Hypothermie accidentelle. L`état de mort apparante

CABINET Forum Med Suisse 2006;6:939–944 939
Hypothermie accidentelle
L’état de mort apparente
Robert Sieber
Vous trouverez les questions à choix multiple concernant cet article à la page 931 ou sur internet sous www.smf-cme.ch.
Introduction
La prévalence des cas d’hypothermie n’est pas
clairement définie. Dans une série suisse de
grande taille, on a identifié 234 cas d’hypother-
mie durant la période allant de 1980 à 1987 [1].
Aux Etats-Unis, près de 700 personnes, la moi-
tié étant âgée de plus de 65 ans, décèdent an-
nuellement des conséquences d’une hypother-
mie [2].
Bien que l’hypothermie accidentelle soit le plus
souvent associée à des accidents de montagne ou
de baignade, un nombre considérable de pa-
tients subissent une hypothermie en plaine et
en zone urbaine. Chez le sujet jeune, le tableau
clinique est souvent lié à une intoxication. En
revanche, chez la personne âgée, des circons-
tances socioéconomiques difficiles et des poly-
morbidités jouent un rôle causal [3].
Il n’existe aucun consensus absolu pour la dé-
marche à suivre au cours de cette situation par-
ticulière de réanimation. Le présent article s’ap-
puie notamment sur les directives de l’ILCOR
(International Liaison Committee on Resuscita-
tion) en tenant compte de la révision en 2005 de
la directive de l’American Heart Association et
des recommandations de l’ICAR (International
Commission for Alpine Rescue) [4, 5]. Nous pré-
senterons aussi des réflexions destinées au mé-
decin sur place ainsi que sur la poursuite des
soins au service des urgences. Tout service des
urgences devrait avoir un concept de prise en
charge des patients en hypothermie. A cet égard,
il faut citer également la préparation précoce
d’un accès à l’infrastructure la plus proche per-
mettant de réaliser un pontage pour une circula-
tion extracorporelle (CEC) (agrément de transfert
vers une infrastructure permettant une CEC). On
n’abordera pas ici le problème des mesures thé-
rapeutiques supplémentaires chez des patients
polytraumatisés.
Etude de cas: 1re partie
Il s’agit d’un homme âgé de 36 ans qui a été
retrouvé à l’aube, inconscient, et en hypother-
mie, sans que l’on puisse préciser depuis com-
bien de temps. Le patient gisait dans un ruis-
seau et était recouvert d’eau jusqu’au cou. La
réanimation a été entreprise immédiatement
par une équipe d’ambulanciers devant une
Quintessence
On observe des hypothermies accidentelles tout au long de l’année, et elles
ne sont pas limitées géographiquement.
L’hypothermie accidentelle est un événement rare, souvent méconnu, avec
un taux de mortalité élevé. Toutefois, il existe un groupe de patients qui n’est
pas clairement identifiable au départ mais qui a un excellent pronostic, à condi-
tion de disposer de modalités thérapeutiques prêtes à l’avance et de collabora-
teurs formés à cet effet.
La réanimation cardiopulmonaire d’un patient en hypothermie se diffé-
rencie des autres types de réanimation par la mise en œuvre adéquate d’une
défibrillation et de médicaments adaptés.
Le risque d’induire des troubles du rythme est généralement surestimé et ne
justifie nullement de renoncer à mettre en œuvre des mesures thérapeutiques
invasives lorsqu’elles sont indiquées.
Les différentes techniques passives de réchauffement peuvent aussi être uti-
lisées par paliers dans les petits services d’urgence. Pour pouvoir faire profiter
un patient d’une circulation extracorporelle (CEC), les modalités de transfert
doivent être préalablement établies
Le maintien d’une hypothermie thérapeutique à la fin de la phase de réchauf-
fement est un nouveau concept, mais celui-ci n’a pas encore été analysé par des
études spécifiques.
Seul un patient réchauffé peut être déclaré mort, mais il existe toutefois des
critères spécifiques qui ne justifient pas un réchauffement.
Les critères d’arrêt de la réanimation méritent une attention toute particulière.
Summary
Accidental hypothermia (transient death)
Accidental hypothermias occur throughout the year and are not confined
to particular geographical areas.
