Université François Rabelais de Tours Laboratoire de Mathématiques et Physique Théorique Chapitre 6 : Formes quadratiques UE 6-3 Algèbre Semestre 6 Dans toute cette partie E désigne un K-espace vectoriel de dimension finie n sauf mention explicite. 1 Généralités sur les formes quadratiques Dans cette section E désigne un espace vectoriel réel de dimension finie. Définition 1.1. Une application ϕ: E×E (x, y) −→ 7−→ R ϕ(x, y) est dite bilinéaire si pour tout x ∈ E, l’application y 7−→ ϕ(x, y) est linéaire et si pour tout y ∈ E, l’application x 7−→ ϕ(x, y) est linéaire. Exemple 1.2. 1) Si E = Rn alors l’application : ϕ: E×E (x, y) −→ 7−→ PC xi yi est une forme bilinéaire. 2) Si E désigne le R-espace vectoriel (de dimension infinie) des fonctions continues de [0, 1] dans R alors l’application : ψ : E × E −→ C R1 (f, g) 7−→ 0 f (t)g(t)dt est une forme bilinéaire. Soit B = (e1 , . . . , en ) une base de E et ϕ une forme bilinéaire. On définit MatB (ϕ) = (ϕ(ei , ej ))1≤i,j≤n . On a alors pour tout x, y ∈ E : ϕ(x, y) = t x B · MatB (ϕ) · y B On dit que 1) une forme bilinéaire ϕ est symétrique si ϕ(x, y) = ϕ(y, x), 2) une forme bilinéaire ϕ est antisymétrique si ϕ(x, y) = −ϕ(y, x). Exemple 1.3. Les formes ϕ et ψ introduit dans l’exemple précédent sont symétriques. Définition 1.4. Une forme quadratique sur E est une application q de la forme : q: E x −→ 7−→ R ϕ(x, x) q : Rn x −→ 7−→ PnR où ϕ est une forme bilinéaire sur E. Exemple 1.5. L’application : est une forme quadratique sur Rn . 1 i=1 x2i Proposition 1.6. Soit Φ une forme quadratique sur E. Il existe une unique forme bilinéaire symétrique ϕ telle que Φ(x) = ϕ(x, x). La forme ϕ s’appelle la forme polaire de Φ et on a pour tout (x, y) ∈ E 2 ϕ(x, y) = 1 (Φ(x + y) − Φ(x) − Φ(y)) . 2 On peut alors parler de matrice d’une forme quadratique dans une base B : c’est simplement la matrice de la forme polaire de Φ dans cette base. De même le rang de Φ est défini comme le rang de la matrice de ϕ dans une base. Exemple 1.7. Dans R3 , on pose Φ(x, y, z) = 3x2 + y 2 + 2xy − 3xz. La forme polaire de Φ est donnée par x1 x2 3 ϕ(u, v) = 3x1 x2 + y1 y2 + x1 y2 + x2 y1 − (x1 z2 + x2 z1 ) où u = y1 et v = y2 . 2 z1 z2 2 Orthogonalité Définition 2.1. Soit Φ une forme quadratique de forme polaire ϕ. 1) Le cône isotrope de Φ est l’ensemble CΦ := {x ∈ E | Φ(x) = 0}. 2) On dit que Φ est définie si CΦ = {0}. 3) On dit que x, y ∈ E sont orthogonaux par rapport à Φ si ϕ(x, y) = 0. 4) Si A ⊂ E on pose A⊥ = {y ∈ E | ∀x ∈ A, ϕ(x, y) = 0}. 5) ker Φ = E ⊥ . 6) Φ est dite non-dégénérée si ker Φ = {0}. 7) Une base B de E est dite Φ-orthogonale si ϕ(ei , ej ) = 0 pour tout i 6= j. Exemple 2.2. Soit E = R3 et soit Φ la forme définit par Φ(x, y, z) = x2 − y 2 . On a alors (x, y, z) ∈ CΦ ⇐⇒ x2 = y 2 ⇐⇒ |x| = |y| On voit alors que CΦ n’est pas un espace vectoriel en général. Par contre, on a x ∈ CΦ =⇒ λx ∈ CΦ . x Soit u = y ∈ ker Φ. On doit avoir ϕ(u, ei ) = 0 pour tout 1 ≤ i ≤ 3. On a donc x = y = 0 et z ker Φ = Vect(e3 ). La base canonique est une base Φ-orthogonale. Théorème 2.3. Soit Φ une forme quadratique. Il existe une base Φ-orthogonale. Démonstration. On procède par récurrence sur n. Si n = 1 il n’y a rien à faire. Soit n > 1. Si Φ ≡ 0 toute base de E est Φ-orthogonale. On suppose donc Φ 6≡ 0. Il existe v ∈ E tel que Φ(v) 6= 0. En d’autres termes, la forme linéaire ϕ(v, ·) est non nulle. Son noyau est donc un hyperplan H de E. Puisque v ∈ / H, on a E = Vect(v) ⊕ H. Par récurrence, il existe une base (e1 , . . . , en−1 ) de H qui est Φ|H -orthogonale. On vérifie alors que la base (e1 , . . . , en−1 , v) est Φ-orthogonale. Corollaire 2.4. Soit A une matrice symétrique. Alors il existe une matrice inversible P tel que t P · A · P est diagonale. Méthode de Gauss. Soit Φ une forme quadratique et soit B = (e1 , . . . , en ) une base Φ-orthogonale. On a alors X X ∀x ∈ E, Φ(x) = Φ e∗i (x)ei = λi e∗i (x)2 où λi = Φ(ei ). Ainsi Φ s’écrit comme une combinaison linéaire de carrés de formes linéaires indépendantes. La méthode de Gauss permet de calculer ces formes linéaires. 