-74- DE LA THEORIE DES CATEGORIES A L'USAGE " Les DES fôtes MODELES EN SCIENCE d'orthographe comme t e l l e s n'en sont pas reconnues " (R.Thom) Ce petit papier a pour but de faire comprendre aux non initiés ce qu'est l'idée essentielle de la théorie des catégories en mathématiques puis de transposer l'esprit de cette théorie en sciences physique , humaine etc pour en tirer des conclusions méthodologiques quant à l'usage de l'emploi des modèles . On lira dans ce qui suit : § 1- Qu'est- ce que la théorie des catégories ? 1. Introduction . 2. La notion essentielle de la théorie des catégories est la notion d'homomorphisme . a) homomorphismes en algèbre abstraite b) simplifications introduites par un homomorphisme un exemple . c) 3. les homomorphismes en topologie . La théorie des catégories . a) définition des catégories b) le concept de foncteur .. ; - 75 - 4. Un exemple : le foncteur de Pô ïncaré . Les transformations naturelles . 5. § 2- Le programme de la topologie algébrique . L'usage des modèles en sciences . 1. Rapport avec la théorie des catégories . Le cas de la physique . 2. Les " structures élémentaires de la parenté " de Lévi-Strauss . 3. La valeur d'un foncteur . Conclusion . - 76 - § 1 - QU' EST CE QUE LA THEORIE DES CATEGORIES ? 1 . Introduction . Pour comprendre l'Idée essentielle de la théorie des catégories, nous n'allons pas retracer son évolution ou rechercher les raisons historiques qui étaient à l'origine de son invention . Nous allons regarder la théorie des catégories dans son fonctionnement actuel et en dégager l'idée essentielle . Pour ceux qui n'ont , jusque là , fait aucune mathématique , ce qui va suivre n'aura peut-être pas beaucoup de sens sans un effort d'imagi^ nation considérable . Mais c'est à ce prix seulement qu'on pourra comprendre ce que sont les catégories vraiment , bien qu'on puisse construire le début de la théorie des catégories sans aucune connaissance p r é - alable : " Définition : Mais on appelle catégorie ... etc " .' ce procédé a toute chance de ne fournir aucune connaissance p o s t - alable . 2. La notion essentielle de la théorie des catégories est la notion d1 h o m o m o r p h i s m e . Par algèbre générale , entendons l'algèbre qui généralise l'algèbre des entiers ( positifs ou négatifs ) , c'est-à-dire l'ensemble 2 de ces entiers avec les deux opérations d'addition et de multiplication , sur- tout , ( et aussi les relations d'ordre et de divisibilité ) . L'algèbre moderne consiste donc à étudier des ensembles X sur les- quels sont définies une ou plusieurs opérations ( ou lois de composition ) qui vérifient certaines propriétés . On dit qu'un tel ensemble est structuré algébriquement . - 77 - La structure algébrique la plus importante est celle de groupe . Un groupe est un ensemble X sur lequel est définie une opération notée f # g qui vérifie les propriétés : 1) " associatîvité " : ( f *g ) * h = f * ( g # h ) 2) il existe un élément noté e , appelé élément neutre, tel que (e*f)=f*e =f 3) pour tous f, g, h de X pour tout f de X pour tout f de X , il existe un f ' dans X tel que ' f * f 1 = fi # f = e f 1 est appelé l'inverse de f 4) souvent on a l'axiome supplémentaire de rl commutatîvité " : f #• g = g •* f pour tous f et g de X . Par exemple J_ avec son addition est un groupe commutatif . Les groupes sont partout , en mathématiques . ( Lire Poincaré : Science et Hypothèse à ce propos ) . Un anneau est un ensemble muni de deux opérations dont l'une est appelée addition et l'autre multiplication , ces deux opérations ayant les mêmes propriétés formelles que l'addition et la multiplication ordinaire de Z . ""N. Un espace vectoriel X est comme un anneau , sauf que dans la multiplication s'opère, un dédoublement : le facteur de gauche n'appartient pas à X , mais à un ensemble auxiliaire, dont les éléments sont considérés comme des " nombres " alors que les éléments de X lui-même sont considérés comme des vecteurs . t.. t. c. ••• N.B. L'émergence de ces structures algébriques ne s'est pas faite d'un coup : c'est le résultat d'une très longue activité mathématique , bien que l'idée elle-même en est , après coup , fort simple . - 78 - C'est le concept d'homomorphisme qui permet de " comparer " deux ensembles structurés , X et X 1 . Si on note f T g l'opération sur X et f ' j_ 9 1 ce I le de X 1 , un homomorphisme H de X dans X 1 est une application H : X - » X ' qui à tout élément f de X associe un élément noté H (f ) de X 1 tel que : H(f T g) = H ( f ) J- H ( g (1) On peut dire que H " transcrit " X dans .X 1 et la loi T en la loi _L . Le concept d'homomorphisme est fondamental en mathématiques , disons depuis Galois , en gros . b) Un hompjriorphisrne_ introduit souvent une simplification. l_a transcription H : X -» X 1 , au cas où l'application est surjective , se fait avec perte d'information . Des objets distincts dans X sont idenfiés par H dans X 1 . L'homomorphisme H appauvrit donc X. . Cette simplification par contre, permet souvent des raisonnements plus simples ( dans X 1 ) mais qui fournissent des renseignements sur X . Prenons un exemple : l'anneau des entiers module p . L'anneau des " entiers module p " s'obtient en identifiant deux entiers x et y qui diffèrent par un multiple de l'entier p . Deux tels entiers sont dits " congrus module p signe par a j ou . Si a est un entier ( ordinaire ) on dé- Par a l'ensemble de tous les entiers x congrus à a module p . Un tel a est appelé " un entier module p" . L'ensemble de tous les a quand a est un entier est noté Z et c'est " l'anneau des en- tiers modulo p " . Par construction , nous avons une application sur — jective : H : Z Z > Z •: a ~ P > a = ce