Lycée Louis-Le-Grand, Paris Pour le 02/03/2015 MPSI 4 – Mathématiques A. Troesch DM no 13 : Polynômes Problème 1 – Soit λ ∈ R. On étudie les polynômes P (X) à coefficients réels tels que : (X 2 − 1)P ′′ (X) + 4XP ′ (X) = λP (X). (1) Partie I – Propriétés des solutions de (1) Soit P (X) une solution non nulle de (1), de degré noté n. 1. Montrer que λ = n(n + 3). 2. Soit Q(X) = (−1)n P (−X). Montrer que Q(X) est solution de (1). 3. En étudiant le degré du polynôme P (X) − Q(X), prouver que P (X) = Q(X). En déduire la parité de P (X) en fonction de n. Inversement, on se propose de prouver qu’étant donné un entier n > 0, il existe un polynôme Pn (X) et un seul dont le terme de plus haut degré est X n et tel que Pn (X) soit solution de l’équation (1), avec le choix de λ = n(n + 3). 4. Déterminer P0 (X), P1 (X), P2 (X). n ⌊X 2⌋ a2k X n−2k , avec a0 = 1. k=0 jnk ]]. Expliciter un système linéaire satisfait par les nombres a2k , k ∈ [[0, 2 Montrer que ce système admet une unique solution (que l’on ne demande pas d’expliciter) 5. Dans le cas général, on pose : Pn (X) = 6. Donner à l’aide des polynômes Pn , n ∈ N, et selon les valeurs de λ, l’ensemble Eλ des solutions polynomiales de l’équation (1). Partie II – Une relation de récurrence pour le calcul de Pn On se propose d’établir que pour tout n > 2 : Pn (X) − XPn−1 (X) + n2 − 1 Pn−2 (X) = 0. 4n2 − 1 (2) 1. On considère, pour tout n > 2, Rn (X) = (X 2 − 1)Pn′ (X) − nXPn (X). (a) Calculer Rn′ (X) en fonction de Pn′ (X) et de Pn (X). (b) Déterminer (X 2 − 1)Rn′′ (X) + 4XRn′ (X) en fonction du polynôme Rn (X) seulement. n(n + 2) (c) Montrer que (X 2 − 1)Pn′ (X) − nXPn (X) + Pn−1 (X) = 0 2n + 1 ′ 2. Donner une relation entre Pn′ (X), Pn−1 (X) et Pn (X), et montrer finalement la relation (2). 3. Écrire une fonction Python prenant n en paramètre et retournant Pn (sous forme de liste des coefficients) Problème 2 – Théorème de d’Alembert-Gauss Nous donnons dans ce problème deux preuves du théorème de d’Alembert-Gauss, l’une essentiellement analytique, l’autre essentiellement algébrique (mais reposant sur une propriété analytique simple : l’analyse semble incontournable dans ce théorème). Partie I – Démonstration analytique n X Soit P = ak X k un polynôme de C[X], qu’on suppose unitaire (sans perte de généralité). Montrer le théorème de k=0 d’Alembert Gauss revient à montrer l’existence d’une racine de P . 1 1. Montrer que |P (z)| → +∞ lorsque |z| → +∞ (z ∈ C). On peut donc considérer M tel que pour tout z ∈ C, |z| > M =⇒ |P (z)| > |P (0)|. 2. Justifier que le sous-ensemble B(0, M ) de C est compact (c’est-à-dire qu’il vérifie la propriété de BolzanoWeierstrass). 3. Justifier que |P | admet un minimum sur B(0, M ). Notre but est de montrer que P (z0 ) = 0. Pour cela, on raisonne par l’absurde en supposant que ce n’est pas le cas. On note z0 ∈ B(0, M ) un point en lequel |P | atteint son minimum sur cet ensemble. et on fait un changement de variable permettant de centrer le minimum : on considère Q le polynôme Q(X) = P (z0 + X), et on pose (bk ) ses coefficients : Q(X) = n X bk X k . k=0 ∗ On note ℓ = inf{k ∈ N | bk 6= 0}. Ainsi, Q(X) = b0 + n X bk X k . k=ℓ b0 Enfin, on pose c une racine ℓ-ième de − . bℓ 4. Justifier que b0 6= 0 Q(tc) . Montrer qu’il existe η > 0 tel que pour tout t ∈]0, η[, 5. On pose f la fonction définie sur R par f (t) = b0 |f (t)| < 1. 6. En déduire une contradiction et conclure. Partie II – Corps de décomposition d’un polynôme Soit K un corps, et P un polynôme de K[X]. On veut montrer l’existence d’un corps K′ contenant K tel que P soit scindé dans K′ [X]. Si K′ est minimal pour cette propriété, on dit que K′ est un corps de décomposition de K. Soit Q un facteur irréductible (dans K[X]) de P . On note (Q) l’idéal principal de K[X] engendré par Q, et on note K1 = K[X]/(Q) le quotient de K[X] par l’idéal (Q) (cela se comprend au sens d’un quotient de groupe). 1. Justifier que les lois + et × de K[X] passent au quotient et que les lois quotients définissent sur K1 une structure de corps. 