Les signes précoces : vulnérabilité ou prodome M. SAOUD (1), J. BRUNELIN (1), T. D’AMATO (1) « Based on the wish to introduce earlier treatment that may have a favourable impact on outcome, attempts have increased to delineate the prodromal phase of illness from both its premorbid characteristics and the features of the florid first psychotic episode » (31). Selon cette proposition, la vulnérabilité, exprimée au cours de la phase prémorbide, précéderait la phase prodromique, elle-même annonciatrice du premier épisode psychotique. Il convient donc dans un premier temps de définir séparément la vulnérabilité et la phase prodromique avant d’analyser leurs interactions. DÉFINITION DE LA VULNÉRABILITÉ La vulnérabilité est une prédisposition particulière, spécifique, génétique et/ou acquise : présente elle entraîne un épisode schizophrénique chez l’individu confronté à des stresseurs endogènes et/ou exogènes (40). Cette définition tente d’expliquer la survenue du premier épisode schizophrénique et non la maladie schizophrénique dans sa globalité. La vulnérabilité dépend de quatre composantes (29, 30) : – facteurs individuels de vulnérabilité, – facteurs stressants ou « potentialisateurs », – facteurs individuels protecteurs, – facteurs environnementaux protecteurs. – les marqueurs intermédiaires préexistant au trouble mais intensifiés par la pathologie et persistant au-delà de l’épisode ; – les marqueurs spécifiques de l’épisode dépendants de la pathologie et présents uniquement au cours de l’épisode. Différents types de marqueurs ont été identifiés à partir d’une grande variété de perturbations repérées à la fois chez les patients schizophrènes et les sujets à haut risque (exemple : les apparentés de proposants schizophrènes). Sur le plan paraclinique, on observe : – des anomalies cérébrales structurales et fonctionnelles, – des perturbations cognitives, – des perturbations électrophysiologiques (ondes P50 et P300). Sur le plan clinique, on observe : – des troubles non spécifiques du développement psychomoteur, – des anomalies physiques mineures, des signes neurologiques mineurs (soft signs), – des troubles précoces du comportement, non spécifiques, – des troubles ou traits de personnalité. Dans ce cas, s’agit-il de marqueurs de vulnérabilité ou d’une expression atténuée d’un état déjà pathologique ? Pour répondre à cette question, il convient d’analyser ces marqueurs de manière diachronique, c’est-à-dire en les replaçant dans l’histoire naturelle de la maladie. MARQUEURS DE VULNÉRABILITÉ Pour identifier cette vulnérabilité, trois types de marqueurs de la vulnérabilité, basés sur la dichotomie épisode (état) versus trait, ont été proposés : – les marqueurs stables indépendants de la pathologie exprimée : ils existent avant, pendant et après l’épisode et demeurent inchangés au cours de ces phases ; LES MARQUEURS DE LA VULNÉRABILITÉ DANS L’HISTOIRE DE LA MALADIE : STRATÉGIES D’IDENTIFICATION DES SUJETS À HAUT RISQUE L’analyse diachronique des marqueurs de la vulnérabilité découle essentiellement de l’étude des sujets à haut risque de schizophrénie. (1) EA 3092, Université Lyon 1, CH Le Vinatier, IFR 19, 95, boulevard Pinel, 69677 Bron cedex. S 408 L’Encéphale, 33 : 2007, Juin, cahier 3 L’Encéphale, 2007 ; 33 : 408-14, cahier 3 Les signes précoces : vulnérabilité ou prodome Schématiquement, nous pouvons considérer deux types de risque : – Un risque à long terme de survenue d’une schizophrénie, mis en évidence par des études longitudinales, notamment d’enfants de parents schizophrènes, mais aussi d’enfants issus de la population générale. – Un risque à court terme de survenue d’une schizophrénie, mis en évidence par l’étude longitudinale d’adolescents à haut risque. Cependant, si l’existence d’un trouble attentionnel permet de classer correctement 58,3 % des sujets dans la catégorie diagnostique « schizophrénie », le risque de faux positif avoisine les 18 % (tableau I). Risque à long terme Le New York High Risk Project et la Dunedin Multidisciplinary