Accidental hypothermia is a frequently overlooked, rare occurrence with
high mortality. However, the patients, although initially not a clearly identi-
fiable group, have an excellent prognosis. The precondition for this is a well
prepared therapeutic setup and trained personnel.
The distinctive features of cardiopulmonary resuscitation in the hypother-
mic patient are adapted use of defibrillation and drugs.
The risk of induced arrhythmias is usually overestimated and on no account
justifies withholding indicated invasive measures.
Various passive rewarming techniques are also possible stepwise in smaller
emergency departments. Connection of the patient to extracorporeal circula-
tion (ECC) requires a fixed transfer routine.
Maintenance of therapeutic hypothermia at the end of the rewarming phase
is a new concept which has not, however, been investigated in specific studies.
Only a rewarmed patient may be declared dead, unless specific criteria are
present which do not justify rewarming.
The criteria for interruption of resuscitation require particular attention.
Etude de cas: 2epartie
Au service des urgences, asystolie persistante,
poursuite de la RCP; pas de médicaments. Les
taux sanguins de glucose, électrolytes, hémo-
globine étaient dans les limites de la norme.
Hormis la présence de zones bleues marmo-
réennes sur les zones de pression au niveau
des genoux, absence de lésions. Poursuite du
processus de réchauffement à l’aide de per-
fusions chaudes (41 °C/Level1™), de lavages
de la vessie (42 °C/four à micro-ondes) et d’une
couverture chauffante (46 °C/Therma care™).
Confirmation, par le chirurgien cardiaque
appelé sur place, de l’indication à un réchauf-
fement sanguin extracorporel à l’aide d’un
pontage fémoro-fémoral (Biomedicus™). Re-
montée de la température centrale à 20 °C.
Réanimation
Avant l’arrivée à l’hôpital
Pour le médecin urgentiste se posent deux ques-
tions: d’une part, qu’est-ce qui doit être entrepris
sur place? Et d’autre part, vers quel service diri-
ger le patient? En présence de plusieurs patients
se pose en outre l’aspect du triage. La prise en
compte de l’exposition personnelle aux risques
lors de l’intervention (sauvetage en montagne)
fait également partie de ces réflexions [5].
Le premier bilan réalisé chez le patient en hypo-
thermie sert à établir les besoins en réanimation.
La recherche d’une bradypnée/bradycardie jus-
tifie une évaluation «ABC» soigneuse pendant au
moins une minute.
La réanimation est également entreprise dans
les cas douteux comportant une insuffisance res-
piratoire ou une absence de circulation, et ceci
d’autant plus que la température corporelle cen-
trale précise n’est pas connue et qu’elle ne sera
relevée qu’au cours de la réanimation. Ventila-
tion et compression thoracique seront mises en
œuvre en fonction des directives publiées fin
2005 comme pour un patient normotherme [4].
Les recommandations visant à manipuler le
moins possible le patient sont le plus souvent
bien loin de la réalité d’une situation de sauve-
tage. Il faut toutefois d’autant plus prendre garde
à l’induction de troubles du rythme ou d’une
asystolie.
Le début de la réanimation peut d’autre part être
soumis aux contraintes logistiques rencontrées
sur le terrain. Seule une telle situation peut jus-
tifier un retard [5].
La confirmation d’une asphyxie mortelle après
une noyade ou un ensevelissement est extrême-
ment difficile. Seul un médecin urgentiste expé-
rimenté est en mesure d’arrêter une réanimation
à ce moment-là déjà [4, 5].
Pour ce qui est des mesures de réanimation sur
place, il faut empêcher, de façon logique, une
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bradypnée (3/min) et une absence de pouls
palpable. Le patient a été intubé par le méde-
cin de la REGA arrivé sur les lieux. Absence
de résultat suite à l’utilisation d’adrénaline
(2 mg/intratrachéal, 1 mg/iv.) ainsi que d’atro-
pine 3 mg (iv.). A ce moment-là, la température
centrale mesurée au niveau de l’œsophage était
de 18 °C. Suspicion d’une toxicomanie dans
l’anamnèse (drogues, médicaments).
