En effet, comme
pour les PGPA, elle devra préciser dans quelle mesure les
fonctions cognitives altérées affectent ou non l’activité pro-
fessionnelle, mais maintenant de fac¸on définitive. À cet
égard, et comme nous le discuterons plus loin, il convient
de garder à l’esprit qu’il n’existe pas une relation univoque
entre déficits cognitifs et activités professionnelles, de nom-
breuses variables pouvant influencer ces dernières. Ainsi,
par exemple, les dysfonctionnements exécutifs peuvent pas-
ser inaperc¸us dans une activité professionnelle où les tâches
à réaliser sont routinières, stéréotypées ou très automati-
sées, comme un travail à la chaîne. En revanche, ces mêmes
dysfonctionnements pourront avoir des répercussions impor-
tantes si l’activité nécessite des situations peu structurées
ou nouvelles, des prises d’initiatives, l’évaluation des effets
des actions entreprises ou l’adaptation à des changements,
comme cela est le cas chez des patients devant s’adapter à
des programmes ou des logiciels informatiques en constant
changement. De même, des troubles de la mémoire épi-
sodique pourront n’avoir que peu d’impact chez un sujet
dont le travail repose peu sur la rétention mnésique mais
avoir des répercussions importantes chez un conseiller-
client oubliant les rendez-vous donnés ou encore chez un
professeur d’université incapable d’acquérir des connais-
sances nouvelles.
Par ailleurs, pour les jeunes victimes ne percevant pas à
la date du dommage de gains professionnels, est prévue la
prise en compte, pour l’avenir, de la privation de ressources
professionnelles engendrée par le dommage, en se réfé-
rant à une indemnisation par estimation. Ainsi, de jeunes
traumatisés crâniens présentant d’importants troubles exé-
cutifs ou mnésiques après qu’ils aient terminé, par exemple,
des études d’informatique ou de médecine et ne pou-
vant pas exercer, respectivement comme informaticien ou
médecin, verront leur perte de gain potentiel prise en
compte.
«Incidence professionnelle »(IP). Ce poste complète le
précédent en quantifiant les incidences périphériques du
dommage touchant à la sphère professionnelle, sans pour
autant aboutir à une double indemnisation du même pré-
judice. Il s’agit ici de prendre en compte, par exemple,
la dévalorisation de la victime sur le marché du travail,
sa perte d’une chance professionnelle, l’augmentation de
la pénibilité de l’emploi qu’elle occupe (sans pour autant
de perte de gain) ou encore l’abandon de sa profession
au profit d’une autre choisie en raison du handicap. Ainsi,
un sujet amnésique pourra se retrouver dans l’impossibilité
d’accéder à un grand nombre de postes de travail, alors
que son niveau antérieur le lui aurait permis. De même, un
patient présentant des troubles de l’attention pourra être
capable de mobiliser des ressources attentionnelles suffi-
santes pendant une courte période de temps, mais se sentir
fatigué après deux ou trois heures de travail, la pénibilité
de son emploi en étant alors augmentée.