WWW.PROFESSIONSANTE.CA 21 NOVEMBRE 2012 LACTUALITÉ MÉDICALE 33
MEDACTUEL DPC >DIAGNOSTIC DE LA MALADIE COROANRIENNE 1RE PARTIE
La faculté
de médecine
de l’Université Laval
MedActuel DPC
VOTRE DÉVELOPPEMENT PROFESSIONNEL CONTINU VOL. 12 NO 20 21 NOVEMBRE 2012
Président du conseil
Dr François Croteau
Médecin de famille,
hôpi tal Santa-Cabrini,
Montréal;
Membre du Comité de
formation médicale
continue de Médecins
francophones du Canada;
Directeur médical du
Groupe Santé, Québec,
Rogers Média.
Dre Johanne Blais
Membre du Conseil de
FMC de la faculté de
médecine
de l’Université Laval;
Responsable du Comité
de FMC du dépt. de
médecine familiale de
l’Université Laval;
Professeur titulaire de
clinique, CHUQ, hôpital
Saint-François d’Assise.
Dr Roger Ladouceur
Responsable du Plan
d’autogestion de DPC,
Collège des médecins
du Québec;
Professeur agrégé de
clinique du dépt. de
médecine familiale
de l’Université de
Montréal;
Médecin de famille,
Hôpital de Verdun du
CSSS du Sud-Ouest-
Verdun.
Dre Francine Léger
Médecin de famille;
Professeur adjoint de
clinique au département
de médecine familiale de
l’Université de Montréal;
Service de périnatalité
du CHUM.
Dre Diane Poirier
Médecin, M.Sc.;
Chef du service des
soins intensifs au CSSS
Richelieu-Yamaska;
Professeur
d’enseignement clinique
au CHUS;
Membre du comité de
formation continue de
Médecins francophones
du Canada
Conseil de rédac tion
et vi sion scien ti fi que
Objectifs pédagogiques
Évaluer de façon appropriée un
patient présentant un tableau
possible ou probable d'angine.
Utiliser et interpréter
adéquatement les tests non
invasifs visant le diagnostic ou
l'évaluation de la gravité d'un
symptôme angineux.
Assurer la prise en charge d'un
patient avec un diagnostic de
maladie coronarienne stable.
Affiliations de l’auteur
* Le Dr Gilles Côté, en plus de
son travail clinique, est médecin
conseil pour les maladies
chroniques dans la région du
Bas-Saint-Laurent. Il est l’auteur
de plusieurs documents sur les
maladies chroniques et d’un
guide pratique de l’appareil
locomoteur dont une nouvelle
version vient de paraître.
DOSSIER CLINIQUE EXPRESS
Diagnostic de la maladie coronarienne 1re partie
Par le Dr Gilles Côté*
CAS CLINIQUE
CAS CLINIQUE (SUITE)
Mme Évelyne B., suivie depuis
plusieurs années pour hyperten-
sion, est toujours fumeuse, entre 5
à 10 cigarettes par jour. Au ques-
tionnaire, elle vous mentionne que
depuis un an, elle ressent, à la
marche, des malaises à la poitrine
en profondeur, accompagnés
dune sensation dessoufflement
lobligeant à arrêter de marcher. Le
problème est pire par temps froid
ou si elle prend sa marche immé-
diatement après un repas. Elle ne
présente pas de toux, ni dautres
symptômes pulmonaires.
Vous essayez de faire préciser à
Mme B. le caractère de sa douleur,
mais elle narrive pas à être plus
précise. Le malaise est central au
niveau du thorax, sans irradia-
tion. La douleur survient lors-
quelle marche relativement rapi-
dement ou monte des escaliers.
S’agit-il dangine?
Le diagnostic dangine est dabord
clinique. Malheureusement, chez
les femmes ainsi que chez les pa-
tients diabétiques, la symptomato-
logie est souvent atypique. Chez
Mme B., on peut fortement soup-
çonner une angine relativement ty-
pique : rétrosternale à leffort, sou-
lagée par le repos. Seul le caractère
de la douleur est difficile à préciser.
On doit de plus grader langine
selon son intensité. Chez notre pa-
tiente, on peut qualifier langine de
grade II à des limitations légères aux
activités ordinaires. Langine de
Mme B. est par ailleurs stable. Toute
modification du seuil, de lintensité,
de la durée ou de la fréquence des
symptômes doit être considérée
comme potentiellement grave : on
parle alors dangine instable.