Diagnostic de l’hypothermie
L’hypothermie se définit par une température
centrale inférieure à 35 °C. La mesure de la tem-
pérature centrale se fait le plus souvent par voie
rectale ou par voie œsophagienne à l’aide d’une
sonde. Les sondes font partie des moniteurs de
surveillance courants ou sont des thermomètres
spéciaux comme par exemple DataTherm™.
L’existence d’une hypothermie légère passe sou-
vent inaperçue car elle n’est pas recherchée sys-
tématiquement et les symptômes ne sont pas
spécifiques. Devant le tableau clinique, l’impor-
tance de l’hypothermie est le plus souvent sous-
évaluée. Un résumé succinct de la clinique figure
au tableau 1 p.
La classification de l’hypothermie en fonction
de son importance, de légère à grave, n’est pas
établie de façon uniforme [4–9]. Il est décisif pour
le choix de la procédure thérapeutique de se ré-
férer non pas à la classification par stade, mais
à la présence d’une activité cardiorespiratoire ou
d’une température inférieure à 30 °C [4].
Physiopathologie
Pour les différents aspects physiopathologiques,
nous renvoyons à la littérature et en particulier
aux travaux d’Epstein [9], Kempainen [8] et
Danzel [6].
Tableau 1. Evaluation de l’hypothermie.
Paramètre <35–32 °C <32–30 °C <30 °C
Froid et livide Signes non spécifiques et toujours présents
Frissons Importants En diminution Absents
Fréquence respiratoire 24 44– Nulle
Fréquence cardiaque 24 44– Asystolie
Rythme Sinusal Arythmie Arythmie
sinusale/atriale ventriculaire
Pression artérielle 2– Normal 444– Nulle
Etat de conscience Normal – Léthargie Confusion – Euphorie Coma
Pupilles Normales Normales – Dilatées Fixes dilatées
Réflexes Normaux 444– Aréflexie
ECG Normal Ondes J* Ondes J* + QT2**
* «ondes J» ou «ondes d’Osborn» sont de petites susdénivellations qui surgissent
directement après le complexe QRS, notamment dans les dérivations précordiales.
** De plus, tous les intervalles (RR, PR, QRS, ST) augmentent continuellement [17, 18]
Le traitement volumique est réalisé le plus sou-
vent de façon automatique par l’administration
généreuse de perfusions chaudes. La perfusion
de base comportera un soluté de NaCl à 0,9%
avec adjonction de glucose selon les besoins. Le
Ringer-lactate est contre-indiqué en raison du
danger d’hyperkaliémie et de la limitation du
métabolisme hépatique avec possibilité d’accu-
mulation de lactane. Les besoins volumiques
peuvent atteindre plusieurs litres au cours du
traitement et sont souvent sous-estimés par rap-
port au développement possible d’une rhabdo-
myolyse et d’un syndrome de fuite capillaire. Pour
ce qui concerne la vitesse de l’apport, on doit tenir
compte de la chute initiale de la fonction myocar-
dique. C’est pourquoi il est utile de mettre en
place précocement une mesure de la pression
veineuse centrale (PVC) dans le service des
urgences. On s’efforcera d’atteindre une pression
veineuse centrale de 10 à 12 cm. La nécessité
de recourir à une voie veineuse centrale résulte
aussi souvent de l’impossibilité de mettre en place
un accès veineux périphérique. Le cathéter uri-
naire permet également d’évaluer la situation
circulatoire.
L’utilisation de médicaments chez des patients en
hypothermie est comparable à un phénomène de
«boîte noire». Nous n’avons aucune représen-
tation claire de la pharmacocinétique ni de la
pharmacodynamique des médicaments en situa-
tion d’hypothermie. On peut évoquer notamment
le danger d’une accumulation puis d’une libéra-
tion retardée des médicaments pendant le ré-
chauffement. Nous mettons aussi en garde contre
les effets arythmogènes des substances cardio-
actives. Pour ces raisons, nous ne pouvons que
déconseiller l’utilisation de médicaments au-des-
sous de 30 °C [4]. Entre 30 et 32 °C, l’intervalle
entre les doses sera prolongé. L’utilisation de fai-
bles doses de catécholamines peut néanmoins être
indiquée au cours du traitement [7]. L’utilisation
d’antibiotiques peut être envisagée en cas de
suspicion d’un processus septique concomitant.
