Quelles sont les défi nitions de l’hyperactivité vésicale réfractaire ?

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Actualités en Médecine Physique
et de Réadaptation
G. Amarenco
ÉDITORIAL
Quelles sont les définitions
de l’hyperactivité vésicale
réfractaire ?
X. Deffieux
Réfractaire : “qui résiste à quelque chose, qui refuse d’obéir ou de se soumettre”
(Petit Larousse, 2013). Hyperactivité vésicale : syndrome clinique dont le
symptôme-clé est l’urgenturie, associant souvent pollakiurie, fuites sur impériosité et nycturie (1).
Il pourrait donc être simple de définir l’hyperactivité vésicale réfractaire (HVR)
par la résistance d’une hyperactivité vésicale (HV) à un traitement de première
ligne (2).
Mais cela est d’une part réducteur (l’HV clinique est parfois corrigée mais son
facteur physiopathologique, comme l’hyperactivité détrusorienne, persiste en
demeurant un facteur de risque, comme c’est le cas au cours des vessies neurologiques) ; d’autre part, cela est discutable car le terme de “résistance” nécessite
de déterminer des bornes à partir desquelles on considérera l’échec (au moins
relatif) ; ensuite, il n’est pas toujours aisé de déterminer le (ou les) traitement(s)
de première ligne ; et, enfin, ne sont pas pris en compte les possibles effets
indésirables des thérapies envisagées qui peuvent faire surseoir à la poursuite
du traitement, devant alors faire considérer le caractère “réfractaire” de l’HV.
Chacun de ces éléments est donc à considérer.
La définition des paramètres d’évaluation et leurs bornes
Il est usuellement admis au cours des protocoles pharmacocliniques qu’une
amélioration de moins de 50 % de la symptomatologie définit le seuil de l’échec
du traitement. Mais quel(s) symptôme(s) ? 50 % du nombre de mictions diurnes ?
50 % du nombre d’épisodes de fuites ? 50 % de la capacité vésicale fonctionnelle appréciée sur un catalogue mictionnel ? 50 % du nombre de mictions
nocturnes ? 50 % d’amélioration du délai de sécurité ? Tout ou partie de ces
5 items ? Il semble ainsi d’emblée bien difficile de décider du caractère réfractaire en l’absence de consensus.
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Actualités en Médecine Physique et de Réadaptation - 01 - Janvier - février - mars 2014
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Tout se complique encore avec l’appréciation de la gêne induite par l’HV, l’utilisation de scores de gêne étant en effet difficile car ces scores ne sont souvent
validés que dans des populations spécifiques (féminine, neurologique), quand
ils ne le sont pas uniquement dans des pathologies données. Tout aussi difficile
est l’évaluation de la qualité de vie, avec les mêmes remarques concernant la
non-objectivité des valeurs limites.
L’utilisation d’un score composite prenant tout à la fois en compte les symptômes, la gêne et la qualité de vie pourrait donc être intéressante. Le PGI
(Patient Global of Improvement), en évaluant le degré d’amélioration après
traitement, répond à cette demande avec une borne limite qui pourrait être
un score ≤ 5/7 (Very much better/Much better/A little better/No change/A little
worse/Much worse/Very much worse) pour parler d’HVR (3, 4).
La prise en compte des données de non-amélioration
non cliniques
Si, dans le cadre de l’HV idiopathique, seules les données cliniques semblent
nécessaires et suffisantes à prendre en compte, en revanche, l’HV neurogénique nécessite l’évaluation d’autres paramètres. Ainsi, la “guérison” d’une
HV clinique ne va pas forcément de pair avec une amélioration urodynamique,
alors que c’est pourtant bien ce paramètre (régime de pression intravésicale)
qui est le plus important de considérer pour déterminer le caractère rebelle
de l’HV détrusorienne au cours des neurovessies. Il est donc probable que les
définitions de l’HVR doivent être déclinées selon la condition HV idiopathique
versus HV neurogénique.
La prise en compte des effets indésirables
La prise en compte d’éventuels effets indésirables est indispensable dans l’évaluation de l’efficacité, tout particulièrement dans le cadre d’une pathologie
fonctionnelle telle que l’HV idiopathique. La diminution éventuelle des symptômes et de la gêne et l’amélioration de la qualité de vie peuvent être totalement
remises en question par les effets indésirables, dont on connaît par exemple
l’extrême fréquence au cours des traitements anticholinergiques. De tels
effets doivent donc être évalués, quantifiés et mis en balance avec les effets
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bénéfiques en termes de symptôme ou de gêne. Il est alors possible d’utiliser
des échelles validées mais en règle spécifiques d’une classe pharmacologique
donnée (tel le questionnaire AQUA pour le traitement anticholinergique). Mais
d’autres classes pharmacologiques existent ou peuvent émerger, et d’autres
stratégies thérapeutiques non médicamenteuses sont disponibles (comportementales, rééducatives, chirurgicales), avec, pour chacune, des effets éventuellement délétères, nécessitant à chaque fois des évaluations spécifiques.
