Séquence : Qu’est-ce que l’esprit des lumières ?
Objet d’étude : La question de l’homme dans les genres de l’argumentation du XVI° siècle à nos jours
VOLTAIRE, Candide (1759)
Lecture analytique n°!④":"le"dénouement
Dernier&chapitre&(chapitre&XXX)!:!“Il!y!avait!dans!le!voisinage!un!derviche!très!fameux...”!!jusqu’à&la&6in
I) Introduction
- Situation générale : “J’écris pour agir”, dira Voltaire dans une lettre de 1767 : lorsqu’il écrit des contes, le plaisir de
raconter une histoire est inséparable du désir d’éclairer les hommes et de diffuser des idées.
C’est d’ailleurs le genre du conte qui veut cela : un conte en effet, au-delà de la distraction et du délassement qu’il
apporte, veut aussi faire réfléchir, délivrer un message, un enseignement. C’est pourquoi Voltaire définissait ses contes
(Candide, Zadig, L’Ingénu...) comme de “petits morceaux de philosophie allégorique”.
Au sens premier, une allégorie est une figure de style qui consiste à présenter de façon imagée (souvent une
personnification) une idée abstraite : chaque élément de l’idée est représenté symboliquement. Ainsi une
allégorie met en scène une idée à travers divers symboles.
!Ainsi l’amour est représenté par un enfant (= le jeu, l’absence de raison, le caprice), tirant des flèches
(= la blessure amoureuse) avec son arc (une arme qui porte loin, l’amour pouvant naître entre deux personnes
qui n’ont a priori rien en commun) et portant parfois une écharpe sur les yeux ( = aveuglement de l’amour on ne
voit que les bons côtés de la personne).
!La mort est représentée par une faucheuse (la faux coupe une grande quantité d’herbe
à la fois, sans distinction). Elle est squelettique au sens propre (le squelette reste bien après la
disparition des chairs), elle porte une robe noire (couleur de la mort en Occident) et est souvent à
demi cachée par une capuche (la mort peut arriver par surprise).
!Allégorie du capitalisme. Plusieurs éléments : il est gros (il a beaucoup
accaparé, plus que son besoin), il écrase des centaines de personnes (il s’enrichit en
exploitant les autres, en ne respectant pas son prochain), il détruit tout sur son passage
(la logique du profit poussée à l’extrême réduit les masses à la misère et par là ruine le contrat social), il sourit
(il est indifférent à la souffrance humaine).
!Dans les “vanités”, tableaux dont le but est de rappeler la précarité1 de la condition
humaine, plusieurs symboles construisent l’allégorie : le sablier évoque le temps qui passe
inéluctablement, la fleur correspond à la fragilité de la vie, et le crâne évoque bien sûr la mort.
Ainsi, plutôt que de nous présenter un exposé philosophique abstrait sur ce qu’il pense de la
philosophie optimiste de Leibniz, Voltaire met en scène des personnages dont chacun incarne une idée.
C’est tout le conte qui est allégorique, c’est-à-dire qu’il a un sens symbolique (préjugés nobiliaires,
guerre, fanatisme religieux, esclavage, injustice de la mort de l’anabaptiste = le monde va aussi mal que possible,
aveuglement, indifférence et entêtement du philosophe optimiste Pangloss = stupidité de la philosophie optimiste).
Ces “petits morceaux de philosophie allégorique” ont donc une double caractéristique :
-en tant que contes, ce sont
- des œuvres courtes
- aux personnages schématiques
- dans une action à la fois mouvementée et empreinte d’exotisme et/ou de merveilleux
- dont on tire une leçon
-en tant que “morceaux de philosophie”, ils offrent une leçon
-non pas d’ordre moral, mais d’ordre philosophique
-les sous-titres des contes sont à cet égard révélateurs : Candide ou l’Optimisme, Zadig ou la Destinée
-Situation particulière :
Nous voilà à la fin du conte, au moment où cette leçon va être délivrée.
Accablés de malheurs, mutilés, vieillis et enlaidis, les personnages se retrouvent en Asie mineure, près de
Constantinople (aujourd’hui Istanbul). Ils vivent maintenant dans une modeste métairie2. Ils vivent en paix, MAIS
s’ennuient... au point même de regretter leurs tribulations et leurs malheurs passés ! Ils vont alors rencontrer deux sages
(un derviche musulman qui refuse la métaphysique et ses questions sans réponse et un “bon vieillard” qui refuse l’action
politique), qui inciteront Candide à engager la petite communauté dans une vie quasi autarcique, dans un monde où
chacun trouvera sa place et son équilibre.
