tiré de l’absence de mention de la rubrique « procédures de
recours » ne relevait pas des obligations de publicité et de mise en
concurrence et ne pouvait donc être apprécié par le juge du référé
précontractuel. Selon cette décision, « il y a lieu d’observer que
cette absence n’a eu aucune conséquence sur la situation de la
société requérante qui n’est pas habilitée à plaider par procuration ;
qu’au surplus, ladite rubrique, si elle paraît susceptible de fonder
une action en responsabilité, ne concerne pas directement la
procédure de sélection des candidatures et des offres ni directe-
ment la procédure de passation de marché et la mise en concur-
rence des entreprises en vue de l’attribution du marché »
20
.
9 - Cette analyse emporte toutefois difficilement la conviction. Si
l’on veut bien en effet admettre, suivant la ligne tracée par certains
juges du référé précontractuel
21
, que le magistrat ait pu considé-
rer qu’un tel vice ne présentait pas, dans les circonstances de
l’espèce, un caractère de gravité suffisamment avéré pour vicier
l’intégralité de la procédure, on ne peut en revanche suivre le
raisonnement consistant à soutenir que, par nature, cette rubrique
n’interfère pas dans la procédure de dévolution et ne constitue dès
lors pas une violation des règles de publicité et de mise en concur-
rence. Ainsi que précédemment exposé, la première des obliga-
tions afférentes aux procédures de passation est de publier un avis
respectant les modèles nationaux et, éventuellement, communau-
taires. De la sorte, le non respect de ces trames impératives, de
surcroît lorsque se trouve concernée une rubrique dont l’objet vise
à informer les candidats des voies d’action envisageables pour
contester la procédure en cours, constitue nécessairement, selon
nous, un moyen invocable au titre de l’article L. 551-1 du Code de
justice administrative.
10 - C’est donc de manière parfaitement légitime que d’autres
juridictions sont venues adopter une position diamétralement
opposée, estimant le moyen pleinement opérant. À cet égard, on
peut notamment citer le « considérant de principe » du tribunal
administratif de Paris : « considérant toutefois que l’indication
susvisée des voies et délais de recours dans les avis publiés au Jour-
nal officiel de l’Union européenne a pour objet de permettre aux
candidats, quelle que soit leur nationalité, d’être informés et de
contester utilement dans les délais les plus brefs, compte tenu
notamment des conditions d’engagement des recours, avant la
signature des contrats, par voie de référé précontractuel, la procé-
dure de passation d’un marché afin d’en obtenir, lorsque des irré-
gularités ou illégalités sont constatées, la suspension ou l’annula-
tion à un stade où ces violations peuvent encore être corrigées ; que
la mention des voies et délais de recours concerne, contrairement
à ce que soutient le Centre des monuments nationaux, les moda-
lités d’organisation de la procédure de passation des marchés ; qu’il
s’ensuit que l’omission de cette indication dans l’avis d’appel
public [...] constitue une atteinte aux obligations de publicité et de
mise en concurrence qu’il incombait à cet établissement adminis-
tratif de respecter et auxquelles était soumise la passation du
marché en cause »
22
.
11 - Cette position a d’ailleurs été reprise, de manière quasiment
similaire, par d’autres juges du référé précontractuel qui, après
avoir accepté de connaître du moyen, ont imposé de reprendre
intégralement la procédure de passation dès lors que rien n’était
mentionné quant aux procédures de recours
23
. Par ailleurs, en
vertu de la jurisprudence constante admettant qu’un requérant
puisse invoquer devant le juge du référé précontractuel un
manquement aux obligations de publicité et de mise en concur-
rence alors même qu’il n’a pas été commis à son détriment
24
, il va
de soi que le moyen pourra être soulevé même si le requérant,
nonobstant toute précision quant aux procédures de recours, est
bien parvenu à saisir le juge
25
. En dépit de certaines incertitudes
vite balayées, la jurisprudence semble donc aujourd’hui clairement
fixée : les collectivités publiques doivent impérativement remplir
la rubrique « procédure de recours », dès lors que le montant du
marché dépasse le seuil communautaire. Et, en l’absence de toute
information sur ce point, le juge du référé précontractuel, si le
moyen est invoqué devant lui, n’aura d’autre choix que de censu-
rer la procédure de dévolution en cours.
Mais, une fois posé ce postulat, reste ensuite à se pencher sur le
second volet de la problématique : jusqu’où doit-on informer les
candidats quant aux recours susceptibles d’être intentés ? Et, sur ce
point, la jurisprudence n’est toujours pas unanime, loin s’en faut,
en particulier s’agissant du caractère cumulatif ou simplement
alternatif des différentes rubriques du modèle d’avis communau-
taire.
