Information du patient Comment gérer les conflits L’accès à l’information médicale est revendiqué de plus en plus fortement par les patients. Pour les soignants, ce sujet cristallise leurs craintes alors que, souvent, le malade souhaite simplement une communication avec une personne responsable. Et si le maître mot était la confiance ? L e patient... s’impatiente. Et les courriers se font plus nombreux auprès des directions des hôpitaux concernant le manque d’informations qu’un “usager” est pourtant en droit d’attendre. De quoi se plaignent-ils ? D’après plusieurs enquêtes, notamment celles menées par l’AP-HP, il est difficile d’obtenir des informations après une hospitalisation (les médecins traitants de ville font la même constatation), la communication est insuffisante entre soignants et soignés, d’autant que subsiste un langage spécialisé et technicien. Obtenir le dossier médical (même une partie) relève de l’exploit et toute cette nébuleuse ne fait qu’aggraver l’angoisse d’un patient déjà secoué par la maladie, ce qui donne quelques excuses à son agressivité. Inquiétude des médecins Le procès Hédreul a marqué un tournant dans le renversement de la charge de la preuve, et l’inquiétude des médecins s’est installée progressivement. Dans son dernier arrêt du 20 juin 2000, la Cour de cassation assouplit quelque peu les règles de la responsabilité médicale sur l’information des patients, mais elle ne met pas en cause la charge du devoir et de la preuve d’information pour le médecin. D’où la crainte de “juridiciarisation”. En ce qui concerne l’accès à l’information, le sondage effectué par le Quotidien du médecin en mars 2000 montrait que 60 % des médecins étaient opposés à l’accès du patient à son dossier médical. Alors que, paradoxalement, ils souhaitent favoriser le dialogue en expliquant, en communiquant. Savoir communiquer A considérer les plaintes des patients, on s’aperçoit vite que le conflit se pose sur l’aspect factuel de l’information. Qu’est-ce que la communication ? C’est un échange entre un émetteur et un récepteur. Celui qui sait (et qui détient le pouvoir) informe celui qui reçoit. Tout cela paraît très simple si ce n’est que cet échange est parasité. Par quoi ? D’abord, chaque personne a une histoire personnelle, sociale, psychologique, professionnelle... Celui qui donne l’information aussi. La tentation est grande de se retrancher dans des discours flous, derrière des textes longs et inintelligibles remis au patient. Certes, il n’est pas toujours facile de faire face à une souffrance, un deuil... Souvent, l’infirmière récupère ces non-dits et doit faire elle-même le tri entre le vrai et le faux et entre le désir ou le nondésir de savoir du patient insuffisamment informé. Dans chaque mot employé de part et d’autre, il y a des dimensions à la fois pragmatiques et symboliques. Dans les métiers de la communication, on apprend la reformulation par celui qui reçoit afin de s’assurer s’il a bien compris. Ce travail permet d’établir un véritable dialogue, nécessaire à l’explication et à la compréhension. Le soignant ne doit pas rester drapé dans son savoir, il doit écouter le savoir du malade et faire avec les croyances, les peurs, l’histoire de ce dernier. A l’heure où le slogan “Mon corps m’appartient” lancé par les femmes dans leur combat pour l’avortement et aujourd’hui repris par les partisans de l’euthanasie active fait florès, il est surprenant de voir la réticence à la communication de données relatives à une personne qui a droit de regard sur son propre corps. Pourtant, il ne s’agit pas non plus de tout déléguer au malade “informé”. Le soignant doit garder sa position, et ses compétences lui donnent autorité pour prendre, avec le malade, des décisions dans un souci d’éthique pour lui et pour l’autre. Analyser le conflit Gérer les conflits, c’est d’abord reconsidérer la relation soigné-soignant. Si conflit il y a, il faut savoir l’analyser et négocier une situation. Regarder en face le conflit, c’est respecter la relation avec le patient dont l’expression orale ou écrite cache quelque chose de plus profond qui est une souffrance. Le conflit est une ligne de partage entre l’information et la communication. C’est une expression des différences. Le silence est toujours néfaste. Avec le temps, il est pris pour de la falsification de l’information, voire de la trahison. On s’aperçoit que le conflit tire souvent son origine de problèmes récurrents qui n’ont pas été traités. Ce conflit doit être un moyen de les considérer dans toute leur dimension. D’où le nécessaire glissement de l’information vers la communication. C’est un travail d’interprétation qui doit déboucher sur une rencontre. La meilleure façon d’éviter la dérive juridique est de rétablir la relation de confiance entre les soignants, particulièrement le médecin, et les malades. Dans le cadre d’un partenariat de santé, l’information passera sans problème. A.-L.P. Professions Santé Infirmier Infirmière - No 26 - mai 2001 5