Les signes précoces : vulnérabilité ou prodome

publicité
Les signes précoces : vulnérabilité ou prodome
M. SAOUD (1), J. BRUNELIN (1), T. D’AMATO (1)
« Based on the wish to introduce earlier treatment that
may have a favourable impact on outcome, attempts have
increased to delineate the prodromal phase of illness from
both its premorbid characteristics and the features of the
florid first psychotic episode » (31).
Selon cette proposition, la vulnérabilité, exprimée au
cours de la phase prémorbide, précéderait la phase prodromique, elle-même annonciatrice du premier épisode
psychotique. Il convient donc dans un premier temps de
définir séparément la vulnérabilité et la phase prodromique avant d’analyser leurs interactions.
DÉFINITION DE LA VULNÉRABILITÉ
La vulnérabilité est une prédisposition particulière, spécifique, génétique et/ou acquise : présente elle entraîne
un épisode schizophrénique chez l’individu confronté à
des stresseurs endogènes et/ou exogènes (40).
Cette définition tente d’expliquer la survenue du premier
épisode schizophrénique et non la maladie schizophrénique dans sa globalité.
La vulnérabilité dépend de quatre composantes (29,
30) :
– facteurs individuels de vulnérabilité,
– facteurs stressants ou « potentialisateurs »,
– facteurs individuels protecteurs,
– facteurs environnementaux protecteurs.
– les marqueurs intermédiaires préexistant au trouble
mais intensifiés par la pathologie et persistant au-delà de
l’épisode ;
– les marqueurs spécifiques de l’épisode dépendants
de la pathologie et présents uniquement au cours de l’épisode.
Différents types de marqueurs ont été identifiés à partir
d’une grande variété de perturbations repérées à la fois
chez les patients schizophrènes et les sujets à haut risque
(exemple : les apparentés de proposants schizophrènes).
Sur le plan paraclinique, on observe :
– des anomalies cérébrales structurales et fonctionnelles,
– des perturbations cognitives,
– des perturbations électrophysiologiques (ondes P50
et P300).
Sur le plan clinique, on observe :
– des troubles non spécifiques du développement psychomoteur,
– des anomalies physiques mineures, des signes neurologiques mineurs (soft signs),
– des troubles précoces du comportement, non spécifiques,
– des troubles ou traits de personnalité.
Dans ce cas, s’agit-il de marqueurs de vulnérabilité ou
d’une expression atténuée d’un état déjà pathologique ?
Pour répondre à cette question, il convient d’analyser ces
marqueurs de manière diachronique, c’est-à-dire en les
replaçant dans l’histoire naturelle de la maladie.
MARQUEURS DE VULNÉRABILITÉ
Pour identifier cette vulnérabilité, trois types de marqueurs de la vulnérabilité, basés sur la dichotomie épisode
(état) versus trait, ont été proposés :
– les marqueurs stables indépendants de la pathologie
exprimée : ils existent avant, pendant et après l’épisode
et demeurent inchangés au cours de ces phases ;
LES MARQUEURS DE LA VULNÉRABILITÉ
DANS L’HISTOIRE DE LA MALADIE : STRATÉGIES
D’IDENTIFICATION DES SUJETS À HAUT RISQUE
L’analyse diachronique des marqueurs de la vulnérabilité découle essentiellement de l’étude des sujets à haut
risque de schizophrénie.
(1) EA 3092, Université Lyon 1, CH Le Vinatier, IFR 19, 95, boulevard Pinel, 69677 Bron cedex.
S 408
L’Encéphale, 33 : 2007, Juin, cahier 3
L’Encéphale, 2007 ; 33 : 408-14, cahier 3
Les signes précoces : vulnérabilité ou prodome
Schématiquement, nous pouvons considérer deux
types de risque :
– Un risque à long terme de survenue d’une schizophrénie, mis en évidence par des études longitudinales,
notamment d’enfants de parents schizophrènes, mais
aussi d’enfants issus de la population générale.
– Un risque à court terme de survenue d’une schizophrénie, mis en évidence par l’étude longitudinale d’adolescents à haut risque.
Cependant, si l’existence d’un trouble attentionnel permet de classer correctement 58,3 % des sujets dans la
catégorie diagnostique « schizophrénie », le risque de
faux positif avoisine les 18 % (tableau I).
Risque à long terme
Le New York High Risk Project et la Dunedin Multidisciplinary health and Development Study constituent deux
exemples d’étude du risque à long terme.
