2 LA MALADIE CORONARIENNE Traitement non interventionnel : non médicamenteux et médicamenteux Changement des habitudes de vie Même avec un traitement interventionnel et médicamenteux optimal, une amélioration des habitudes de vie demeure cruciale dans la prise en charge du patient coronarien. Les habitudes alimentaires (de type nord-américain) jouent un rôle très important dans le développement de l’athérosclérose. Les éléments suivants ont été démontrés comme devant servir de base aux recommandations alimentaires chez le coronarien : • L’apport alimentaire en gras saturés doit être restreint; On doit favoriser les gras insaturés. Toutefois, on doit éviter les gras polyinsaturés qui auraient subi une hydrogénation; • Les oméga-3 (type de gras polyinsaturés) ont été associés à une baisse du risque de MCV. Les études avec un apport alimentaire élevé en oméga-3 amènent des résultats beaucoup plus significatifs qu’une supplémentation. Les oméga-3 sont particulièrement rencontrés chez différents types de poissons, dans les graines de lin ainsi que les noix; • Les sucres simples ainsi que les glucides sous forme d’amidon, facilement digestibles, ont une absorption rapide (index glycémique élevé). Ces glucides ont été associés à une hyperlipidémie postprandiale, ce qui pourrait amener une dyslipidémie athérogène. On doit favoriser la consommation de produits céréaliers à grains entiers, qui en plus de leur absorption lente, contiennent en abondance des antioxydants, des minéraux et des fibres; • Une consommation abondante de végétaux (fruits et légumes) est associée à une réduction du risque de MCV. • Activité physique chez le coronarien De nombreuses études ont démontré les bénéfices de l’exercice tant en prévention primaire que secondaire. La capacité à l’effort mesurée par le tapis roulant constitue un des meilleurs prédicteurs de survie pour les maladies cardiovasculaires : • La quantité d’exercices nécessaires pour obtenir un effet sur la santé est assez modérée : une dépense de 1000 à 2000 kcals par semaine, qui correspond à une marche rapide d’environ 30 minutes par jour; • L’activité physique amène une diminution de la tension artérielle systolique et diastolique, améliore le profil lipidique, diminue le risque de diabète, augmente l’activité fibrinolytique, a une action antiarythmique, améliore la fonction endothéliale et a un effet antistress et antidépresseur. L’arrêt tabagique diminue le risque coronarien de 50 %, c’est un élément essentiel dans le pronostic à long terme de la maladie coronarienne. Même la fumée secondaire augmente le risque coronarien. Le clinicien doit : • • • Évaluer le degré de dépendance et situer le stade de changement (niveau de motivation); Se montrer compréhensif vis-à-vis la difficulté d’arrêter, mais ferme vis-à-vis l’importance de cette action; Ne pas hésiter à proposer des aides pharmacologiques et à référer à un centre d’arrêt tabagique. Chez le patient coronarien désirant suivre un programme d’entraînement, une épreuve d’effort maximale limitée par les symptômes doit être effectuée pour déterminer la capacité à l’effort en METS, la fréquence cardiaque maximale et la présence ou non d’ischémie. Patients à risque élevé Ces patients devraient s’entraîner dans le cadre d’un programme structuré avec supervision médicale. NYHA ou CCS classe 3-4 Tolérance < 6 Mets Angine ou ischémie < 6 Mets Tachycardie ventriculaire soutenue Fraction d’éjection < 30 % Patients à risque modéré Les patients à risque modéré peuvent s’entraîner de façon sécuritaire dans un programme structuré, mais ne nécessitent pas de supervision médicale directe. Ils peuvent également s’entraîner à la maison après une évaluation médicale préalable et avec des instructions appropriées. NYHA ou CCS classe 1-2 Tolérance ≥ 6 Mets Absence d’insuffisance cardiaque Absence d’angine et d’ischémie < 6 Mets Fraction d’éjection > 30 % EXERCICE AÉROBIE Intensité* - Fréquence cardiaque : 65 à 85 % de la FC maximale (220 - l’âge) ou 40 à 60 % de la FC de réserve + la fréquence au repos, la fréquence de réserve étant : FC maximale - FC repos. - Mesure des échanges gazeux : 40 à 60 % de la VO2 max mesurée. - Perception de l’effort : échelle de Borg 12 à 14 (un peu difficile). Fréquence 3 à 5 sessions/semaine Durée 20 à 45 minutes/session (peut être