1 Précarité = fragilité, instabilité
2 Un domaine agricole dont on n’est pas propriétaire peut être loué selon deux systèmes : soit l'exploitant donne au propriétaire une
partie de ses récoltes, il est alors métayer (dans une métairie) ; soit l’exploitant paye une location, il est alors fermier (dans une ferme)
II) Lecture
III) Axe et plan
Nous allons étudier la leçon du conte.
Pour ce faire, nous verrons tout d’abord la renonciation aux grands rêves, puis nous étudierons plus précisément les
caractéristiques de la “parabole” du jardin avant d’analyser ce qui a changé par rapport au début du conte.
IV) Explication
A) La renonciation aux grands rêves
1) La renonciation au grand amour
Les sentiments de Candide envers Cunégonde semblent s’être bien affaiblis. Elle est devenue si laide que lorsqu’il la
retrouve au chapitre 29, il a... un recul de dégoût !
Cunégonde, qui a toujours été présentée comme un objet de désir, semble avoir perdu tout intérêt maintenant qu’a
disparu sa beauté. Si Candide l’épouse finalement, c’est uniquement par devoir (son sens de l’honneur le pousse à
respecter sa promesse)
!Ex : Ah ! belle ou laide, dit Candide, je suis honnête homme et mon devoir est de l'aimer toujours (Chap. 27)
Par devoir et par défi, en réponse au snobisme du frère, qui n’aurait voulu pour sa sœur qu’un “baron de l’Empire”.
!Ex : Mais l’impertinence extrême du baron le déterminait à conclure le mariage (Chap.30)
Mais cette absence de beauté que Voltaire constate sur un ton faussement détaché (“Cunégonde était, à la vérité, bien
laide”) semble compensée par une autre qualité, nettement plus prosaïque : “mais elle devint une excellente pâtissière”.
Désormais, les amoureux ne vivront pas d’amour et d’eau fraîche mais se nourriront de bons petits plats, ce qui les fait
quelque peu descendre des hauteurs éthérées3
de l’amour. C’est une vision pessimiste de l’amour que propose ici
Voltaire : la passion ne survit pas au temps, l’amour romantique est une utopie au même titre que la société de
l’Eldorado. Candide d'ailleurs saura avoir la sagesse de s’accommoder de cette réalité.
2) La renonciation à la politique et à la vaine gloire
La petite communauté va se mettre volontairement à l’écart du monde, conformément aux idées du “bon vieillard” qui
présente son art de vivre tranquillement et sur le ton posé de celui qui a longuement réfléchi à la question (“je n’ai jamais
su le nom d’aucun muphti ni d’aucun vizir (...) je ne m’informe jamais de ce qu’on fait à Constantinople”). Cette
tranquillité (“prenait le frais à sa porte sous un berceau d’orangers”) contraste d’ailleurs brutalement avec la phrase
précédente (“on venait d’étrangler à Constantinople deux vizirs / on avait empalé plusieurs de leurs amis”) et le lecteur
peut se demander si l’on n’atteint pas là une sorte d’indifférence ?
On notera par ailleurs le paradoxe qu’il y a d’arriver à un tel détachement de la situation pour quelqu’un d’aussi engagé
dans les affaires de son temps que le fut Voltaire —cf l’affaire Calas, ou celle du chevalier de la Barre—...
- En effet se mêler de politique est dangereux, les “affaires publiques” n’étant qu’une suite d’intrigues et de brutalités.
C’est ainsi que Pangloss, remontant à l’Ancien Testament4, égrène une longue liste de rois morts violemment :
!Ex : car enfin, Eglon, roi des Moabites, fut assassiné par Aod... (Chap.30)
- Par ailleurs, le passage si rapide de la toute-puissance à la mort montre que la roue tourne5 : rien n'est jamais assuré,
à chaque instant le hasard peut tout ruiner et remettre en question la situation la mieux établie. Etre au sommet de
l’échelle sociale, c’est à chaque instant pouvoir en tomber. C’est d’ailleurs ce qui s’était passé pour la vieille, devenue
esclave alors qu’elle était la fille d’une princesse et d’un pape6 ; c’est aussi ce qu’ont vécu les six rois avec lesquels
Candide et Martin ont “eu l’honneur de souper” :
!Ex : un sultan turc, un empereur russe, un roi anglais, deux rois polonais, et même un roi de Corse (Chap. 26)
3) Le rejet de la pensée spéculative7
C’est la leçon du derviche, une leçon qui s’adresse d’ailleurs particulièrement à Pangloss (— Que faut-il donc faire ? dit
Pangloss. —Te taire, dit le derviche.)