New York High Risk Project (12, 13)
Il s’agit d’une étude longitudinale portant sur des
enfants issus de parents pouvant être soit schizophrènes,
soit atteints d’un trouble de l’humeur soit sains. Cette
méthodologie permet d’évaluer le risque génétique.
À l’inclusion, les enfants étaient âgés de 7 à 11 ans, et
ont été suivis jusqu’à l’âge de 26 ans. Les enfants de
parents schizophrènes ont été répartis en deux groupes
en fonction de la première évaluation :
– ceux dont les performances attentionnelles initiales
étaient similaires à celles des enfants de parents contrôles
ou « affectifs » ;
– ceux dont les performances attentionnelles initiales
étaient déficitaires. Ces derniers ont développé un trouble
schizophrénique à l’âge adulte.
Ainsi, le fait d’avoir un parent schizophrène n’entraîne
pas forcément la survenue d’une maladie schizophrénique. En revanche, avoir à la fois un parent schizophrène
et un trouble attentionnel précoce constitue un risque
majeur de survenue d’une schizophrénie (figure 1).
CPI-IP Performance as Measured by d’
3,0
2,5
2,0
d’ 1,5
1,0
0,5
0,0
PSP
HRSz
HRAff
NC
– 0,5
ROUND
Rd 2 : 1980-81 Rd 3 : 1983-84
MEAN AGE
12.20
15.07
Rd 5 : 1991-92 Rd 6 : 1994-95
22.35
25.86
FIG. 1. — Évolution des performances attentionnelles CPTIP PSP : enfant de parent schizophrène ayant développé
un trouble schizophrénique ; HRSz : enfant de parent
schizophrène sans trouble schizophrénique ; HRAff : enfant
de parent présentant un trouble de l’humeur ; NC : sujets
contrôles (d’après New-York High Risk Project) (12, 13).
TABLEAU I. — Schizophrénie et composantes cognitives
selon la parenté.
Sujets
correctement
classés
Faux
positifs
Enfants de parents schizophrènes
(n = 79)
Mémoire verbale
Habilités motrices
Attention
Les 3 fonctions
83,3 %
75 %
58,3 %
50 %
28,4 %
26,9 %
17,9 %
10,4 %
Enfants de parents présentant des
troubles de l’humeur (n = 57)
Mémoire verbale
Habilités motrices
Attention
Les 3 fonctions
25 %
50 %
0%
0%
11,3 %
5,7 %
0%
0%
D’après Cornblatt et Keilp 94 (12), Erlenmeyer-Kimling et al. (13).
Dunedin Multidisciplinary health and Development Study
Il s’agit d’une étude longitudinale en population générale. La cohorte d’enfants a été constituée sur une seule
année (1972-1973), correspondant à 1 037 naissances.
Les enfants ont été évalués à 3, 5, 7, 9, 11 et 26 ans. Sur
976 sujets réévalués à l’âge de 26 ans (parmi les
1 019 survivants), on retrouve :
– un trouble schizophréniforme chez 3,7 % des sujets
(n = 36),
– un épisode maniaque dans 2,0 % des cas (n = 20),
– des troubles anxieux ou dépressifs chez 28,5 % des
sujets (n = 278).
Dans le groupe de sujets qui ont développé un trouble
schizophréniforme, un déficit cognitif a été mis en évidence tout au long du suivi ; dès l’âge de 3 ans, le quotient
intellectuel de ces enfants était significativement inférieur
à celui des autres enfants (figure 2).
Ces deux études illustrent la difficulté de définir si les
perturbations observées témoignent de l’existence d’une
« simple » vulnérabilité ou, déjà, de l’expression d’un processus pathologique.
Risque à court terme
L’Edinburgh High Risk Study (10, 11) constitue un
exemple d’étude prospective du risque à court terme chez
des adolescents à haut risque de schizophrénie mais
n’ayant encore développé ni schizophrénie ni prodromes
de la maladie.