Mme Évelyne B. présente donc
un tableau dangine assez typique,
stable, de grade II (limitation lé-
gère). On devra donc, dans un pre-
mier temps :
1. Éliminer à l’histoire, à lexamen
clinique et paraclinique les
causes dangor secondaire: ané-
mievère, hyperthyroïdie, hy-
perthermie, hypoxie, HTA non
maîtrisée, tachyarythmie, s-
nose aortique, cardiomyopa-
thie hypertrophique, médica-
tion et drogues (stimulants).
2. Bilan demblée : FSC, électro-
lytes, créatinine, glucose, bilan
lipidique, TSH, ECG de repos.
3. Au besoin : radiographie du
thorax, écho cardiaque (ATCD
IM, ondes Q, signes ou symp-
tômes de dysfonction ventricu-
laire ou valvulaire).
Si des facteurs comme lanémie,
lhyperthyroïdie ou une HTA non
maîtrisée contribuent à l’angine, ils
devraient être traités dès que pos-
sible. Des examens non invasifs vi-
sant à confirmer le diagnostic dan-
gine et établir sa gravité sont
certainement indiqués. Bien sûr, la
patiente devrait être fortement inci-
tée à arrêter de fumer. Lutilisation
de timbre nicotinique nest pas
contre-indiquée.
L’ANGINE
L’angine de poitrine est un syndrome clinique de douleur (malaise) précordiale.
GRADATION DE LANGINE CF : CLASSE FONCTIONNELLE
(Canadian Cardiovascular Society Classification System)
CF I : angor aux activités exténuantes seulement : effort épuisant rapide
ou prolongé, activité physique inhabituelle.
CF II : limitation légère aux activités ordinaires : monter plus d’un étage,
marcher rapidement, marcher en montant, monter les escaliers
rapidement (ou après les repas), à la marche au froid ou au vent,
angor après un stress émotionnel.
CF III : limitation marquée aux activités ordinaires : monter moins d’un étage
lentement, douleur en marchant un ou deux pâtés de maison à
une allure normale et sur un terrain plat.
CF IV : angor au repos ou à l’activité minime.
ISCHÉMIE SILENCIEUSE
Elle peut se présenter par
un équivalent angineux (dyspnée)
ou être complètement
asymptomatique.
Elle est plus fréquente chez
les diabétiques, les personnes
âgées, les femmes ou les
personnes avec une dysfonction
ventriculaire gauche.
1. Malaise rétrosternal caracté-
ristique en durée (3-15 min)
et en qualité
(constrictive, pesanteur);
2. Provoquée par l’exercice ou
le stress émotionnel;
3. Soulagée par le repos ou
la nitroglycérine.
> Angor typique : 3/3 critères
> Angor atypique : 2/3 critères
> Douleur non coronarienne :
1 ou 0 critère
L’INVESTIGATION DE LANGINE
INDICATION D’EXAMENS NON INVASIFS
> Établir le diagnostic si la probabilité est intermédiaire;
> Stratifier le risque si la probabilité est intermédiaire ou élevée (pronostic);
> Peuvent être considérés de routine deux ans après une angioplastie, cinq ans
après des pontages coronariens ou être utilisés seulement en cas de récidive
de symptômes;
> Peuvent être considérés pour les patients sédentaires, avec des facteurs de
risque coronarien qui désirent débuter un programme d’exercices.
L’ÉPREUVE D’EFFORT SUR TAPIS ROULANT
Elle est généralement le premier choix (examen peu dispendieux). Chez un homme
présentant une douleur thoracique suggérant un angor, il a une spécificité de 70 %
et une sensibilité de 90 %. Chez la femme, sensibilité similaire, mais spécificité
inférieure, en particulier avant 55 ans.
LE CLINICIEN DOIT CONNAÎTRE LES LIMITATIONS DE L’ECG D’EFFORT :
>Non interprétable : lorsque l’ECG au repos est anormal (Wolf-Parkinson-
White, présence d’un stimulateur cardiaque permanent, sous-décalage > 1
mm du segment ST à l’ECG de repos ou de bloc de branche gauche). Des dé-
calages du segment ST faussement positif sont fréquents sur l’ECG d’effort. Si
l’épreuve est ininterprétable, le patient doit subir une épreuve avec imagerie;
> Présence de faux positif : la spécificité de l’examen baisse en présence d’une
hypertension non maîtrisée, d’une hypertrophie ventriculaire gauche (HVG),
avec des anomalies sur l’ECG de base, s’il y a prise de lanoxin. La spécificité
est inférieure chez les femmes, en particulier avant 55 ans.
>Présence de faux négatif : bêtabloqueurs
(cesser 48 h pré-test si le but de l’examen est diagnostique).