Un score composite tel que le TSQ (figure) permet une évaluation complète avec
une prise en compte globale de l’effet positif sur les symptômes et sur les éventuels effets indésirables, quels qu’ils soient. En effet, outre les conséquences
systémiques de certains médicaments et des complications induites par certaines chirurgies (douleurs, troubles fonctionnels induits), se pose encore le
problème de la “contrainte de soins” vécue par le patient (nécessité de prendre
des médicaments au long cours) et, donc, celui des “attentes” en termes de
prise en charge thérapeutique (5).
La nécessité de définir le traitement de première ligne
et la hiérarchie des traitements
Réfractaire à quoi ? Cela revient à définir le traitement de première ligne puis
les autres traitements à essayer successivement. On peut se fonder sur les
données d’EBM et sur les recommandations édictées par les sociétés savantes
ou les autorités de santé (6). Mesures hygiénodiététiques, reconditionnement
mictionnel et rééducation périnéale (mais de quel type ?) sont probablement
Efficacité
Figure. TSQ (Treatment Satisfaction Questionnaire).
TSQ appliqué au traitement anticholinergique : 20 est le meilleur score, 0 le pire. En rouge, la zone d’hyperactivité vésicale réfractaire.
A
20
18
17
16
B
15
13
12
11
C
10
8
5
4
D
3
2
1
0
A
B
C
D
Effets secondaires
6
Êtes-vous satisfait de l’efficacité du traitement prescrit pour vos troubles urinaires ?
A. Oui, totalement
B. Oui, beaucoup
C. Oui, un peu
D. Non
Êtes-vous gêné par des effets secondaires du traitement : constipation, sécheresse
de la bouche ou des yeux, vision floue, difficulté à vider la vessie, difficulté à digérer,
troubles de la mémoire, hallucinations, vertiges, somnolence, maux de tête ?
A. Non
B. Oui, un peu
C. Oui, beaucoup
D. Oui, énormément
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à privilégier avant d’instaurer un traitement non comportemental, non instrumental, non médicamenteux, non chirurgical. Mais ensuite ? Quelle est la place
dans l’algorithme thérapeutique de la neuromodulation par électrostimulation
transcutanée du nerf tibial postérieur à la cheville ? D’emblée ou après les anticholinergiques ? Quel anticholinergique choisir en première ligne ? Quelle est la
place (actuelle et à venir) des β3-agonistes ? Et ce n’est qu’après que se poseront
d’autres questions (place d’une augmentation des doses d’anticholinergique,
de leur association, place respective de la neuromodulation sacrée et de la
toxine botulique intradétrusorienne), tout ceci revenant à hiérarchiser tous les
traitements de l’HV.
Mais à chacune de ces étapes – dont l’ordre sera sans nul doute mouvant au gré
des modes, des expériences, de l’émergence de nouvelles thérapeutiques, de
forces économiques variées ou de lobbying –, la question de l’évaluation du
traitement restera toujours entière.
G. Amarenco*, X. Deffieux**
* Service de neuro-urologie et d’explorations périnéales, hôpital Tenon, Paris ;
GRC UPMC 01 GREEN, Groupe de recherche clinique en neuro-urologie, université Paris VI.
** Service de gynécologie-obstétrique et médecine de la reproduction, hôpital Antoine-Béclère, Clamart ;
université Paris-Sud, faculté de médecine, Orsay.
Références bibliographiques
1. Abrams P, Cardozo L, Fall M et al. The standardisation of terminology of lower urinary tract function: Report from the
Standardisation Sub-committee of the International Continence Society. Neurourol Urodyn 2002;21(2):167-78.
2. Phé V, de Wachter S, Rouprêt M, Chartier-Kastler E. How to define a refractory idiopathic overactive bladder? Neurourol
Urodyn 2013 Oct 24 [epub ahead of print].
3. Yalcin I, Bump RC. Validation of two global impression questionnaires for incontinence. Am J Obstet Gynecol 2003;189(1):98-101.
4. Tincello DG, Owen RK, Slack MC, Abrams KR. Validation of the Patient Global Impression scales for use in detrusor overactivity:
secondary analysis of the RELAX study. BJOG 2013;120(2):212-6.
5. Apostolidis A, de Nunzio C, Tubaro A. What determines whether a patient with LUTS seeks treatment? ICI-RS 2011.
Neurourol Urodyn 2012;31(3):365-9.
6. Thüroff JW, Abrams P, Andersson KE et al. EAU guidelines on urinary incontinence. Eur Urol 2011;59(3):387-400.
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