2. Soit ϕ : K[X] −→ K1 la projection canonique. Montrer que ϕ est un morphisme d’anneau, et que sa restriction à K est injective. Ainsi, on peut identifier K à son image Φ(K) ⊂ K1 . Via cette identification, on peut considérer que K ⊂ K1 . 3. En considérant θ = ϕ(X), montrer que P , vu comme polynôme de K1 [X], admet une racine dans K1 . 4. En raisonnant par récurrence, montrer l’existence d’un corps K2 contenant K dans lequel P est scindé. 5. Montrer l’existence d’un sous-corps minimal de K2 contenant K, dans lequel P est scindé. Partie III – Polynômes symétriques Soit K[X1 , . . . , Xn ] l’anneau des polynômes à n indéterminées à coefficients dans K, qui peut se définir récursivement par K[X1 , . . . , Xn ] = K[X1 , . . . , Xn−1 ][Xn ]. Les éléments de K[X1 , . . . , Xn ] s’écrivent de façon unique comme combinaison linéaire de monômes X1α1 . . . Xnαn . Soit P ∈ K[X1 , . . . , Xn ]. On dit que P est symétrique si pour tout σ ∈ Sn , on a : P (X1 , . . . , Xn ) = P (Xσ(1) , . . . , Xσ(n) ). 2 On définit les polynômes symétriques élémentaires : X Σk = Xi1 Xi2 · · · Xik . 16i1 <i2 <···<ik 6n Le but de cette partie est de montrer que l’ensemble S des polynômes symétriques de K[X1 , . . . , Xn ] est le sous-anneau de K[X1 , . . . , Xn ] engendré par les polynômes symétriques élémentaires. 1. Montrer que S est un sous-anneau de K[X1 , . . . , Xn ]. 2. Pour P ∈ K[X1 , . . . , Xn ], on note MD(P ) le monôme directeur de P , égal au monôme aX1α1 . . . Xnαn de la décomposition de P pour lequel (α1 , . . . , αn ) est maximal pour l’ordre lexicographique. Montrer que si P est un polynôme symétrique, alors MD(P ) = aX1α1 . . . , Xnαn =⇒ α1 > · · · > αn . 3. Montrer que pour tout P, Q ∈ K[X1 , . . . , Xn ], MD(P Q) = MD(P )MD(Q). 4. Soit α1 > · · · > αn des entiers naturels. Montrer que α n−1 1 −α2 MD(Σα · · · Σn−1 1 −αn α1 αn n Σα n ) = X1 · · · Xn . 5. En raisonnant par récurrence sur (α1 , . . . , αn ) le n-uplet des exposants du monôme directeur de P , montrer que tout polynôme symétrique s’ecrit comme combinaison linéaire de produits de polynômes symétriques élémentaires, et conclure. On pourra considérer l’ordre lexicographique sur les n-uplets (α1 , . . . , αn ), et on justifiera la validité de la « récurrence » ainsi faite sur l’ordre lexicographique. Partie IV – Les polynômes de degré impair > 1 ne sont pas irréductibles dans C[X] On montre dans cette partie qu’un polynôme de degré impair strictement supérieur à 1 n’est pas irréductible. On rappelle que pour tout corps K, l’anneau K[X] est principal, et on admettra que cela implique que K[X] est factoriel, donc que tout polynôme de K[X] se décompose de façon unique (à inversibles près, et à l’ordre près des facteurs) comme produit de polynômes irréductibles. 1. Soit P ∈ R[X] de degré impair. Montrer que P admet une racine réelle. On considère P ∈ C[X] de degré impair n = 2p + 1. n n X X k Si P = ak X , on note P = ak X k . k=0 k=0 On suppose que P est unitaire et irréductible, et on pose Q = P P . 2. Justifier que P 6∈ R[X] et Q ∈ R[X]. 3. Montrer que Q est irréductible dans R[X] Soit K un corps de décomposition de Q sur C, et α1 , . . . , α2n les racines de Q (non nécessairement distinctes) dans K. On définit le polynôme R par : R= Y (X − (αi + αj )). 16i<j6n 4. En remarquant que les coefficients de R sont symétriques en les αi , montrer que R ∈ R[X]. 5. Montrer que R admet une racine r dans R. On définit : r et S=Q X+ 2 r T = Q −X + . 2 Montrer que S = T . En déduire l’existence de U ∈ R[X] tel que S(X) = U (X 2 ) 6. En déduire l’existence d’une racine α de P et conclure. 3 Partie V – Preuve algébrique du théorème de d’Alembert-Gauss 1. Soit P un polynôme de C[X], et α1 , . . . , αn ses racines (non nécessairement distinctes) dans un corps de décomposition K de P . On considère comme ci-dessus R= Y (X − (αi + αj )). 16i<j6n Justifier que R ∈ C[X], et qu’il existe un polynôme irréductible Q divisant R et dont la valuation 2-adique du degré est strictement inférieure à la valuation 2-adique de degré de P . 2. Montrer le théorème de d’Alembert-Gauss par récurrence sur la valuation 2-adique du degré de P , en adaptant la preuve de la partie IV. 4