Les stéroïdes n’ont qu’une seule indication: en
traitement substitutif, comme par exemple dans
l’insuffisance surrénalienne.
Paramètres sanguins et diagnostics
Le potassium et le glucose comptent parmi les
quelques paramètres sanguins qui doivent être
contrôlés régulièrement dans le cadre de l’acti-
vité métabolique croissante. Ce contrôle se fait
de la façon la plus simple qui soit, par l’analyse
des gaz du sang veineux. La kaliémie initiale a
une signification importante dans le cadre de la
détermination d’un pronostic défavorable. Après
un refroidissement rapide, une hyperglycémie
initiale est fréquente, mais elle se corrige pen-
dant le réchauffement chez les sujets non diabé-
tiques sans instauration d’insuline. En revanche,
après un refroidissement lent, les patients pré-
sentent plutôt une hypoglycémie.
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perte de chaleur supplémentaire pendant le sau-
vetage et le transport du patient.
L’équipement spécifique du service de sauvetage
est à disposition. La mesure de base la plus im-
portante est l’enveloppement chaud et intégral
comportant des sachets chimiques chauffants
comme par exemple une couverture de survie
Heat Wave™. L’enlèvement des vêtements
mouillés n’est utile que pour un temps de trans-
port prolongé (>12 h) et dans un environnement
protégé. De même, la perfusion doit immédiate-
ment être chauffée (par exemple «save and
warm™», «Lavatherm®»). Sur le terrain, on ne
doit dans aucun cas perdre du temps à chercher
un accès veineux (max. 5–10’). Evoquons
aussi comme alternative la mise en place d’une
aiguille intra-osseuse (par exemple «Bone Injec-
tion Gun™»).
Le patient en hypothermie qui présente un arrêt
circulatoire ou une hypothermie grave (<30 °C)
doit si possible être immédiatement transféré
dans un centre disposant d’une infrastructure de
CEC. Si la circulation est encore maintenue, l’hô-
pital cible doit disposer au moins d’un service de
soins intensifs.
Voies respiratoires et ventilation (A + B)
Conformément au premier palier, la liberté
des voies respiratoires doit être assurée et la
respiration soutenue par une administration
d’oxygène en fonction de la situation. La colonne
cervicale doit être stabilisée si un traumatisme
n’est pas exclu.
Comme dans d’autres situations de réanimation,
l’indication à une intubation est donnée par la
perte du réflexe de protection ou par le danger
d’aspiration. Le facteur température joue aussi
un rôle lors de la mise en place de la médication
d’induction dont l’efficacité baisse rapidement
au-dessous de 30 °C. Aussi certains auteurs re-
commandent de renoncer aux myorelaxants et
de se limiter uniquement à une sédation à dose
réduite.
L’oxymétrie de pouls ne livre aucune donnée
fiable, la surveillance globale de l’efficacité de
la ventilation dépend en premier lieu de la gazo-
métrie.
Circulation et déficit (C + D)
L’efficacité de la défibrillation chez les patients
en hypothermie est une autre question sujette
à controverse. La littérature théorique donne
la plupart du temps une température limite de
28 à 30 °C. Toutefois, des études de cas signalent
que la réussite d’une défibrillation est également
possible avec des températures plus basses.
Une tentative unique est ainsi justifiée à partir de
26 °C. Dans ce cas, une décharge unique est ap-
pliquée en monophasique à 360 J, en biphasique
à 200 J ou selon la recommandation du fabri-
cant. Dans le cas où cette manœuvre reste vaine,
il faut attendre le réchauffement jusqu’à 30 °C.
Dans un service d’urgence instruit, des mesures
externes passives peuvent immédiatement être
administrées, à savoir couverture chauffante,
isolation thermique, et perfusions chaudes
(42–44 °C). Les perfusions peuvent sans pro-
blème être réchauffées dans un four à micro-
ondes; autre possibilité: une petite réserve de
perfusions peut être placée en permanence dans
une armoire chauffante (42–44 °C; changer les
solutés de perfusion tous les mois).
