L’Encéphale, 2007 ;
33 :
408-14, cahier 3 Les signes précoces : vulnérabilité ou prodome
S 411
« However, it has yet to be established to what extent
cognitive dysfunction is a part of the disease process,
whether premorbidly may be predictive of future psycho-
sis, and/or if it represents a feature of vulnerability to schi-
zophrenia (most probably of genetic origin) which will not
necessarily translate into psychosis »
DÉFINITION : PRODROMES
Les prodromes sont des signes avant-coureurs d’une
maladie (Dictionnaire des termes de Médecine). Classi-
quement, le diagnostic de « prodromes » est rétrospectif.
Une phase prodromique est retrouvée chez 80 % à
90 % des patients atteints de schizophrénie. Cette période
prodromique s’étend généralement sur 5 ans (15)
(figure 4)
, et est caractérisée par l’installation progressive,
de symptômes, négatifs puis positifs, d’intensité modérée
(38, 39). Cependant, ces symptômes sont non spécifiques
de la schizophrénie dans la mesure où le tableau clinique
peut aussi évoluer vers une autre pathologie mentale
(notion de « at risk mental state » ou état mental à risque
clinique) (26). En effet, il a été montré que les symptômes
initiaux repérés chez des patients hospitalisés pour un
premier épisode schizophrénique ou dépressif, sont com-
parables aux symptômes prodromiques.
La clinique des prodromes se compose :
– d’indicateurs précoces non spécifiques : retrait
social, détérioration du fonctionnement, humeur dépres-
sive, diminution de la concentration, diminution de la moti-
vation, troubles du sommeil, anxiété, méfiance ;
– d’indicateurs tardifs ou symptômes modérés : com-
portement étrange, discours circonstanciel, discours
vague ou trop élaboré, affect inapproprié, diminution de
l’hygiène personnelle, croyances bizarres ou pensées
magiques, expériences perceptives inhabituelles. Ces
symptômes, très évocateurs des symptômes positifs de
schizophrénie, ne permettent toutefois pas de remplir les
critères DSM de la maladie.
Partant de ce constat, et sachant que les sujets à haut
risque génétique ont une probabilité de développer une
schizophrénie égale à 10 % (voire 40 à 60 % sur un an
s’ils présentent déjà des prodromes), mais aussi une pro-
babilité non négligeable de développer d’autres troubles
mentaux, l’équipe de McGorry a introduit la notion d’états
mentaux à très haut risque clinique.
Plusieurs groupes de recherche ont construit des échel-
les spécifiques pour évaluer cliniquement le risque de
développer la maladie. Parmi ceux-ci nous retiendrons :
1)
The Melbourne Group : Comprehensive Assessment
of At-Risk Mental State
CAARMS, 1994 ; CAARMS II
2000. Avec cette échelle, trois groupes d’individus « At-
Risk Mental State » peuvent être identifiés (36, 37) :
– ceux qui présentent un risque génétique et/ou
« psychométrique » (Critères DSM IV de personnalité schizo-
typique associés à une détérioration fonctionnelle récente) ;
– ceux qui présentent au moins un des symptômes
positifs atténués de la CAARMS ;
– ceux qui présentent des BLIPS
(Brief Limited Inter-
mittent Psychotic Symptoms)
, durant moins de 7 jours.
Parmi les sujets « At-Risk Mental State », 34,6 % déve-
loppent un trouble psychotique dans les 12 mois.
La validité de l’échelle CAARMS est satisfaisante avec
une valeur prédictive positive de 80,8 %, une valeur pré-
dictive négative de 81,8 %, une spécificité de 92,6 % et
une sensibilité de 60 %.
2)
The Cologne Early Recognition Study
(CER) et la
Schizophrenia Prediction Instrument for Adults
(SPI-A) ou
Échelle de Bonn. Avec cette échelle, le taux de transition
psychotique à 10 ans, chez 160 sujets classés prodromi-
ques, a été de 49,4 %. La valeur prédictive positive de cet
instrument est de 70 % (17).
3)
The Yale Group : L’interview structuré des symptô-
mes prodromiques
(
Structured Interview of Prodromal
Symptoms
– SIPS), l’échelle des symptômes prodromi-
ques (
Scale of Prodromal Symptoms –
SOPS) et les cri-
tères des syndromes prodromiques (
Criteria of Prodromal
Syndromes
– COPS). Ces instruments permettent de dif-
férencier trois profils prodromiques :
– Syndrome positif atténué (
Attenuated Positive
Symptom Syndrome
– APS),
– Syndrome psychotique bref et intermittent (
Brief
Intermittent Psychotic Syndrome
– BIP),
– Risque génétique et détérioration récente (
Genetic
Risk and Recent Deterioration Syndrome
– GRD).
Le taux de transition psychotique à 6 mois des sujets
classés prodromiques était de 26,5 % (22, 24).
De ce survol des instruments actuels, il ressort que les
échelles prodromiques ne semblent pas assez sensibles
pour une détection fiable des individus en voie de transition
vers une schizophrénie. À ce sujet, dans leur méta-analyse
des études portant sur les prodromes schizophréniques,
Broome
et al.
(4, 5) ont montré que le taux de transition schi-
zophrénique varie de 5 à 50 % chez les prodromiques. Ceci
illustre bien le problème d’une définition satisfaisante des
prodromes
(tableau III)
(4), ou tout simplement de leur
insuffisance. Pour pallier cette insuffisance, il conviendrait
d’associer les échelles prodromiques à la recherche des
marqueurs intermédiaires de vulnérabilité, que nous pro-
posons ici de nommer « marqueurs de transition ».
FIG. 4. —
Phase prodromique de la schizophrénie
[d’après Hafner
et al.,
1995
(15)
].
Phase prodromique
Phase
psychotique
initiale
5,0 ans 1,1 ans
29,024,2 30,1 30,3
0,2
an
Âge
Intervalle
de temps
Premier signe (négatif
ou non spécitique)
d’un trouble psychique
Premier
symptôme
positif
Maximun de la
symptomatologie
positive
Première
admission
Symptômes positifs Symptômes négatifs