Plusieurs anomalies ont été observées et concernent :
– le volume cérébral (19) ;
S 409
M. Saoud et al.
L’Encéphale, 2007 ; 33 : 408-14, cahier 3
0,4
Anomalies de la poursuite oculaire
Résultats chez les patients schizophrènes
Prévalence des anomalies de poursuite oculaire
– Sujets normaux : 6-8 %
– Schizophrènes : 52-86 %
– Apparentés de premier degré : 34-50 %
0,2
0
Stabilité du trait présent
– En phase aiguë
– En rémission
– Non spécifique quel que soit le sous-type de schizophrénie
– Avec ou sans traitement neuroleptique
– 0,2
– 0,4
– 0,6
3
5
7
9
11
Âge, y
FIG. 2. — Niveau du quotient intellectuel dans l’enfance au sein
de chaque groupe de pathologie à l’âge de 26 ans : sujets
contrôles ; troubles anxio-dépressifs ; épisode maniaque ;
trouble schizophréniforme (11).
En résumé
Les marqueurs de vulnérabilité sont déjà présents
avant le premier épisode de la maladie et persistent audelà (14) ; ils peuvent également être présents en dehors
de toute expression clinique. En effet, on les retrouve aussi
chez les apparentés non malades de proposants schizophrènes (33) et en population générale. Par exemple
le New York High-Risk Project (12, 13) retrouve des troubles attentionnels chez 3 à 7 % des sujets en population
générale. De même, des anomalies de la poursuite oculaire sont présentes chez 6 à 8 % des individus de la population générale (tableau II).
Par ailleurs, la constatation d’un certain nombre de perturbations comportementales et cognitives dès l’enfance
chez les futurs patients schizophrènes, interroge la notion
de « phase de latence » dans l’histoire naturelle de la schizophrénie et pose aussi la question du seuil entre phase
prémorbide et phase prodromique.
Cela remet en question la notion de phase de latence.
Le premier épisode n’est peut-être pas le coup de tonnerre
dans un ciel serein.
S 410
Marqueur biologique associé à la schizophrénie – Marqueur de
vulnérabilité
Beaucoup de troubles du fonctionnement psychosocial
(32) sont présents avant les premiers signes de la maladie
(performances scolaires basses, pauvreté des relations
sociales…) avec aggravation au fil du temps (figure 3).
Certains marqueurs prédisposent donc à un risque
d’évolution vers la schizophrénie mais ils peuvent également être observés chez des sujets sains.
3,5
3,0
Scholastic performance
Peer relationships
Sociability and withdrawal
Adaptation to school
Social-sexual aspects of life
Détérioration du fonctionnement
– des anomalies physiques mineures [hypertélorisme
(1) ; dermatoglyphes (18) ; diamètre binoculaire] ;
– des anomalies neurologiques mineures (scores à la
Neurological Evaluation Scale) (20) ;
– des troubles de la personnalité évalués par le Structural Interview for Schizotypy (24) et le Rust Inventory of
Schizoptypal Cognitions (27) ;
– des troubles du comportement évalués par la Childhood Behavior Checklist (26) à l’âge de 16 ans ;
– des troubles neuropsychologiques (10, 11).
Études de jumeaux
– Monozygotes concordance : 68 % à 80 %
– Dizygotes concordance : 35 %
Mean Score on Premorbid Adjustment Scale
IQ Test Performance,z Scores
TABLEAU II. — Anomalies de la poursuite oculaire.
Control
Anxiety/Depression
Mania
Schizophreniform
2,5
2,0
1,5
1,0
0-11
12-15
16-18
>18
Âge (years)
FIG. 3. — Chute des performances évaluée par la Premorbid
Adjustment Scale dans l’enfance et l’adolescence de sujets
ayant développé un premier épisode psychotique
[Rabinowitz et al., 32)].
Cette question est d’autant plus importante que les
deux facteurs prémorbides les plus prédictifs de schizophrénie sont l’isolement social et la bizarrerie, qui sont également des symptômes de la maladie.
Il est donc important de comprendre les relations entre
la phase prémorbide et la phase prodromique comme le
suggèrent Whyte et al. (35).
L’Encéphale, 2007 ; 33 : 408-14, cahier 3
Les signes précoces : vulnérabilité ou prodome
« However, it has yet to be established to what extent
cognitive dysfunction is a part of the disease process,
whether premorbidly may be predictive of future psychosis, and/or if it represents a feature of vulnerability to schizophrenia (most probably of genetic origin) which will not
necessarily translate into psychosis »
DÉFINITION : PRODROMES
Les prodromes sont des signes avant-coureurs d’une
maladie (Dictionnaire des termes de Médecine). Classiquement, le diagnostic de « prodromes » est rétrospectif.
