Algèbre engendrée par une matrice carrée
J. Parizet
Sommaire
1 Cas d’une matrice Anilpotente d’ordre p 1
1.1 Propriétés . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 2
1.2 Conséquences algébriques . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 3
2 Cas général 4
2.1 Préliminaires algébriques . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 4
2.2 Limite éventuelle de Akpour kinni......................... 5
2.3 Interprétation géométrique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 6
2.4 Diagonalisation, Jordanisation . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 6
2.4.1 Lorsque les zéros du polynôme minimal de A sont simples . . . . . . . . . 6
2.4.2 Lorsque les zéros du polynôme minimal ne sont pas tous simples . . . . . 7
3 Fonction de A à valeur dans son algèbre 8
3.1 Définition . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 8
3.2 Propriétés . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 9
4 Fonction etA 10
4.1 Propriétés de etA et système différentiel . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 10
4.2 Expression de etA dans la base (I, A, A2, . . . , Ap1)de l’algèbre . . . . . . . . . . 11
4.3 Equation différentielle linéaire à cœfficients constants avec second membre . . . . 12
4.4 Études particulières . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 13
L’étude de l’algèbre engendrée par une matice carrée, algèbre commutative de dimension finie, permet de
traiter simplement diverses questions d’algèbre, de géométrie et d’analyse, en faisant intervenir selon les cas sa
base formée de la matrice unité I et des puissances successives de la matrice ou une base définie à partir de son
polynôme minimal.
Soit A une matrice (réelle ou complexe) d’ordre n et I la matrice unité de même ordre.
Considérons d’abord un cas simple donnant l’idée de la démarche suivie en rendant naturel le
cas général.
1 Cas d’une matrice Anilpotente d’ordre p
Il s’agit d’une matrice dont le polynôme caractéristique a un seul zéro (multiple d’ordre n)
et donc de polynôme minimal M de la forme (Xλ)p.
En écrivant
A = λI + (A λI)(1)
14920 Mathieu
1
il vient en utilisant la formule du binôme et tenant compte du caractère nilpotent de AλI :
nN: An=λnI+C1
nλn1(A λI) + C2
nλn2(A λI)2+···+Cp1
nλnp+1(A λI)p1.(2)
fétant une fonction analytique au voisinage de λ, il est naturel de poser
f(A) = f(λ)I+
p1
X
j=1
f(j)(λ)
j!(AλI)j(3)
En effet :
Si f est un polynôme P de degré q, on retrouve P(A), à rapprocher de la formule de Taylor en
λpour P
P(X) = P(λ)+P0(λ)(X λ))+··· + (Pq(λ)/q!) (X λ)q
l’expression correspondante de f(A) étant tronquée si p6q.
f étant analytique : f(x) = limqSq(x)Sq(x) = Pq
k=0 f(k)(λ)(xλ)k/k!. Pour q > p 1
les Sq(A)restent égaux à Sp1(A)qui est donc la limite f(A) pour q infini.
Convenons de prendre la relation (3) pour définir, fétant une fonction numérique de classe
Cp1en λ, la matrice f(A) élément de l’algèbre Alg(A) engendrée par A.
1.1 Propriétés
f, g étant analytiques en λet h en f(λ):
(f+g)(A) = f(A) + g(A),(f.g)(A) = f(A).g(A),(hf)(A) = h(f(A)) (4)
Les deux premières sont évidentes. Quant à la troisième, posons B=f(A) : Bf(λ)I est nilpotente
d’ordre au plus p et
h(B) = h(f(λ)) I+
p1
X
j=1
h(j)(f(λ))
j!((Bh(f(λ)I)j
et en remplaçant Bf(λ)I (et ses puissances) par Pp1
j=1
f(j)(λ)
j!(AλI)jélevé aux puissances
qui interviennent, on s’aperçoit que (hf)(A)s’obtient à partir du polynôme de degré p-1
au plus défini comme partie principale du développement limité d’ordre (p-1) provenant de la
composition des développements limités d’ordre (p1) de f et h aux voisinages respectifs de λ
et f(λ).
Exemples
1. Avec la fonction exponentielle xf(x) = etx :
etA =eI+te(AλI) + t2
2e(AλI)2+··· +tp1
(p1)!e(AλI)p1
A partir de A(AλI)k= (AλI)k+1) +λ(AλI)kon vérifie
d
dt(etA) = AetA
Remarquons qu’en écrivant etA =etλI et(AtλI)on obtient le produit de etλI =eIpar la série
de Neumann tronquée de AλI.
