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L
a schizophrénie est une pathologie
qui touche 1 % de la population
mondiale, soit 600 000 personnes en
France. Bien qu’elle fasse l’objet de
nombreuses recherches, les traitements
disponibles n’améliorent que certains
symptômes.
Ce syndrome physiopathologique est
caractérisé par des symptômes dits
“positifs” (idées délirantes, halluci-
nations, etc.) et “négatifs” (retrait,
alogie, avolition, etc.). Il commence le
plus souvent à l’adolescence ou chez le
jeune adulte et évolue vers une véritable
dissociation de la personnalité. Une
fois déclarée, la maladie est installée
et devient chronique, avec récurrence
d’épisodes aigus nécessitant une prise
en charge. Les neuroleptiques (anta-
gonistes des récepteurs D2) restent
encore actuellement le traitement
de référence. Les antidépresseurs ou
certains tranquillisants sont également
indiqués, en particulier dans le but de
traiter les épisodes dépressifs ou d’an-
xiété associés à la maladie. Ces traite-
ments sont la plupart du temps associés
à des psychothérapies de soutien.
Malgré tout, 10 à 20 % des schizoph-
rènes restent totalement résistants aux
médicaments.
Il est aujourd’hui admis que la schi-
zophrénie nest pas une maladie psycho-
génique, mais qu’il s’agit d’une psychose
neuro-développementale. Des études
d’imagerie ont ainsi révélé de fréquentes
anomalies neuro-anatomiques : une
légère dilatation des ventricules, une
symétrie de certaines régions tempo-
rales, une réduction du volume des
régions limbiques et, enfin, des anoma-
lies corticales (e.g. cortex préfrontal).
Ces singularités morphologiques
seraient des séquelles de perturbations
précoces du développement cérébral.
Deux causes principales sont invoquées
pour expliquer cette pathologie : des
facteurs génétiques et des “accidents”
neuro-développementaux.
Hypothèse génétique
Les études familiales ont montré que
le risque d’occurrence de la maladie
pouvait atteindre 10 % (contre 1 % dans
la population générale), révélant ainsi
l’influence de facteurs génétiques dans
une forme précoce de la schizophrénie.
Ces études s’accordent pour exclure
l’hypothèse d’un gène candidat
unique et s’orientent davantage vers
la recherche de facteurs de vulnéra-
bilité génétique.
La Lettre du Psychiatre - Vol. II - n° 6 -7 - novembre-décembre 2006
Approche neuro-développementale
de la schizophrénie
# L.Calandreau (LNC, CNRS UMR 5106, Valence)
© La Lettre du Neurologue-Suppl. Les Actualités au vol.X-n°8-octobre 2006.
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Hypothèse neuro-
développementale
Même si différents facteurs bioenvi-
ronnementaux (carence vitaminique,
complications obstétricales) ont été
impliqués, l’hypothèse d’une infection
maternelle durant la grossesse reste
l’une des plus prometteuses. Cette
approche, sur laquelle nous nous
attarderons, tire son origine d’études
épidémiologiques et a conduit à l’élabo-
ration de nouveaux modèles animaux
de la schizophrénie.
Dosage sérologique d’une infection
grippale et schizophrénie
Dès 1988, Mednick et al. (1) ont
démontré qu’une infection grippale
au cours du deuxième trimestre de la
grossesse est associée à une augmenta-
tion significative (de l’ordre de 50 %) du
nombre de naissances d’individus qui
deviendront schizophrènes. Depuis,
26 études ont tenté de répliquer ces
données. Malheureusement, si la
moitié de ces recherches a confirmé
ce résultat, l’autre moitié na révélé
aucun lien entre une infection virale
durant la grossesse et l’incidence de la
maladie. Cette divergence de résultats
s’explique en grande partie par l’uti-
lisation de cohortes de sujets pour
lesquels l’infection grippale était incer-
taine et le suivi de la grossesse relati-
vement imprécis. De la même façon,
les outils utilisés pour diagnostiquer
avec certitude l’état de schizophrénie
nétaient pas toujours identiques. Afin
de trancher ce débat, Brown et al. (2)
ont étudié une population de femmes
particulièrement suivies au moment
de la grossesse. En analysant le sérum
maternel, ils se sont assurés de l’atteinte
grippale des mères. Enfin, ils ont utilisé
des tests permettant de diagnostiquer
avec précision si les adolescents nés de
ces mères présentaient les symptômes
de la schizophrénie. Ce travail révèle
que l’infection grippale multiplie par
trois l’incidence de la maladie. Par
ailleurs, les auteurs constatent que
cet effet nest observé que si l’infec-
tion est contractée durant la première
partie de la grossesse. Cette équipe a
également montré qu’une infection
respiratoire lors du second trimestre
de la grossesse double l’incidence de
la schizophrénie chez les descendants.
