Nombres complexes Bcpst 1 — 27 février 2017 I — Définition de C – Écriture algébrique I.1 — Définition Définition 1.1 — Nombres complexes On appelle ensemble des nombres complexes et on note C l’ensemble R2 muni des deux opérations suivantes ∀(x, y) ∈ R2 , ∀(x 0 , y 0 ) ∈ R2 , déf. addition (x, y) + (x 0 , y 0 ) = (x x 0 , y y 0 ) multiplication (x, y) × (x 0 , y 0 ) = (x x 0 − y y 0 , x y 0 + x 0 y) déf. Ces deux opérations ont les propriétés usuelles des opérations sur les nombres réels : commutatitivité, associativité, distributivité de la multiplication par rapport à l’addition, existence d’un élément neutre pour + et pour ×, existence d’un opposé pour l’addition, de l’inverse d’un complexe non nul pour la multiplication. I.2 — Notation algébrique Ces opérations sont plus simples d’emploi en utilisant les notations 1 pour (1, 0) i pour (0, 1) x + i y pour (x, y) On constate alors que l’on peut calculer « comme dans R » en adoptant la convention i × i = −1. Remarque I.0 Toutefois, on ne peut pas définir sur C de relation d’ordre qui prolonge la relation d’ordre de R. En effet, supposons qu’une telle relation d’ordre existe. Alors le complexe i est soit positif, soit négatif. I — Définition de C – Écriture algébrique 2 Si i ¾ 0 alors i × i ¾ 0, donc −1 ¾ 0, ce qui est absurde. Si i ¶ 0 alors i × i ¾ 0 également (en multipliant par un nombre négatif, on modifie le sens de l’inégalité), donc −1 ¾ 0, ce qui est également absurde. On vient de montrer par l’absurde qu’une telle relation d’ordre n’existe pas. Définition 1.2 — Partie réelle, partie imaginaire Soit z un nombre complexe. Il existe un unique couple (x, y) de réels tels que z = x + i y. Le réel x est la partie réelle de z notée Re(z) et y est sa partie imaginaire, notée Im(z). Si Re(z) = 0, on dit que z est un imaginaire pur et si Im(z) = 0 on dit que z est un réel. On identifie le sous-ensemble {(x, 0) avec x ∈ R} de R2 avec R. L’ensemble des imaginaires purs est noté iR. Propriété 1.3 — Propriété des parties réelles et imaginaires Soit (z, z 0 ) ∈ C2 Re(z + z 0 ) = Re(z) + Re(z 0 ) et Im(z + z 0 ) = Im(z) + Im(z 0 ) et Im(λ z) = λ Im(z) Si λ ∈ R alors Re(λ z) = λ Re(z) Théorème 1.4 — Cas d’égalité Soit (x, x 0 , y, y 0 ) ∈ R4 : x + i y = x0 + i y0 ⇐⇒ x = x0 et y = y0 Il est équivalent de donner un complexe z = x + i y ou un point M (x, y) du plan R2 . On dit que z est l’affixe de M ou que M est l’image de z. Application I.0 — Trouver les nombres complexes z tels que z 2 = 8 − 6i. Pour cela, on pose z = x + i y, avec (x, y) ∈ R2 . Comme z 2 = (x 2 − y 2 ) + 2ix y, en égalant les parties réelles et imaginaires, on a x2 − y2 = 8 2x y = −6 ⇐⇒ x2 − y2 = 8 x = −3/ y I — Définition de C – Écriture algébrique 3 Cette dernière égalité est vraie, car y = 0 n’est pas une solution possible. En reportant dans la première ligne, on trouve 9/ y 2 − y 2 = 8 x = −3/ y ⇐⇒ 9 − y4 = 8 y2 ⇐⇒ x = −3/ y y4 + 8 y2 − 9 = 0 x = −3/ y Pour résoudre la première équation, posons Y = y 2 . Puisque y ∈ R, on a Y ∈ R+ . Ainsi Y 2 + 8Y − 9 = 0 ⇐⇒ Y = 1ouY = −9 La solution Y = −9 n’est pas admissible ici car elle est négative. Ainsi Y = 1, donc y = 1, auquel cas x = −3/1 = −3, ou bien y = −1 et donc x = 3. Le problème posé a donc pour solutions 3 − i ou −3 + i. I.3 — Conjugué Le conjugué est un intermédiaire de calcul commode pour obtenir les parties réelles et imaginaires, ainsi que l’inverse d’un nombre complexe. Définition 1.5 — Conjugué d’un complexe Soit z = x + i y ∈ C, avec (x, y) ∈ R2 . déf. On appelle conjugué de z et on note z le complexe z = x − i y. L’image de z est le symétrique par rapport à (O x) de l’image de z. Propriété 1.6 — Conjugaison et opérations Soit (z, z 0 ) ∈ C2 z=z z + z0 = z + z0 zz 0 = zz 0 zn = zn (n ∈ N) 1 1 = z z Application I.0 Soit P un polynôme a coefficients réels. Si z est racine de P, alors z est aussi racine de P. Propriété 1.7 — Forme algébrique de l’inverse Si z ∈ C∗ , z = x + i y avec (x, y) ∈ R2 , alors II — Notation exponentielle 4 y 1 z x = = 2 −i 2 2 z zz x +y x + y2 Exercice 1 1. Donner l’inverse de 1 + i, de 4 − 5i ; 2. Expliciter la forme cartésienne de (1 + 2i)/(3 + i). Propriété 1.8 — Soit z ∈ C : z−z z+z et Im(z) = ; 2 2i • z est réel si et seulement si z = z et z est imaginaire pur si et seulement si z = −z. • Re(z) = II — Notation exponentielle II.1 — Définition y y M ρ M0 θ O x x Figure I.1 — Coordonnées polaire vs. cartésiennes. Un point M de R2 peut être repéré par plusieurs couples de réels. Les coordonnées cartésiennes (x, y) sont les plus évidentes. Un autre couple est également fort utile. II — Notation exponentielle 5 Théorème & Définition 2.1 — Coordonnées polaires Soit z = x + i y ∈ C, avec (x, y) ∈ R2 . Il existe un couple (ρ, θ ) de réels tels que ρ ∈ R+ , θ ∈ R, x = ρ cos θ y = ρ sin θ et • Le réel ρ est unique : ρ2 = x 2 + y 2 . C’est le module de z. • Si z = 0 alors θ est quelconque dans R. • Si z 6= 0 alors θ est défini à 2π près. Chaque valeur possible de θ est un argument de z. L’unique réel θ0 ∈ ] −π ; π ] vérifiant la relation précédente s’appelle l’argument principal de z. L’ensemble des arguments de z est {θ0 + 2kπ , avec k ∈ Z} Dém. Soit z = x + i y ∈ C, avec (x, y) ∈ R2 . Posons donc ρ = p x 2 + y 2. Si (x, y) = (0, 0) alors ρ = 0 et pour θ quelconque dans R on a x = ρ cos θ et y = ρ sin θ x y Supposons maintenant (x, y) 6= (0, 0). Alors le point M , est sur le cercle ρ ρ trigonométrique. D’après la définition d’un angle, il existe alors un réel θ ∈ R tel que M ait pour coordonnées cartésienne (cos θ , sin θ ). C’est-à-dire que 0 ou encore y ρ x ρ et sin θ = x = ρ cos θ et y = ρ sin θ cos θ = Toujours dans le cas (x, y) 6= (0, 0). Si (ρ0 , θ 0 ) est un autre couple de réel vérifiant la même propriété, alors 2 ρ0 = x 2 + y 2 = ρ2 =⇒ ρ0 = ρ car ρ > 0 et ρ0 > 0. Par ailleurs, en utilisant les formules d’addition des cosinus, on trouve cos(θ − θ 0 ) = 1 et de même sin(θ − θ 0 ) = 0, ce qui prouve que θ − θ 0 = 2kπ (k ∈ Z). II — Notation exponentielle 6 II.2 — Notation exponentielle Intéressons nous momentanément à z(θ ) = cos θ + i sin θ . D’après les formules de trigonométries usuelles ∀(θ , θ 0 ) ∈ R, z(θ ) z(θ 0 ) = z(θ + θ 0 ) C’est la propriété caractéristique de la notation puissance. On pourrait donc écrire cos θ + i sin θ = (?)