health and Development Study constituent deux exemples d’étude du risque à long terme. New York High Risk Project (12, 13) Il s’agit d’une étude longitudinale portant sur des enfants issus de parents pouvant être soit schizophrènes, soit atteints d’un trouble de l’humeur soit sains. Cette méthodologie permet d’évaluer le risque génétique. À l’inclusion, les enfants étaient âgés de 7 à 11 ans, et ont été suivis jusqu’à l’âge de 26 ans. Les enfants de parents schizophrènes ont été répartis en deux groupes en fonction de la première évaluation : – ceux dont les performances attentionnelles initiales étaient similaires à celles des enfants de parents contrôles ou « affectifs » ; – ceux dont les performances attentionnelles initiales étaient déficitaires. Ces derniers ont développé un trouble schizophrénique à l’âge adulte. Ainsi, le fait d’avoir un parent schizophrène n’entraîne pas forcément la survenue d’une maladie schizophrénique. En revanche, avoir à la fois un parent schizophrène et un trouble attentionnel précoce constitue un risque majeur de survenue d’une schizophrénie (figure 1). CPI-IP Performance as Measured by d’ 3,0 2,5 2,0 d’ 1,5 1,0 0,5 0,0 PSP HRSz HRAff NC – 0,5 ROUND Rd 2 : 1980-81 Rd 3 : 1983-84 MEAN AGE 12.20 15.07 Rd 5 : 1991-92 Rd 6 : 1994-95 22.35 25.86 FIG. 1. — Évolution des performances attentionnelles CPTIP PSP : enfant de parent schizophrène ayant développé un trouble schizophrénique ; HRSz : enfant de parent schizophrène sans trouble schizophrénique ; HRAff : enfant de parent présentant un trouble de l’humeur ; NC : sujets contrôles (d’après New-York High Risk Project) (12, 13). TABLEAU I. — Schizophrénie et composantes cognitives selon la parenté. Sujets correctement classés Faux positifs Enfants de parents schizophrènes (n = 79) Mémoire verbale Habilités motrices Attention Les 3 fonctions 83,3 % 75 % 58,3 % 50 % 28,4 % 26,9 % 17,9 % 10,4 % Enfants de parents présentant des troubles de l’humeur (n = 57) Mémoire verbale Habilités motrices Attention Les 3 fonctions 25 % 50 % 0% 0% 11,3 % 5,7 % 0% 0% D’après Cornblatt et Keilp 94 (12), Erlenmeyer-Kimling et al. (13). Dunedin Multidisciplinary health and Development Study Il s’agit d’une étude longitudinale en population générale. La cohorte d’enfants a été constituée sur une seule année (1972-1973), correspondant à 1 037 naissances. Les enfants ont été évalués à 3, 5, 7, 9, 11 et 26 ans. Sur 976 sujets réévalués à l’âge de 26 ans (parmi les 1 019 survivants), on retrouve : – un trouble schizophréniforme chez 3,7 % des sujets (n = 36), – un épisode maniaque dans 2,0 % des cas (n = 20), – des troubles anxieux ou dépressifs chez 28,5 % des sujets (n = 278). Dans le groupe de sujets qui ont développé un trouble schizophréniforme, un déficit cognitif a été mis en évidence tout au long du suivi ; dès l’âge de 3 ans, le quotient intellectuel de ces enfants était significativement inférieur à celui des autres enfants (figure 2). Ces deux études illustrent la difficulté de définir si les perturbations observées témoignent de l’existence d’une « simple » vulnérabilité ou, déjà, de l’expression d’un processus pathologique. Risque à court terme L’Edinburgh High Risk Study (10, 11) constitue un exemple d’étude prospective du risque à court terme chez des adolescents à haut risque de schizophrénie mais n’ayant encore développé ni schizophrénie ni prodromes de la maladie. Plusieurs anomalies ont été observées et concernent : – le volume cérébral (19) ; S 409 M. Saoud et al. L’Encéphale, 2007 ; 33 : 408-14, cahier 3 0,4 Anomalies de la poursuite oculaire Résultats chez les patients schizophrènes Prévalence des anomalies de poursuite oculaire – Sujets normaux : 6-8 % – Schizophrènes : 52-86 % – Apparentés de premier degré : 34-50 % 0,2 0 Stabilité du trait présent – En phase aiguë – En rémission – Non spécifique quel que soit le sous-type de schizophrénie – Avec ou sans traitement neuroleptique – 0,2 – 0,4 – 0,6 3 5 7 9 11 Âge, y FIG. 2. — Niveau du quotient intellectuel dans l’enfance