S 894
L’Encéphale, 2006 ;
32 :
894-7, cahier 4
Schizophrénie et maladie maniaco-dépressive : données actuelles
sur l’hypothèse unitaire
C. LANÇON
(1)
(1) SHU Sainte-Marguerite, 270, boulevard Sainte-Marguerite, 13274 Marseille cedex 09.
HISTORIQUE
La nosographie classique, telle qu’elle a été fixée par
Kraepelin, distingue la démence précoce de la psychose
maniaco-dépressive. Cette nosographie supposait sous
le terme de démence précoce, l’existence d’une seule
maladie dont on pouvait reconnaître des causes, des
symptômes caractéristiques et une évolution type (le plus
souvent déficitaire). Ce profil évolutif supposé permettait,
en partie, de distinguer démence précoce et psychose
maniaco-dépressive.
Toutefois, comme le fait remarquer Angst (1), dès les
descriptions initiales de Kreaplin, la question d’une dis-
tinction stricte entre démence précoce et psychose
maniaco-dépressive s’est posée. Ce débat se poursuit
encore actuellement et les données issues de la clinique
et de la littérature (épidémiologie, génétique, neuroradio-
logique…) ne permettent pas clairement de trancher.
CLINIQUE
En clinique, la distinction entre trouble schizophrénique
et trouble bipolaire peut être difficile, du fait de recouvre-
ments symptomatiques fréquents, et d’une relative insta-
bilité temporelle des diagnostics. La question de la place
nosographique du trouble schizo-affectif est également
complexe, et reste non résolue.
La place de la thérapeutique dans la discussion entre
trouble maniaco-dépressif et schizophrénie est liée à l’effi-
cacité de diverses molécules dans ces deux types de trou-
bles, et récemment des antipsychotiques atypiques, qui
semblent posséder à la fois un effet curatif et un effet pré-
ventif des rechutes sur chacune des deux maladies.
ÉPIDÉMIOLOGIE
Les données épidémiologiques ne permettent pas de
trancher entre l’hypothèse unitaire ou l’hypothèse dualiste
des deux troubles, du fait en particulier de l’hétérogénéité
des données disponibles.
Certains déterminants apparaissent communs, comme
les antécédents périnataux (complications périnatales,
saisons de naissance…), ou comme certaines caractéris-
tiques morphologiques (dermatoglyphes).
Les différences cliniques peuvent être liées aux gènes
prédisposants, ou aux perturbations de structures céré-
brales spécifiques.
Parmi les facteurs de risque, les troubles interperson-
nels et émotionnels de l’enfance seraient des facteurs pré-
disposant communs aux deux pathologies, tandis que les
troubles précoces du développement (développement
psychomoteur, cognitif, et du langage) ne seraient prédic-
tifs que des troubles schizophréniques.
Les facteurs génétiques ne permettent pas de trancher,
certains gènes semblant prédisposer aux deux troubles,
d’autres à l’un seulement des deux de manière plus spé-
cifique. L’épidémiologie génétique montre qu’on retrouve
des troubles schizo-affectifs à la fois dans les familles de
sujets bipolaires et dans celles de sujets présentant une
schizophrénie ; de même, on retrouve des sujets bipolai-
res et des sujets schizophrènes à la fois dans les familles
de proposants bipolaires et dans celles de proposants
schizophrènes ; enfin, chez les jumeaux monozygotes,
les risques apparaissent croisés (8).
Un recouvrement partiel existe donc dans l’héritabilité
familiale de la schizophrénie et du trouble bipolaire (9).
Ainsi, différents loci chromosomiques sont impliqués dans
les deux troubles : Wildenauer (9) cite le 10p14, le 13q32,
le 18p11, le 22q11-13.