Espaces fibrés vectoriels et invariance homotopique

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319
9.8. Invariance homotopique
9.8
Invariance homotopique
[sec:pullback-fibre-homotopie]
☞ 416 Définition. Une application continue π : E → B est un Rk -fibré vectoriel
localement trivial, si pour tout x ∈ B, π −1 (x) (la fibre au dessus de x) est
un R-espace vectoriel et s’il existe des ouverts Ui (i ∈ I) recouvrant B, et des
homéomorphismes ψi : π −1 (Ui ) → Ui × Rk , tels que :
• le diagramme :
ψi
π −1 (Ui )
π
�
� Ui × R k
p1
B
�
soit commutatif (pour tout i),
• pour tout i et chaque x ∈ Ui , p2 ◦ ψi : π −1 (x) → Rk est un isomorphisme
R-linéaire.
L’expression « fibré vectoriel » signifiera désormais fibré vectoriel localement trivial, chaque fibre étant un R-espace vectoriel de dimension finie.
Les Ui de la définition ci-dessus sont appelés des « ouverts trivialisants ». Un
fibré π : E → B est dit « trivial » si B lui-même est un ouvert trivialisant.
L’homéomorphisme ψi : π −1 (Ui ) → Ui × Rk est appelé une « trivialisation » du
fibré π au dessus de Ui .
On utilisera d’autres fibrés (non vectoriels). La définition est essentiellement la
même, sauf que Rk est remplacé par une paire topologique (F, F � ) (F � est parfois
vide), et évidemment on ne demande plus que les ϕi soient linéaires sur chaque
fibre.
Soit f : B → B � une application continue. Soit π � : E � → B � un fibré. Le pullback
de π � le long de f est π : E → B, où :
E = {(x, y) ∈ B × E � | f (x) = π � (y)},
et où π(x, y) = x. La topologie de E est celle induite par la topologie produit
sur B × E � . Le couple (f, f˜), où f˜ : E → E � est défini par f˜(x, y) = y, est un
morphisme de fibrés, qui est un isomorphisme sur chaque fibre.
E
f˜
� E�
π�
π
�
�
B
f
� B�
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[lem:fibre-pullback-iso-fibre]
9. Espaces fibrés
☞ 417 Lemme. Si un morphisme de fibrés vectoriels :
f
E
� E�
π�
π
�
�
B
� B�
f
est tel que f induise un isomorphisme d’espaces vectoriels π −1 (x) → π � −1 (f (x))
pour tout x ∈ B, alors le carré ci-dessus est cartésien.
Démonstration. Complétons le diagramme de l’énoncé de la façon suivante :
f
E
�
ψ
π
�
E ��
1
π�
π ��
f
B
� E�
�
� �
B
�
� B�
�
f
où π �� est un pullback de π le long de f . Comme π � ◦ f = f ◦ π = f ◦ 1 ◦ π,
il existe une unique application continue ψ : E → E �� rendant le diagramme
commutatif. Il y a juste à montrer que ψ est un isomorphisme de Top, c’est-àdire un homéomorphisme.
Comme ψ est continue et clairement bijective, il suffit de montrer que ψ est
une application ouverte. Comme c’est un problème local, on peut maintenant
supposer que les fibrés π et π �� sont triviaux. Dès lors, ψ s’écrit :
B × Rn
(x, y) ✤
ψ
� B × Rn
� (x, ϕ(x, y))
où ϕ : B × Rn → Rn est continue, et où pour tout x ∈ B, θ(x) = (y �→ ϕ(x, y))
est un élément de GL(Rn ). D’après le lemme 510 (page 398), θ : B → GL(Rn )
est continue, et il en est donc de même de sa composition x �→ θ(x)−1 avec
l’inversion des automorphismes linéaires qui est elle aussi continue. Comme R n est
localement compact, le même lemme montre que la décurryfiée λ : B × Rn → Rn
de x �→ θ −1 (x) est continue. Il suffit alors de poser ψ � (x, y) = (x, λ(x, y)) pour
avoir un inverse continu pour ψ.
❏
Un fibré qui est trivial au dessus d’un ouvert U peut être trivialisé de différentes
manières. En effet, donnons-nous une application continue θ : U → GL(Rk ). On
peut alors considérer la composition :
ψ
Λ
π −1 (U ) −→ U × Rk −→ U × Rk ,
321
9.8. Invariance homotopique
où ψ trivialise le fibré au dessus de U , et où Λ(x, y) = (x, θ(x)(y)). C’est clairement une autre trivialisation du fibré au dessus de U . Réciproquement, si ψ et
ψ � sont deux trivialisations d’un fibré au dessus de U , l’application θ :
x �→ (y �→ p2 ψψ �−1 (x, y))
(qui est continue) envoie U dans GL(Rk ). Il est clair que deux trivialisation au
dessus de U « diffèrent » par une unique application continue θ : U → GL(R k ),
qu’on appelera leur « différence ». La différence θ entre la trivialisation ψ et la
trivialisation ψ � est caractérisée par l’équation :
ψ(x, y) = (x, θ(x)(p2 ψ � (x, y))).
