33 Cardio
&Sport
• n°12
cas clinique
33
> Histoire clinique
L’examen clinique cardiovasculaire
est normal. L’échographie cardiaque
de la patiente est normale, ainsi que
son bilan respiratoire. L’épreuve d’ef-
fort (EE) réalisée par son cardiologue
(tapis roulant) a été très largement
sous-maximale (2epalier de Bruce),
mais avec une fréquence cardiaque
(FC) atteignant 90 % de la FMT.
Devant cette intolérance à l’effort
majeure, la patiente est adressée pour
une EE avec mesure des échanges
gazeux. Nous décidons de réaliser
une épreuve d’effort sur vélo avec un
protocole très progressif (5 W/min) et
avec mesure des échanges gazeux et
du débit cardiaque par impédance-
métrie.
Ses capacités d’effort sont effective-
ment très diminuées, puisque la PMT
sur bicyclette est de 50 W et son pic
de VO2mesuré à 14 ml/min/kg repré-
sentent respectivement 44 et 43 % des
valeurs maximales théoriques. La rai-
son de l’arrêt de l’effort est une dys-
pnée très importante, ainsi qu’une
fatigabilité des cuisses. La FC en fin
d’effort est à 140/min (80 % de la
FMT). Il n’y a pas de facteur limitant
ventilatoire. Le débit cardiaque est
élevé au repos et pour chaque niveau
d’exercice (Fig. 1). En outre, il existe
une hyperlactatémie (Fig. 2), puisque la
lactatémie maximale est de 6 mmol.l-1
en fin d’effort (pour un VO2max à
650 ml/min). Une atteinte musculaire
(cytopathie mitochondriale) associée
est fortement suspectée et confirmée
par la biopsie musculaire et l’analyse
génétique.
>Commentaire
La neuropathie optique familiale
de Leber est associée à une muta-
tion de l’ADN mitochondrial (plus
de 30 mutations décrites), codant
pour le complexe I de la chaîne respi-
ratoire. Elle atteint préférentiellement
les garçons et est caractérisée par une
atrophie optique bilatérale respon-
sable d’une perte de la vision centrale.
Même si l’atteinte est généralement
localisée au système oculaire, elle peut
s’associer, dans de rares cas, à d’autres
maladies mitochondriales et être alors
responsable d’une atteinte musculaire
périphérique. Des atteintes myocar-
diques sont décrites et cette maladie
se complique volontiers de troubles
du rythme.
Les cytopathies mitochondriales sont
secondaires à des mutations codant
pour les protéines de la chaîne respi-
ratoire, altérant les phosphorylations
oxydatives et limitant l’utilisation de
l’oxygène et la fourniture d’énergie au
niveau cellulaire. Elles regroupent dif-
férentes atteintes d’organes. Nous
nous focaliserons sur les atteintes
musculaires périphériques, mais la
symptomatologie est beaucoup plus
large que neuromusculaire, puisque
le fonctionnement de beaucoup d’or-
ganes dépend de l’intégrité des mito-
chondries.
L’intolérance à l’exercice est un symp-
tôme majeur, parfois le seul, des
cytopathies mitochondriales (1). Les
patients se plaignent donc souvent
d’une dyspnée d’effort et d’une tachy-
cardie. Ces symptômes traduisent
l’augmentation des débits ventilatoire
et cardiaque, en réponse à la mau-
vaise utilisation périphérique de
l’oxygène.
Les cas rapportés dans la littérature
sont nombreux, mais correspondent
aux patients les plus sévères. Toute-
fois, des atteintes mineures, difficile-
ment détectables par une évaluation
standard, existent. Ainsi, dans une
population de patients atteints de
cytopathie mitochondriale avérée, le
spectre de capacité d’exercice est
large, avec des pics de VO2pouvant
aller de 6 à 47 ml/min/kg (2-4).
Pour que l’exploration de ces patients
soit optimale, il faut que l’incrémen-
Une intolérance majeure
à l’exercice
Mme D.O., âgée de 36 ans, consulte pour une dyspnée d’effort majeure allant crescendo
depuis quelques années. Elle est atteinte d’une maladie de Leber (neuropathie optique)...
Dr Stéphane Doutreleau (Service de Physiologie et d’Explorations Fonctionnelles, CHU,
Strasbourg)
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