34 D i s p o n i b l e... j o u r n a l h o m...

L’Encéphale (2008) 34, 537—538
Disponible en ligne sur www.sciencedirect.com
journal homepage: www.elsevier.com/locate/encep
NOUS AVONS LU POUR VOUS
Compte-rendu du livre d’Alain Bottéro, Un
autre regard sur la schizophrénie. De l’étrange
au familier, A. Bottéro. Odile Jacob, Paris
(2008). 394 pp., tableaux, illustrations,
lexique, bibliographie, 27 D , ISBN: 978-2-73811997-1
Au lieu d’accepter tout ce que l’on vous dit sur la schizophrénie, avec un point de vue étriqué ou selon un biais
quelconque, il faut choisir « de s’interroger plutôt sur la
valeur des connaissances qui sont produites ; sur ce que l’on
sait, sur ce que l’on croit savoir, sur ce que l’on ne sait pas
quand on va au fond des choses, et c’est à un bilan critique
que l’on aboutit » (p. 8). C’est justement ce qu’il faut. C’est
ce qu’il faut parce qu’il y a beaucoup trop de croyances
fausses ou d’assertions censées être vérifiées, celles
d’« experts » comprises, qui se trouvent peu fondées, dans le
domaine de la psychiatrie. Ce livre, chose très rare parmi les
publications tant anglaises que françaises, est un livre écrit
par quelqu’un qui connaît non pas seulement la science du
domaine ou sa clinique, mais les deux à la fois. Cette complémentarité de savoirs est évidente partout dans le livre.
Ce qui est le plus impressionnant, c’est que l’auteur parvient
à analyser les connaissances propres aux deux domaines
scientifique et clinique, mais encore à montrer leurs lacunes
respectives. Le lecteur ne se voit donc pas uniquement
cantonné au connu, comme si c’était là tout ce qu’il y
avait d’important à connaître, mais conduit à envisager les
limites de nos connaissances et les questions qu’il reste
à résoudre. L’auteur décrit les concepts de la schizophrénie ainsi que leur histoire. Cette dernière est importante
parce que l’histoire permet d’avoir une vision d’ensemble,
tandis que les idées sur la schizophrénie, au fil des ans, évoluent, souvent d’ailleurs d’une façon telle que ce qui nous
semblait être périmé resurgit, sous une forme modifiée.
Prendre connaissance de l’histoire des idées aide le lecteur
à mieux les comprendre, ainsi qu’à se poser des questions
importantes sur les concepts que l’on emploie de nos jours.
L’auteur présente encore l’avantage de connaître la science
et la pratique ayant cours dans plusieurs parties du monde,
0013-7006/$ — see front matter © L’Encéphale, Paris, 2008.
y compris, par exemple, en Europe, aux États-Unis ou en
Inde, ce qui confère une compréhension inaccoutumée au
livre, moins bornée que lorsque s’exerce l’influence d’une
école unique. L’expérience et l’expertise de l’auteur lui permettent, enfin, dans une série de chapitres consacrés aux
soins de la personne atteinte de schizophrénie, de décrire
d’une façon remarquable les diverses pratiques requises
aujourd’hui pour traiter une maladie certes difficile,
mais à laquelle il arrive de connaître d’impressionnantes
améliorations.
En somme, l’étendue des connaissances et la profondeur
du propos, alliées à la clarté et à l’élégance du style,
dépourvu du moindre jargon, font que ce livre est un plaisir
à lire. Un livre sur la schizophrénie véritablement unique,
à la fois beau et important.
J.S. Strauss
Departement of Psychiatry, Yale University,
New Haven, États-Unis
Adresse e-mail : [email protected]
Disponible sur Internet le 19 août 2008
doi:10.1016/j.encep.2008.06.004
Vivre avec un maniaco-dépressif, Ch Gay.
Hachette Littératures, Paris (2008). 224 pp.
Ou « bien venue chez les Bi. . . »
Comme quoi, on ne parle bien que de ce qu’on connaît
bien et de ceux qu’on aime bien.
Christian Gay connaît bien la psychose maniacodépressive, « il est tombé dedans très jeune », n’a-t-il pas
écrit avec H. Lôo et J.-P Olié Le déprimé et son lithium en
1989 ?
Il aime les patients bipolaires, le dit et le montre au point
d’avoir écrit avec un «bipolaire » (J.-A. Genermont Vivre
avec des hauts et des bas (Hachette Littérature 2002). En
cela, il fut novateur tout en démontrant le respect qu’il a
pour les patients.
538
« Vivre avec un maniaco-dépressif » est un vade-mecum
qu’il faut prescrire à tous nos patients bipolaires et à ceux
qui vivent avec eux.
L’auteur montre les différentes manifestations inaugurales de la maladie et les raisons du retard au diagnostic,
lequel demeure beaucoup trop tardif dans notre pays.
La maladie est exposée et illustrée par des cas cliniques. Christian Gay souligne ainsi que nos patients sont
nos meilleurs enseignants, qu’il faut en avoir beaucoup pour
bien connaître la maladie, et sur des années pour en appréhender les différentes modalités évolutives.
L’auteur souligne la gravité de la maladie, la souffrance
du patient et de ceux qui l’entourent ; en même temps que
l’on tente de réguler l’humeur il faut aider le patient et son
entourage à limiter les conséquences familiales, professionnelles, et sociales de la maladie bipolaire.
Il est clair pour l’auteur, et il le démontre avec brio,
que les bipolaires n’ont pas pour seule vocation d’absorber
des régulateurs de l’humeur. Il montre combien la psychothérapie est indispensable. Comme chacun sait, Christian
Gay est un des pionniers de la psychoéducation des
malades bipolaires en France et ce livre reprend les principaux thèmes des séminaires de psychoéducation qu’il
organise à la Clinique du Château (Garches) depuis des
années.
Ce livre est destiné aux patients et à ceux qui l’entourent
mais il apporte beaucoup aux professionnels, il nous montre
comment en termes simples, on peut informer sur la mala-
Nous avons lu pour vous
die, faire collaborer l’entourage, et le faire participer aux
soins sans se substituer au psychiatre.
Pour obtenir l’alliance thérapeutique du patient et de
l’entourage il faut apporter des informations honnêtes et se
montrer disponible pour le patient et pour les membres de
sa famille.
Christian Gay aime les bipolaires, il leur prête beaucoup
de qualités telles que : originalité, générosité, créativité. . .
sans ignorer l’agressivité fréquente dans les phases hyperthymiques ; il les admire même, évoquant ces héros de la
vie ordinaire, dans leur lutte permanente contre la maladie. Son empathie et sa compassion s’étendent à l’entourage
dont il souligne l’humilité et l’abnégation en général, il
leur prodigue des conseils pour résister dans les phases
difficiles.
Dans un souci pédagogique, le livre est émaillé d’encarts
résumant l’essentiel, il faut les photocopier et les distribuer
à nos patients et à leur famille en attendant qu’ils lisent ce
livre indispensable.
H. Cuche
Clinique du Château-de-Garches, 11 bis,
sur de la Porte-Jaune, 92380 Garches, France
Adresse e-mail : [email protected]
16 juin 2008
Disponible sur Internet le 9 août 2008
doi:10.1016/j.encep.2008.06.005