PROBABILITÉ PRÉTEST DE MCAS
La probabilité de maladie coronarienne avant un test diagnostique dépend
de l’âge, du sexe et du type de douleur. Les tests diagnostiques augmenteront ou
diminueront cette probabilité, selon le résultat.
DOULEUR NON CORONARIENNE ANGOR TYPIQUE ANGOR
Âge (ans) Homme Femme Homme Femme Homme Femme
30-39 F F I I I I
40-49 I F I I I I
50-59 I F I I H I
0-69 I I I I H I
F : faible ( 10 %) I : intermédiaire (11-89 %) H : haute ( 90 %)
SUITE À LA PAGE 34 >
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34 LACTUALITÉ MÉDICALE 21 NOVEMBRE 2012 WWW.PROFESSIONSANTE.CA
Cinq semaines plus tard, vous
recevez les résultats dune épreuve
de tapis roulant. Le test a été clini-
quement positif à six minutes, avec
des changements électriques. Le
cardiologue a conservé votre traite-
ment. Il vous en félicite dailleurs. Il
vous demande doptimiser le traite-
ment de lhypertension et de viser
un niveau de LDL inférieur à 2
mmol/L ou une baisse de 50% avec
le traitement hypolipidémiant. Il a
par ailleurs adressé la patiente pour
une coronarographie, estimant que
sa tolérance à leffort est insuffi-
sante.
Votre patiente est tout à fait
daccord pour passer un tapis rou-
lant. Votre prise en charge la ras-
sure. Les délais pour subir une
épreuve deffort étant denviron six
semaines, il serait tout à fait adé-
quat, dici à lexamen, de prescrire
un anti-angineux (bêtabloqueur
ou bloqueur calcique) ainsi que de
l’aspirine. Lanti-angineux pourra
être cessé 48 heures avant lépreuve
deffort pour améliorer la valeur
diagnostique de lexamen. Un trai-
tement hypolipidémiant avec une
statine pourrait être débuté, quel
que soit le bilan lipidique, devant
une probabilité élevée de maladie
coronarienne. La patiente devrait
prendre de la nitro avant les efforts
ou si une douleur devait être persis-
tante. Elle devrait être avisée de
consulter à lurgence devant toute
modification du seuil, de lintensi-
té, de la durée ou de la fréquence des
symptômes.
CAS CLINIQUE (SUITE)
Vous avez donc choisi de
faire subir une épreuve d’effort à
Mme B. Un électro dans le dossier
ne montrait pas danomalie empê-
chant linterprétation de lexamen
et la patiente na pas de problèmes
au membre inférieur ou de maladie
pulmonaire qui lempêcheraient de
faire un effort. Si cela avait été le cas,
vous auriez eu le choix entre:
CAS CLINIQUE (SUITE)
MIBI-EFFORT OU ÉCHO-EFFORT
À PRIORISER SI :
> ECG de base rend le patient non admissible
pour une épreuve d’effort;
> Prise de lanoxin ou HVG avec anomalies
du segment ST;
> Revascularisation dans le passé
(angioplastie coronarienne (PTCA) ou pontages).
MIBI-DIPYRIDAMOLE (OU ADÉNOSINE)
OU ÉCHO-DOBUTAMINE SI PATIENT :
> Avec problèmes locomoteurs;
> Porteur d’un stimulateur cardiaque permanent ou
présentant un bloc de branche gauche
(artéfact septal à l’effort).
Attention, le dipyridamole peut causer
un bronchospasme.
ANGIOGRAPHIE PAR
TOMODENSITOMÉTRIE :
Il s’agit d’une coronarographie non invasive à l’aide
d’un scanner 64 barrettes synchronisé sur l’ECG. Même
si la résolution spatiale est deux fois moindre que la
coronarographie, la sensibilité et la spécificité de-
meurent entre 85 et 95 %, avec une valeur prédictive
négative de > 98 %. Cependant, seulement la moitié
des sténoses jugées significatives sont en fait asso-
ciées à de l’ischémie.
BÊTABLOQUEURS :
en plus de leurs effets anti-angineux, ils ont été démontrés comme diminuant la mortalité en post-infarctus et en présence
d’une fraction d’éjection abaissée (carvedilol, bisoprolol, métoprolol). Ils sont donc indiqués dans ces conditions même en
l’absence d’angine.
Bisoprolol (Mococor) 2,5-10 mg po die (ß 1 sélectif)
Métoprolol (Lopressor) 50-100 mg po bid ou Métoprolol SR 100 à 200 mg po die (ß 1 sélectif)
Aténolol (Ténormin) 50-100 mg po die (ß 1 sélectif)
Propanolol (Indéral) 20-160 mg po die (non sélectif)
Nadolol (Corgard) 40-240 mg po die (non sélectif)
Carvédilol (Coreg) 25-50 mg po die (ß 1, ß 2 et bloqueur alpha)
Acébutolol (Sectral) 200-300 mg po die (ASI +)
Pindolol (Visken) 5-10 mg po die (ASI ++)
> Il n’y a pas de préférence pour l’un ou l’autre, on vise une fréquence cardiaque entre 50 et 60 battements par minute.