θ avec (?) un complexe constant à déterminer. Pour des raisons d’Analyse, on est amené à noter (?) = ei , avec e la base de l’exponentielle réelle. En conclusion Théorème 2.2 — Notation exponentielle Soit z ∈ C∗ . Il existe un couple (ρ, θ ) ∈ R+ × R tel que z = ρeiθ = ρ(cos θ + i sin θ ) déf. Valeurs remarquables arg(1) ≡ 0 [2π ] arg(−1) ≡ π [2π ] π [2π ] 2 3π arg(−i) ≡ [2π ] 2 arg(i) ≡ Propriété 2.3 — D’après ce qui précède, on a la relation fondamentale ei(α+β ) = eiα eiβ et donc 1 eiα i(α−β ) e = eiα eiβ n eiα = einα (n ∈ Z) e−iα = Propriété 2.4 — Cas d’égalité Soit (z, z 0 ) ∈ C2 , de notations exponentielles z = ρeiα et z 0 = ρ0 eiβ II — Notation exponentielle z = z0 ⇐⇒ ρ = ρ0 et 7 ∃k ∈ Z, α = β + 2kπ II.3 — Module Le module d’un nombre réel coïncide avec sa valeur absolue. Géométriquement, |z| est la distance entre l’image de z et l’origine. De même, si z 0 0 et z sont deux complexes, z − z est la distance entre les images de z et z 0 . Propriété 2.5 — Propriétés du module Soit (z, z 0 ) ∈ C2 : |z| z 0 = 0 z |z | |z| = |z| zz 0 = |z| z 0 |z| = 0 ⇐⇒ z = 0 |Re (z)| ¶ |z| |Im (z)| ¶ |z| Dém. Pour l’avant dernière : x 2 ¶ x 2 + y 2 , puis on prend la racine carrée pour p trouver |x| ¶ x 2 + y 2 . Théorème 2.6 — Inégalité triangulaire Si z et z 0 sont deux complexes, alors z + z 0 ¶ |z| + z 0 et |z| − z 0 ¶ z − z 0 Dém. Pour la première, élever les deux membres au carré et utiliser le conjugué et |Re(z)| ¶ |z|. Pour la seconde, on appliquer la première aux sommes z = (z − z 0 ) + z 0 et z 0 = (z 0 − z) + z. Corollaire 2.7 — Soit (a, b, c) ∈ C3 : |c − a| ¶ |b − a| + |c − b| Au sens strict, c’est ce corollaire qu’on devrait appeler « inégalité triangulaire ». Si on considère trois points A, B et C du plan, alors l’inégalité précédente se traduit en termes de distances par AB ¶ AC + C B II — Notation exponentielle C 8 AB ¶ AC + C B A B La ligne droite AB est un chemin plus court entre A et B que la ligne brisée ABC. Figure I.2 — Interprétation de l’inégalité triangulaire II.4 — Argument Soit z ∈ C∗ . Il existe un unique réel r ∈ R∗+ et un réel θ ∈ R tel que z = reiθ . Propriété 2.8 — Soit (z, z 0 ) ∈ (C∗ )2 . On note parfois arg(z) un argument de z. Dans ce cas [2π ] • arg(zz 0 ) = arg(z) + arg(z 0 ) • arg(az) = arg(z) [2π ] • arg(az) = π + arg(z) • arg(z n ) = n arg(z) • arg(1/z) = − arg(z) si a ∈ R∗+ [2π ] [2π ] [2π ] 0 • arg(z/z ) = arg(z) − arg(z 0 ) • arg(z) = − arg(z) si a ∈ R∗− [2π ] [2π ] Dans ce sens, les propriétés de arg peuvent faire penser à celles de log. Toutefois, il faut bien prendre garde à ce que arg n’est pas une application de C dans R! En effet à un complexe elle associe un ensemble de réels. (1 + i)4 Exercice 2 1. Donner la forme trigonométrique de (1 − i)2 p 2. puis celle de ( 3 + i)6 . III — Applications des nombres complexes passage égalité 9 Notation cartésienne Notation polaire z = x + iy z = reiθ x = r cos θ y = r sin θ z = z 0 ⇐⇒ x = x 0 et y = y 0 r2 = x2 + y2 y y x tan θ = cos θ = sin θ = x r r 0 0 0 z = z ⇐⇒ r = r et θ ≡ θ [2π ] conjugué z = x − iy 0 somme z + z = (x + x 0 ) + i ( y + y 0 ) Produit z × z 0 = (x x 0 − y y 0 ) + i (x y 0 + x 0 y) puissance ... x − iy z 1 = = 2 inverse z zz x + y2 quotient ... z = re−i θ ... 