C’est à la fois le refus des théories abstraites qui ne prennent pas en compte la réalité, et le refus des discours inutiles.
!!a) Le refus des grandes théories abstraites
Ainsi à la question métaphysique de Pangloss sur la raison de l’existence de l’homme, le derviche n’offre pas de
réponse, mais une remise en cause de la question elle-même, sur un ton assez agressif qui n’admet pas de réplique
3 éthéré = pur, sublime, immatériel
4 Au sens ancien, un testament est un pacte d’alliance. Dans la religion judéo-chrétienne, l’Ancien Testament (alliance entre Dieu et les
hommes) est le livre saint des Hébreux (ou Juifs), et le Nouveau testament le livre saint des Chrétiens. Les deux livres forment la Bible.
5 La roue qui tourne symbolise le passage du temps au cours duquel les choses évoluent, en bien comme en mal.
Mais cette roue, c'est aussi celle de la fortune, la capricieuse déesse romaine Fortuna, divinité de la chance et du hasard.
Cette divinité est souvent représentée avec une roue symbolisant le destin changeant (celui qui peut nous faire monter très haut, mais
aussi chuter très bas) et tenant une corne d'abondance (dont le contenu n'est destiné qu'à ceux qui sont dans le haut du mouvement,
bien entendu).
6 avec toute l’irrévérence envers la religion que suppose cette idée d’être fille d’un pape (comme tout homme d’Eglise, un pape a fait
vœu de chasteté)...
7 La pensée spéculative est une pensée abstraite, théorique
(De quoi te mêles-tu ?). En effet, si l’homme s’assigne comme but de connaître l’inexplicable, il ne peut être que
malheureux. Car soit il reste dans l’incertitude, ce qui le rend inquiet, soit il se fixe sur une certitude, ce qui le rend
sectaire et intolérant. Ainsi, il vaut mieux décider d’entrée de jeu que cette question demeurera inconnaissable.
Ce sera l’optique adoptée à travers la formule, d’une simplicité concrète, qui résumera désormais les convictions
philosophiques de Candide : “Il faut cultiver notre jardin”.
!!b) Le refus des discours inutiles
Après le derviche claquant la porte au nez de Pangloss qui voulait “raisonner un peu”, après le vieillard dont les phrases
brèves et précises exprimaient en peu de mots sa pensée, c’est au tour de Candide d’appliquer cette règle du
laconisme : il va endiguer le bavardage de Pangloss
- Ainsi Candide se permet-il d’interrompre le discours de Pangloss
!Vous savez... — Je sais aussi qu’il faut cultiver notre jardin
ou encore de l’ignorer, sans même prendre la peine de contre-argumenter
!Cela est bien dit, mais il faut cultiver notre jardin
- Les phrases désormais seront brèves, à l’image des quelques mots qui suffisent à Martin pour exprimer son point de
vue (“Travaillons sans raisonner”)
L’échec de l’intellectualisme est total. Les personnages du conte refusent non seulement les questions sans réponse,
mais les raisonnements abstraits (ce qui est un peu un comble lorsque l’on connaît l’immense activité intellectuelle qui
fut celle de Voltaire). Le seul mot d’ordre désormais sera d’agir, au lieu de parler.
B) La parabole du jardin
1) Une vie cachée
Les personnages vont vivre quasiment en autarcie, dans ce qui pourrait paraître un enfermement mais constitue en fait
un espace de liberté dont ils conservent la maîtrise (par exemple, ils seront libres de ne pas accepter les intolérants
comme le frère de Cunégonde). Cette “solution” peut paraître très pessimiste, car préconiser le repli sur soi, n’est-ce pas
suggérer que pour survivre, l’homme doit fuir l’homme ?
1) Une vie calme
La nouvelle vie que se sont choisie Candide et ses compagnons sera donc à la fois :
-modeste : les personnages vont limiter leurs désirs et se contenter d’une “petite terre”, ce que Candide appellera le
jardin. Martin quant à lui cherche seulement à “rendre la vie supportable”.
- modérée : toute idéologie est écartée, car trop facilement proche de l’intolérance, qu’il s’agisse d’idéologie politique
amenant intrigues et complots, ou d’idéologie religieuse générant sectarisme et fanatisme. La petite communauté va
vivre dans une neutralité qui permettra au pessimiste Martin de côtoyer sans heurt l’optimiste Pangloss. D’où l’exclusion
du frère de Cunégonde : c’est parce qu’il était définitivement borné, qu’il restait accroché à un système féodal dépassé,
qu’il a fallu le chasser. Les préjugés et le mépris sont en effet incompatibles avec une vie collective harmonieuse.