Une phase prodromique est retrouvée chez 80 % à
90 % des patients atteints de schizophrénie. Cette période
prodromique s’étend généralement sur 5 ans (15)
(figure 4), et est caractérisée par l’installation progressive,
de symptômes, négatifs puis positifs, d’intensité modérée
(38, 39). Cependant, ces symptômes sont non spécifiques
de la schizophrénie dans la mesure où le tableau clinique
peut aussi évoluer vers une autre pathologie mentale
(notion de « at risk mental state » ou état mental à risque
clinique) (26). En effet, il a été montré que les symptômes
initiaux repérés chez des patients hospitalisés pour un
premier épisode schizophrénique ou dépressif, sont comparables aux symptômes prodromiques.
La clinique des prodromes se compose :
– d’indicateurs précoces non spécifiques : retrait
social, détérioration du fonctionnement, humeur dépressive, diminution de la concentration, diminution de la motivation, troubles du sommeil, anxiété, méfiance ;
– d’indicateurs tardifs ou symptômes modérés : comportement étrange, discours circonstanciel, discours
vague ou trop élaboré, affect inapproprié, diminution de
l’hygiène personnelle, croyances bizarres ou pensées
magiques, expériences perceptives inhabituelles. Ces
symptômes, très évocateurs des symptômes positifs de
schizophrénie, ne permettent toutefois pas de remplir les
critères DSM de la maladie.
Phase prodromique
Âge 24,2
Intervalle
de temps
29,0
5,0 ans
Premier signe (négatif
ou non spécitique)
d’un trouble psychique
Symptômes positifs
Premier
symptôme
positif
Phase
psychotique
initiale
30,1 30,3
0,2
1,1 ans
an
Maximun de la Première
symptomatologie admission
positive
Symptômes négatifs
FIG. 4. — Phase prodromique de la schizophrénie
[d’après Hafner et al., 1995 (15)].
Partant de ce constat, et sachant que les sujets à haut
risque génétique ont une probabilité de développer une
schizophrénie égale à 10 % (voire 40 à 60 % sur un an
s’ils présentent déjà des prodromes), mais aussi une probabilité non négligeable de développer d’autres troubles
mentaux, l’équipe de McGorry a introduit la notion d’états
mentaux à très haut risque clinique.
Plusieurs groupes de recherche ont construit des échelles spécifiques pour évaluer cliniquement le risque de
développer la maladie. Parmi ceux-ci nous retiendrons :
1) The Melbourne Group : Comprehensive Assessment
of At-Risk Mental State CAARMS, 1994 ; CAARMS II
2000. Avec cette échelle, trois groupes d’individus « AtRisk Mental State » peuvent être identifiés (36, 37) :
– ceux qui présentent un risque génétique et/ou
« psychométrique » (Critères DSM IV de personnalité schizotypique associés à une détérioration fonctionnelle récente) ;
– ceux qui présentent au moins un des symptômes
positifs atténués de la CAARMS ;
– ceux qui présentent des BLIPS (Brief Limited Intermittent Psychotic Symptoms), durant moins de 7 jours.
Parmi les sujets « At-Risk Mental State », 34,6 % développent un trouble psychotique dans les 12 mois.
La validité de l’échelle CAARMS est satisfaisante avec
une valeur prédictive positive de 80,8 %, une valeur prédictive négative de 81,8 %, une spécificité de 92,6 % et
une sensibilité de 60 %.
2) The Cologne Early Recognition Study (CER) et la
Schizophrenia Prediction Instrument for Adults (SPI-A) ou
Échelle de Bonn. Avec cette échelle, le taux de transition
psychotique à 10 ans, chez 160 sujets classés prodromiques, a été de 49,4 %. La valeur prédictive positive de cet
instrument est de 70 % (17).
3) The Yale Group : L’interview structuré des symptômes prodromiques (Structured Interview of Prodromal
Symptoms – SIPS), l’échelle des symptômes prodromiques (Scale of Prodromal Symptoms – SOPS) et les critères des syndromes prodromiques (Criteria of Prodromal
Syndromes – COPS). Ces instruments permettent de différencier trois profils prodromiques :
– Syndrome positif atténué (Attenuated Positive
Symptom Syndrome – APS),
– Syndrome psychotique bref et intermittent (Brief
Intermittent Psychotic Syndrome – BIP),
– Risque génétique et détérioration récente (Genetic
Risk and Recent Deterioration Syndrome – GRD).
Le taux de transition psychotique à 6 mois des sujets
classés prodromiques était de 26,5 % (22, 24).