Une couverture chauffante ventilée (par exemple
Bair Hugger®) est également particulièrement
simple à utiliser et efficace. Outre l’apport de cha-
leur, il faut empêcher toute perte supplémentaire.
On peut, dès la phase de préparation, utiliser une
couverture chauffante pour réchauffer le lit et la
pièce. Au cours de la première heure, le réglage de
la température sera à la puissance maximale (46 °C),
tandis que 41 °C seront suffisants par la suit
e.
Des lavages de vessie et d’estomac sont faciles à
mettre en œuvre à l’aide d’un dispositif de lavage
d’estomac, mais leur efficacité est limitée. Le
lavage de la plèvre et du péritoine sont plus effi-
caces. Ces manœuvres ne sont actuellement
justifiées que devant une hypothermie grave et
lorsque l’accès à un réchauffement extracorpo-
rel n’est pas réalisable. Il faut toujours choisir
des solutés sans potassium.
Réchauffement par circulation extracorporelle
Lorsqu’un patient en hypothermie est réanimé,
il faut toujours, si possible, mettre en œuvre une
méthode de réchauffement invasive. Ceci peut
aussi être envisagé pour des patients très froids
(<30 °C) dont la fonction circulatoire est mainte-
nue ou restaurée.
Après le sauvetage, le patient est «métabolique-
ment placé sur de la glace» pendant une période
courte, mais critique. Ce temps sera utilisé pour
organiser le transport. Les modalités de transfert
vers un lieu permettant une circulation extracor-
porelle doivent être préparées à l’avance dans le
cadre d’un protocole interne.
Le réchauffement du sang par voie extracorporelle
peut techniquement être réalisé de différentes fa-
çons. Nous ne donnerons pas ici de détails techni-
q
ues. Un élément décisif est que la technique choi-
sie soit instaurée sans retard. La mise en place
d’une circulation extracorporelle laisse imaginer
une intervention lourde. Le patient peut toutefois
être relié à une machine sans trop de moyens à
l’aide de la plupart des canules fémoro-fémorales.
La taille des appareils actuels permet de ne pas faire
dépendre cette procédure des infrastructures fixes.
Selon l’appareil utilisé, le sang peut aussi être oxy-
géné. Il existe également des options sophisti-
quées de correction électrolytique et d’équilibrage
acidobasique. En cas de contre-indication à une
héparinisation systémique, comme par exemple
chez un patient polytraumatisé, la mise en place
d’une circulation extracorporelle peut être propo-
sée avec un système de sondes héparinées.
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La correction des modifications du pH, des trou-
bles de la coagulation et d’autres détails de chi-
mie de laboratoire n’est aucunement prioritaire.
Le diagnostic de routine des paramètres san-
guins sert toutefois de valeur de base. L’apport
selon les besoins en oxygène, volume liquidien,
glucose et chaleur sont les meilleures conditions
pour la restauration spontanée et continue de
l’homéostasie et par là aussi, de l’équilibre aci-
dobasique ainsi que de la correction des troubles
de la coagulation.
Les diagnostics chirurgicaux et internistes supplé-
mentaires ne doivent pas être négligés. La priorité
de ces diagnostics dépend du contexte, de la clini-
que et de la stabilité cardiopulmonaire du patient.
Les options de réchauffement
(tableau 2 p)
Réchauffement sans circulation extracorporelle
Pour les patients en hypothermie avec conserva-
tion de la fonction circulatoire, les paliers 1 et/ou
2 des mesures thérapeutiques (méthodes de ré-
chauffement) et des perfusions chaudes consti-
tuent un traitement efficace sans avoir à recou-
rir à des équipements supplémentaires onéreux.
L’efficacité du «réchauffement conservateur»
conséquent est étayée, de telle sorte qu’en cas
d’accès impossible à une technique de pontage,
l’intensification de ces mesures est parfaitement
fondée [3, 10–12].
Tableau 2. Méthodes de réchauffement.
Options Efficacité**
Palier 1
Externe passive Augmentation de la température de la pièce [>25 °C]
Déshabiller et sécher, couvertures chaudes, 0,5 °C/h 2
couverture de survie isolante
Isolation de la tête et du cou
Palier 2
Externe active Enveloppements chauds du tronc (sans contact cutané!) ?