> Choisir un ß1 sélectif en présence d’une maladie pulmonaire bronchospastique contrôlée.
> Choisir bêtabloqueurs avec ASI (activité sympathomimétique intrinsèque) qui contrebalance l’effet chronotrope (-) si le
patient présente une bradycardie de base.
> Au contraire, le nadolol (Corgard) a un effet chronotrope négatif puissant.
CONTRE-INDICATIONS ABSOLUES :
bradycardie sévère, bloc AV de haut grade, insuffisance cardiaque sévère décompensée, asthme non maîtrisé.
CONTRE-INDICATIONS RELATIVES :
asthme maîtrisé, maladie de Raynaud, dépression sévère, la maladie artérielle périphérique sévère constitue une contre-indication
relative. Chez beaucoup de patients, le bêtabloqueur n’aggravera pas la claudication.
SI CONTRE-INDICATION OU INTOLÉRANCE AUX BÊTABLOQUEURS, UTILISER BLOQUEURS CALCIQUES*
Diltiazem (Cardizem) CD 120-480 mg po die chronotrope (-)
Isopin (Verapamil) SR 120-480 mg po die chronotrope (-)
Amlodipine (Norvasc) 5-10 mg po die Ø chronotrope (-)
*Seule l’amlodipine est démontrée sécuritaire en insuffisance cardiaque.
LE TRAITEMENT ANTI-ANGINEUX
LA CORONAROGRAPHIE
CAS CLINIQUE (SUITE)
> SUITE DE LA PAGE 33
NITRO SUBLINGUALE OU
EN VAPORISATEUR :
Pour soulagement immédiat de
l’angine au besoin :
0,4 mg/dose aux 5 min x 3
au repos, assis ou couché.
La nitroglycérine peut aussi être
utilisée en prévention avant une
activité physique
(exemple : marche au froid ou
par temps venteux).
Les signes de mauvais pronostic au tapis roulant pouvant justifier
une coronarographie sont principalement :
> La précocité de l’apparition de l’ischémie (< 3 min);
> La persistance de l’ischémie en récupération (> 3 min);
> L’étendue et la profondeur des sous-décalages ST (> 3 mm);
> La faible tolérance à l’effort;
> L’apparition d’arythmies ventriculaires particulièrement
en récupération.
La mortalité chez les angineux
sans antécédents d’infarctus est
globalement de 1,4 % par
année. Cependant, le pronostic
est moins bon chez les femmes
et beaucoup moins bon en
présence d’hypertension, de
diabète ou d’anomalie à l’ECG de
repos. Le pronostic s’aggrave
avec le vieillissement,
la sévérité des lésions
anatomiques et la baisse de
la fonction ventriculaire.
La coronarographie est l’examen standard pour diagnostiquer la coronaropathie, mais n’est pas toujours nécessaire pour confir-
mer le diagnostic. Elle sert principalement à localiser et évaluer la gravité des lésions (présence de lésions pouvant nécessiter
une chirurgie).
INDICATIONS DE CORONAROGRAPHIE :
> Histoire de mort subite;
> Angor instable à haut risque ou NSTEMI objectivé;
> Angor avec signes ou symptômes d’insuffisance cardiaque;
> Patient ne peut pas subir d’examen non invasif;
> Occupation qui nécessite un diagnostic définitif;
> Poser un diagnostic définitif lorsque le patient présente des
hospitalisations récurrentes pour des douleurs thoraciques;
> Chez un jeune patient : suspicion d’anomalies coronariennes,
de Kawasaki, d’une dissection coronarienne ou de vasculopa-
thie secondaire à la radiation;
> Haute probabilité clinique de MCAS sévère;
> Examen non invasif suggérant un mauvais pronostic;
> Examen non invasif de bon pronostic, mais angor; III-IV/IV
malgré traitement médical (également acceptable avec angor
I-II/IV selon la volonté du patient).
MEDACTUEL DPC >DIAGNOSTIC DE LA MALADIE CORONARIENNE 1RE PARTIE
L’épreuve d’effort négative
indique un bon pronostic et
non toujours l’absence de MCAS.
Le diagnostic d’angine est d’abord
clinique.
Dans la prochaine édition :
Le traitement de la maladie
coronarienne
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