au sein de chaque groupe de pathologie à l’âge de 26 ans : sujets contrôles ; troubles anxio-dépressifs ; épisode maniaque ; trouble schizophréniforme (11). En résumé Les marqueurs de vulnérabilité sont déjà présents avant le premier épisode de la maladie et persistent audelà (14) ; ils peuvent également être présents en dehors de toute expression clinique. En effet, on les retrouve aussi chez les apparentés non malades de proposants schizophrènes (33) et en population générale. Par exemple le New York High-Risk Project (12, 13) retrouve des troubles attentionnels chez 3 à 7 % des sujets en population générale. De même, des anomalies de la poursuite oculaire sont présentes chez 6 à 8 % des individus de la population générale (tableau II). Par ailleurs, la constatation d’un certain nombre de perturbations comportementales et cognitives dès l’enfance chez les futurs patients schizophrènes, interroge la notion de « phase de latence » dans l’histoire naturelle de la schizophrénie et pose aussi la question du seuil entre phase prémorbide et phase prodromique. Cela remet en question la notion de phase de latence. Le premier épisode n’est peut-être pas le coup de tonnerre dans un ciel serein. S 410 Marqueur biologique associé à la schizophrénie – Marqueur de vulnérabilité Beaucoup de troubles du fonctionnement psychosocial (32) sont présents avant les premiers signes de la maladie (performances scolaires basses, pauvreté des relations sociales…) avec aggravation au fil du temps (figure 3). Certains marqueurs prédisposent donc à un risque d’évolution vers la schizophrénie mais ils peuvent également être observés chez des sujets sains. 3,5 3,0 Scholastic performance Peer relationships Sociability and withdrawal Adaptation to school Social-sexual aspects of life Détérioration du fonctionnement – des anomalies physiques mineures [hypertélorisme (1) ; dermatoglyphes (18) ; diamètre binoculaire] ; – des anomalies neurologiques mineures (scores à la Neurological Evaluation Scale) (20) ; – des troubles de la personnalité évalués par le Structural Interview for Schizotypy (24) et le Rust Inventory of Schizoptypal Cognitions (27) ; – des troubles du comportement évalués par la Childhood Behavior Checklist (26) à l’âge de 16 ans ; – des troubles neuropsychologiques (10, 11). Études de jumeaux – Monozygotes concordance : 68 % à 80 % – Dizygotes concordance : 35 % Mean Score on Premorbid Adjustment Scale IQ Test Performance,z Scores TABLEAU II. — Anomalies de la poursuite oculaire. Control Anxiety/Depression Mania Schizophreniform 2,5 2,0 1,5 1,0 0-11 12-15 16-18 >18 Âge (years) FIG. 3. — Chute des performances évaluée par la Premorbid Adjustment Scale dans l’enfance et l’adolescence de sujets ayant développé un premier épisode psychotique [Rabinowitz et al., 32)]. Cette question est d’autant plus importante que les deux facteurs prémorbides les plus prédictifs de schizophrénie sont l’isolement social et la bizarrerie, qui sont également des symptômes de la maladie. Il est donc important de comprendre les relations entre la phase prémorbide et la phase prodromique comme le suggèrent Whyte et al. (35). L’Encéphale, 2007 ; 33 : 408-14, cahier 3 Les signes précoces : vulnérabilité ou prodome « However, it has yet to be established to what extent cognitive dysfunction is a part of the disease process, whether premorbidly may be predictive of future psychosis, and/or if it represents a feature of vulnerability to schizophrenia (most probably of genetic origin) which will not necessarily translate into psychosis » DÉFINITION : PRODROMES Les prodromes sont des signes avant-coureurs d’une maladie (Dictionnaire des termes de Médecine). Classiquement, le diagnostic de « prodromes » est rétrospectif. Une phase prodromique est retrouvée chez 80 % à 90 % des patients atteints de schizophrénie. Cette période prodromique s’étend généralement sur 5 ans (15) (figure 4), et est caractérisée par l’installation progressive, de symptômes, négatifs puis positifs, d’intensité modérée (38, 39). Cependant, ces symptômes sont non spécifiques de la schizophrénie dans la mesure où le tableau clinique peut aussi évoluer vers une autre pathologie mentale (notion de « at risk mental state » ou état mental à risque clinique) (26). En effet, il a été montré que les symptômes initiaux repérés chez des patients hospitalisés pour un premier épisode schizophrénique ou dépressif, sont comparables aux symptômes prodromiques. La clinique des prodromes se compose : – d’indicateurs précoces non spécifiques : retrait social, détérioration du fonctionnement, humeur dépressive, diminution de la concentration, diminution de la motivation, troubles du sommeil, anxiété, méfiance ; – d’indicateurs tardifs ou symptômes modérés : comportement étrange, discours circonstanciel, discours vague ou trop élaboré, affect inapproprié, diminution de l’hygiène personnelle, croyances bizarres ou pensées magiques, expériences perceptives inhabituelles. Ces symptômes, très évocateurs des symptômes positifs de schizophrénie, ne permettent toutefois pas de remplir les critères DSM de la maladie. Phase prodromique Âge 24,2 Intervalle de temps 29,0 5,0 ans Premier signe (négatif ou non spécitique) d’un trouble psychique Symptômes positifs Premier symptôme positif Phase psychotique initiale 30,1 30,3 0,2 1,1 ans an Maximun de la Première symptomatologie admission positive Symptômes négatifs FIG. 4. — Phase prodromique de la schizophrénie [d’après Hafner et al., 1995 (15)]. Partant de ce constat, et sachant que les sujets à haut risque génétique ont une probabilité de développer une schizophrénie égale à 10 % (voire 40 à 60 % sur un an s’ils présentent déjà des prodromes), mais aussi une probabilité non négligeable de développer d’autres troubles mentaux, l’équipe de McGorry a introduit la notion d’états mentaux à très haut risque clinique. Plusieurs groupes de recherche ont construit des échelles spécifiques pour évaluer cliniquement le risque de développer la maladie. Parmi ceux-ci nous retiendrons : 1) The Melbourne Group : Comprehensive Assessment of At-Risk Mental State CAARMS, 1994 ; CAARMS II 2000. Avec cette échelle, trois groupes d’individus « AtRisk Mental State » peuvent être identifiés (36, 37) : – ceux qui présentent un risque génétique et/ou « psychométrique » (Critères DSM IV de personnalité schizotypique associés à une détérioration fonctionnelle récente) ; – ceux qui présentent au moins un des symptômes positifs atténués de la CAARMS ; – ceux qui présentent des BLIPS (Brief Limited Intermittent Psychotic Symptoms), durant moins de 7 jours. Parmi les sujets « At-Risk Mental State », 34,6 % développent un trouble psychotique dans les 12 mois. La validité de l’échelle CAARMS est satisfaisante avec une valeur prédictive positive de 80,8 %, une valeur prédictive négative de 81,8 %, une spécificité de 92,6 % et une sensibilité de 60 %. 2) The Cologne Early Recognition Study (CER) et la Schizophrenia Prediction Instrument for Adults (SPI-A) ou Échelle de Bonn. Avec cette échelle, le taux de transition psychotique à 10 ans, chez 160 sujets classés prodromiques, a été de 49,4 %. La valeur prédictive positive de cet instrument est de 70 % (17). 3) The Yale Group : L’interview structuré des symptômes prodromiques (Structured Interview of Prodromal Symptoms – SIPS), l’échelle des symptômes prodromiques (Scale of Prodromal Symptoms – SOPS) et les critères des syndromes prodromiques (Criteria of Prodromal Syndromes – COPS). Ces instruments permettent de différencier trois profils prodromiques : – Syndrome positif atténué (Attenuated Positive Symptom Syndrome – APS), – Syndrome psychotique bref et intermittent (Brief Intermittent Psychotic Syndrome – BIP), – Risque génétique et détérioration récente (Genetic Risk and Recent Deterioration Syndrome – GRD). Le taux de transition psychotique à 6 mois des sujets classés prodromiques était de 26,5 % (22, 24). De ce survol des instruments actuels, il ressort que les échelles prodromiques ne semblent pas assez sensibles