devient un anneau , comme Z , en y définissant une addition et une multiplication par les formules : - 79 - a -f b = a + b a . b = ab Cette définition faite , H devient un homomorphisme d'anneaux . Dans l'anneau Z , les éléments 0 et 1 jouent le même rôle que les en- tiers ordinaires 0 et 1 dans Z . L'homomorphisme H introduit d'abord une simplification radicale : il passe d'un ensemble infini à un ensemble fini. Par exemple pour p = 7, l'anneau J_ contient les sept éléments 0 , 1 , 2 , ..., 6 . L'entier est à classer avec 0 ( 7 = 0 ) , 7 l'entier 8 avec 1. ( 8*'= 1 ) etc . H permet aussi de simplifier certaines formules écrites entre entiers ordinaires . Par exemple la formule : (i ) ( a + b ) 7 = a 7 + 7 a 6 b + 21 a 5 b 2 + 35 a 4 b 3 + 35 a 3 b 4 + 21 a 2 b 5 + 7 , a b 6 + b 7 devient dans l'anneau ~l_ (n) : ( a + | 3 ) 7 = cc7 + g7 parce que les termes intermédiaires de la formule (î) étant des mul- tiples de 7 sont à classer avec 0 . <-? [ Le " 7 " dans la formule ( îi ) garde son sens ordinaire , car a gnifie a. a. .... a si- ( sept fois ) ] . De même pour tout nombre premier p ( nombre n'admettant pas d'autres diviseurs que 1 et lui-même ) , la formule simî laire ( i ) ( a+b ) = ... devient tout simplement : (ii ) ( a+ p ) P = ccP + pP dans Zp cette formule signifie d'ai I leurs-que l'application ct^1—> (X Z est un homomorphisme . La formule ( iî )'donne par itération la formule : (iiï) Or comme (a+f3-f-Y*-—) P = cc P + p P + a = 1 + 1 + ... -f 1 ( a fois ) cc = ï + 7+... (a fois ) +T YP + , — , on a aussi : de Z dans - 80 La formule ( iii ) donne : aP = ( 1 + 1 + ... + 1 ) P = 1P + 1 P +...+ 1 P = 1 + 1 +...+ 1 = a . On a donc la formule : ( iv ) a = a pour tout a dans Z . Remontons maintenant dans Z et interprétons la relation ( îv ) qu'on a obtenue : l_a relation ( iv ) signifie que les entiers a et a sont à identifier , c'est-à-dire , leur différence est un multiple de p . (v ) a'3 - a = k p Dît autrement : l'entier pour un certain k p divise a (a - 1) . Si on suppose que p ne divise pas a , on en déduit alors : (vi ) p divise a - 1 ( p premier ne divisant pas a ) ce qui est un théorème de Fermât . Nous allons voir au § 2 , que Lévi-Strauss , dans les Structures Elé- mentaires de la Parenté , dans son analyse du système Murngin , rai sonne exactement de cette façon . Un homomorphîsme le fait passer de la structure Murngïn réelle à une structure Murngin théorique beaucoup plus simple et en second lieu il remonte de cette structure à la structure initiale . c) Les structures topo logiques et leurs homomorphîsmes . Rjipporjt_e_n_tr_e_ho|]pf)£'loJ2.ph_i^£'les__^JJ^HIPSJ^-™^L5- • Les structures topologiques tournent autour des notions de " continu", 11 continuité " , " voisinage " , " distance " . Un espace topologique est un ensemble X avec la donnée d'un ensemble Z de parties de X , appelées parties ouvertes de X , de sorte que : . X lui-même ainsi que l'ensemble vide sont des parties ouvertes d e X ( X € £ et 0 Ç X ) . - 81 - . . Toute réunion d'une famille de parties ouvertes de X est encore une partie ouverte de X . ( s i O. 6 2 pour tout î C l , alors 1 U O. Ç X ) i €1 ' Si X , SL et X , Z1 sont deux espaces topo logiques , une application H : X > X 1 est un homomorphisme ( topo logique ) si la condition sui - vante est vérifiée : Si O 1 est dans s;1 ( est une partie ouverte de X 1 ) , alors H ( O 1 ) ( l'image inverse de O 1 par H ) est dans 3; ( est une partie ouverte de X ) . Les homomorphîsmes topologiques sont exactement les fonctions continues . Les homomorphîsmes de structures algébriques ou topologîques vérifient les propriétés suivantes : Si X est un ensemble structuré , e v x l'application identique de X , est un homomorphisme . SI H : X —> Y et F : Y —> Z sont des homomorphîsmes («H alors l'application composée F ° H :'X—> Z est un homomorphisme . (iîi) Un ^omomorphisme H : X —> Y tel qu'il exîste un homomorphisme H1 : Y H1 ° H = e x Remarque théorique : > X vérifiant H o H 1 = e et est un Isomorphîsme . . La troisième condition peut être prise comme définition du mot " îsomorphîsme " . En fait les choses se passent à l'envers : la notion première est celle d'isomorphïsme et la notion d'homomorphisme doit être définie de sorte que les propriétés ( >0. soient vérifiées . C'est ainsi - 82 - que dans le cas des structures topologiques , on peut prendre comme condition d'homomorphisme : Si O est ouverte dans X, H (O ) ( image directe de O) est ouverte dans X 1 . Ces homomorphismes ne sont plus les applications continues . Si H : X —> X 1 est un isomorphisme , X et X 1 sont dits isomorphes . Si on note H ( f ) par f' alors à f T g correspond f 1 j_ g 1 , ( dans le cas algébrique ) e t , comme H est une bijectîon , on peut dire qu'à l'appellation " ' !1 près , X , c'est " le même " que X 1 . Néanmoins , l ' e x i s - tence d'un isomorphîsme est souvent non triviale . Ainsi si X désigne / l'ensemble des réels strictement positifs avec la multiplication ordinaire e t s i X 1 désigne l'ensemble de tous les réels avec l'addition ordinaire , X et X 1 sont deux groupes ( et espaces topologiques ) qui sont isomorphes ( comme groupes et espaces topo logiques ) . L'isomorphisme est réalisé par la fonction Log : " logarithme Népérien " , qui est loin d'être triviale . 