fractionnée, ex. : 2 fois 20 minutes) EXERCICE DE MUSCULATION (RÉSISTANCE) Intensité 30 à 40 % du 1-RM pour les membres supérieurs 40 à 60 % du 1-RM pour les membres inférieurs Répétitions 10 à 15 par série Série 8 à 10 séries d’exercices différents Fréquence 2 à 3 sessions/semaine 1-RM : poids maximum qui peut être soulevé pour compléter une répétition *Comme mesurée lors d’une épreuve d’effort maximale Traitement antiplaquettaire L’aspirine réduit le risque d’événements d’environ 33 % chez le coronarien. Le dosage est de 80 mg die (pas d’avantage démontré à l’augmentation de la dose à 325 mg). Si allergie à l’AAS : clopidogrel (Plavix) 75 mg die. À noter que l’aspirine a très peu de place maintenant en prévention primaire, y compris chez les patients diabétiques. Traitement dans l’année suivant un événement aigu : pour les patients ayant subi un syndrome coronarien aigu avec ou sans élévation du segment ST, la combinaison AAS-clopidogrel est recommandée pour un minimum d’un an à moins d’un risque excessif de saignement, et ce, peu importe la stratégie de traitement (médical, pontage, angioplastie). Traitement suivant une intervention percutanée ou un pontage : • • Les patients ayant bénéficié d’une intervention coronarienne percutanée (ICP) doivent prendre l’AAS à vie et un deuxième antiplaquettaire (clopidogrel, prasugrel, ticagrelor, ticlopidine) pour une période minimale de 1 mois, si un tuteur non pharmaco-actif a été utilisé et pour une période minimale de 12 mois, si un tuteur pharmaco-actif a été implanté; La double thérapie antiplaquettaire ne devrait jamais être interrompue avant 12 mois chez les patients ayant reçu un tuteur pharmaco-actif sans consultation préalable avec un cardiologue. Pour les patients ayant subi un syndrome coronarien aigu et ayant été traités par une intervention coronarienne percutanée, le prasugrel peut être utilisé à la place du clopidogrel chez les patients à faible risque hémorragique, n’ayant pas d’antécédents d’AVC ou d’ICT et à risque accru de thrombose des tuteurs. Le ticagrelor, un inhibiteur réversible du récepteur de l’ADP, est maintenant accepté par Santé-Canada et pourrait être utilisé à la place du clopidogrel en SCA. Il est plus puissant que le clopidogrel et n’apparaît pas augmenter les saignements totaux, ni causer de problèmes chez les patients avec un antécédent d’AVC. Traitement au-delà d’un an d’un évènement aigu, d’une intervention percutanée ou maladie coronarienne stable : • AAS à vie est recommandée : en présence d’allergie ou d’intolérance, utilisez le clopidogrel. • Association AAS-clopidogrel : elle peut être considérée pour plus d’un an à la suite d’un épisode coronarien aigu, pourvu que le risque de saignement soit bas. Cette combinaison est à envisager chez les patients avec une atteinte de plusieurs lits vasculaires (MVP ou cérébrovasculaire), chez les patients avec une récidive d’évènements sous AAS ou chez les patients ayant reçu un ou des tuteurs pharmaco-actifs lorsque l’hémodynamicien le juge souhaitable. Traitement hypolipidémiant Une statine est indiquée chez presque tous les patients avec une coronaropathie démontrée. Le clinicien devrait consulter un expert s’il croit que son patient ne mérite pas un traitement hypolipidémiant ou si le traitement n’est pas toléré. Selon les recommandations canadiennes : un traitement doit être considéré chez tous ces patients. Les statines sont pratiquement toujours le traitement de choix. Elles sont bien tolérées en général. L’incidence de douleurs musculaires est de 5 à 10 %, mais la rhabdomyolyse en tant que telle touche moins de 1 patient pour 100 000. Cette très rare complication survient, en général, chez des patients présentant des facteurs de risque de rhabdomyolyse ou à la suite d’une interaction médicamenteuse (voir le guide sur les hyperlipidémies). On doit viser : C-LDL < 2,0 mmol/L ou baisse du C-LDL ≥ 50 %. Un niveau d'Apo B < 0,80 g/L constitue une cible alternative. Statines (inhibiteurs de l’HMG CoA réductase) Effets sur les fractions lipoprotéiques Noms commerciaux et posologie quotidienne MD C-LDL ▼ 15 à 60 % C-HDL ▲ 5 à 10 % Triglycérides* ▼ 5 à 30 % Atorvastatine (Lipitor ) MD Fluvastatine (Lescol ) 20 à 80 mg MD Lovastatine (Mevacor ) MD * L’effet des statines sur les triglycérides est variable et dépend de la