Système de réchauffement par ventilation d’air chaud 1–2,5 °C/h 2
(Bair Hugger®) [41–46 °C]
Palier 3
Interne active Perfusions chaudes de NaCl (Level1™/ dispositif de 1–2 °C/h 2
réchauffement des solutés sanguins) [41–45 °C]
Ventilation par air chaud et humide [42 °C]*** 1–2 °C/h 2
Lavages de la vessie et / ou de l’estomac 2 °C/h 2
(cathéter de lavage à 2 voies)
Lavage du péritoine, de la plèvre (2 drainages à droite) 2–3 °C/h 2
Réchauffement du sang par voie extracorporelle
Pontage fémoro-fémoral 7–12 °C/h 2
Hémodialyse / hémofiltration 2–3 °C/h 2
* Les différentes méthodes sont combinables par palier selon la gravité de l’état
du patient.
** Les données d’efficacité sont variables dans la littérature et ne doivent être
comprises que comme des valeurs indicatives.
*** Uniquement possible avec des respirateurs équipés.
Etude de cas: 3epartie
La circulation a été réchauffée à 36 °C en 90 mi-
nutes. Une fibrillation ventriculaire survenue
à 30 °C a été convertie en rythme sinusal à l’aide
d’une défibrillation exécutée à deux reprises
et ce, quatre heures après le début de la
réanimation. Traitement sans complications
ultérieures d’un syndrome de détresse res-
piratoire et d’une rhabdomyolyse (CK max.
61760 mmol/l) avec aponévrotomie de la
jambe droite. Le patient a pu être extubé au
bout de 48 heures et n’a présenté aucun défi-
cit neurologique en dehors d’une amnésie
passagère. Le patient a quitté l’hôpital au bout
de 28 jours sans troubles neurologiques et en
bon état général.
Pronostic
Une hypothermie jusqu’à 32 °C n’est pas associée
à une morbidité ou une mortalité accrue. Malgré
un traitement optimal, une mortalité élevée
(53–80%) persiste cependant pour les hypother-
mies accidentelles graves (<28 °C). Pour les cas in-
termédiaires, cette mortalité peut atteindre 20%
[1, 2, 14]. Des facteurs comme l’âge (>65 ans), la
CABINET Forum Med Suisse 2006;6:939–944 943
Augmentation de la température
La vitesse à laquelle l’augmentation «idéale» de
la température doit être faite n’est pas clairement
définie. Avec des mesures conservatrices, il faut
atteindre une vitesse d’au moins 1–1,5° C/h. La
technique du pontage exige d’appliquer les
règles de la chirurgie cardiaque. On ignore si la
diminution de la mortalité dépend d’une aug-
mentation très rapide de la température. Il est
décisif de viser à obtenir une augmentation
régulière et continue.
Coma hypothermique
L’arrêt prématuré du réchauffement d’un patient
toujours inconscient n’a pas fait l’objet à ce jour
de larges discussions. Dans le cadre de ce nou-
veau concept, le patient est gardé en hypother-
mie pendant 24 heures (32–34 °C), en analogie
avec l’hypothermie post-réanimation dans d’au-
tres situations [4, 15]. Il n’existe aucune étude
spécifique à ce sujet, mais il n’y a aucune raison
évidente pouvant empêcher ce concept d’être uti-
lisé dans l’hypothermie accidentelle.
Figure 1
Algorithme: Hypothermie accidentelle (adapté selon Koller R et al. [10])
Patient en hypothermie
Réchauffement sans CECRéchauffement avec CEC
Patient déclaré mort
Intubation, ventilation
ECC accessible
Maintien de l’hypothermie
thérapeutique (32–34 °C)
Arrêt cardiocirculatoire
Réanimation cardio-
pulmonaire (ACLS)
Oui
Oui
Non
Non
Assurer les voies respira-
toires, ventilation suffisante
Non
– Thorax gelé
– Lésions graves
– Sang thrombosé
– K+>12 mmol/
Ordre du patient (DNAR)
Non
Continuer la REA
Décision médecin-chef
Rythme de perfusion Oui
Oui
Non
Oui
Oui
Non
Oui
T° centrale <30 °C
1 / 6 100%
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