pour une détection fiable des individus en voie de transition vers une schizophrénie. À ce sujet, dans leur méta-analyse des études portant sur les prodromes schizophréniques, Broome et al. (4, 5) ont montré que le taux de transition schizophrénique varie de 5 à 50 % chez les prodromiques. Ceci illustre bien le problème d’une définition satisfaisante des prodromes (tableau III) (4), ou tout simplement de leur insuffisance. Pour pallier cette insuffisance, il conviendrait d’associer les échelles prodromiques à la recherche des marqueurs intermédiaires de vulnérabilité, que nous proposons ici de nommer « marqueurs de transition ». S 411 M. Saoud et al. L’Encéphale, 2007 ; 33 : 408-14, cahier 3 TABLEAU III. — Prodromes et taux de transition selon méta-analyse de Broome et al. (4). Study Sample Follow up Rate of transition (%) Klosterkotter et al. (2001) (17) 160 ; from 695 referals for a second opinion 9,6 years average 49,4 Morrison et al. (2002, 2004) (27, 28) 58 ; from general practice referrals 12 months 6 (treated group) ; 22 (monitored group) Woods et al. (2003) 59 prodomals 1 year treatment and 1 year follow-up 33 (preliminary result) Yung et al. (2003) (39) 49 ; from 162 referrals 1 year 40,8 Lenez et al. (2003) (21) 34 young at risk persons 2 years mean follow up 26,5 Broome et al. (2005) (5) 58 18 months 10,3 Hafner et al. (2004) (16) 123 12 months 14,8 (support group) ; 5,3 (CBT group) Sensibilité = Proportion de sujets classés « malades » parmi les sujets réellement malades, soit la proportion de « faux négatifs ». Spécificité = Proportion de sujets classés « non malades » parmi les sujets réellement malades, soit la proportion de « faux positifs ». Valeur Prédictive Positive = Proportion de vrais « malades » sur l’ensemble des sujets classés « malades ». Valeur Prédictive Négative = Proportion de vrais « sujets sains » sur l’ensemble des sujets classés « non malades ». DES PRODROMES À LA VULNÉRABILITÉ Effectivement, certains auteurs ont tenté d’améliorer le niveau de prédiction de la transition schizophrénique en utilisant des marqueurs de vulnérabilité (16, 21, 28). Ainsi, l’équipe de Brewer s’est penchée sur les facultés d’identification olfactive (2). Les sujets à très haut risque d’évolution vers la schizophrénie ont des performances olfactives significativement inférieures à celles des autres sujets. La limite de cette étude est la faible taille des échantillons (tableau IV) (2). TABLEAU IV. — Identification olfactive de la vulnérabilité à la schizophrénie [d’après Brewer et al. (2)]. Identification olfactive Sujets à très haut risque avec évolution vers une 31,2 ± 1,6 psychose (N = 22) Schizophrénie (N = 12) 29,8 ± 2,2 Psychose non schizophrénique (N = 10) 32,9 ± 3,3 Sujets à très haut risque sans évolution vers une 32,2 ± 0,9 psychose (N = 59) Sujets sains (N = 31) S 412 33,4 ± 1,4 Brewer et al. (3) ont également étudié le rôle prédictif du quotient intellectuel sur la transition schizophrénique. Parmi les sujets à très haut risque, ceux qui présentent un QI faible ont un risque de transition supérieur aux sujets prodromiques de QI intermédiaire, risque lui-même supérieur à celui des sujets contrôles (figure 5). Ces résultats confirment l’intérêt d’une association « prodromes/marqueurs de transition » pour améliorer l’identification du risque de transition. Un exemple de ces marqueurs est la « mémoire de la source » (6, 7, 8) dont le déficit est exacerbé chez les patients schizophrènes en phase aigue (8), comparés aux patients schizophrènes en rémission et aux sujets non malades à haut risque (6), lesquels présentent à leur tour un déficit comparés aux sujets contrôles (figure 6). Pour améliorer la prédictibilité – en complément au recensement des prodromes et à la recherche des marqueurs de transition – nous proposons d’étudier également la réponse des individus au stress. 