triglycéridémie de base. Pravastatine (Pravachol ) ** L'incidence de myopathie est augmentée avec la dose de 80 mg. Simvastatine (Zocor ) MD Rosuvastatine (Crestor ) MD 10 à 80 mg 20 à 80 mg 10 à 80 mg 5 à 40 mg 10 à 80 mg** Traitement antihypertenseur Le traitement de l’hypertension amène des gains importants tant en prévention primaire que secondaire. Une baisse de la tension artérielle systolique de 10 mm HG chez l’adulte d’âge moyen amène une diminution de mortalité par coronaropathie et autre maladie vasculaire de 30 %, en plus d’une baisse de 40 % d’AVC. Indications : un traitement est recommandé chez le coronarien lorsque la tension artérielle systolique excède 140 mmHg ou si la tension artérielle diastolique excède 90 mmHg. Objectifs : la Société canadienne d’hypertension donne le même objectif chez les coronariens (140/90). Si un MAPA est utilisé, la cible au MAPA sera une tension artérielle < 135/85 mmHg diurne et < 130/80 mmHg sur 24 heures. Choix thérapeutiques : le niveau de tension artérielle atteint, plutôt que le type d’agent, est le principal déterminant du bénéfice cardiovasculaire du traitement de l’hypertension : • • • • • • Pour les patients avec maladie coronarienne stable, l’IECA correspond au premier choix le plus raisonnable; En cas d’intolérance, un BRA peut être utilisé, mais on évite autant que possible de combiner un IECA avec un BRA en l’absence de dysfonction ventriculaire gauche; Si le patient présente de l’angine, une dysfonction ventriculaire gauche ou un infarctus du myocarde récent, l’ajout d’un BB est également indiqué; En cas de contre-indications aux médicaments de première ligne ou d’hypertension artérielle toujours mal contrôlée, un bloqueur calcique peut être utilisé et enfin, si ce n’est pas suffisant, ajouter un diurétique thiazidique; Éviter de donner un bloquant calcique non dihydropyridine (diltiazem ou verapamil) en association avec un BB ou aux patients avec dysfonction ventriculaire gauche; Pour les patients avec antécédents d’ICT ou AVC, l’association d’un IECA avec diurétique thiazidique est recommandée. On doit considérer la prescription d’un IECA chez tout patient coronarien ou vasculaire même en l’absence d’hypertension. Diabète et maladie coronarienne Traitement du diabète : les objectifs de contrôle de la glycémie sont les mêmes que pour tout patient diabétique, HbA1c ≤ 7 % : Un objectif de HbA1c ≤ 6,5 % peut être considéré chez certains diabétiques de type 2 afin de diminuer le risque de néphropathie; On doit tenir compte du risque d'hypoglycémie ainsi que de la mortalité augmentée chez les patients dont le risque cardiovasculaire est élevé; Les thiazolidinediones sont contre-indiquées en présence d’insuffisance cardiaque. La rosiglitazone, selon certaines études, pourrait être associée à une augmentation du risque cardiovasculaire. Les diabétiques présentant les caractéristiques suivantes doivent être considérés comme à risque cardiovasculaire élevé : Hommes ≥ 45 ans ou femmes ≥ 50 ans Hommes < 45 ans ou femmes < 50 ans avec présence d'au moins 1 des éléments suivants : • • • • • Patient âgé de plus de 30 ans et atteint de diabète depuis plus de 15 ans; Maladie macrovasculaire coronarienne, périphérique, carotidienne ou vasculaire cérébrale; Maladie microvasculaire : néphropathie ou rétinopathie; Présence de multiples autres facteurs de risque, en particulier une histoire familiale de maladie coronarienne ou vasculaire cérébrale précoce chez un parent du premier degré; Élévation extrême d'un facteur de risque tel un C-LDL > 5 mmol/L ou une pression artérielle systolique > 180 mm/Hg. Le diabète est un facteur de risque majeur de maladie coronarienne. Il est de plus très fréquent de diagnostiquer un diabète lors d’un événement coronarien ou dans les mois et les années suivant cet événement. C’est donc un élément important du suivi. Le diabète multiplie le risque de maladie coronarienne par 2 à 3 fois : • Les patients diabétiques développent une maladie coronarienne de 10 à 12 ans plus tôt que les non diabétiques; • Le pronostic à court et à long terme lors d'un événement coronarien est beaucoup plus mauvais chez le diabétique. Bêtabloqueurs chez les diabétiques : ils ont les mêmes bénéfices dans le traitement de l’insuffisance cardiaque systolique et lors d’un événement coronarien aigu. Si