L’intolérance est en fait la seule chose qui ne soit pas tolérée ici.
2) Une vie active
La grande leçon du “bon vieillard” est une apologie du travail : “Le travail éloigne de nous trois grands maux : l’ennui, le
vice et le besoin.” Nettement plus chaleureux que le derviche, plus aimable, plus disponible, il propose une philosophie
positive (non pas s’abstenir mais s’engager) et pragmatique (qui privilégie l’action par rapport aux idées). La nouvelle
vie sera :
-artisanale, c’est-à-dire orientée vers l’action concrète : pâtisserie, broderie, lessive, menuiserie.
Il ne s’agit plus de discuter de diverses conceptions du monde, mais d’avoir une action sur ce monde. Ce qu’approuve
d’ailleurs Pangloss qui rappelle que “l’homme fut mis dans le jardin d’Eden (...) pour qu’il travaillât” (même si lui,
Pangloss, n’a pas l’air de mettre la main à la pâte : son discours semble comme à son habitude, ne pas trouver de
traduction concrète).
- librement voulue, car née de la décision personnelle de chacune et non du caprice du sort ou d’un puissant ; et
librement organisée, puisque ne répondant à aucune loi ou règle doctrinaire
- orientée vers la collectivité : “chacun se mit à exercer ses talents”, nous dit Voltaire. Chacun apporte sa contribution,
chacun trouve sa place en se rendant utile. C’est un monde basé sur le mérite individuel (valeur bourgeoise) et on plus
sur la naissance (valeur aristocratique).
On notera que Voltaire ne propose pas de solution toute faite au problème du Mal sur terre, problème qui pourtant se
trouve au cœur de Candide puisque le conte, comme l’indique le sous-titre “ou l’optimisme”, avait entre autres comme
objectif d’interroger la réponse qu’apporte l’optimisme à cette question.
Ce que propose Voltaire, c’est de se retirer, de se soustraire à l’agitation du monde, et donc d’éviter le Mal puisqu’on
ne peut lutter contre lui du fait de son caractère universel et multiforme : mal humain (méchanceté, convoitise et
fanatisme), ou mal naturel (tremblements de terre ou maladies). Ainsi Voltaire qui a tant attaqué l’esprit de système8 ne
se hasarde pas à proposer à son tour un système. Pour lui, la solution au problème du Mal sur terre ne peut être ni
abstraite (intellectuelle), ni générale (valable pour tous) : elle doit être concrète (pratique) et purement individuelle : que
chacun fasse ce qu’il a à faire ; il s’agit d’un individualisme orienté vers l’action
C) Ce qui a changé par rapport à la situation initiale
8 Tendance à privilégier les principes dogmatiques, les idées préconçues, sans tenir compte de la réalité des faits (la façon dont
Pangloss réagit au cours du conte relève tout-à-fait de l’esprit de système)
!1) Le lieu
Candide et ses compagnons ne s’établissent pas en Allemagne (où se trouvait le château de Thunder-ten-Tronckh), et
même pas en Europe. En effet, leurs pérégrinations leur ont montré que la violence règne partout en Occident.
Allemagne : la guerre (Chap.3) ; Portugal : le fanatisme (Chap. 6) ; Surinam (Nord de l’Amérique du Sud) : l’esclavage
(Chap.19) ; France : disputes et querelles à propos de tout et de rien (Chap.22) ; Angleterre : brutalité (Chap.23) ;
Venise : six rois déchus qui racontent leur histoire (Chap.26)
Le groupe s’installe donc en Orient
- Étymologiquement, “orior” signifie “naître”, on peut donc imaginer la naissance d’une nouvelle façon d’être ensemble,
comme une utopie réalisable, qui répondrait à l’utopie irréalisable de l’Eldorado.
- On remarquera que l’empire ottoman n’était pas particulièrement connu pour sa clémence : le régime turc est en
effet loin d’une démocratie si l’on en croit les exils, empalements et autres étranglements relatés avec une désinvolture
ironique par le narrateur (“cette catastrophe faisait partout grand bruit pendant quelques heures”). Et c’est pourtant ce
pays que choisissent les personnages, comme un pied de nez à la civilisation occidentale.
- Enfin la Turquie étant un pays musulman, le choix de s’y établir montre le peu de cas que font nos personnages de leur
religion judéo-chrétienne, autre impertinence de la part de Voltaire.