2. Supposons λ6= 0 et pour simplifier λ > 0: on obtient avec la fonction logarithme la matrice
Log(A)car vérifiant eLog(A)=Apuisque exp ln=id. Explicitons pour p=3 :
Log(A) = ln λI +1
λ(AλI)1
λ2(AλI)2
2
et vérifions en considérant, B étant cette dernière
(Bln λI)2= 0 eB=eln λhI+ (Bln λI)+(Bln λI)2/2i
soit
eB=λhI+1
λ(AλI)1
λ2(AλI)2+1
λ2(AλI)2i=A
3. Supposons λstrictement positif et encore p=3. On peut poser avec xx
A=λI +1
2λ(AλI)1
4λ3(AλI)2
et on vérifie : (A)2=A.
1.2 Conséquences algébriques
Bases de l’algèbre engendrée par A
Le polynôme minimal de A étant de degré p, l’algèbre Alg(A) est de dimension p, car si P
est le polynôme correspondant à un élément de cette algèbre, R étant le reste dans la division
euclidienne de P par le polynôme minimal M de A, alors P(A)=R(A).
Ainsi B= (I, A, A2,···, Ap1)est base de l’algèbre.
Et B0= (I, A λI, (AλI)2,···,(AλI)p1)en est une autre.
Base de Jordan de l’endomorphisme dont A la matrice
La matrice A est celle d’un endomorphisme ϕde Rn.étant l’identité sur Rn: (ϕ)p= 0,
et la matrice (AλI)kpour k Nest celle de (ϕ)k.
Notons ck
rle vecteur de Rndont les composantes sont les cœfficients de la r-ième colonne de
(AλI)k; ainsi ck
r= (ϕ)ck1
r. Notons aussi Vkle sous-espace engendré par les (ck
1,···, ck
n)
correspondant aux colonnes de (AλI)k:Vk= Im(ϕ)k. Puisque Vp={~
0}, les vecteurs non
nuls de Vp1sont des vecteurs propres pour la valeur propre λ. Remarquons aussi que Vk+1 Vk.
On recherche une base de Rnϕs’exprime matriciellement de manière la plus simple.
1. Supposons A nilpotente d’ordre maximum n. (AλI)n1n’étant pas nulle, soit cn
r0corres-
pondant à l’une de ses colonnes non nulle et (cn
r0, cn1
r0,···, c0
r0)la chaîne d’origine cn
r0formée
des vecteurs correspondant aux colonnes de même rang des matrices (AλI)k. On vérifie qu’ils
forment un système libre, donc une base de l’espace et que ϕs’y exprime par la matrice où les
termes diagonaux sont λ, ceux du dessus des 1 et les autres nuls (matrice de Jordan).
Exemple 1
A=
9332
13 454
6 2 11
6324
,det(Aλ) = (λ2)4
A2I=
73 3 2
13 6 5 4
6 2 31
63 2 2
,(A2I)2=
43 1 3
75 2 5
4 3 13
32 1 2
,(A2I)3=
11 0 1
22 0 2
1 1 0 1
11 0 1
Avec c4
1=
1
2
1
1
:S=
1 4 7 1
2 7 13 0
146 0
1 3 6 0
et S1A S =
2 1 0 0
0 2 1 0
0 0 2 1
0 0 0 2
2. A étant nilpotente d’ordre p<n, on part d’une base de Vp1extraite du système des (cp1
r),
chaque vecteur (qui est vecteur propre) étant l’origine d’une chaîne (à p éléments), et l’ensemble
3
de ces chaînes forme un système libre S1. Puis on considère dans Vp2des vecteurs propres (cp2
r)
qui forment avec des vecteurs de S1une base de Vp1; pour chacun des cp2
r, soit cp2
r0, on peut
écrire dans Vp1
cp1
r0=X
i
αicp1
i,avec cp1
i∈ S1et on pose : cp2
r0=cp2
r0X
i
αicp2
i
Par construction (ϕ)(cp2
r0) = 0 : c’est un vecteur propre, et chacun des cp2
rest à l’origine
d’une chaîne. Ces chaînes jointes à S1donnent un nouveau système libre. Si besoin est, on poursuit
en considérant une base analogue de Vp3en complétant les vecteurs du dernier système qui s’y
trouvent par des vecteurs propres obtenus comme dans le cas précédent . . .