le risque d’hypoglycémie est important, favoriser les bêtabloqueurs sélectifs tels que le bisoprolol ou le metoprolol. Les études ont démontré les bénéfices très importants sur le risque cardiovasculaire, des traitements hypolipidémiants (statines) et antihypertenseurs chez les diabétiques. Traitement anti-angineux Bêtabloqueurs : en plus de leurs effets anti-angineux, ils ont été démontrés comme diminuant la mortalité en post-infarctus et en présence d’une fraction d’éjection abaissée (Carvedilol, Bisoprolol, Métoprolol). Ils sont donc indiqués dans ces conditions même en l’absence d’angine. Bisoprolol (Mococor) Métoprolol (Lopressor) Aténolol (Ténormin) Propanolol (Indéral) Nadolol (Corgard) Carvédilol (Coreg) Acébutolol (Sectral) Pindolol (Visken) 2,5-10 mg PO die 50-100 mg PO Bid ou Métoprolol SR 100 à 200 mg PO die 50-100 mg PO die 20-160 mg PO die 40-240 mg PO die 25-50 mg PO die 200-300 mg PO die 5-10 mg PO die (β 1 sélectif) (β 1 sélectif) (β 1 sélectif) (non sélectif) (non sélectif) (β 1, β 2 et bloqueur alpha) (ASI +) (ASI ++) Extrait de l’Encyclopédie familial de la santé © Les Éditions Québec Amérique inc., 2010. Tous droits réservés. - Il n’y a pas de préférence pour l’un ou l’autre, on vise une fréquence cardiaque entre 50 et 60 battements par minute. Choisir un B1 sélectif en présence d’une maladie pulmonaire bronchospastique contrôlée. Choisir BB avec ASI (activité sympathomimétique intrinsèque) qui contrebalance l’effet chronotrope (-) si le patient présente une bradycardie de base. - Au contraire, le nadolol (Corgard) a un effet chronotrope négatif puissant. Nitro sublinguinale ou en vaporisateur : Contre-indications absolues : bradycardie sévère, bloc AV de haut grade, insuffisance Pour soulagement immédiat de cardiaque sévère décompensée, asthme non contrôlé. l’angine au besoin : 0,4 mg/dose aux 5 min X 3 au repos, assis ou couché. Contre-indications relatives : asthme contrôlé, maladie de Raynaud, dépression sévère, la maladie artérielle périphérique sévère constitue une contre-indication La nitroglycérine peut aussi être relative. Chez beaucoup de patients, le bêtabloqueur n’aggravera pas la claudication. utilisée en prévention avant une activité physique (exemple : marche Si contre-indication ou intolérance aux bêtabloqueurs, utiliser bloqueurs calciques* au froid ou par temps venteux). Diltiazem (Cardizem) CD 120-480 mg PO die chronotrope (-) Isopin (Verapamil) SR 120-480 mg PO die chronotrope (-) * seule l’amlodipine est démontrée Amlodipine (Norvasc) 5-10 mg PO die Ø chronotrope (-) sécuritaire en insuffisance cardiaque Si l’angor n’est pas contrôlé Ajout d’un nitrate à longue action ou Ajout d’un bloqueur calcique dihydropyridine Nitro transdermique (Nitrodur) 0,2-0,8 mg 12 h/24 (le jour) Amlodipine (Norvasc) 5-10 mg PO die Isosobide mononitrate (Imdur) 30-240 mg PO die Nifedipine (Adalat XL) 5-10 mg PO die Pour éviter la tolérance aux nitrates, une période de 12 h par jour sans nitrate doit être respectée. L’emploi concomitant de sildenafil (Viagra), vardenafil (Levitra) ou tadalafil (Cialis) est contre-indiqué. On ne doit pas utiliser le nifedipine à courte action, car elle peut causer une tachycardie réflexe (risque d’ischémie). Auteurs : Gilles Côté, M.D., omnipraticien, médecin-conseil, Agence de la santé et des services sociaux du Bas-Saint-Laurent. Dr Patrick Béliveau, cardiologue, Hôtel-Dieu de Québec. Les illustrations du cœur en première page et de Révision : Drs Guy Boucher et Jean Hamel, cardiologues, CSSS de Rimouski-Neigette. l’angine de poitrine en quatrième page sont extraites Dr Jean-Marie Deschênes, omnipraticien, CLSC de Pohénégamook. de l’Encyclopédie familiale de la santé © Les Éditions Québec Amérique inc., 2010. Tous droits réservés. Références : Canadian Cardiovascular Society Anti Platelet Guideline 2010. Canadian Journal of Diabetes « Canadian Diabetes Association 2008 Clinical Practice Guidelines for the Prevention and Management of Diabetes in Canada », Canadian Diabetes Association, Septembre 2008, Volume 32, supplément 2, (disponible au www.diabetes.ca). Guide pratique de cardiologie, Patrick Béliveau, M.D., cardiologue, Formed, 2005. Guide pratique de l’athéromatose, Dr Marc-André Lavoie, Édition Formed, 2010. Pour commander des copies : www.agencesssbsl.gouv.qc.ca ou 418 727-4525