Atteintes mitochondriales au cours des thérapies antirétrovirales

Atteintes mitochondriales au cours des thérapies antirétrovirales
Revue critique
de l'actualité scientifique internationale
sur le VIH
et les virus des hépatites
n°107 - avril 03
VIH - MITOCHONDRIE
Atteintes mitochondriales au cours des
thérapies antirétrovirales
Bernard Fromenty
Inserm U481, faculté de médecine Bichat, (Paris)
Mitochondrial
damage
associated
with long-
term
antiretroviral
treatment :
associated
alteration or
causal
disorder ?
Vittecoq D.,
Jardel C.,
Barthélémy C.,
Escaut L.,
Cheminot N.,
Chapin S.,
Sternberg D.,
Maisonobe T.,
Lombès A.
Journal of
AIDS, 2002,
31, 299-308
Une étude récente apporte des informations importantes quant
à la nature des anomalies mitochondriales qui peuvent être
induites par les traitements antirétroviraux. Et propose des
pistes physiopathologiques intéressantes, comme un effet
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Atteintes mitochondriales au cours des thérapies antirétrovirales
inhibiteur possible de ces traitements sur la biogenèse
mitochondriale.
Très efficaces pour réduire la morbidité et la mortalité chez
les patients infectés par le VIH, les médicaments
antirétroviraux peuvent cependant entraîner divers effets
secondaires, parfois sévères et mortels. Certains de ces effets
indésirables, apparaissant avec les inhibiteurs nucléosidiques
de la transcriptase inverse (INTI), sont liés à un
dysfonctionnement des mitochondries : acidoses lactiques,
myopathies, insuffisances hépatiques (liées à une stéatose
microvésiculaire) et neuropathies périphériques1.
Pour d'autres effets indésirables, tels que les lipodystrophies,
les mécanismes semblent complexes. Plusieurs facteurs
pourraient être impliqués tels que les inhibiteurs de protéase
(IP), les INTI, l'infection par le VIH et les cytokines, ainsi
que des facteurs génétiques, métaboliques et nutritionnels2. Il
peut exister des anomalies mitochondriales dans le tissu
adipeux des patients lipodystrophiques, mais il n'est pas
certain que ces anomalies soient seules en cause dans la
survenue des lipodystrophies3.
Les travaux de Vittecoq et coll. ont eu pour but principal de
caractériser les anomalies mitochondriales chez des patients
présentant au moins deux effets secondaires sévères liés à un
traitement antirétroviral d'une durée minimale de cinq ans.
Cette caractérisation est importante pour mieux comprendre
la physiopathologie des effets secondaires liés aux
traitements.
Les investigations ont été principalement réalisées sur des
biopsies musculaires, mais des mesures ont été également
faites sur les cellules sanguines et sur quelques biopsies
hépatiques. Une histologie musculaire et des mesures de
l'activité (ou de la quantité) de certains constituants de la
chaîne respiratoire, ou du cycle de Krebs, ont été effectuées
chez tous les patients. La mesure de l'activité de ces
constituants mitochondriaux a été faite aussi sur les biopsies
hépatiques et les cellules sanguines. Les quantités d'ADN
mitochondrial (ADNmt) ont été déterminées soit par Southern
Blot, soit par PCR quantitative en temps réel. Une recherche
de délétion de l'ADNmt a été réalisée par PCR longue.
Les principaux résultats de cette étude peuvent être résumés
de la façon suivante :
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Atteintes mitochondriales au cours des thérapies antirétrovirales
- la diminution de l'activité de certains complexes de la chaîne
respiratoire n'est pas nécessairement accompagnée d'une
déplétion de l'ADNmt ;
- lorsque cette déplétion est présente, elle n'est jamais aussi
prononcée que celle observée chez des patients présentant des
déplétions de l'ADNmt d'origine génétique ;
- contrairement à ces derniers patients, il n'existe pas de
signes de prolifération mitochondriale dans les muscles des
patients présentant des effets secondaires aux antirétroviraux ;
- des délétions de l'ADNmt peuvent être retrouvées dans les
muscles des patients traités ;
- les anomalies de la chaîne respiratoire mitochondriale sont
principalement observées dans les muscles et le foie, mais
sont absentes dans les cellules sanguines.
Ces résultats sont importants et nécessitent des commentaires.
Il est actuellement admis que la toxicité mitochondriale des
INTI est la conséquence d'une déplétion de l'ADNmt, due à
l'inhibition de la réplication de l'ADNmt1. En effet, les INTI
sont des dérivés ne possédant pas de fonction hydroxyle (-
OH) en 3', et de ce fait, après leur incorporation par l'ADN
polymérase gamma mitochondriale dans la chaîne d'ADNmt
en cours de synthèse, les nucléotides naturels ne peuvent pas
être ajoutés en 3'. Il en résulte un arrêt de la réplication du
génome mitochondrial. Il est important de souligner que les
mitochondries sont soumises à une constante dégradation
(probablement pour éliminer les mitochondries
endommagées), et il faut donc que les cellules, même
quiescentes, régénèrent les organites dégradés. Ce
renouvellement se fait très probablement par fission des
mitochondries, un processus qui nécessite la synthèse de
nouveaux composants mitochondriaux, y compris l'ADNmt.