B. - Les mentions devant figurer
12 - S’agissant plus précisément des indications que le pouvoir
adjudicateur doit apporter pour être regardé comme ayant valable-
ment rempli la rubrique VI.4, plusieurs questions peuvent être
posées.
La première est celle de savoir si l’on peut se borner à remplir la
première rubrique du modèle d’avis communautaire (VI.4.1) pour
renseigner en même temps les deux suivantes.
On l’a vu, c’est ce que postule et, surtout, permet expressément
de faire le modèle d’avis national annexé à l’arrêté du 28 août
2006. Mais, s’agissant du modèle communautaire, la seule tolé-
rance explicitement admise est celle consistant à laisser au pouvoir
adjudicateur le choix entre remplir la rubrique VI.4.2 « Introduc-
tion des recours » et la rubrique VI.4.3 « Service auprès duquel des
renseignements peuvent être obtenus concernant l’introduction des
recours ». Cela milite dans le sens de l’obligation, lorsque le
pouvoir adjudicateur entend remplir la VI.4.2 par le biais de la
VI.4.3 et surtout la VI.4.3 par le biais de la désignation comme
service en cause de l’instance chargée des procédures de recours
mentionnée au VI.4.1, de l’indiquer expressément. Deux tribunaux
ont ainsi retenu une telle analyse, le premier jugeant « qu’il ressort
de l’ensemble de ces dispositions que les avis de marché faisant
l’objet d’une publication au Journal officiel de l’Union européenne
qui ne comportent pas d’indication sur les délais de recours doivent
obligatoirement mentionner les coordonnées d’un service auprès
duquel cette information peut être obtenue ; que, dès lors, le
pouvoir adjudicateur ne peut se dispenser de renseigner la rubri-
que VI.4.2 qu’à la condition de renseigner la rubrique VI.4.3, y
compris dans l’hypothèse où il entend désigner comme service
auprès duquel cette information peut être obtenue l’instance char-
gée des recours mentionnée à la rubrique VI.4.1 »
26
et le second
sanctionnant « l’absence totale de renseignement des rubriques
VI-4-2 et 4-3 »
27
.
13 - En sens inverse, le tribunal administratif de Paris a admis,
dans la fameuse affaire du marché du mobilier urbain accompa-
20.
TA Lyon, ord., 28 sept. 2006, n° 0605458, Sté Mécaplastic.
21.
cf. supra note 8.
22.
TA Paris, ord., 18 oct. 2006, n° 0614224, Sté Secuserve : Juris-Data n° 2006-
331786.
23.
cf. notamment TA Toulouse, ord., 12 oct. 2006, Sté Teamnet c/ Ville Toulouse :
Mon. TP 1
er
déc. 2006, p. 14. – TA Rennes, ord., 15 déc. 2006, n° 064794, Sté
Idex Energies. – TA Orléans, ord., 3 mai 2007, n° 0701364, Sté Signature c/
Conseil général du Cher.
24.
CE, 19 oct. 2001, n° 233173, Sté Alstom SA : Juris-Data n° 2001-063042 ;
Contrats-Marchés publ. 2002, comm. 7, note Llorens ; BJCP 2002, p. 39, concl.
Piveteau, obs. Glaser ; CP-ACCP, déc. 2001, p. 32, obs. Charrel, Richer et Ritter.
– CE, 10 mars 2004, n° 259680, Communauté d’agglomération de Limoges
Métropole : Juris-Data n° 2004-066665 ; Contrats-Marchés publ. 2004,
comm. 115, note Zimmer. – CE, 8 avr. 2005, n° 270476, Sté Radiometer : Juris-
Data n° 2005-068403 ; BJCP 2005, p. 320.
25.
Rejetant ainsi la fin de non-recevoir soulevée à ce propos, V. TA Paris, ord.,
18 oct. 2006, n° 0614224, préc. – TA Orléans, ord., 19 mars 2007,
n° 0700734, Sté Signature SA.
26.
TA Limoges, ord., 26 févr. 2007, n° 0700172, Sté FM Développement.
27.
TA Orléans, ord., 19 mars 2007, n° 0700734, Sté Signature SA. – dans le même
sens, mais à propos cette fois d’une affaire où seule la rubrique VI.4.3 était
renseignée, à l’exclusion des rubriques IV.4.1 et VI.4.2, peut-on évoquer une
décision TA Rennes, ord., 15 déc. 2006, n° 064794, Sté Idex Énergies.
CONTRATS ET MARCHÉS PUBLICS - REVUE MENSUELLE LEXISNEXIS JURISCLASSEUR - AOÛT-SEPTEMBRE 2007
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Étude