Notons que d’autres études ont établi
une relation entre la rubéole (3) ou la
varicelle (4) contractée durant la gros-
sesse et le nombre de schizophrènes.
Ces données suggèrent ainsi qu’une
stimulation du système immunitaire
maternel pourrait induire des anoma-
lies neuro-développementales.
Dosage de linterleukine 8 du sérum
maternel et schizophrénie
Les études épidémiologiques ci-dessus
révèlent que des agents infectieux
qui diffèrent quant à leur mode de
transmission, leur potentiel térato-
génique ou encore leur antigénicité,
augmentent l’incidence de la schi-
zophrénie. Dans cette nouvelle étude
(5), les auteurs se sont intéressés aux
cytokines, éléments communs à tous
ces agents infectieux. En effet, cette
famille de molécules intervient à la fois
dans la réponse immunitaire et dans
le développement cellulaire (différen-
ciation et prolifération). Les auteurs
constatent que la quantité d’interleu-
kine (type 8) présente dans le sérum
maternel (prélevé lors de la grossesse)
est deux fois plus importante chez les
mères de schizophrènes.
Un modèle animal neuro-
développemental de la schizophrénie
Des approches lésionnelles et/ou phar-
macologiques ont permis d’aboutir à
des modèles animaux de schizophrénie.
Même si ces modèles miment des défi-
cits comportementaux observés chez
les schizophrènes (déficit d’inhibition
latente, d’effet induit par une préex-
position à un stimulus inconditionnel
PSI, du réflexe de sursaut, déficits en
mémoire de travail, de réaction à un
traitement aux amphétamines), ils ne
permettent pas d’appréhender l’as-
pect neuro-développemental de la
maladie. Dans ce but, un ensemble
d’études (6, 7) dirigées par l’équipe du
Pr J. Feldon a conduit à l’élaboration
d’un modèle neuro-développemental
de la schizophrénie particulièrement
élégant. Ces travaux montrent que l’in-
jection périphérique de poly-IC (un
ARN double brin de synthèse stimulant
le système immunitaire) à des souris
gestantes, induit une élévation du taux
sérique maternel de cytokines (e.g. IL-
6). Ce traitement provoque également
une augmentation du taux d’interleu-
kines (e.g. IL-1b) mesuré au sein du
tissus fœtal. Enfin, les études compor-
tementales menées sur des animaux
adultes nés de mères traitées révèlent
de nombreux déficits caractéristiques
de l’état de schizophrénie.
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La Lettre du Psychiatre - Vol. II - n° 6 -7 - novembre-décembre 2006
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Dans une étude suivante (7), cette
équipe montre que les effets compor-
tementaux du traitement ne sont
observables que si l’injection de poly-
IC est réalisée au début (jour 6-9) et
non à la fin (jour 17) de la gestation.
Ces nouveaux résultats sont en accord
avec les données épidémiologiques
reliant stimulation des interleukines
en début de grossesse et incidence de
la maladie chez les descendants.
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Pour en savoir plus . . .
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Autres modèles animaux
neuro-développementaux
>Shi L, Fatemi SH, Sidwell RW, Patterseon PH.
Maternal influenza infection causes marked
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offspring. J Neurosci 2003;23:297-302.
> Zuckerman L, Rehavi M, Nachman R, Weiner I.
Immune activation during pregnancy in rats leads
to a post pubertal emergence of disrupted latent
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neurodevelopmental model of schizophrenia.
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La Lettre du Psychiatre - Vol. II - n° 6 -7 - novembre-décembre 2006
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