3. L'a théorie des catégories . a) Définition des catégories . La théorie des catégories commence à partir du moment où on se rend compte que dans beaucoup de constructions mathématiques , les homo morphismes H : X — > X 1 n'interviennent plus par leur définition atomique individuelle ( qui est particulière à chaque homomorphïsme et à chaque type de structure ) , mais uniquement globalement : pour faire ces constructions , pour symboles " H : X les décrire , on a besoin uniquement des > X 1 " pris comme tels, et les propriétés formelles ( M ) de la page précédente qui les lient . - 8-3 - Par exemple : le concept de produit direct. . Si X et Y sont deux ensembles structurés de même type (par exemple : deux groupes , ou , deux anneaux , ou deux espaces vectoriels , ou , deux espaces topologiques ) le produit direct de X et Y est défini de la façon suivante : c'est un ensemble structuré H de même type avec deux homomorphis — mes P : n > X et Q. : n —•> Y de sorte que la propriété suivante soit vérifiée : Pour tout espace £ de même type et tout couple d'ho- p; momorphismes H : £ > X et K : £ seu 1 homomorphisme I_ : £ H > Y , il existe un et un > n tel que P o l _ = H e t Q o l _ = K -^ X K Bien sûr , dans chaque cas de structure , ce produit I I s ' î l existe , prend une forme particulière . Ainsi dans les cas classiques , semble sous-jacent est toujours l'ensemble X xY où x est dans X et y dans Y , et P : X x Y est ( x, y )-v—> x ( resp. ( x, y )~ l'en- des couples ( x, y ) > X (resp. Q : X x Y > Y) > y ) . Dans le cas où X et Y sont des groupes ( dont on note l'opération multiplicativement ) , la multiplication sur X x Y est définie par la formule : (x, y ) . ( x ' , y 1 ) = ( x x 1 , y y 1 ) . etc. On peut dire que , pour la théorie des catégories , les homomorphismes H : X > X 1 ( pour une structure donnée ) deviennent " élémen- taires " , des éléments . . - 84 - Notons alors tout simplement un tel H : X -—> X 1 par une lettre minus eu le h . Entre ces éléments f, g, h, k, . . ., on a une loi de composi tion f T g qui est la composition des homomorphismes : f T g = f o g ( cette composition n'est bien sûr possible qu'à certaines conditions ). L'ensemble des homomorphismes f, g, h, ... (d'une structure donnée) muni de cette loi de composition est appelée une catégorie . On obtient ainsi la catégorie des groupes , celle des'anneaux , des espaces to- pologiques etc . Les catégories émergent donc en partant de structures algébriques etc . Pour mettre la théorie des catégories sur ses propres pieds , on pose alors comme définition d'une catégorie : Une catégorie £ est la donnée d'un ensemble d'applications f , baptisées homomorphismes , de sorte que les propriétés formelles ( }j) de la page 8 seront vérifiées , cet ensemble étant structuré par la loi de composition f o g . En fait chaque symbole f tient lieu d'un symbole de fonction définie sur un ensemble de départ et arrivant dans un ensemble . La donnée de chaque f sous-entend donc la donnée de D ( f ) l'ensemble de départ de f et A ( f ) l'ensemble d'arrivée de f . La composition f °g est alors pos- sible uniquement si A ( g ) = D ( f ) . Les catégories ainsi définies sont dites " concrètes " . Car les f sont effectivement des fonctions . Un pas de plus vers l'abstraction consiste à ôter aux f leur caractère de fonctions pour obte nir des catégories " abstraites " . Le même processus s ' e s t produit au sujet des groupes : initia lement les-seu Is groupes considérés étaient ceux dont les éléments étaient déjà des fonctions . Les groupes " abstraits ", c'est-à-dire où les éléments n'ont pas d'interprétation comme fonction , sont venus après . - 85 - On peut aussi noter éléments e /x l'analogie d'une catégorie avec un groupe . Les jouent un rôle d'éléments neutres . Un îsomorphîsme est comme un élément inversible . Souvent les catégories ont été appelées groupoi'des . b) Le concept de foncteur . Le concept fondamental de la théorie des catégories est celui de fonc teur . Un foncteur n'est rien d'autre qu'un homomorphisme d'un degré supérieur . Si (£. et E0 sont deux catégories 1 2j transformation notée F : £ 1 un foncteur F de E ><£,-, & , \ dans (£0 est une qui à tout f de E associe un \ ' = F ( f ) de S F(f o g ) = F ( f ) o F ( g . et F transforme les applications identiques en applications identiques : De façon plus précise : comme chaque f est en fait une fonction f : X —> Y , la donnée de F est d'abord la donnée pour tout objet X lié à E lié à £ £ et pour tout f : X —> Y , d'un objet F ( X ) = X 1 la fonction F(f) s' écrit F ( f ) = F ( X ) —> F ( Y) . D i r e q u e f transforme les applications identiques en applications identiques signifie alors : Ff e ) = e 1 ^ISX' F La condition ( g ) exprime bien le fait qu'un foncteur g est un n°mo _ morphisme ( d'un degré supérieur ) . Un foncteur permet de comparer la morphologie de deux catégories . De même qu'un homomorphisme ( surjectif ) introduit des simplifications plus souvent que certains , un foncteur ne retient le aspects de la catégorie de départ . Un foncteur est souvent fort " oublieux " . de sorte - 86 - Le foncteur le plus oublieux , appelé d'ailleurs , le foncteur oubli Si G* est une catégorie ( concrète ) , la catégorie des espaces topo logiques par exemple , soit X un objet de E , c'est-à-dire un espace to- pologique ; alors F ( X ) est égal à X mais considéré uniquement comme ensemble sans structure . De même si f est une application continue , F ( f ) est égale à f , mais considérée du seul point de vue ensembliste. F est un foncteur de la catégorie E vers la catégorie des ensembles , obtenu en oubliant la structure de départ . Les mathématiques actuelles sont en grande partie concernées par la construction de foncteurs . La géométrie algébrique moderne par exemple est fondamentalement liée au langage des foncteurs . L'atti tude de certains mathématiciens vis à vis de la théorie des catégories est parfois surprenante . Certains traitent en effet ces notions de " non-sens abstrait " . C'est très surprenant de la part de gens qui