!2) Les personnages
Parmi les trois personnages principaux, deux évoluent et le troisième reste tel qu’en lui-même.
!!a) Candide, personnage éponyme et héros de ce roman d’apprentissage, évolue dans le sens de la
lucidité et de l’autonomie.
- Il n’est plus asservi par les violents, Il n’est plus à la poursuite ou à la traîne des autres, c’est maintenant lui qui semble
escorté par la petite troupe : c’est lui qui tire de “profondes réflexions” de la visite au “bon vieillard”, c’est lui qui affirme
un mode de vie qui est aussi un plan d’action, bref c’est maintenant lui qui décide du destin de la petite communauté, de
même que c’est à lui que revient le mot de la fin (“cultiver notre jardin”)
- Il n’est plus dans l’illusion philosophique du “tout est bien” : après avoir dit au derviche qu’il y avait “horriblement de mal
sur la terre”, montrant par là la fin de son aveuglement et son affranchissement des théories de son maître, il est
devenu capable d’interrompre la logorrhée de celui-ci. Il s’est forgé une philosophie personnelle issue de son
expérience, une philosophie réaliste par opposition à la philosophie de Pangloss qui niait le réel.
!!b) Cunégonde, personnage féminin qui valait par sa beauté, est devenue laide. Mais elle saura se faire
bonne pâtissière, se rendant donc utile et acquérant par là sa place dans la communauté. De pur objet de décoration ou
de convoitise, elle devient actrice de sa vie.
!!c) Pangloss, lui, ne change pas d’un iota (de même que Martin, toujours aussi pessimiste), et le conte
se termine par des discours qui montent qu’il n’a rien appris : longue liste d’exemples inutiles, références aux
philosophes ou citation de la Bible qui montrent qu’il ne pense jamais par lui-même (“selon le rapport de tous les
philosophes”, citation de la Genèse “ut operaretur eum”), raisonnement absurde qui établit une relation logique entre
Inquisition et cédrats confits.
!3) La structure sociale
On est encore dans un microcosme, mais tout a changé :
- à la place des préjugés de caste et du mépris nobiliaire, une société égalitaire où chacun contribue en fonction de ses
capacités (sans oublier l’agrément : Cunégonde fait de la pâtisserie en plus de la cuisine, Paquette décore les
vêtements avec des broderies, Giroflée devient honnête homme en devenant menuisier)
- à la place d’une société de l’illusion où des chiens de basse-cour faisaient office de chiens de chasse, où un vicaire de
village jouait au grand aumônier, une organisation efficace et productive qui fait surgir l’abondance (la petite terre
rapporta beaucoup).
- à la place d’un héros chassé du paradis, un héros qui construit son propre paradis (un sort bien préférable à celui des
six rois)
- à la place des raisonnements absurdes d’un Pangloss, une philosophie pratique et agissante, qui fait la part belle au
travail et à l’effort concret.
V) Conclusion
- Adieu la philosophie ! La vie doit être axée sur le travail et l’utilité économique. Au lieu de discourir vainement et de
chercher à connaître l’inconnaissable, il faut agir (ne dit-on pas que l’action rend optimiste, tandis que la réflexion rend
pessimiste ?), en solidarité avec les autres membres du groupe, et sans chercher à atteindre une perfection qui n’est
pas de cette terre.
- On notera que le jardin n’est pas vraiment un paradis (même s’il a l’avantage d’être vrai, lui, alors que le “paradis” de
Thunder-ten-Tronckh n’était qu'illusion). Il permet seulement ce que Martin appelle “une vie supportable”. Il ne cherche
pas à atteindre une perfection qui n’est pas de cette terre, et l’idéal qu’il propose n’est pas très exaltant : Voltaire
d’ailleurs, dans une lettre du 31 mai 1761, parlera lui-même d’un “sauve-qui-peut général”.
- Enfin, le problème du Mal sur terre n’est pas réglé, il est seulement esquivé. On se met à l’écart, à l’abri, mais le
monde continue à aller aussi mal que possible.
Cet isolationnisme est en contradiction avec l'engagement dont Voltaire a toujours fait preuve. La tentation du jardin est
en fait une solution à la crise que travers Voltaire au moment de son installation à Ferney. Mais Voltaire ne résistera pas
longtemps aux sollicitations de l’actualité, et il ne faudra guère de temps pour que la retraite de Voltaire ne devienne un
des centres de l’activité politique et intellectuelle de l’Europe !
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