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RÉANIMATION
36 | La Lettre de l’Infectiologue • Tome XXIX - n° 1 - janvier-février 2014
L’hypothermie thérapeutique au cours des méningites
bactériennes graves n’améliore pas le pronostic
F. Bruneel (Service de réanimation médicochirurgicale,
centre hospitalier deVersailles, LeChesnay)
Contexte
La mortalité et la morbidité (séquelles neurologiques) des méningites bactériennes (MB)
restent élevées, particulièrement au cours des méningites à pneumocoque. Dans ce contexte,
il n’y a pas actuellement de progrès notable attendu au niveau du traitement antibiotique
des MB ; une corticothérapie précoce sur 4jours a montré son efficacité, surtout au cours
des MB à pneumocoque et dans les pays développés.
Parmi les traitements adjuvants des MB, l’hypothermie thérapeutique (HT) pourrait s’avérer
séduisante, comme le suggèrent les modèles animaux de MB, quelques cas d’utilisation
ponctuelle au cours de MB chez l’homme et, surtout, les grands essais en post-arrêt cardiaque
(rythmes choquables), où l’HT modérée (32-34 °C) a montré son efficacité. En revanche, au
cours du traumatisme crânien grave, l’effet de l’HT est plus controversé. L’ensemble de ces
données suggère que l’HT pourrait être un traitement adjuvant intéressant au cours des
MB graves, prises en charge en réanimation. Cet essai se propose donc d’évaluer l’intérêt
de l’HT au cours des MB graves de l’adulte (diapositive1).
Méthode
Il s’agit d’un essai multicentrique randomisé ouvert mené dans 49unités de réanimation
en France, chez des adultes présentant une MB communautaire grave (coma défini par un
score de Glasgow Coma Scale≤8 depuis moins de 12heures) et traités par une antibio-
thérapie adéquate. Après randomisation, les patients étaient inclus soit dans le groupe HT,
où ils étaient maintenus en HT entre 32 et 34 °C durant les 48heures suivant l’inclusion,
soit dans le groupe contrôle, où la prise en charge habituelle (sans HT) était appliquée. Le
critère principal était le score du Glasgow Outcome Scale (GOS) à 3mois (5correspond à
une évolution favorable ; alors qu’un score de4 à1 correspond à une évolution défavorable
où le score de1 correspond au décès) [diapositive2]. L’analyse statistique, fondée sur
un taux attendu d’évolution défavorable de 35 % dans le bras contrôle et sur l’hypothèse
d’une réduction du risque absolu de 15 %, avec un risque
α
de 5 % et une puissance de
80 %, avait conclu à la nécessité d’inclure 276patients au total. Trois analyses intermédiaires
étaient prévues, et un groupe de surveillance de la sécurité des données (DSMB) des effets
indésirables et de la mortalité se réunissait tous les 50patients inclus.
Principaux résultats
Après l’inclusion des 98premiers patients, le DSMB a demandé l’arrêt de l’essai (diapo-
sitive3), car la mortalité à 3mois était significativement plus élevée dans le groupe HT
(51 %) que dans le groupe contrôle (31 %) [RR=1,99 ; IC95 : 1,05-3,77 ; p=0,04]. Chez
ces 98patients, un score de GOS défavorable à 3mois (critère principal) était retrouvé chez
86 % des patients dans le groupe HT versus 74 % dans le groupe contrôle [RR=2,17 ; IC
95
:
0,78-6,01 ; p=0,13]. La majorité des patients (77 %) présentait une MB à pneumocoque, et
l’analyse de ce sous-groupe allait dans le même sens. Enfin, l’analyse post hoc des résultats
des 98premiers patients suggérait qu’il était très peu probable (2,3 %) que l’HT soit associée
à une meilleure évolution à l’issue de la totalité de l’étude.
Commentaire
Même si cet essai a été interrompu prématurément
dans le contexte imparable d’une mortalité signi-
ficativement plus élevée, la réponse à l’hypothèse
initiale – l’HT modérée améliore-t-elle le pronostic à
3mois des MB graves de l’adulte ? – semble acquise :
c’est non ! Ainsi, les effets bénéfiques de l’HT
montrés au cours de l’arrêt cardiaque en fibrillation
ventriculaire ne sont pas confirmés au cours des
MB graves. Il est probable que la physiopathogénie
de la souffrance cérébrale est différente au cours
de ces 2pathologies. De même, cet essai clinique
ne confirme pas les données retrouvées dans les
modèles de MB chez l’animal. Cela confirme que
l’homme n’est pas une souris clonée ! Plus sérieuse-
ment, les auteurs soulignent de nombreuses hété-
rogénéités dans le timing de l’infection et dans les
modalités de la prise en charge, inhérentes à la
plupart des essais cliniques réalisés dans la vraie vie.
On peut ensuite se demander pourquoi la mortalité
est plus élevée dans le groupe HT. Les 2 groupes
ne sont pas différents à l’admission, même s’il y
a un peu plus de patients en choc septique dans
le groupe HT. Dans ce dernier, l’hypothermie est
obtenue (techniques hétérogènes) assez rapide-
ment, et est correctement maintenue pendant
48heures. On peut s’interroger sur cette durée
choisie, puisque, durant l’arrêt cardiaque, le proto-
cole le plus étudié inclut une durée de 24 heures
seulement. Les complications en cours d’hospitalisa-
tion ainsi que les traitements ne diffèrent pas dans
les 2 groupes. Le groupe HT a probablement reçu
plus d’expansion volémique initialement, puisque
l’hypothermie est instaurée par un remplissage
vasculaire par serum salé à 0,9 % froid. Dès lors, on
peut s’interroger sur les conséquences (hémodyna-
miques et métaboliques) potentiellement délétères
de ce remplissage. Les auteurs abordent la partie
métabolique en discutant le rôle d’une discrète
augmentation de la natrémie dans le groupe HT.
Enfin, l’absence de neuro-monitoring continu a pu
être plus défavorable aux patients en HT, puisque
l’examen neurologique de ces patients (curarisés
durant les 48 heures de l’HT) est peu informatif.
Référence bibliographique
Mourvillier B, Tubach F, van de Beek D et al. Induced
hypothermia in severe bacterial meningitis. JAMA 2013;
310(20):2174-83.
Pour en savoir plus
▸ Van de Beek D, Brouwer MC, Thwaites GE, Tunkel AR.
Advances in treatment of bacterial meningitis. Lancet
2012;380(9854):1693-702.
▸ Brouwer MC, McIntyre P, Prasad K, van de Beek D.
Cortico steroids for acute bacterial meningitis. Cochrane
Database Syst Rev 2013;6:CD004405.
▸ Bernard SA, Gray TW, Buist MD et al. Treatment of
comatose survivors of out-of-hospital cardiac arrest with
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▸ Hypothermia After Cardiac Arrest Study Group. Mild
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