
Journal Identification = IPE Article Identification = 0928 Date: May 24, 2012 Time: 3:0 pm
Le travail en synergie avec les autres soignants
décompensation est plus difficile à traiter en même temps
que la rééducation et la réadaptation sont compromises,
parfois définitivement. On pourrait en dire autant en ce
qui concerne les troubles psychotraumatiques dont on
pensait que les atteintes corporelles constituaient une pro-
tection.
Les atteintes cérébrales, dès lors qu’elles entraînent des
déficiences fonctionnelles importantes qui mobilisent les
intervenants de première ligne suivis des rééducateurs,
apparaissent encore trop souvent comme des mises entre
parenthèses des troubles psychiques antécédents, notam-
ment des troubles de la personnalité, même si la lésion
cérébrale est directement la conséquence d’un comporte-
ment suicidaire ou à risque.
L’intervention indirecte des soignants n’est pas à
sous-estimer. Ce champ est celui de l’environnement de
proximité du patient : conjoint, enfants, parents ; il convient
d’y adjoindre les aidants professionnels qui peuvent être
concernés. Cette intervention vise à un étayage associant
une information et, si nécessaire, une contenance émotion-
nelle. Elle nécessite le même souci de coordination que le
soin direct.
À noter que les soignants ne sont pas les seuls profes-
sionnels à intervenir auprès des patients cérébrolésés. Des
enseignants, des moniteurs techniques notamment sont pré-
sents dans les centres de réadaptation. La coordination, pas
toujours facile, mérite néanmoins d’être recherchée.
Les formes de relation entre soignants
À y regarder de près la relation entre les professionnels
intervenant auprès d’un même patient peut offrir des formes
très différentes, aussi bien dans le cadre institutionnel que
dans le cadre libéral qui lui succède souvent. Il convient de
distinguer la prestation de service, la sous-traitance et le par-
tenariat, en allant du plus simple au plus complexe. Dans la
prestation de service, l’intervenant assure un soin limité en
étendue et en durée, à la demande directe d’un autre profes-
sionnel ou indirecte, via le patient lui-même ou plus souvent
un proche. Dans la sous-traitance, l’intervenant – individu
ou équipe – assure une partie, majeure le cas échéant, de
la prise en charge sur délégation du coordonnateur des
soins. Ces deux formes sont parfaitement acceptables. Elles
ont cependant l’inconvénient de ne pas inclure un retour
obligatoire d’information, avec le risque d’une absence de
coordination véritable.
Le partenariat est la forme la plus achevée de la relation
entre les professionnels. Il peut s’établir entre des institu-
tions, des équipes, des professionnels isolés mais aussi entre
les professionnels d’une même équipe. Il suppose plusieurs
préalables incontournables qu’une formule simple peut
résumer : un partenariat ne peut s’établir que lorsque chaque
partenaire a formé de son ou ses partenaires pressentis une
représentation dans laquelle ceux-ci se reconnaissent. Cha-
cun est ainsi amené à préciser son champ de compétence,
ses fondements théoriques, sa méthode d’intervention, ses
moyens, ses limites, etc. afin de permettre aux autres de
former une représentation adaptée.
Cette phase préparatoire n’est pas toujours réalisée,
moins par manque de temps que parce qu’elle semble super-
flue, et le terme de partenariat est alors utilisé sans référence
au concept. C’est ce qui rend compte des difficultés de cer-
taines coopérations ou de leur échec. En revanche, cette
phase est réalisée rapidement lorsque chaque professionnel
a pu précédemment découvrir le métier des autres et s’en
faire une représentation pertinente.
La représentation des troubles
et l’approche psychopathologique
La modélisation commune des troubles résultant d’une
atteinte cérébrale ne va pas de soi. La phase préparatoire
au partenariat la facilite. On est cependant encore éloi-
gné d’une représentation partagée des troubles en général
et de ceux d’un patient en particulier. Cette représenta-
tion ne concerne pas seulement les sphères sensorielles,
motrices, cognitives, émotionnelles mais aussi la relation à
l’autre, le rapport à la réalité, le contrôle des impulsions...
L’approche psychopathologique est ainsi autant nécessaire
que les approches plus habituelles.
Le profil psychopathologique entre dans la représenta-
tion des troubles et dans le projet personnalisé de prise en
charge. Celui-ci est partagé par tous les professionnels de
santé. Les objectifs sont définis en commun, l’action de
chacun s’inscrivant dans l’interaction avec le patient et,
de ce fait, interagissant avec l’action des autres. Il s’agit
moins d’une interaction technique que d’une interaction
psychologique. Le risque est celui d’une interférence entre
les effets psychiques des interventions. Ces effets sont
pour une part liés au jeu des attitudes et contre-attitudes
(entendues comme l’ensemble des réactions conscientes et
inconscientes des professionnels vis-à-vis d’un patient) des
intervenants. Ainsi, l’attitude maternante d’un profession-
nel et la démarche d’autonomisation d’un autre peuvent
se trouver en contradiction, voire placer le patient dans un
conflit de loyauté ou dans un système paradoxal.
En d’autres termes, la définition et la validation par-
tagées des objectifs, qui représentent déjà une démarche
ambitieuse, ne sont pas suffisantes. Il serait souhaitable
de mettre en place une concertation sur le positionnement
relationnel et l’attitude de chaque intervenant vis-à-vis du
patient. Cette concertation est tout autant importante vis-à-
vis de l’entourage proximal du patient. Les divergences,
parfois les véritables discordances, des informations et
des attitudes des professionnels parasitent la prise en
charge et majorent la souffrance des aidants familiaux. Les
L’INFORMATION PSYCHIATRIQUE VOL. 88, N◦5 - MAI 2012 363
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