acceptent sans discussion un idéalisme mathématique très poussé alors , que la théorie des catégories n'est en fait pas au delà de cet idéalisme , au contraire , e l l e en fait partie intégrante et en plus , comme nous l'avons vu, l ' i d é e centrale de cette théorie est c e l l e d'homomorphisme et on peut dire que le programme de la théorie des catégories n'est qu'une radicalisation des idées ouvertes depuis Galois . Le même phénomène se passe au sujet du refus de l'analyse non stan dard qui formalise les idées de nombres infiniment petits . Refus s u r prenant , de nouveau , de la part de gens qui n'ont aucun scrupule à manupuler des machins comme <$( ty( ^ etc ... Ç( IN ) ))) etc ) , l'ensemble des parties parties de N . de l'ensemble des parties etc ... de l'ensemble des - 87 - 4. Un exemple : le foncteur de Poinearé . Le programme de la branche mathématique appelée topo logie est le suivant : .Etant donnés deux espaces topo logiques X et Y dire s ' i l s sont isomorphes ou non . Ce programme est , bien sûr , un programme hautement idéaliste ; la "donnée" de X et Y est déjà hautement non constructîve en général . Mais il n'est pas impossible qu'on 'donne un jour une réponse hautement idéaliste à-- ce problème . Néanmoins , il n'est pas.étonnant que pour. l e moment il n ' y e n ait point . . Le foncteur de Poinearé est un foncteur . . . n de la catégorie des'espaces topologiques vers là catégorie des groupes ( commutatifs ) •. Le foncteur H associe donc atout espace topo logique X un groupe n ( X ) et à toute application f : X — > Y continue un homomorphisme de groupes : . . n ( f ) : ÏI(X) >ïï(Y) .. . • . ' • Ce foncteur traduit les propriétés topologiques en propriétés a l g é briques plus simples . La connaissance de ce foncteur ( I 1 " existence " de ce. foncteur) a •des conséquences positives pour la résolution du-programme de la to pologie . L'intérêt d'un tel foncteur .est de donner ( mais non suffisantes ) ., pour que deux espaces topo logiques soient isomorphes . En effets des conditions nécessaires . . ' . - . si X et Y sont deux espaces topo logiques isomorphes , il y a deux applications ' continues .3 ° f = ex et f ° g = .e f : X —> Y .• et 9 : Y - — > X tel l e s - q u e - 88 - La transcription par n donne alors deux homomorphîsmes de groupes : n ( f ) : n ( x ) —> n ( Y ) et n(g) : ÏÏ(Y)—>n(x) tels q u e n(f)°Iï(g) = en^Yj ce qui signifie que les groupes Dit autrement : et n(X) ïï(g)°Il(f) = e , x ^ et n( Y) sont isomorphes . si on sait que n ( X ) et n ( Y ) sont deux groupes non isomorphes , alors X et Y ne peuvent pas être topologîquement isomorphes . Ce résultat , apparemment négatif , donne néanmoins des renseignements positifs ( souvent non constructifs ) . On peut en donner un exemple à l'aide, du foncteur de. Poincaré . La construction précise du foncteur n n'intervient pas dans |-a suite du raisonnement. Il suffit d'avoir seulement les deux renseignements supplémentaires : Si D est l'espace topologique formé par un disque du plan , alors Il( D ) = { 0 } ( l e groupe réduit à 1 élément ) . Si D est l'espace topologique S formé par le cercle bordant un disque, alors ïï(S) = Z . Ces deux renseignements, avec les propriétés formel les d'un foncteur ( propriétés d'homomorphîsme ) permettent de démontrer le théorème suivant de Brouwer II s'énonce : : le théorème du point fixe : si f : D —£>D est une application continue du disque dans lui-même , alors il existe au moins un point de D laissé fixe par f . Voici la démonstration : e l l e procède par l'absurde . Supposons le contraire . Alors pour tout point P de D , on aurait f ( P ) T^P . Les deux points P et f ( P ) définissent donc une droite qui - 89 - coupe le cercle S , bordant D en deux points dont l'un est du côté de P , point que nous appellerons cp(P) . S cD La fonction cp : D — > S ainsi définie est bien sûr continue . P a r défi- nition de cp , si le point P de- D e s t s î t u é s u r S , on a cp( P ) - P. Cette relation s'écrit de la façon suivante : soit î : S — > D l'injection de S dans D , S étant inclus dans D ( cette injection est continue ) . La relation c p ( P ) = P pour P Ç S est équivalente à cp° i = e C^ application identique de S . Résumons la situation : Nous avons deux espaces topologiques S continues , cp : D —->S et D et deux applications et î : S —> D telles que cp° i = e Traduisons cette relation à l'aide du foncteur . n . On obtient deux homomorphîsmes de groupes tels que : Il( cp) : ÏI(D) > n ( S ) et n( i ) : H (S) La relation n(cp) ° Il(i) = e , n\/ ^ > ïï(D) , n( cp) o H ( ï ) = e n ( S ) • entrafne que l'application n ( i ) est injective . Or ïï( i ) va de ïï( S ) = Z dans n( D ) = 0 . Or î I ne peut y avoir d'injection de ~i dans { 0 } . D'où une contradiction et le théorème s'en trouve démontré . Cet exemple montre l'intérêt que peut avoir un foncteur , c'est-à-dire un homomorphîsme au deuxième de-gré . M a i s le processus d'abstraction, peut être continué : on peut considérer troisièrrte degré etc. lf .. des homomorphismes du - 90 - Si E, et <£. sont deux catégories fixées , on peut aussi considérer I 2i . fonctéurs A : E —-> E0 comme des objets .et si B : E 1 ] autre , JLi les >E 0 en est un I Zj définir une transformation g de l'un dans l'autre de la façon suivante : A tout objet X de & on associe un homomorphîsme noté g ( X ). : A ( X ) > B C X )' de <&. de (£ > Y le diagramme suivant soit commutatif : : f : X A(X) A(f) A(Y) ^(X) > de sorte que si f est un homomorphîsme B(X) - . B(f) V(Y;. ' > ' ( B(f) o g(X) = g(Y) v 9 A(f ) B(Y) On construit ainsi une nouvelle catégorie , la composée de deux 3 du type précédent étant évidente . Une t e l l e transformation s ' a p p e l l e naturelle et c'est la formaj isation de cette notion qui e s t a l'origine de la théorie des catégories . Ces transformations , pour abstraites q u ' e l l e s puissent apparaître dans le contexte présent , sont apparues naturellement dans la pratique mathématique des homomorphîsmes ( a u premier degré ) . . 