R´eduction de Gauss

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FMMA244 - Approfondissement en géométrie 2011-2012
——
Réduction de Gauss
Formes quadratiques
Soit E un K-espace vectoriel (K = R ou C). Une forme quadratique sur E est une application q : E → K telle
qu’il existe une forme bilinéaire symétrique ϕ : E × E → K telle que q(x) = ϕ(x, x) pour tout x ∈ E. La forme
bilinéaire symétrique ϕ est alors unique et appelée la forme polaire de q. En effet, pour tout x, y ∈ E, on a:
1
q(x + y) = q(x) + 2ϕ(x, y) + q(y) et donc ϕ(x, y) = q(x + y) − q(x) − q(y) .
2
En particulier une forme quadratique q vérifie
q(0E ) = 0, q(λx) = λ2 q(x), et q(x + y) + q(x − y) = 2 q(x) + q(y) (égalité du parallélogramme)
pour tous x, y ∈ E et λ ∈ K.
Exemples
1. Toute forme quadratique q sur Kn est un polynôme homogène de degré 2 en les variables x1 , . . . , xn .
2. Plus généralement, soient q est une forme quadratique sur E et E = (e1 , · · · , en ) une base de E.
Alors, pour tout x = x1 e1 + · · · + xn en ∈ E,
X
X
X
ai, j xi x j =
ai,i x2i +
2ai, j xi x j
q(x) =
1≤i, j≤n
1≤i≤n
1≤i< j≤n
où ai, j = ϕ(ei , e j ) avec ϕ la forme polaire de q. Puisque ϕ est symétrique, [ai, j ]1≤i, j≤n ∈ Mn (K) est une matrice
symétrique.
3. Soient U un ouvert d’un R-espace vectoriel normé E et f : U ⊂ E → R une application deux fois differentiable
en a ∈ U. Alors, par le théorème de Schwarz, la hessienne Hessa f : E → R de f en a est une forme quadratique
sur E.
Réduction des formes quadratiques
Soit E un K-espace vectoriel de dimension finie n. Rappelons qu’une forme linéaire sur E est une application
linéaire ℓ : E → K. L’ensemble E ∗ = L(E, K) des formes linéaires sur E, appelé le dual de E, est alors une
K-espace vectoriel de dimension n.
Théorème
Soit q une forme quadratique sur E non nulle. Alors existe un entier r ≥ 1, des formes linéaires ℓ1 , . . . , ℓr ∈ E ∗
indépendantes (i.e., formant une famille libre dans E ∗ ) et des scalaires a1 , . . . , ar ∈ K tous non nuls, tels que
∀ x ∈ E, q(x) = a1 ℓ1 (x)2 + · · · + ar ℓr (x)2 .
Le théorème se démontre en appliquant l’algorithme de réduction de Gauss donné ci-dessous, qui permet de
trouver des formes linéaires ℓ1 , . . . , ℓr indépendantes et des scalaires a1 , . . . , ar tous non nuls tels que q = a1 ℓ12 +
· · · + ar ℓr2 . Notons que les formes linéaires ℓ1 , . . . , ℓr et les scalaires a1 , . . . , ar ne sont pas uniques (même à
permutation près). L’entier r est égal au rang de q. Lorsque K = R, la signature de q est (s, t) où
s = card 1 ≤ i ≤ r | ai > 0 et t = r − s = card 1 ≤ i ≤ r | ai < 0 .
Algorithme de réduction de Gauss
L’algorithme de réduction de Gauss est un algorithme qui permet de décomposer une forme quadratique (non
nulle) en somme de carrés de formes linéaires indépendantes, chaque carré étant affecté d’un coefficient (voir le
théorème). Soit q une forme quadratique sur un K-espace vectoriel de dimension finie n. On munit E d’une base
E = (e1 , · · · , en ) de sorte que, pour x = x1 e1 + · · · + xn en ∈ E,
q(x) =
n
X
ai, j x2i +
i=1
X
2ai, j xi x j
1≤i< j≤n
où ai, j = ϕ(ei , e j ) avec ϕ la forme polaire de q. L’algorithme procède par diminution du nombre des variables xi
qui interviennent dans cette expression de la forme quadratique. Deux cas sont possibles, et sont examinés dans
cet ordre :
Premier cas : la forme quadratique contient un terme au carré x2i
Pour fixer les idées, supposons que ce soit x21 . On regroupe alors tous les termes contenant la variable x1 et on les
voit comme le début du développement d’un carré du type (x1 + . . . )2 :
q(x) = a1,1 x21 + x1 f (x2 , · · · , xn ) + g(x2 , · · · , xn )
!2
a1,1
1
f (x2 , · · · , xn )2 + g(x2 , · · · , xn )
= a1,1 x1 + f (x2 , · · · , xn ) −
2
4
= a1,1 ℓ1 (x)2 + q′ (x)
où ℓ1 est une forme linéaire sur E donnée par :
1
f (x2 , · · · , xn )
2
et q′ est une nouvelle forme quadratique sur E dans laquelle la variable x1 n’apparaît plus :
a1,1
q′ (x1 e1 + · · · + xn en ) = −
f (x2 , · · · , xn )2 + g(x2 , · · · , xn ).
4
On continue à faire tourner l’algorithme sur cette nouvelle forme quadratique (i.e., on regarde si q′ vérifie le
premier cas ou le second cas décrit ci-dessous, etc...).
ℓ1 (x1 e1 + · · · + xn en ) = x1 +
Second cas : la forme quadratique ne contient aucun carré x2i
Dans ce cas, on choisit deux variables qui apparaissent sous la forme xi x j . Pour fixer les idées, supposons que
le produit x1 x2 apparaisse dans l’expression de q. On isole alors tous les termes qui contiennent x1 ou x2 , et
on voit d’abord leur somme comme le produit de deux formes linéaires, l’une contenant x1 mais pas x2 , l’autre
contenant x2 mais pas x1 , en retranchant évidemment ce qui apparaît en trop quand on effectue le produit de ces
deux formes linéaires :
q(x) = a1,2 x1 x2 + x1 f (x3 , · · · , xn ) + x2 g(x3 , · · · , xn ) + h(x3 , · · · , xn )
= a1,2 x1 + g(x3 , · · · , xn ) x2 + f (x3 , · · · , xn ) − a1,2 f (x3 , · · · , xn )g(x3 , · · · , xn ) + h(x3 , · · · , xn )
= a1,2 ℓ1′ (x)ℓ2′ (x) + q′ (x)
où
ℓ1′ (x1 e1 + · · · + xn en ) = x1 + g(x3 , · · · , xn ),
ℓ2′ (x1 e1 + · · · + xn en ) = x2 + f (x3 , · · · , xn )
et
q′ (x1 e1 + · · · + xn en ) = −a1,2 f (x3 , · · · , xn )g(x3 , · · · , xn ) + h(x3 , · · · , xn ).
Enfin, en utilisant l’identité
1
1
ab = (a + b)2 − (a − b)2 ,
4
4
on voit le produit de deux formes linéaires comme la différence de deux carrés, ce qui permet d’exprimer finalement q comme la somme (en fait la différence) de deux carrés de formes linéaires et d’une nouvelle forme
quadratique q′ dans laquelle les variables x1 et x2 n’apparaissent plus :
q(x) = a1,2 ℓ1′ (x)ℓ2′ (x) + q′ (x)
2 a1,2 2
a1,2 ′
ℓ1 (x) + ℓ2′ (x) −
ℓ1′ (x) − ℓ2′ (x) + q′ (x)
=
4
4
a1,2
a1,2
2
2
ℓ1 (x) −
ℓ2 (x) + q′ (x)
=
4
4
où
ℓ1 (x) = ℓ1′ (x) + ℓ2′ (x)
et ℓ2 (x) = ℓ1′ (x) − ℓ2′ (x).
On continue à faire tourner l’algorithme sur cette nouvelle forme quadratique q′ (ie. on regarde si celle-ci vérifie
le premier cas ou le second cas décrit ci-dessous, etc...).
Exercices
1. Déterminer une réduction de Gauss de la forme quadratique q sur K3 définie par q(x, y, z) = 2x2 −y2 −4xy−8yz.
2. Déterminer une réduction de Gauss de la forme quadratique q sur K3 définie par q(x, y, z) = x2 + xy + xz.
3. Déterminer une réduction de Gauss de la forme quadratique q sur K4 définie par q(x, y, z, t) = xy + xz + yz + zt.
Correction
1. L’application de l’algorithme de réduction de Gauss donne, pour tout (x, y, z) ∈ K3 ,
q(x, y, z) = 2x2 − y2 − 4xy − 8yz
= 2 x2 − 2xy − y2 − 8yz
= 2 (x − y)2 − y2 − y2 − 8yz
= 2(x − y)2 − 3y2 − 8yz
!
8
= 2(x − y) − 3 y + yz
3