De ce survol des instruments actuels, il ressort que les
échelles prodromiques ne semblent pas assez sensibles
pour une détection fiable des individus en voie de transition
vers une schizophrénie. À ce sujet, dans leur méta-analyse
des études portant sur les prodromes schizophréniques,
Broome et al. (4, 5) ont montré que le taux de transition schizophrénique varie de 5 à 50 % chez les prodromiques. Ceci
illustre bien le problème d’une définition satisfaisante des
prodromes (tableau III) (4), ou tout simplement de leur
insuffisance. Pour pallier cette insuffisance, il conviendrait
d’associer les échelles prodromiques à la recherche des
marqueurs intermédiaires de vulnérabilité, que nous proposons ici de nommer « marqueurs de transition ».
S 411
M. Saoud et al.
L’Encéphale, 2007 ; 33 : 408-14, cahier 3
TABLEAU III. — Prodromes et taux de transition selon méta-analyse de Broome et al. (4).
Study
Sample
Follow up
Rate of transition (%)
Klosterkotter et al. (2001) (17)
160 ; from 695 referals for a second opinion
9,6 years average
49,4
Morrison et al. (2002, 2004)
(27, 28)
58 ; from general practice referrals
12 months
6 (treated group) ;
22 (monitored group)
Woods et al. (2003)
59 prodomals
1 year treatment and
1 year follow-up
33 (preliminary result)
Yung et al. (2003) (39)
49 ; from 162 referrals
1 year
40,8
Lenez et al. (2003) (21)
34 young at risk persons
2 years mean follow up 26,5
Broome et al. (2005) (5)
58
18 months
10,3
Hafner et al. (2004) (16)
123
12 months
14,8 (support group) ;
5,3 (CBT group)
Sensibilité = Proportion de sujets classés « malades »
parmi les sujets réellement malades, soit la proportion de
« faux négatifs ».
Spécificité = Proportion de sujets classés « non malades »
parmi les sujets réellement malades, soit la proportion de
« faux positifs ».
Valeur Prédictive Positive = Proportion de vrais
« malades » sur l’ensemble des sujets classés « malades ».
Valeur Prédictive Négative = Proportion de vrais
« sujets sains » sur l’ensemble des sujets classés « non
malades ».
DES PRODROMES À LA VULNÉRABILITÉ
Effectivement, certains auteurs ont tenté d’améliorer le
niveau de prédiction de la transition schizophrénique en
utilisant des marqueurs de vulnérabilité (16, 21, 28). Ainsi,
l’équipe de Brewer s’est penchée sur les facultés d’identification olfactive (2). Les sujets à très haut risque d’évolution vers la schizophrénie ont des performances olfactives significativement inférieures à celles des autres
sujets. La limite de cette étude est la faible taille des échantillons (tableau IV) (2).
TABLEAU IV. — Identification olfactive de la vulnérabilité
à la schizophrénie [d’après Brewer et al. (2)].
Identification olfactive
Sujets à très haut risque avec évolution vers une 31,2 ± 1,6
psychose (N = 22)
Schizophrénie (N = 12)
29,8 ± 2,2
Psychose non schizophrénique (N = 10)
32,9 ± 3,3
Sujets à très haut risque sans évolution vers une 32,2 ± 0,9
psychose (N = 59)
Sujets sains (N = 31)
S 412
33,4 ± 1,4
Brewer et al. (3) ont également étudié le rôle prédictif
du quotient intellectuel sur la transition schizophrénique.
Parmi les sujets à très haut risque, ceux qui présentent
un QI faible ont un risque de transition supérieur aux sujets
prodromiques de QI intermédiaire, risque lui-même supérieur à celui des sujets contrôles (figure 5). Ces résultats
confirment l’intérêt d’une association « prodromes/marqueurs de transition » pour améliorer l’identification du risque de transition. Un exemple de ces marqueurs est la
« mémoire de la source » (6, 7, 8) dont le déficit est exacerbé chez les patients schizophrènes en phase aigue (8),
comparés aux patients schizophrènes en rémission et aux
sujets non malades à haut risque (6), lesquels présentent
à leur tour un déficit comparés aux sujets contrôles
(figure 6).
Pour améliorer la prédictibilité – en complément au
recensement des prodromes et à la recherche des marqueurs de transition – nous proposons d’étudier également la réponse des individus au stress.