Ainsi, en bloquant la réplication de l'ADNmt, les INTI
peuvent progressivement diminuer les stocks d'ADNmt dans
certains tissus (les stocks sont plus ou moins abondants en
fonction des tissus, et la répercussion de la diminution des
stocks sera ainsi différente selon les territoires). Puisque le
génome mitochondrial code pour 13 protéines essentielles au
processus de phosphorylation oxydative (qui permet de
générer la majeure partie de l'ATP cellulaire), la déplétion de
l'ADNmt va aboutir à plus ou moins long terme (plusieurs
semaines ou plusieurs mois) à un dysfonctionnement
mitochondrial et cellulaire.
Cependant, il existe des données expérimentales qui
suggèrent que les INTI présentent des effets mitochondriaux
et/ou métaboliques qui sont indépendants de la déplétion de
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l'ADNmt4,5. La multiplicité des effets des analogues sur les
fonctions mitochondriales semble être également présente
chez l'homme, comme l'indiquent, dans l'étude de Vittecoq et
coll., des dysfonctionnements mitochondriaux chez certains
patients en l'absence de déplétion concomitante de l'ADNmt.
Lorsque les mitochondries sont déficientes, des mécanismes
d'adaptation peuvent se mettre en place, comme c'est le cas
dans certaines maladies mitochondriales d'origine génétique.
Cette adaptation peut se faire notamment par une
augmentation du nombre des mitochondries (prolifération
mitochondriale), ce qui permet d'augmenter les capacités
métaboliques au niveau cellulaire malgré la présence de
mitochondries déficientes. Dans les déficits mitochondriaux
liés à des altérations qualitatives (mutations) ou quantitatives
(déplétions) du génome mitochondrial, cette prolifération
mitochondriale peut se détecter, par exemple, par
l'augmentation de l'expression de certaines enzymes
mitochondriales codées par le génome nucléaire (succinate
déshydrogénase [SDH] ; sous-unité 4 de la cytochrome c
oxydase [COX4]). Une observation importante du travail de
Vittecoq et coll. est que cette prolifération mitochondriale
semble absente chez les sujets traités par les antirétroviraux et
présentant un déficit mitochondrial. Ceci suggère que ces
traitements sont susceptibles d'altérer la réponse adaptatrice
permettant de compenser les anomalies mitochondriales.
Il est à noter que, dans l'étude de Vittecoq et coll., la plupart
des patients étaient traités par des INTI en association avec
des IP et/ou des inhibiteurs non nucléosidiques de la
transcriptase inverse (INNTI). Il est donc impossible de
savoir quelle classe médicamenteuse était responsable de cet
effet négatif sur l'adaptation mitochondriale. D'autres études,
en particulier expérimentales, seront nécessaires à l'avenir
pour éclaircir ce point fondamental, puisque des effets
délétères sur les phénomènes adaptatifs pourraient accélérer
la survenue des effets indésirables et/ou les rendre plus
sévères.
Une autre observation intéressante est la présence de
délétions multiples de l'ADNmt dans les muscles de certains
patients. Ces délétions sont en fait le reflet de la présence de
nombreuses autres altérations oxydatives, non seulement de
l'ADNmt, mais également d'autres constituants
mitochondriaux tels que des protéines (protéines fer-soufre de
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la chaîne respiratoire) et des lipides (cardiolipine, un
phospholipide de la membrane interne jouant un rôle
important dans la phosphorylation oxydative).
Plusieurs travaux ont montré que les INTI pouvaient entraîner
des altérations oxydatives de l'ADNmt1,4, dont certaines
pourraient favoriser l'apparition de délétions de l'ADNmt.
Cependant, les délétions multiples de l'ADNmt peuvent aussi
apparaître chez l'homme au cours du vieillissement normal,
dans les muscles, et certains autres tissus. Ainsi, on ne peut
exclure une origine plurifactorielle des délétions de l'ADNmt
chez les patients présentant des effets secondaires aux
antirétroviraux.
Une dernière observation importante de l'étude est le fait que
les anomalies mitochondriales (dysfonctionnement de la
chaîne respiratoire, déplétion de l'ADNmt) peuvent être
détectées dans les muscles et le foie, mais pas dans les
cellules sanguines. Ces derniers temps, de nombreux efforts
ont été faits par des groupes de recherche (et même par des
start-up) pour rechercher (et développer) des moyens simples
de détecter les anomalies mitochondriales chez les patients
traités - notamment la quantification de l'ADNmt des cellules
sanguines, qui a été proposée comme étant une méthode
prometteuse. En effet, une déplétion de l'ADNmt des cellules
sanguines a pu être détectée chez des patients traités,
présentant ou non des effets secondaires liés à des anomalies
mitochondriales.
L'étude de Vittecoq et coll. montre en fait clairement qu'il est
vain d'utiliser uniquement les cellules sanguines pour
rechercher des anomalies mitochondriales chez les patients
traités. Ces données ne sont cependant pas surprenantes pour
les personnes travaillant dans le domaine de la "médecine"
mitochondriale. En effet, il n'est pas rare, dans les maladies
mitochondriales ayant pour origine des altérations de
l'ADNmt, de ne pas retrouver ces altérations dans les cellules
sanguines (cellules qui se renouvellent rapidement), tandis
qu'elles peuvent être détectées aisément dans les tissus post-
mitotiques (tissus dont les cellules se divisent peu pou pas)
tels que les muscles, le cerveau ou le foie.
Les travaux de Vittecoq et coll. apportent des informations
importantes quant à la nature des anomalies mitochondriales
qui peuvent être induites par les traitements antirétroviraux.
De plus, ils donnent des pistes physiopathologiques
intéressantes, comme un effet inhibiteur possible de ces
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