!2


4
16
2
2
= 2(x − y) − 3  y + z − z 
3
9
!2
4
16
= 2(x − y)2 − 3 y + z + z2 .
3
3
2
2
En posant :
ℓ1 (x, y, z) = x − y,
4
ℓ2 (x, y, z) = y + z et
3
on a bien décomposé q sous la forme q = 2ℓ12 − 3ℓ22 +
Lorsque K = R, la signature de q est (2, 1).
16 2
3 ℓ3
ℓ3 (x, y, z) = z,
∗
avec (ℓ1 , ℓ2 , ℓ3 ) libre dans K3 .
2. L’application de l’algorithme de réduction de Gauss donne, pour tout (x, y, z) ∈ K3 ,
!2
!2
1
1
1
1
q(x, y, z) = x2 + xy + xz = x + y + z − y + z .
2
2
2
2
En posant :
1
1
ℓ1 (x, y, z) = x + y + z et
2
2
1
1
ℓ2 (x, y, z) = y + z.
2
2
∗
on a bien décomposé q sous la forme q = ℓ12 − ℓ22 avec (ℓ1 , ℓ2 ) libre dans K3 .
Lorsque K = R, la signature de q est (1, 1).
3. L’application de l’algorithme de réduction de Gauss donne, pour tout (x, y, z, t) ∈ K4 ,
q(x, y, z, t) = xy + xz + yz + zt
= xy + xz + yz + zt
= (x + z)(y + z) − z2 + zt
= (x + z)(y + z) − z2 + zt
2 1 2
1
= x + y + 2z − x − y − z2 + zt
4
4
2 1 2 1
= x + y + 2z − x − y − z2 − zt
4
4
2 1 2 1
1 1
= x + y + 2z − x − y − (z − t)2 − t2
4
4
2
4
2 1 2 1
1 2 1 2
= x + y + 2z − x − y − z − t + t .
4
4
2
4
En posant :
ℓ1 (x, y, z, t) = x + y + 2z,
ℓ2 (x, y, z, t) = x − y,
1
ℓ3 (x, y, z, t) = z − t
2
et ℓ4 (x, y, z, t) = t,
∗
on a bien décomposé q sous la forme q = 14 ℓ12 − 14 ℓ22 − ℓ32 + 14 ℓ42 avec (ℓ1 , ℓ2 , ℓ3 , ℓ4 ) libre dans K4 .
Lorsque K = R, la signature de q est (2, 2).
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