120
Patients in ultra-high-risk group
who developed psychosis (N = 34)
Patients in ultra-high-risk group
who did not develop psychosis (N = 64)
Healthy comparison subjects (N = 37)
115
Mean IQ (± 95 Cl) b
RAPPELS
110
105
100
95
90
Premorbid
Current
FIG. 5. — Comparaison des QI prémorbides, à 1 et 3 ans
pour la survenue d’un épisode schizophrénique aigu.
L’Encéphale, 2007 ; 33 : 408-14, cahier 3
Les signes précoces : vulnérabilité ou prodome
Standardised Effect Size
0
1
2
Unaffected
Siblings
Intense
3
ÉPISODE
SCHIZOPHRÉNIQUE AIGU
La mémoire de la source
Des illusions aux hallucinations
Stress
current
study
Remitted NHP
Non resistant
acult NHP
Brunelin et al.,
2006a
modérée
Non resistant
acult NP
Faible
Vulnérabilité
Interactions vulnérabilité/stress
Resistant HP
before rTMS
Importante
Épisode
FIG. 7. — Interaction entre la vulnérabilité à la schizophrénie
et le stress pour la survenue d’un épisode schizophrénique
aigu [d’après Spring et Zubin, 1978 (34)].
Brunelin et al.,
2006b
Resistant HP
after rTMS
Effect size estimate
Upper confidence limit
Lower confidence mimit
FIG. 6. — Mémoire de la source et vulnérabilité
à la schizophrénie [d’après Brunelin et al. (6, 7, 8)].
Réaction au stress
Il est aujourd’hui admis que la vulnérabilité à la schizophrénie implique une hyperréactivité au stress et si la
vulnérabilité semble nécessaire (40), elle n’est certainement pas suffisante (29, 30). En effet, la survenue d’un
épisode schizophrénique semble la conséquence d’une
interaction entre une vulnérabilité et un stress (figure 7).
Ainsi, les sujets exprimant une vulnérabilité importante
(par exemple les patients schizophrènes eux-mêmes)
pourraient développer un épisode schizophrénique en
réaction à des événements de vie mineurs, ce qui témoignerait d’une hyper-réactivité au stress. De fait, une libération augmentée de l’ACTH et de l’HVA a été montrée
chez des patients schizophrènes, corroborant ainsi l’hypothèse de leur hyperréactivité au stress (9).
En résumé, les phases prémorbides, prodromiques et
psychotiques aiguës apparaissent comme des phases
d’intensité symptomatique croissante dont la délimitation
semble avant tout théorique. Cependant, l’identification de
« marqueurs de transition » et des effets biologiques
résultant de « l’interaction stress/vulnérabilité » peut
apporter des éléments plus objectifs attestant du niveau
de risque de transition vers la pathologie aiguë (figure 8).
Facteurs
biologiques
précipitants
endogènes et/ou
exogènes
Facteurs
psychosociaux
précipitants
Facteurs
génétiques
Facteurs
environnementaux
périnataux
Facteurs
génétiques
modulateurs
Anomalies
cérébrales :
– structurelles
– biochimiques
Attention, mémoire
fonctions exécutives,
logique troubles
non spécifiques
du comportement,
anomalies EEG,etc.
MARQUEURS
DE VULNÉRABILITÉ
COGNITIFS
NEUROPHYSIOLOGIQUES
NEUROPSYCHOLOGIQUES
PUBERTÉ/
MATURATION
Facteurs
biologiques
et/ou
psychoprotecteurs
ou de résilience
Schizophrénie
P
R
O
D
R
O
M
E
S
« Schizotypie »
Expression
incomplète
– persons. schizotypique
– traits schizotypiques
Absence
d’expression
clinique
FIG. 8. — Étiopathogénie de la schizophrénie
S 413
M. Saoud et al.
L’Encéphale, 2007 ; 33 : 408-14, cahier 3
Références
22. MCGLASHAN TH, ZIPURSKY RB, PERKINS D et al. The PRIME
North America randomized double-blind clinical trial of olanzapine
versus placebo in patients at risk of being prodromally symptomatic
for psychosis. I. Study rationale and design. Schizophr Res 2003 ;
61 (1) : 7-18.
23. McGORRY PD, YUNG AR, PHILLIPS LJ. Ethics and early intervention in psychosis : keeping up the pace and staying in step. Schizophr
Res 2001 ; 51 (1) : 17-29. Review.
