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Actualités en Médecine Physique et de Réadaptation - 01 - Janvier - février - mars 2014
Actualités en Médecine Physique
et de Réadaptation
REVUE DE LA LITTÉRATURE
Marylène Jousse*, Gérard Amarenco**
* Service de médecine physique et de réadaptation,
hôpital Fernand-Widal, Paris.
** Service de neuro-urologie et explorations périnéales,
hôpital Tenon, Paris ; GRC UPMC 01 GREEN, Groupe de recherche
clinique en neuro-urologie, université Pierre-et-Marie-Curie.
La composante
cognitivo-psycho-émotionnelle
de l’hyperactivité vésicale
L’hyperactivité vésicale réfractaire (HVR) est un trouble du contrôle
mictionnel.
Si uriner est un besoin physiologique, basé sur une succession de boucles
réfl exes, le contrôle mictionnel est avant tout un comportement acquis
pour se conformer aux normes sociales : il fait intervenir une intégration
corticale de la sensation du besoin d’uriner et une analyse des condi-
tions environnementales afi n de déterminer si la miction immédiate
est socialement acceptable ou doit être différée. Une composante à la
fois cognitive et psycho-émotionnelle peut donc être suspectée dans
certaines étiologies d’hyperactivité vésicale, notamment réfractaire.
Le comportement mictionnel et son acquisition
L’acquisition du contrôle mictionnel, avec une phase de continence et de
miction volontaire, est un comportement acquis, tant chez l’animal que
chez l’homme. En effet, déclencher volontairement une miction dans un
lieu et à un moment adapté fait l’objet d’un apprentissage chez nombre
d’animaux et, bien sûr, chez l’enfant. Chez l’animal, uriner volontairement
peut également faire partie d’un comportement social : marquage du
territoire, mictions de soumission, etc.
Lors de l’apprentissage du contrôle mictionnel, qui varie selon les
cultures, l’enfant va intégrer peu à peu, grâce à un conditionnement,
si la miction à cet instant est adaptée ou non. Cet apprentissage est
réalisé par le biais de l’association de renforcements positifs et négatifs,
c’est-à-dire de procédures par lesquelles la probabilité de fréquence
d’apparition d’un comportement tend à augmenter suite à l’ajout ou
au retrait d’un stimulus appétitif ou aversif contingent à la réponse
(ajout d’une récompense, de félicitations, retrait d’une obligation, d’une
douleur, punition négative).
La composante cognitive
Lorsque des femmes sans troubles vésico-sphinctériens sont inter-
rogées sur leur comportement mictionnel, elles décrivent très peu de
mictions en lien direct avec leurs sensations vésicales. Leurs motifs pour
aller uriner reposent sur une analyse subjective (volumes des apports
hydriques, délai supposé d’apparition d’un besoin d’uriner, activités
prévues, disponibilité et “qualité” des toilettes). La majorité de leurs
mictions seraient des mictions par opportunité (présence de toilettes) ;
une minorité d’entre elles résulterait de l’appréciation de la capacité
vésicale/sensation de besoin, témoignant de la composante cognitive
du comportement mictionnel normal. Il est donc logique de supposer
que si certaines HVR sont secondaires à une pathologie de la sensibilité
vésicale ou à un trouble de la motricité vésicale, d’autres peuvent être
secondaires à un trouble cognitif a minima.
Très peu d’études se sont intéressées aux relations entre capacités
cognitives et fonctionnement vésico-sphinctérien.
Lewis, en 2009, a étudié chez 8adultes d’un âge moyen de 34ans
(2femmes, 6hommes) les performances à une série de tests neuro-
psycho logiques. À fort besoin d’uriner, la vitesse d’exécution des tests
d’identifi cation et de mémoire de travail était plus lente, témoignant de
l’effet du besoin d’uriner sur les capacités cognitives. Récemment, une
étude portant sur 21volontaires sains a étudié à la fois l’effet d’un besoin
Cet apprentissage est donc réalisé dans un certain
contexte émotionnel. Il fait aussi appel aux capacités
cognitives de l’enfant. Certaines études retrouvent
une association fréquente entre l’énurésie primaire et
l’hyper activité vésicale dans l’enfance et l’apparition, la
réapparition ou la persistance de l’hyperactivité vésicale
à l’âge adulte, faisant suspecter des facteurs génétiques
prédisposants et des éléments comportementaux et envi-
ronnementaux. Il existe aussi une association entre une
hyperactivité vésicale chez les enfants et leurs parents
au même âge ou à l’âge adulte. S’il est très probable
qu’une étiologie génétique ou un trouble de la motricité
détrusorienne soit responsable d’un grand nombre de
ces HVR présentes dans l’enfance et persistant à l’âge
adulte, il est possible qu’une fraction d’entre elles soient
secondaires à un trouble de ce conditionnement.
Ce qu’il faut retenir
Les références bibliographiques citées dans cette revue seront retrouvées
dans l’article original cité à la fi n du texte
(Jousse M et al., BJU Int 2013)
.