5. Le programme dé la topologie algébrique. . La connaissance d'un foncteur de la- catégorie dés espaces topologi- ques vers la catégorie des groupes donne don-c des renseignements topologiques . Mais pas tous les renseignements . Un foncteur , comme nous l'avons dit, introduit une simplification en. introduisant un ".point de vue " . La connaissance d'un seul foncteur ne suffit donc pas à résoudre le programme de la topologie : . décider si deux espaces .sont isomorphes topologiquement ou non. Letopologue a l g é b r î s t e cherche alors à construire un très grand nom- - 91 - bre de foncteurs de la catégorie des espaces topologiques vers l a - c a - tégorie des groupes et il foncteurs , pouvoir espère , résoudre avec l'aide de cet éventail le problème , c ' e s - t - à - dire recueillir assez de renseignements topo logiques pour morphïsme de deux espaces . de pouvoir décider de l ' î s o - - 92 - § 2 - L' USAGE DE MODELES EN SCIENCE . 1 . Rapport avec la théorie des catégories . En science , physique , humaine , ... , on fait usage de modèles pour représenter une situation r é e l l e , concrète . On peut schématiser par le diagramme suivant : E —^—> 03? & représente la situation concrète à étudier , 2JÎ le modèle employé , JR la représentation , c'est-à-dire la transformation qui fait passer de la situation réelle E au modèle 2R . C'est yt qui exprime le " rapport d'analogie '' . Nous voulons dire que ER est comme un foncteur . En énonçant cela , on é t a b l i t une analogie avec une situation mathématique , bien que dans certains cas , cette analogie peut être très précise et que le diagramme précédent est effectivement un foncteur entre deux catégories . Dans la pratique scientifique , un des termes de ce diagramme est ( e n principe) toujours bien défini, sans ambiguïté : c'est le terme 3JI, qui peut être un modèle mathématique . Ce qui est moins bien défini en général , c'est le terme de gauche , E , ainsi que ( par la force des choses ) la transformation K . C'est une des originalités du livre de F. Halbwachs : La pensée phy sique , d'avoir remplacé la " situation réelle " E par une situation praxéologique . Récitons Marx , thèses sur Feuerbach : - 93 - La question de savoir s'il y a li'eu de reconnaître à la pensée humaine une vérité objective n'est pas une question théorique question pratique , mais une . C'est dans la pratique que l'homme prouve la vé- rité , c'est-à-dire , la réalité et la puissance de sa .pensée , dans ce monde-et pour notre temps . La discussion sur la réalité ou l ' i r r é a l i t é d'une pensée^qui s ' i s o l e de la pratique , est purement sco lastique ". Et encore ': 11 Le défaut principal de tout le matérialisme passé ( y compris) de Feuerbach , celui est que l'objet ( Gegenstand ) ., la réalité , la maté- r i a l i t é ,' n'y sont'considérés .que sous .la forme de l'objet ( Objekt ) ou de l'intuition ( Anschaung ) ;. mais non comme activité s e n s i b l e , de l'homme , comme praxis , non-subjectivement ... . Feuerbach veut des objets sensibles véritablement distincts des objets de pensée ., mais il ne considère pas l ' a c t i v i t é humaine elle-même comme une activité ob jective " . • ' ' . ' . ' • ' " . • Par situation praxéologiquë on entend d'abord situation expérimentale, puis situation de production ( d'un o b j e t ) ' . Dans.chacun de ces cas la situation r é e l l e & consiste ; en un mode opératoire définissant de façon m a t é r i e l l e la succession et l'enchaînement des transformations expérimentales o u d e production . ..'''.' Au lieu de résumer de façon plus ou moins .maladroite les idées de F. Halbwachs , renvoyons à son livre . • • Dans son livre , F. Halbwachs donne , entre autre , l'exemple de l'optique . . Il considère la situation praxéologiquë suivante :' une suite de milieux. M 1 , M 0 , ... , M l £ n , ... . ( a i r , verre ,' . ' milieux . physiques matériels ) et des dioptres , lentilles etc. .( systèmes phy ' - siques matériels ) séparant ces milieux et on envoie des faisceaux .lumineux , selon un processus bien défini , qui passe de M. à M 0 , de -.. i •" - 94 - M2 à M_ etc ... Si on considère deux milieux M. et M. , 1 successifs , il y a des faisi ceaux qui entrent en M- et sortent dans M. , 1 après avoir traversé le dioptre D. . Le système D. agit comme une transformation qui " fait passer '' un faisceau P de M. à un faisceau P ! de M., 1 . Si on r e m place le dioptre D. par un autre D! , la transformation sera différente, il se passera autre chose. De même si M et M 1 sont deux milieux quel conques de la suite M , ... , M , ... , non nécessairement contigus , un faisceau P rentrant dans M sort comme P 1 dans M 1 , _[e système des dioptres intermédiaires faisant passer de M à M 1 . Pour tout couple M et M 1 de milieux ( physiques , effectivement placés sur un banc optique par exemple ) , on a donc un ensemble de trans - formations effectives de M dans M 1 . Notons : D : M —>M' , la lettre D étant là pour appeler , pour nommer le système matériel ( suite de dioptres sur le banc ) séparant les milieux M et M 1 . Si D 1 : M 1 est une autre transformation , la composition D ' o D : M >M n >M M a un sens praxéologique physique effectif et nous sommes donc en présence d'une catégorie K de transformations physiques effectives . En face de cette catégorie £ on peut mettre une catégorie mathématique 93!, c e l l e d'opérateurs linéaires, ou matrices , bien définis et le passage 3} de E à Kl est bien défini dans certains cas bien définis ( approximation de Gauss par exemple ) . Quand on parle de modèle mathématique , on imagine souvent qu'on considère un ensemble structuré particulier , par exemple un groupe particulier pour représenter une situation . En fait , tel est rarement le cas . Même pour représenter une situation ( et à fortiori pour re présenter plusieurs situations de même type ) on emploie un ÏRodèle ( avec grand 331 ) qui consiste en plusieurs modèles ( avec petit m ) ainsi - 95 - que les homomorphismes des uns dans les autres , par exemple on utilise le ïltodèle formé de la famille de tous les groupes finis avec leurs homomorphïsmes de groupes . En d'autres mots : le ÏRodèle 2R consiste en une catégorie . Ceci s ' i l l u s t r e bien par l'exemple des structures élémentaires de la parenté de 'Lévi-Strauss : l'analyse de la structure de parenté des Murngîn , tribu d'Australie , . ne fait pas seulement appel à un modèle algébrique, mais à plusieurs imbriqués les uns dans les autres . 2. . Les Structures Elémentaires de la Parenté de Lévi-Strauss. La situation réelle étudiée consiste dans les faits de parenté , de m a riage , de filiation des sociétés primitives , sociétés supposées divisées en classes . L'analyse structurale de Lévi-Strauss , dans son livre : Les structures élémentaires de la parenté, consiste dans l'emploi d'un foncteur où Ç représente : ' . les faits de parenté et 331. les modèles utilisés qu'on trouve clairement définis dans Courrège [ 5 ] , ou dans Chevallard [6]. Par exemple dans Cheval lard nous lisons page 23 : D é f i n i t i o n 1 . Soit S un ensemble fini non vide . O n appelle structure élémentaire de parenté sur S la donnée d'un tri pi et ( f ,. m , p ) de permutations ( bijections ) de S vérifiant les axiomes : ( D } • p = m ° f (Exo) f ( X ) 7*X - ' • ' pour . ' • ' YXgS les fonctions f, m, p. sont appelées respectivement fonctions conjugale, maternelle , paternelle . D é f i n i t i o n 2 ( page 24 ) . Soit ( S, f, m, p ) une structure élé- mentaire de parenté . On dit que cette structure est à échange res.treint si f 2 = 1 ( 1 désignant l'identité de S ) . - 96 - L'interprétation de ces définitions est immédiate : les éléments X de S représentent les classes matrimoniales , la fonction conjugale f pré- cise qu'un homme de la classe X peut épouser une femme de la classe f(X) . L'axiome " f ( X ) ^ X M est donc la règle d'exo - garnie . Les fonctions p et m précisent à quelles classes appartiennent les enfants . Si le père appartient à X , les enfants sont classés dans p (X ), si la mère est dans X , les enfants sont dans m ( X ) . L'axiome (D) { " D. H pour définition ) exprime la relation nécessaire que doivent vérifier les fonctions f et m et p : si un homme et une fem me sont mariés , leurs enfants sont communs : p ( X ) et m ( f ( X ) ) doit donner la même classe . Les définitions 1 et 2 sont purement algébriques. Pour faire comprendre leur sens, les lignes qui précèdent en donnent une interprétation cela consiste en fait à remonter la flèche ty : > ïft Ç —§—> ffll \ interprétation Mais ce qui est premier est la flèche directe : |p © > ÏR que Lévi-Strauss construit dans son texte . On pourrait donc croire que pour étudier une société particulière , il suffit d'étudier une structure , un modèle algébrique ( S, m, p, f ) particulière ; maïs tel n'est pas le cas , comme on le voit en lisant le texte de Lévi-Strauss qui parle de la tribu Karîera ( Australie ) (pp. 182 ... ) , divisée en quatre classes . Lévi-Strauss écrit , pp. 182-183 : " II suffît d'analyser cette formule pour voir quelle relation unit un système de type Kariera à l'organisation plus simple en moitiés matrilinéaires ... . - 97 - Qu 'est-ce-que le système Karîera ajoute à cette division en moitiés matrilinéaires ? Une division différente , perpendiculaire ( c'est nous qui soulignons ) à la précédente , en moitiés patri linéaires " . Le mot " perpendiculaire " renvoie non à une droite perpendiculaire à une autre , mais plutôt à un système de deux droites perpendiculaires : Y . (x, y) X en tant qu'axes dé coordonnées , c'est-à-dire en produit direct . Les raisonnements contenus dans les pages 182 et suivantes ne font rien d'autre qu'exprimer le fait que le système Kariera est isomorphe au produit direct de deux structures à deux moitiés exogamiques res- pectivement matrilinéaires et patrî linéaires . Or nous avons vu ( remarque au § 1 ) , que le produit direct fait intervenir essentiellement les homomorphismes des structures ( ici algé- briques ) en cause . Le Modèle des structures élémentaires de la parenté est donc bien une catégorie de modèles avec leurs homomorphïs — mes . D'ailleurs , on lit , p. 25 , dans Chevallard : D é f i n i t i o n 3 . Soient (S f , m , p ) et ( S 2 , f 2 , m 2 , P 2 ) deux structures élémentaires . On dit qu'une application H de S S dans est un homomorphisme de parenté si on a les égalités suivantes : Ai H o f i = f 2 °H , H o m 1 = m 2 ° H , H o P ] = p 2 o H . Ce qui signifie en termes moins formels que H passe de S change f en f 0 , m \ \ en m 0 ainsi que p en p à S et . \ Ce concept d'homomorphisme apparaît , sous une forme moins formalisée , dans Murngin . le texte de Lévi-Strauss lui-même au sujet du système - 98 Les tribus Murngïn sont divisées en deux moitiés patri linéaires dont chacune est divisée en quatre classes , soit huit sections en tout , notées A1 , B1 , C] , DI , A 2 , B 2 , C 2 , D2 . Dans ce système de parenté existent deux règles de mariage ( avec la même règle de filiation ) , l'une appelée de type normal et l'autre de type optionnel , chacune de ses structures étant de type restreint ( définition 2 p . 