24. MILLER TJ, MCGLASHAN TH, ROSEN JL et al. Prospective diagnosis of the initial prodrome for schizophrenia based on the structured interview for prodromal syndromes : preliminary evidence of
interrater reliability and predictive validity. Am J Psychiatry 2002b ;
159 : 863-5.
25. MILLER PM, BYRNE M, HODGES A et al. Childhood behaviour, psychotic symptoms and psychosis onset in young people at high risk
of schizophrenia : early findings from the Edinburgh High Risk Study.
Psychol Med 2002a ; 32 (1) : 173-9.
26. MILLER PM, LAWRIE SM, BYRNE M et al. Self-rated schizotypal
cognitions, psychotic symptoms and the onset of schizophrenia in
young people at high risk of schizophrenia. Acta Psychiatr Scand
2002c ; 105 (5) : 341-5.
27. MORRISON AP, BENTALL RP, FRENCH P et al. Randomised controlled trial of early detection and cognitive therapy for preventing
transition to psychosis in high-risk individuals. Study design and interim analysis of transition rate and psychological risk factors. Br J Psychiatry Suppl 2002 ; 43 : S78-84.
28. MORRISON AP, FRENCH P, WALFORD L et al. Cognitive therapy
for the prevention of psychosis in people at ultra-high risk : randomised controlled trial. Br J Psychiatry 2004 ; 185 : 291-7.
29. NUECHTERLEIN KH, DAWSON ME. Information processing dysfunctions in the developmental course of schizophrenic disorders.
Schizophr Bull 1984 ; 10 : 160-203.
30. NUECHTERLEIN KH, DAWSON ME, GITLIN M et al. Developmental Processes in Schizophrenic Disorders : longitudinal studies of
vulnerability and stress. Schizophr Bull 1992 ; 18 (3) : 387-425.
31. OWENS DGC, MILLER P, LAWRIE SM et al. Pathogenesis of
schizophrenia : a psychopathological perspective. Br J Psychiatry
2005 ; 186 : 386-93.
32. RABINOWITZ J, DE SMEDT G, HARVEY PD et al. Relationship
between premorbid functioning and symptom severity as assessed
at first episode of psychosis. Am J Psychiatry 2002 ; 159 : 2021- 6.
33. SAOUD M, D’AMATO T, GUTKNECHT C et al. Neuropsychological
deficit in siblings discordant for schizophrenia. Schizophr Bull 2000 ;
26 (4) : 893-902.
34. SPRING B, ZUBIN J. Attention and information-processing as indicators of vulnerability to schizophrenic episodes. In : Wynne LC,
Cromwell RL, Matthysse S, eds. The nature of schizophrenia :
approaches to research and treatment. New York, NY : Wiley, 1978 :
366-75.
35. WHYTE MC, BRETT C, HARRISON LK et al. Neuropsychological
performance over time in people at high risk of developing schizophrenia and controls. Biol Psychiatry 2006 ; 59 (8) : 730-9.
36. YUNG AR, MCGORRY PD. The initial prodrome in psychosis : descriptive and qualitative aspects. Aust N Z J Psychiatry 1996 ; 30 (5) :
587-99.
37. YUNG AR, MCGORRY PD. The prodromal phase of first-episode
psychosis : past and current conceptualizations. Schizophr Bull
1996 ; 22 (2) : 353-70. Review.
38. YUNG AR, MCGORRY PD, MCFARLANE CA et al. Monitoring and
care of young people at incipient risk of psychosis. Schizophr Bull
1996 ; 22 (2) : 283-303. Review.
39. YUNG AR, PHILLIPS LJ, YUEN HP et al. Psychosis prediction : 12month follow up of a high-risk (« prodromal ») group. Schizophr Res
2003 ; 60 (1) : 21-32.
40. YUNG AR, PHILLIPS LJ, YUEN HP et al. Risk factors for psychosis
in an ultra high-risk group : psychopathology and clinical features.
Schizophr Res 2004 ; 67 (2-3) : 131-42.
1. BOYES J, WHALLEY HC, LAWRIE SM et al. A MRI study of ocular
hypertelorism in individuals at high risk of developing schizophrenia.
Schizophr Res 2001 ; 50 (1-2) : 1-2.
2. BREWER WJ, WOOD SJ, MCGORRY PD et al. Impairment of olfactory identification ability in individuals at ultra-high risk for psychosis
who later develop schizophrenia. Am J Psychiatry 2003 ; 160 (10) :
1790-4.