Exemple 2
A=
c1
1c1
2c1
3c1
4
73 3 2
13 6 5 4
7 3 32
63 2 2
,det (AλI) = λ4, A2=
c2
1c2
2c2
3c2
4
1 0 1 0
2 0 2 0
1 0 1 0
1 0 1 0
et A3= 0
Partons de c2
3et de la chaîne (c2
3, c1
3, c0
3)qui avec c0
1forme un système libre. Or c1
1= (ϕ)(c0
1)
s’écrit
c1
1= 4c2
3+c1
3: on remplace c0
1par c0
1=c0
14c1
3c0
3, dont l’image par ϕest nulle, pour
terminer la base cherchée et on vérifie
S=c2
3c1
3c0
3c0
1=
1 3 0 11
2 5 0 20
13 1 11
1 2 0 8
, S1A S =
0 1 0 0
0 0 1 0
0 0 0 0
0 0 0 0
2 Cas général
Soit maintenant Aune matrice d’ordre n réelle (ou complexe). Selon le théorème de Cayley-
Hamilton, elle annule son polynôme caractétistique, qui est multiple de son polynôme minimal
M, avec les mêmes zéros. Supposons ce dernier de la forme :
M=Y
i
(Xλi)pi,16i6r(5)
avec Pipi=p6n, p degré de M.
Pour étudier l’algèbre engendrée par A, partons de la décomposition de la fraction rationnelle
1/M:
1
M=X
i
Pi
(Xλi)pi(6)
Piest un polynôme de degré au plus pi1.
2.1 Préliminaires algébriques
Notons Qile quotient de Mpar (Xλi)pi,qila fonction inverse de Qi:qi(x)=1/Qi(x),
πλile produit PiQiet νλile produit (Xλi)πλi.
On sait que Pipeut s’exprimer à l’aide de qiselon
Pi=qi(λi) + q0
i(λi)(Xλi) + ··· +q(pi1)
i(λi)
(pi1)! (Xλi)(pi1)
4
car la fonction rationnelle
1
M(x)Pi
(xλi)pi=1
(xλi)piqi(x)Pi(x)
a une limite lorsque xλi, donc 1/M Pi/(Xλi)pin’a pas λipour pôle.
Iétant la matrice unité d’ordre n, puisque 1 = Piπλi:
I=X
i
πλi(A)(7)
On en déduit :
A=X
i
πλi(A)[λiI+ (AλiI)] soit X
i
[λiπλi(A) + νλi(A)] (8)
Métant le polynôme minimal de A, on vérifie les relations (la première en multipliant les
deux membres de (7) par πλj(A)et les autres en tenant compte du polynôme minimal) :
π2
λj(A) = πλj(A)
pour λi6=λj:πλi(A)πλj(A) = 0, νλi(A)νλj(A) = 0 (9)
On en déduit
pour knaturel : νk
λi(A) = (Aλi)kπλi(A)pour k < pi, nulle pour pi6k.
Bases de Alg(A)
Le polynôme minimal étant de degré p
B= (I, A, A2, . . . , Ap)est une base de Al(A)
Or, selon (8) et (9) et la formule du binôme
kN:Ak=X
i
πλi(A)hλk
iI+
pi1
X
j=1
Cj
nλkj
i(Aλi)ji(10)
Ainsi les éléments de Bs’expriment à l’aide des matrices
(πλi(A), νλhi(A)|16i6r, 0< hi6pi
éléments de Alg(A) en nombre p, qui forment donc une base B0de l’algèbre. Cette base est très
utile, comme l’on voit pour commencer dans le cas suivant.
2.2 Limite éventuelle de Akpour kinfini
Soit Aune matrice carrée dont un est zéro simple du polynôme minimal, les autres zéros
étant de module (ou valeur absolue) strictement inférieurs à un.
lorsque k→ ∞ :AkQ(A)
Q(1)
Qest le quotient du polynôme minimal de Apar X1.
(C’est par exemple le cas des matrices stochastiques à cœfficients positifs).
Car avec les notations précédentes, λ1= 1, p1= 1 et puisque pour i= 2, . . . , pr:|λi|<1,
donc λk
i0lorsque k→ ∞ et
Akπλ1(A)
Mais M= (X1)Q1et P1=Q1
Q1(1) d’où π1(A) = Q1(A)
Q1(1) et on conclut pour limkAk.
5
1 / 15 100%
La catégorie de ce document est-elle correcte?
Merci pour votre participation!

Faire une suggestion

Avez-vous trouvé des erreurs dans linterface ou les textes ? Ou savez-vous comment améliorer linterface utilisateur de StudyLib ? Nhésitez pas à envoyer vos suggestions. Cest très important pour nous !