120 Patients in ultra-high-risk group who developed psychosis (N = 34) Patients in ultra-high-risk group who did not develop psychosis (N = 64) Healthy comparison subjects (N = 37) 115 Mean IQ (± 95 Cl) b RAPPELS 110 105 100 95 90 Premorbid Current FIG. 5. — Comparaison des QI prémorbides, à 1 et 3 ans pour la survenue d’un épisode schizophrénique aigu. L’Encéphale, 2007 ; 33 : 408-14, cahier 3 Les signes précoces : vulnérabilité ou prodome Standardised Effect Size 0 1 2 Unaffected Siblings Intense 3 ÉPISODE SCHIZOPHRÉNIQUE AIGU La mémoire de la source Des illusions aux hallucinations Stress current study Remitted NHP Non resistant acult NHP Brunelin et al., 2006a modérée Non resistant acult NP Faible Vulnérabilité Interactions vulnérabilité/stress Resistant HP before rTMS Importante Épisode FIG. 7. — Interaction entre la vulnérabilité à la schizophrénie et le stress pour la survenue d’un épisode schizophrénique aigu [d’après Spring et Zubin, 1978 (34)]. Brunelin et al., 2006b Resistant HP after rTMS Effect size estimate Upper confidence limit Lower confidence mimit FIG. 6. — Mémoire de la source et vulnérabilité à la schizophrénie [d’après Brunelin et al. (6, 7, 8)]. Réaction au stress Il est aujourd’hui admis que la vulnérabilité à la schizophrénie implique une hyperréactivité au stress et si la vulnérabilité semble nécessaire (40), elle n’est certainement pas suffisante (29, 30). En effet, la survenue d’un épisode schizophrénique semble la conséquence d’une interaction entre une vulnérabilité et un stress (figure 7). Ainsi, les sujets exprimant une vulnérabilité importante (par exemple les patients schizophrènes eux-mêmes) pourraient développer un épisode schizophrénique en réaction à des événements de vie mineurs, ce qui témoignerait d’une hyper-réactivité au stress. De fait, une libération augmentée de l’ACTH et de l’HVA a été montrée chez des patients schizophrènes, corroborant ainsi l’hypothèse de leur hyperréactivité au stress (9). En résumé, les phases prémorbides, prodromiques et psychotiques aiguës apparaissent comme des phases d’intensité symptomatique croissante dont la délimitation semble avant tout théorique. Cependant, l’identification de « marqueurs de transition » et des effets biologiques résultant de « l’interaction stress/vulnérabilité » peut apporter des éléments plus objectifs attestant du niveau de risque de transition vers la pathologie aiguë (figure 8). Facteurs biologiques précipitants endogènes et/ou exogènes Facteurs psychosociaux précipitants Facteurs génétiques Facteurs environnementaux périnataux Facteurs génétiques modulateurs Anomalies cérébrales : – structurelles – biochimiques Attention, mémoire fonctions exécutives, logique troubles non spécifiques du comportement, anomalies EEG,etc. MARQUEURS DE VULNÉRABILITÉ COGNITIFS NEUROPHYSIOLOGIQUES NEUROPSYCHOLOGIQUES PUBERTÉ/ MATURATION Facteurs biologiques et/ou psychoprotecteurs ou de résilience Schizophrénie P R O D R O M E S « Schizotypie » Expression incomplète – persons. schizotypique – traits schizotypiques Absence d’expression clinique FIG. 8. — Étiopathogénie de la schizophrénie S 413 M. Saoud et al. L’Encéphale, 2007 ; 33 : 408-14, cahier 3 Références 22. MCGLASHAN TH, ZIPURSKY RB, PERKINS D et al. The PRIME North America randomized double-blind clinical trial of olanzapine versus placebo in patients at risk of being prodromally symptomatic for psychosis. I. Study rationale and design. Schizophr Res 2003 ; 61 (1) : 7-18. 23. McGORRY PD, YUNG AR, PHILLIPS LJ. Ethics and early intervention in psychosis : keeping up the pace and staying in step. Schizophr Res 2001 ; 51 (1) : 17-29. Review. 24. MILLER TJ, MCGLASHAN TH, ROSEN JL et al. Prospective diagnosis of the initial prodrome for schizophrenia based on the structured interview for prodromal syndromes : preliminary evidence of interrater reliability and predictive validity. Am J Psychiatry 2002b ; 159 : 863-5. 25. MILLER PM, BYRNE M, HODGES A et al. Childhood behaviour, psychotic symptoms and psychosis onset in young people at high risk of schizophrenia : early findings from the Edinburgh High Risk Study. 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