0 0 z × z = r r 0 ei(θ +θ ) z n = r n einθ 1 1 −i θ = e z r z r i(θ −θ 0 ) = 0e z0 r Figure I.3 — Opérations en notation cartésienne et polaire III — Applications des nombres complexes III.1 — Exponentielle d’un nombre complexe Définition 3.1 — Exponentielle complexe Soit z ∈ C. On note z = x + i y avec (x, y) ∈ R. On définit l’exponentielle de z par déf. exp(z) = exp(x) ei y = e x (cos( y) + i sin( y)) Notez qu’à droite de l’égalité tous les termes sont bien défini. Notez également que exp(z) est donné sous forme trigonométrique : son module est exp(x) et un argument est y. Cette exponentielle complexe vérifie les mêmes propriétés que l’exponentielle réelle. En particulier III — Applications des nombres complexes 10 Propriété 3.2 — Soit z et z 0 deux complexes. On a exp(z + z 0 ) = exp(z) exp(z 0 ) Dém. En effet, si z = x + i y et z = x 0 + i y 0 alors 0 0 exp(z + z 0 ) = exp(x + x 0 )ei( y+ y ) = exp(x) exp(x 0 )ei y ei y = exp(z) exp(z 0 ) Par suite toutes les propriétés algébriques de l’exponentielle sont conservées. Nous verrons que les propriétés analytiques (continuité, dérivabilité) le sont aussi, dans un sens à préciser. III.2 — Trigonométrie p L’expression a cos(x) + b sin(x) peut se simplifier en mettant en facteur a2 + b2 . En effet p a b 2 2 cos(x) + 2 sin(x) a cos(x) + b sin(x) = a + b a2 + b2 a + b2 Comme le nombre complexe ei α . On a donc ∃α ∈ R a2 a2 a b +i 2 est de module 1, il peut s’écrire 2 +b a + b2 a = cos α + b2 et a2 b = sin α + b2 soit a b + a cos(x) + b sin(x) = cos(x) + 2 sin(x) a2 + b2 a + b2 = A(cos(x) cos(α) + sin(x) sin(α)) p a2 b2 = Acos(x + α) avec A = p a2 + b2 . III.3 — Formules d’Euler Propriété 3.3 — Soit θ ∈ R. Par définition cos θ = Re(eiθ ) et sin θ = Im(eiθ ) déf. Cette propriété se réécrit plus fréquemment sous la forme déf. III — Applications des nombres complexes 11 Proposition 3.4 — Formules d’Euler Soit θ ∈ R, cos θ = eiθ + e−iθ 2 sin θ = eiθ − e−iθ 2i Application I.0 — Linéarisation de cosn (x ) et sinn (x ) Les expressions en cosn (x) et sinn (x) sont parfois pénibles à manipuler (penser par exemple à une recherche de primitive). On peut les linéariser grâce aux formules d’Euler. Voici un exemple 4 cos (x) = = = = cos4 (x) = 4 eix + e−ix formule d’Euler 2 1 i4x e + 4ei3x e−ix + 6ei2x e−2ix + 4eix e−3ix + ei−4x 4 2 binôme de Newton 1 i4x e + 4ei2x + 6 + 4e−2ix + ei−4x 4 2 1 (2 cos(4x) + 8 cos(2x) + 6) formule d’Euler 24 1 1 3 cos(4x) + cos(2x) + 8 2 8 Application I.0 — Méthode de l’arc moitié Soit θ ∈ R. Quel est le module de 1 + eiθ ? On utilise la méthode de l’arc moitié, qui consiste à mettre en facteur eiθ /2 ce qui donne 1 + eiθ = eiθ /2 ei−θ /2 + eiθ /2 = 2eiθ /2 cos (θ /2) Ainsi 1 + eiθ = 2 |cos (θ /2)|. Attention à la valeur absolue ! Soit (a, b) ∈ R2 . Quel est le module de eia + eib ? i(a+b)/2 La . On trouve méthode de l’arc moitié consiste ici à mettre en facteur e ia ib e + e = 2 |cos ((a + b)/2)|. III — Applications des nombres complexes 12 III.4 — Formule de Moivre Proposition 3.5 — Formules de Moivre Soit θ ∈ R. On a einθ = (cos θ + i sin θ )n = cos(nθ ) + i sin(nθ ) ou de manière équivalente cos(nθ ) = Re (cos θ + i sin θ )n sin(nθ ) = Im (cos θ + i sin θ )n Cette formule s’utilise avec le binôme de Newton pour exprimer cos 2θ , sin 3θ , etc. en fonction de cos θ et sin θ . C’est le calcul inverse de la linéarisation. Par exemple sin(3θ ) = Im (cos θ + i sin θ )3 = Im(cos3 θ + 3i cos2 θ sin θ − 3 cos θ sin2 θ − i sin3 θ ) binôme sin(3θ ) = 3 cos2 θ sin θ − sin3 θ