22 ) c'est-à-dire si un homme de la classe X épouse une femme de la classe Y , alors réciproquement un homme de la classe Y doit épouser une femme de la classe X ( l'importance que LéviStrauss donne aux structures restreintes est due au fait qu'il y voit à l'oeuvre un principe de réciprocité qui serait à la base de la prohibition de l'inceste ) . Mais d'un autre côté existe dans cette société la règle du mariage préférentiel avec la cousine croisée matrî latérale ( f i l l e du frère de la mère ) à l'exclusion du mariage avec la cousine croisée patrilatérale ( f i l l e de la soeur du père ) . . Or aucune structure restreinte n'arrive à rendre compte de cette particularité : car dans une t e l l e structure la condition de m a r i a b i l ï t é de la cousine croisée matri latérale ( condition " CCM " ) entraîne la m a r i a b î l i t é avec la cousine'croisée patrilatérale ( condition " CCP [ en effet , en raisonnant ) dans les modèles 'de Courrège , " CCM " s ' é c r i t " f o m = m o f " et CCP s ' é c r i t " f o m = m o f~ 1 " . Donc si on a f 2 = 1_ , on a f —1 =f, c'est-à-dire que les deux conditions CCM et ^3 CCP sont équivalentes ] . Si on suppose que la mariage se fait alternativement ( en ligne directe et c o l l a t é r a l e ) selon l'une et l'autre des formules , alors on peut voir facilement que CCM est vérifiée et non CCP . Lévi-Strauss appelle cette structure ( alternance de deux règles de mariage dont cune est restreinte ) la structure Murngïn " r é e l l e " . cha- ( *) ( *) N.B. Cette structure " r é e l l e " est bien sûr aussi théorique que toutes les autres : il s ' a g i t toujours d'un modèle de permutations. - 99 - La structure élémentaire la plus simple admettant CCM à l'exclusion de CCP ( et ayant deux moitiés patri linéaires ) est une structure à 4 sections P , Q. , R , S où la règle de mariage est donnée par le diagramme : P >Q >R >S >P Cette structure élémentaire est dite généralisée . Lévi-Strauss tente alors d'établir un lien entre 1 ) l'existence de deux règles de mariage , la structure Murngîn " r é e l l e " , 2) la condition CCM à l'exclusion de CCP et la structure précédente appelée par lui structure Murngin théorique . Cette structure Murngin théorique est considérée par Lévi-Strauss comme sous-jacente au système réel ; elle fonctionne à l'insu en quelque sorte des indigènes . Pour établir ce lien, Lévi-Strauss utilise la notion d'homomorphisme. Voici comment : Dans le..formalisme utilisé par Lévî - Strauss , les deux structures ( " réelle " et théorique ) sont décrites par les deux diagramm.es sui vants : (opt.) . • (nor.) (opt.) Structure réelle (nor.) (opt.) (nor.) - 100 - Structure théorique Explication de ces diagrammes : Les . •' lettres désignent les classes , les majuscules désignent les hom- mes de cette classe , les minuscules les femmes . l_e symbole P = q signifie le mariage entré un homme de la classe P avec une femme de la classe Q . Le symbole s S lie deux frère et soeur de la classe S . Le symbo le : A1 = D, dit que d , D £> sont issus du mariage A À =b 1 . 1 Une ligne horizontale représente une génération . Une ligne verticale une lignée . Le rond ( j entourant une lettre : ( C J et ( S J donne la position de " Ego " si on veut . Lévi-Strauss passe du premier diagramme au deuxième en identifiant les lettres : ( classes ) Dl C2 A2 B2 et A et B et D et C 1 1 2 1 à P à Q à R à S - 101 - C'est justement dans cette identification que Consiste l'homomorphîsme et c'est par cet homomorphisme qu 1 on fait apparaître la théorique à partir de la structure " réelle " structure . Ce n'est pas pour autant que la structure théorique est opératoire au niveau de la structure " réelle " . En fait , du point de vue formel , tel est néanmoins le cas : en dédoublant la structure théorique, c ' e s t à-dire en faisant le chemin inverse de l'identification précédente , en superposant une dichotomie matrilinéaire à la dichotomie patri linéaire, on obtient la structure " réelle " c o m m e produit direct de la structure théorique et d'une structure à deux moitiés exogamîques matrilinéaires ( voir pp. 216-218 ) . Du point de vue formel donc , la structure théorique est effectivement imbriquée dans la structure " réelle " . Ce n'est pas pour autant que la structure théorique fonctionne effectivement dans la société r é e l l e . Pour affirmer une telle réalité , Lévi-Strauss doit faire une hypothèse en faisant appel à l'histoire ( contact, fusion etc. de deux sociétés ) . Conclusion . Il n'y a pas de différence essentielle entre l'analyse structurale que fait Lévi-Strauss au sujet des faits de parenté .et l'ana'lyse mathématique telle que la propose A. W e i l à la demande de LéviStrauss ou Courrège dans son article . La différence entre les deux textes ( celui de Lévi-Strauss et celui de Courrège ) est analogue à la différence qui existe, pour la résolution d'un " problème de robinets", entre la méthode de la 11 " fausse position " et la méthode algébrique ax + b = 0 " . Ces deux analyses , qui en fait n'en sont qu'une , se font dans un Modèle , une catégorie , formé de modèles algébriques simples ainsi que des homomorphismes qui y sont associés . - 102 - Ainsi pourrait.s'expliquer la phrase de Lévi-Strauss dans " Anthro pologie Structurale page 306 : En second lieu , tout modèle appartient à un groupe de transformations dont chacun correspond à un modèle de même famille , si bien que l'ensemble de ces transformations constitue un groupe de modèles " Le " groupe de modèles " dont parle Lévi-Strauss correspond à la catégorie 33} formée des modèles ( S, f, m, p ) avec leurs homomor phismes , transformations de l'un dans l'autre . L'intérêt d'utiliser un texte comme celui de Courrège pourrait être de dégager nettement ce qui est mathématique ( raisonnement formel à l'intérieur de 331 ) et ce qui est ethnologique c'est-à-dire ce qui a trait au ÎP tp ———> ïïl . foncteur D'un autre côté , le pédantisme que dégage un texte tel que celui de Courrège , est-ii supportable ? La réponse est liée à celle qu'on apporte à la valeur d'un foncteur ER : £ > 331 . 