Clinique du défi cit dans la schizophrénie S3
gement dans les événements de la vie), la mauvaise qualité
du contact (avec un manque d’empathie interpersonnelle,
d’ouverture dans la conversation, un défaut de proximité
et d’engagement avec le clinicien).
Dans la PANSS, l’accent est également porté sur l’impor-
tance du repli social, avec des éléments de passivité, un
aspect apathique, une diminution de l’intérêt et de l’initia-
tive dans les interactions sociales liée à cette passivité, à
l’apathie, à l’anergie ou à l’avolition (engagements inter-
personnels limités, négligences des activités quotidiennes).
Kay et al. [7] décrivent également dans la PANSS des
diffi cultés d’abstraction, avec un trouble de la pensée abs-
traite (symbolique), une diffi culté à classer, à généraliser
et à dépasser la pensée concrète, égocentrique, dans la
résolution de problèmes. On retrouve également une
absence de spontanéité et de fl uidité dans la conversation,
une réduction du fl ux conversationnel normal avec apathie,
avolition, réticence ou défi cit cognitif, une pensée stéréo-
typée avec diminution de la fl uidité, de la spontanéité et
de la fl exibilité de la pensée (contenu de pensée rigide,
répétitif, stérile).
Une quatrième approche pour décrire les symptômes
négatifs qui constituent le syndrome défi citaire est propo-
sée par Kirkpatrick et al. [8], qui mettent l’accent sur l’ap-
pauvrissement des affects, sur une gamme émotionnelle
réduite, sur une pauvreté du discours, une restriction des
intérêts, une intentionnalité réduite, et enfi n une diminu-
tion de l’élan social. Ces critères, proches des critères du
DSM pour la schizophrénie, prennent en compte des symp-
tômes considérés comme primaires ; il s’agit de symptômes
ayant une sévérité suffi sante, et stables, pendant les pério-
des de rémission relative, depuis un an au moins.
Le défi cit comme structure
Parmi les auteurs qui ont utilisé l’approche phénoménologi-
que, Minkowski [10] décrit les liens avec le monde quotidien
et avec autrui (intersubjectivité) et la conscience de soi. Il
décrit trois aspects du défi cit, non comme un recueil de symp-
tômes isolés, mais comme des aspects complémentaires : la
perte du contact vital avec la réalité, la perte de l’élan vital
et une asyntonie dans les rapports intersubjectifs.
Blankenburg décrit la perte de l’évidence naturelle
dans des termes proches de ceux de Minkowski. Dans le
rapport au monde, il s’agit de la perte de l’ancrage ; dans
le rapport à soi, il décrit l’asthénie transcendantale ; dans
le rapport aux autres, la perte du sens commun ; et enfi n
dans le rapport au temps, il parle de perte de la continuité
de l’expérience [3].
Dans son ouvrage sur la perte de l’évidence naturelle,
Blankenburg reprend les propos d’une de ses patientes :
« Quand on démarre avec le défi cit, on ne peut prétendre
à rien ». Pour Blankenburg, il ne s’agit manifestement pas
d’un bilan, comme pourrait le faire un sujet sain, dans un
regard en arrière sur un échec dans la vie ; ce n’est pas le
produit des opérations, pas même le caractère de l’opéra-
tion, mais le point de départ transcendantal pour tout rap-
port au monde qui est ainsi caractérisé. Il rapporte les
propos de la même patiente : « Que me manque-t-il vrai-
ment ?… Quelque chose de petit, mais sans quoi on ne peut
pas vivre… À la maison, humainement, je n’y étais pas. Je
n’étais pas à la hauteur. J’étais simplement là, mais sans
être présente… l’impression d’avoir encore besoin de l’ap-
pui dans les choses quotidiennes les plus simples… C’est
sans doute l’évidence naturelle qui me manque ».
D’autres approches phénoménologiques du défi cit ont
été proposées, comme celle de Tatossian, évoquant la
perte de l’aptitude à la quotidienneté [13], ou celle de
Kraus [9] portant sur l’identité sociale de rôle et ses rap-
ports avec le défi cit schizophrénique.
Conclusion
Les symptômes négatifs sont le plus souvent décrits en cli-
nique comme un pur défi cit ou un défaut de fonctions,
avec, sur le plan sémantique, une large utilisation du pré-
fi xe « a- » privatif. Dans une perspective phénoménologi-
que, la description cherche à traduire une expérience
vécue à la première personne. Des travaux récents, d’ins-
piration moins philosophique et plus expérimentale, sont
menés, travaillant par exemple sur les ponts possibles entre
symptômes défi citaires observés à un niveau comportemen-
tal (en troisième personne) et l’expérience vécue du
patient [11, 15].
Les citations de deux auteurs très importants dans l’his-
toire de la psychiatrie illustrent pareille approche du défi -
cit : « Le symptôme défi citaire n’est pas comparable à un
cube défectueux au sein d’une mosaïque par ailleurs
intacte » [12] ; « La maladie mentale ne se réduit pas à une
somme de négativités » [6].
Références
[1] Andreasen NC. Negative symptoms in schizophrenia. Defini-
tion and reliability. Arch Gen Psychiatry 1982 ; 39 : 784-8.
[2] Berrios GE. Positive and negative symptoms and Jackson. A
conceptual history. Arch Gen Psychiatry 1985 ; 42 : 95-7.
[3] Blankenburg W. La perte de l’évidence naturelle. Paris : PUF ;
1991.
[4] Carpenter WTJr, Heinrichs DW, Wagman AMI. Deficit and non-
deficit forms of schizophrenia : the concept. Am J Psychiatry
1988 ; 145 : 578-83.
[5] Franck N. La schizophrenie. La reconnaître et la soigner.
Paris : Odile Jacob : 2006.
[6] Jaspers K. Psychopathologie Générale. Paris : Alcan ; 1933.
[7] Kay SR, Fiszbein A, Opler LA. The positive and negative syn-
drome scale (PANSS) for schizophrenia. Schizophr Bull 1987 ;
13 : 251-75.
[8] Kirkpatrick B, Buchanan RW, Mc Kenney PD et al. The Sche-
dule for the Deficit Syndrome : an instrument for research in
schizophrenia. Psychiatry Res 1989 ; 30 : 119-23.
[9] Kraus A. Schizophrénie et rôle social. In : D. Pringuey et
F. Kohl eds. Phénoménologie de l’identité humaine et
schizophrénie. Paris : Le Cercle Herméneutique. 2001 ; 63-9.
[10] Minkowski E. La schizophrénie. Psychopathologie des
schizoïdes et des schizophrènes (1927). Nouvelle édition
revue et augmentée. Paris : Desclée de Brouwer ; 1953.
[11] Parnas J, Handest P. Phenomenology of anomalous self-expe-
rience in early schizophrenia. Comprehensive Psychiatry
2003 ; 44 : 121-134.
4487_04_Azor i n. i ndd 34487_04_Azorin.indd 3 12/ 12/ 07 9: 13: 1712/12/07 9:13:17
> XPress 6 Noir