2 Soit Φ une forme quadratique : Φ(x1 , . . . , xn ) = n X X ai,i x2i + i=1 ai,j xi xj . 1≤i<j≤n On procède par récurrence. Premier cas : il existe i tel que ai,i 6= 0. On peut supposer que a = a1,1 6= 0. On décompose alors de la manière suivante : Φ(x1 , . . . , xn ) = ax21 + x1 B(x2 , . . . , xn ) + C(x2 , . . . , xn ) où B est une forme linéaire et C une forme quadratique. On a alors : B(x2 , . . . , xn ) Φ(x1 , . . . , xn ) = a x1 + 2a 2 B(x2 , . . . , xn )2 + C(x2 , . . . , xn ) − 4a {z } | forme quadratique en x2 ,...,xn On conclut par récurrence. Exemple 2.5. Φ(x, y, z) = x2 − 2y 2 + xz + yz = x2 + xz + −2y 2 + yz 1 2 1 2 2 = (x + z) + −2y + yz − z 2 4 2 1 z z2 z2 = (x + z)2 − 2 · y − − + 2 4 8 4 z 2 z 2 1 2 = (x + z) − 2 · y − − 2 4 8 Deuxième cas : ai,i = 0 pour tout i. Si Φ est nulle, il n’y a rien à faire. On peut donc supposer qu’il existe ai,j 6= 0. On peut supposer que a = a1,2 6= 0. On a alors : Φ(x1 , . . . , xn ) = ax1 x2 + x1 B(x3 , . . . , xn ) + x2 C(x3 , . . . , xn ) + D(x3 , . . . , xn ) où B et C sont des formes linéaires et D une forme quadratique. On obtient : C B BC Φ(x1 , . . . , xn ) = a x1 + · x2 + + D− a a a " 2 2 # a B C C B = x1 + + x2 + − x1 + − x2 + + 4 a a a a | {z } Somme de carré de formes linéaires indépendantes BC D− a {z } | forme quadratique en x3 , . . . , xn On conclut par récurrence. Exemple 2.6. Φ(x, y, z, t) = xy + yz + zt + tx = (x + z) · (y + t) 1 = (x + z + y + t)2 − (x + y − z − t)2 . 4 3 Loi d’inertie de Sylvester Soit Φ une forme quadratique. On rappelle que l’on peut trouver une base e1 , . . . , en telle que X Φ(x) = λi (e∗i (x))2 où λi = Φ(ei ). 3 Chaque λi est soit positif, soit négatif, soit nul. Supposons par exemple que λ1 , . . . , λp > 0, λp+1 , . . . , λp+q < 0, λp+q+1 = . . . = λn = 0 On pose alors (√ λi µi = √ −λi si 1 ≤ i ≤ p si p + 1 ≤ i ≤ p + q En posant fi = µi e∗i , on obtient alors l’écriture suivante : Φ(x) = p X q X fi (x)2 − i=1 fi (x)2 i=p+1 où les fi sont des formes linéaires indépendantes. Théorème 3.1. Soit Φ une forme quadratique et soient (∗) Φ(x) = p X fi (x)2 − i=1 et (†) Φ(x) = fi (x)2 i=p+1 0 p X p+q X 2 gi (x) − 0 pX +q 0 gi (x)2 i=p0 +1 i=1 deux décompositions de Φ où les (fi ) (resp. gi ) sont des formes linéaires indépendantes. . Alors p = p0 et q = q 0 . Le couple (p, q) s’appelle la signature de Φ et le rang de Φ est égal à p + q. Démonstration. On suppose que p0 > p. On complète (g1 , . . . , gp0 +q0 ) en une base (g1 , . . . , gn ) de E ∗ . La famille (f1 , . . . , fp , gp0 +1 , . . . , gn ) contient p + n − p0 < n éléments. Il existe donc x ∈ E − {0} tel que ! n p \ \ \ x∈ ker fi ker gi . i=p0 +1 i=1 On a alors Φ(x) ≤ 0 d’après (∗). Au moins un élément de la forme gi (x) avec 1 ≤ i ≤ p0 est non nul. En effet, sinon on aurait gi (x) = 0 pour tout 1 ≤ i ≤ n ce qui impliquerait x = 0 puisque (g1 , . . . , gn ) est une base de E ∗ . On a donc Φ(x) > 0 d’après (†). C’est une contradiction, ainsi p = p0 . On peut montrer de la même manière que q = q 0 . La remarque sur le rang de Φ provient du fait que dans une base adaptée, par exemple dans la base antéduale de (g1 , . . . , gn ), on a Ip 0 0 MatB (Φ) = 0 −Iq 0 . 0 0 0 Exemple 3.2. La signature de Φ(x, y, z) = x2 − 2y 2 + xz + yz est (1,2). En effet on a montré que z 2 z 2 1 − = (f1 (x, y, z))2 − (f2 (x, y, z))2 − (f3 (x, y, z))2 Φ(x, y, z) = (x + z)2 − 2 · y − 2 4 8 avec z f1 (x, y, z) = x + 2 √ z f2 (x, y, z) = 2 y − 4 z √ f3 (x, y, z) = 2 2 La signature de Φ(x, y, z, t) = xy + yz + zt + tx est (1, 1). En effet on a montré que Φ(x, y, z, t) = 1 (x + z + y + t)2 − (x + y − z − t)2 = (f1 (x, y, z, t))2 − (f2 (x, y, z, t))2 4 4 avec 1 (x + y + z + t) 2 1 f1 (x, y, z, t) = (x + y − z − t) 2 f1 (x, y, z, t) = 5