3. BREWER WJ, FRANCEY SM, WOOD SJ et al. Memory impairments
identified in people at ultra-high risk for psychosis who later develop
first-episode psychosis. Am J Psychiatry 2005 ; 162 (1) : 71-8.
4. BROOME MR, WOOLLEY JB, TABRAHAM P et al. What causes
the onset of psychosis ? Schizophr Res 2005 ; 79 (1) : 23-34.
5. BROOME MR, WOOLLEY JB, JOHNS LC et al. Outreach and support in south London (OASIS) : implementation of a clinical service
for prodromal psychosis and the at risk mental state. Eur Psychiatry
2005 ; 20 (5-6) : 372-8.
6. BRUNELIN J, D’AMATO T, BRUN P et al. Impaired verbal source
monitoring in schizophrenia : An intermediate trait vulnerability
marker ? Schizophr Res 2007 ; 89 : 287-92.
7. BRUNELIN J, POULET E, BEDIOU B et al. Low frequency repetitive
transcranial magnetic stimulation improves source monitoring deficit
in hallucinating patients with schizophrenia. Schizophr Res 2006 ;
81 (1) : 41-5.
8. BRUNELIN J, COMBRIS M, POULET E et al. Source monitoring deficits in hallucinating compared to non-hallucinating patients with schizophrenia. Eur Psychiatry 2006 ; 21 (4) : 259-61.
9. BRUNELIN J, D’AMATO T, VAN OS J et al. Serotoninergic response
to stress : A protective factor against abnormal dopaminergic reactivity in schizophrenia ? European Psychiatry, in press.
10. BYRNE M, HODGES A, GRANT E et al. Neuropsychological assessment of young people at high genetic risk for developing schizophrenia compared with controls : preliminary findings of the Edinburgh
High Risk Study (EHRS). Psychol Med 1999 ; 29 (5) : 1161-73.
11. BYRNE M, CLAFFERTY BA, COSWAY R et al. Neuropsychology,
genetic liability, and psychotic symptoms in those at high risk of schizophrenia. J Abnorm Psychol 2003 ; 112 (1) : 38-48.
12. CORNBLATT BA, KEILP JG. Impaired attention, genetics, and the
pathophysiology of schizophrenia. Schizophr Bull 1994 ; 20 (1) : 31-46.
13. ERLENMEYER-KIMLING L, ROCK D, ROBERTS SA et al. Attention, memory, and motor skills as childhood predictors of schizophrenia-related psychoses : the New York High-Risk Project. Am J Psychiatry 2000 ; 157 (9) : 1416-22.
14. FARAONE SV, SEIDMAN LJ, KREMEN WS et al. Neuropsychological functioning among the nonpsychotic relatives of schizophrenic
patients : a 4-year follow-up study. J Abnorm Psychol 1999 ; 108 (1) :
176-81.
15. HAFNER H, NOWOTNY B. Epidemiology of early-onset schizophrenia. Eur Arch Psychiatry Clin Neurosci 1995 ; 245 (2) : 80-92.
16. HAFNER H, MAURER K, RUHRMANN S et al. Early detection and
secondary prevention of psychosis : facts and visions. Eur Arch Psychiatry Clin Neurosci 2004 ; 254 (2) : 117-28. Review.
17. KLOSTERKOTTER J, HELLMICH M, STEINMEYER EM et al. Diagnosing schizophrenia in the initial prodromal phase. Arch Gen Psychiatry 2001 ; 58 (2) : 158-64.
18. LANGSLEY N, MILLER P, BYRNE M et al. Dermatoglyphics and
schizophrenia : findings from the Edinburgh high risk study. Schizophr Res 2005 ; 74 (1) : 122-4.
19. LAWRIE SM, WHALLEY HC, ABUKMEIL SS et al. Brain structure,
genetic liability, and psychotic symptoms in subjects at high risk of
developing schizophrenia. Biol Psychiatry 2001a ; 49 (10) : 811-23.
20. LAWRIE SM, BYRNE M, MILLER P et al. Neurodevelopmental indices and the development of psychotic symptoms in subjects at high
risk of schizophrenia. Br J Psychiatry 2001b ; 178 : 524-30.
21. LENCZ T, SMITH CW, AUTHER AM et al. The assessment of
« prodromal schizophrenia » : unresolved issues and future directions. Schizophr Bull 2003 ; 29 (4) : 717-28.
S 414
Téléchargement