☞ 418 Lemme. Soit π : E → B × I (où I = [a, b] ⊂ R, a < b) un fibré vectoriel,
qui est trivial au dessus de B1 = B × [a, c] et au dessus de B2 = B × [c, b] (avec
a < c < b). Alors il est trivial au dessus de B × I.
Démonstration. Le résultat est immédiat quand les trivialisations au dessus
de B1 et de B2 sont égales au dessus de B1 ∩ B2 . Il suffit donc de se ramener à ce
cas. Soit θ : B1 ∩ B2 → GL(Rk ) la différence entre la trivialisation provenant de
B1 et celle provenant de B2 . On peut prolonger θ à B2 en posant (pour t ∈ [c, b]) :
θ(x, t) = θ(x, c).
Ceci permet de changer de trivialisation au dessus de B2 , et de satisfaire la
condition demandée.
❏
☞ 419 Lemme. Soit π : E → B × I un fibré vectoriel. Alors, pour chaque
x ∈ B, il existe un voisinage U de x dans B, tel que le fibré soit trivial au dessus
de U × I.
Démonstration. Pour chaque t ∈ I, choisissons un pavé ouvert Ut × It de B × I
au dessus duquel le fibré est trivial, et contenant (x, t). Par compacité de I, il
existe un entier n, tel que chaque intervalle [ nk , k+1
n ] (0 ≤ k < n) soit contenu
dans un Itk (lemme de Lebesgue). Posons :
U=
n−1
�
U tk .
k=0
n − 1 applications du lemme précédent donnent le résultat.
❏
☞ 420 Lemme. Soit π : E → B × I un fibré vectoriel, où B est compact. Soit
p : B × I → B × I l’application définie par p(x, t) = (x, 1). Alors les fibrés π et
p∗ (π) sont isomorphes.
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9. Espaces fibrés
Démonstration. Le lemme précédent permet de recouvrir B par des ouverts
Ui tels que le fibré soit trivial au dessus de Ui × I. Par compacité de B, on
peut supposer la famille des Ui finie, et se donner, pour chaque i, une fonction
continue λi : B → [0, 1], dont le support supp(λi ) (i.e. l’adhérence de λ−1 ((0, 1]))
soit contenu dans Ui , et telles que pour tout x de B, on ait :( 8 )
sup λi (x) = 1
i∈I
Pour chaque i, considérons l’application αi : B × I → B × I, définie par :
αi (x, t) = (x, sup(t, λi (x)))
Alors αi est homotope à l’application identique et est même égale à l’application
identique en dehors de Ui × I. De plus, αi∗ (π) est isomorphe à π. En effet, soit
ϕ : π −1 (Ui × I) → Ui × I × Rn une trivialisation de π au dessus de Ui × I (où n
est la dimension du fibré π). On définit ψ : E → E par :
ψ(y) = (ϕ−1 ◦ (αi × 1) ◦ ϕ)(y)
ψ(y) = y
si π(y) ∈ Ui × I
si π(y) ∈
� supp(λi ) × I
L’application ψ est bien définie et continue, car Ui × I et le complémentaire
de supp(λi ) × I sont deux ouverts couvrant B × I, et parce que si π(y) appartient à leur intersection, on a (ϕ−1 ◦ (αi × 1) ◦ ϕ)(y) = y, puisqu’alors
αi (π(y), t) = (π(y), t). Par ailleurs, on vérifie à vue sur la définition de ψ que
π(ψ(y)) = αi (π(y)), autrement-dit, qu’on a le carré commutatif :
E
ψ
�E
π
π
�
B×I
�
αi
�B×I
Comme ψ induit un isomorphisme sur chaque fibre, ce carré est cartésien (lemme
417 (page 320)), ce qui montre que π est isomorphe à αi∗ (π).
Pour terminer, on peut composer les αi (dans un ordre quelconque). Notons α
cette composition. Alors α∗ (π) est isomorphe à π, mais par ailleurs, il est clair
que α = p, puisque αi (x, 1) = (x, 1), et puisque pour tout x ∈ B, il existe i tel
❏
que λi (x) = 1.
[coro:pullback-fibre-homotopie]
☞ 421 Corollaire. Soit π : E � → B � un fibré vectoriel. Soient f, g : B → B �
deux applications continues homotopes, où B est supposé compact. Alors les
fibrés f ∗ (π) et g ∗ (π) sont isomorphes.
8. Une telle famille s’appelle une « enveloppe de l’unité ». Elle est facilement construite à
.
partir d’une partition de l’unité µi par la formule λi (x) = supµi (x)
µj (x)
j
9.8. Invariance homotopique
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Démonstration. p étant comme dans le lemme précédent, notons h : B×I → B �
une homotopie de f à g, et notons i0 , i1 : B → B × I les applications définies par
i0 (x) = (x, 0) et i1 (x) = (x, 1). On a f ∗ (π) = i∗0 (h∗ (π)) � i∗0 p∗ h∗ (π) = i∗1 h∗ (π) =
❏
g ∗ (π).
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