3. La valeur d'un foncteur Il SR : & > 331 . Conclusion . ne faut jamais perdre de vue que la construction d'un foncteur yn E > 331 n'est pas une description de la réalité E . Ceci est vrai en physique , comme le dît F. Halbwachs dans son livre , où i l ' i n s i s t e sur le rôle non descriptif joué par la représentation d'une situation à l'aide de modèles . Une position contraire est extrêmement naïve. Ce qui est vrai en physique l'est aussi pour toute autre science En sciences humaines on semble parfois l'oublier et le terrorisme - 103 - dégagé par des textes comme ceux de Lévi-Strauss est dû entre autre à cet oubli . TO Si en physique la valeur d'un foncteur E ———> 331 est mesurée par référence à la pratique : " qu'est-ce qu'il me permet de faire ? " , la si- tuation en sciences humaines est de ce point de vue beaucoup moins claire et le problème de la valeur d'une théorie n'en es.t que plus obscure . » Néanmoins, l'existence d'un foncteur E —-—> 231 , pourvu qu'il soit bien construit , que les faits ne soient pas agencés exprès pour rentrer dans le cadre , est porteur d'information . Le fait que la situation r é e l l e £ se " laisse faire " par un foncteur 9* n'est pas neutre et cela donne des renseignements . Et i I n'est pas étonnant que Lévi-Strauss puisse écrire ( Anthropologie Structurale II p. 95 ) : " II n'est que plus encourageant de constater que dés données ethno - graphiques viennent indépendamment corroborer une inférence obtenue par le raisonnement " . Mais oublier qu'un foncteur est souvent " oublieux " , ne retient que certains aspects , c'est faire une erreur méthodologique . Pourtant la pauvreté des modèles utilisés en sciences humaines est là pour nous le rappeler . Rechercher un modèle unique , le meilleur , est encore une erreur méthodologique . Les méthodes employées en topologïe algébrique nous montrent le chemin : 3t : (£ la bonne méthodologie consiste à multiplier les foncteurs > 331 pour étudier une réalité £ , à construire tout un faisceau de foncteurs . C'est la conjonction de tous ces foncteurs qui pourrait permettre de comprendre , c'est-à-dire d'épuiser la réalité E . - 104 - De même que pour appréhender un objet , une photo ne suffit pas ; il. faut tourner autour de l'objet et le photographier depuis .plusieurs points de vue . Et encore , le mode opératoire ne nous fait connaître que la surface de l'objet . D'autres modes opératoires sont à inventer pour dégager toute la nature de l'objet . La multiplicité de foncteurs à construire est à priori très grande . On peut dire même qu'il faut une multiplicité de types de foncteurs ; c'est-à-dire de foncteurs qui font partie de classes absolument pas comparables . . Dans ce sens , on peut dire qu'il faut développer des foncteurs même contraires . ' . On rejoint ainsi , en partant d'une analogie formel le , les idées exprimées par P. Feyerabend dans son livre " Contre la méthode , esquisse- d'une théorie anarchiste de la connaissance " , où on peut lire : 11 Le seul principe qui n'entrave pas le progrés ( scientifique ) est : tout est bon " . 11 Nous pouvons nous servir d'hypothèses qui contredisent des théories confirmées . Nous pouvons faire avancer la science en procédant par contre-induction " . " Des hypothèses qui contredisent des théories bien confirmées nous fournissent des indications qu'on ne peut obtenir d'aucune autre façon. La prolifération des. idées est bénéfique à la science tandis que l'uniformité affaiblit son pouvoir critique " . " II n'y a pas d'idée si ancienne et absurde fût-elle qui ne soit capable de faire progresser notre connaissance " . - 105 - Si l'histoire a retenu , dans l'évolution de la science physique , Une série de modèles emboîtés les uns dans les autres , un modèle donné expliquant , comprenant , les modèles antérieurs faut souhaiter ( Halbwachs ) , il l'a construction • de tout un tas de séries disjointes . 11 y a de quoi faire pour l'imagination des générations à venir . Jean Janvier Me r k e r 1983 Bibliographie : [1 ] Hilton : Le langage des catégories , Ed. Fernand Nathan, Cedîç Très bon livre d'initiation sur le concept de; base . Discussion d'une introduction de la topologîe dans le secondaire . Etude du foncteur de Poincaré . Niveau terminale . [2] Gramaîn : La topologie des surfaces : PUF Collection SUP . Un livre bien fait sur la topologie algébrique ( en fait la topolo gie différentielle ) on y trouve au début l'étude du foncteur .de Poincaré ( niveau 1 [3] année Fac ) . Bourbaki : Structures . Livre I , Ch IV , Hermann . Lisible . Définition précise du concept de structure ( algé - brique , topo logique etc. ) . ( Niveau ? ) [4] Lévi-Strauss : Les structures élémentaires de la parenté . 2 [5] édition . Mouton . Anthropologie et Calcul : Courrège : Les formalismes dans les études de parenté . [6] Cheval lard : Deux études mathématiques sur la parenté. Cedic. [7] Don Sperber : Le structuralisme en anthropologie. Ed. Seuil . [8] F. Halbwachs : La pensée physique . Collection Zeithos Delachaux - Nestlé . [9] Feyerabend : Contre la .méthode » Ed. Seuil . » A lire !